II. LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL NATHALIE GOULET SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME 105 

Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » concentre près des deux tiers des crédits de la mission. Il s'agit du programme « support » de l'action extérieure de la France, placé sous la responsabilité de la direction générale des affaires politiques et de sécurité (DGAPS) et, depuis 2025, sous la co-responsabilité de la direction générale de l'administration et de la modernisation. Ce programme regroupe ainsi les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger, d'une part, ainsi que les contributions internationales versées par la France, d'autre part.

À noter qu'une grande partie des crédits du programme, hors dépenses de personnel, est composée de contributions internationales qui sont difficilement pilotables sur le plan budgétaire et rigidifient la trajectoire.

Évolution des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe
et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 645,37

2 649,94

2 693 11

2 697,67

+ 1,80 %

+ 1,80 %

Coordination de l'action diplomatique

134,69

134,69

132,70

132,70

- 1,48 %

- 1,48 %

Action européenne

171,95

171,95

178,40

178,40

+ 3,75 %

+ 3,75 %

Dépenses de personnel concourant au programme "Diplomatie culturelle et d'influence"

90,30

90,30

93,55

93,55

+ 3,60 %

+ 3,60 %

Contributions internationales

644,26

644,26

602,89

602,89

- 6,42 %

- 6,42 %

Coopération de sécurité et de défense

118,11

118,11

118,09

118,09

- 0,01 %

- 0,01 %

Soutien

284,76

293,11

300,36

308,70

+ 5,48 %

+ 5,32 %

Réseau diplomatique

758,15

754,37

787,68

783,91

+ 3,89 %

+ 3,92 %

Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement"

172,04

172,04

178,79

178,79

+ 3,92 %

+ 3,92 %

Personnel concourant à l'action "Offre d'un service public de qualité aux français à l'étranger"

206,69

206,69

214,13

214,13

+ 3,60 %

+ 3,60 %

Personnel concourant à l'action "Instruction des demandes de visa"

64,41

64,41

66,53

66,53

+ 3,29 %

+ 3,29 %

Présidence française du G7

-

-

20,00

20,00

-

-

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

A. UNE BAISSE CONJONCTURELLE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES PERMET DE DÉGAGER DES MARGES DE MANoeUVRE BUDGÉTAIRES SUR LA MISSION

1. Une baisse conjoncturelle des versements multilatéraux

La mission « Action extérieure de l'État » porte, avec la mission « Aide publique au développement », une majorité des contributions financières de la France à des entités multilatérales. Près des deux tiers des versements multilatéraux français sont inscrits sur les programmes 105, 110, 209 et 384 (ex-Fonds de solidarité pour le développement, FSD)7(*). Pour autant, le programme 105 représente une part très minoritaire du total de nos contributions.

Les contributions internationales regroupées dans le programme 105 présentent une certaine cohérence et correspondent à la première logique d'action8(*) identifiée par la Cour des comptes dans une enquête sur le financement des actions multilatérales de la France, réalisée à la demande de la commission des finances en septembre 20249(*) : la logique de l'influence politique. En matière de relations internationales, l'influence « consiste pour un acteur A à faire faire par un acteur B ce qu'il n'aurait pas fait autrement, et ce, sans recourir à la contrainte »10(*) et constitue une finalité naturelle et reconnue comme légitime11(*). Au sein du système multilatéral, l'influence politique correspond à la capacité pour un État de peser sur les décisions des grandes entités multilatérales. Cette influence se mesure essentiellement au regard du montant de ses contributions financières, qu'elles soient obligatoires ou volontaires, comme l'avaient souligné de précédents travaux de la commission des finances12(*). D'autres facteurs, à l'image de la présence de ressortissants au sein de l'administration des organisations concernées ou de la présence sur le territoire national du siège de ces organisation contribuent à l'influence d'un État.

Pour rappel, les contributions internationales se divisent entre :

les contributions obligatoires, qui découlent d'un engagