II. UN PLFSS DE RENDEMENT, DÉPOURVU D'AMBITION STRUCTURELLE
A. DES MESURES DE PUR RENDEMENT, AU DÉTRIMENT DE L'ACCÈS AUX SOINS ET DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
Alors que seule une réforme structurelle d'ampleur pourra résoudre, à terme, le déficit de la branche, la commission s'oppose à la succession de rustines que comporte le texte, au rendement certain mais sans colonne vertébrale, qui réduiront l'accès aux soins et pénaliseront les professionnels de santé.
1. Des mesures d'économies qui pèsent directement sur les patients
• En élargissant le champ des participations forfaitaires et des franchises et en créant un nouveau plafond sur le transport sanitaire, le Gouvernement dévoie ces outils de responsabilisation pour les transformer en leviers de rendement. Alors que le Gouvernement expose déjà les assurés en ALD à 100 euros de reste à charge supplémentaire par an avec son projet de doubler, par voie réglementaire, les montants et plafonds des franchises existantes, la commission appelle à maintenir la suppression de l'article 18, afin de préserver l'accessibilité financière aux soins.
• La commission appelle à supprimer, à l'article 28, la limitation de la durée des arrêts de travail prescrits, qui porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de prescription. Alors que le législateur se bat, depuis plusieurs années, pour libérer du temps de soin, cette limitation arbitraire et infondée médicalement mobiliserait plusieurs centaines de milliers d'heures de consultations pour prolonger des arrêts de travail artificiellement raccourcis, dans un contexte d'accès aux soins déjà fragilisé.
• Le dispositif d'ALD non exonérante, permettant d'être indemnisé plus longtemps en arrêt de travail, est inabouti en ce qu'il n'offre ni service médical rendu, ni suivi professionnel à l'assuré : tout juste conduit-il à différer la perte de revenus. Alors que les dépenses d'indemnités journalières restent incontrôlées malgré les efforts du législateur, la suppression de ce régime, inefficient, n'est toutefois envisageable qu'à condition que l'article 29 soit assorti de mesures d'accompagnement ambitieuses pour faciliter le retour à l'emploi.
• La commission s'émeut des évolutions apportées au régime de l'accès précoce (article 34), qui pourraient fragiliser ce dispositif pourtant plébiscité par les industriels et reconnu pour son rôle déterminant dans l'accès aux médicaments innovants pour les patients, en premier lieu ceux qui souffrent d'un cancer. Elle a donc adopté plusieurs amendements pour garantir l'attractivité de ce dispositif pour les industriels. Elle salue toutefois la pérennisation de l'accès direct.
• Le dispositif de référencement sélectif des médicaments thérapeutiquement équivalents, proposé à l'article 35, en excluant certains laboratoires, risque de fragiliser le tissu de l'industrie pharmaceutique français, d'accroître les tensions d'approvisionnement et à terme d'augmenter les prix. La commission appelle donc à supprimer cet article.
2. Des dispositifs inadaptés aux enjeux d'accès aux soins dans les territoires
• L'article 21 comprend plusieurs dispositions visant à organiser l'offre de soins sur le territoire qui n'ont pas convaincu la commission.
En premier lieu, l'article précise les conditions de rémunération des docteurs juniors de médecine générale. La commission regrette les difficultés de mise en oeuvre de cette réforme, dont témoignent les évolutions proposées par le Gouvernement au cours de l'examen du PLFSS. Ayant entendu les inquiétudes des étudiants, elle appelle le Gouvernement et tous les acteurs à prendre leurs responsabilités pour garantir la réussite de cette réforme très attendue.
En deuxième lieu, l'article propose de créer un contrat de praticien territorial en médecine ambulatoire, ajoutant à l'arsenal existant un nouvel outil incitatif qui ne convainc pas la commission. Elle propose de supprimer ces dispositions, pour leur substituer un dispositif autorisant à moduler la rémunération des médecins exerçant en zone sous-dense en fonction de leur patientèle.
En troisième lieu, la commission propose de substituer à la création de nouvelles officines dans les territoires isolés l'ouverture de nouvelles antennes de pharmacie sur tout le territoire.
Enfin, la commission rejoint la nécessité d'encadrer l'activité des structures de soins non programmés. Sur ce sujet, il lui semble utile de repartir de l'accord obtenu entre les deux assemblées lors de l'examen du dernier PLFSS, et d'enrichir sur cette base la rédaction proposée par le Gouvernement.
• L'article 21 bis traduit l'engagement du Premier ministre de constituer un réseau de 5 000 « maisons France Santé » d'ici à 2027. Toutefois, le texte proposé par le Gouvernement, sans aucune concertation avec les professionnels, ne vise qu'à labelliser l'existant à marche forcée sans lutter concrètement contre les déserts médicaux.
Si la commission soutient l'objectif d'amélioration de l'accès aux soins dans les territoires, elle refuse que cet enjeu majeur pour la santé de nos concitoyens se résume à une opération d'affichage politique.
C'est pourquoi elle a souhaité supprimer les dispositions relatives à la labellisation du réseau France Santé et aux communautés professionnelles territoriales de santé rebaptisées Communautés France Santé. Elle invite le Gouvernement à revoir sa copie et à concerter l'ensemble des acteurs afin d'apporter une réponse plus satisfaisante aux besoins de santé des Français.
Elle a en revanche conservé la pérennisation du dispositif Osys d'évaluation clinique et de prise en charge de certaines situations cliniques par les pharmaciens. Ce dispositif, déjà adopté par le Sénat au printemps 2025, permettra d'améliorer concrètement l'accès aux soins dans les zones en difficultés grâce à la qualité du maillage officinal.
3. Des mesures inopportunes qui sanctionnent les professionnels de santé
• S'il apparaît légitime que le régulateur tienne compte, dans la négociation des tarifs, des gains de productivité et des taux de marge, la commission considère qu'une politique unilatérale de baisse des prix fondée sur les seuls déterminants de la rentabilité serait contre-productive. C'est pourquoi elle a refusé d'attribuer au directeur de l'Uncam et au Gouvernement un pouvoir de baisse unilatérale des tarifs, prévu aux articles 24 et 24 bis, dans les secteurs pour lesquels une rentabilité excessive serait constatée. En revanche, elle a soutenu la mise en oeuvre d'un mécanisme d'identification de ces situations.
La commission a souhaité rappeler son attachement à la négociation conventionnelle et au caractère négocié des tarifs applicables aux professionnels libéraux.
• Affichant l'objectif de rendre le secteur 1 plus attractif, l'article 26 propose d'augmenter la taxation des dépassements d'honoraires. Ce dispositif est apparu inopportun à la commission : outre ses effets pervers évidents, il vise tous les praticiens du secteur 2 alors qu'une mesure ciblant les seuls dépassements excessifs aurait été plus judicieuse. La commission n'a pas rétabli cet article. Elle a par ailleurs supprimé l'article 26 bis qui visait à dérembourser les prescriptions des praticiens de secteur 3, considérant à nouveau que les patients seraient les seuls pénalisés, sans impact sur le conventionnement de ces praticiens.
• L'article 31 prévoit de sanctionner les professionnels en cas de manquement à leurs obligations de renseignement et de consultation du dossier médical partagé. La commission n'adhère pas à cet esprit de culpabilisation et préconise un dispositif incitatif, d'autant que des déploiements de logiciels référencés sont prévus jusqu'en 2028. Elle a supprimé cet article.
• Enfin, faire collecter les franchises par les professionnels de santé, comme le prévoit l'article 18, réduirait le temps médical disponible et génèrerait des tensions dans les cabinets en plaçant les soignants dans un rôle de collecteur qui n'est pas le leur : la commission s'y oppose fermement.
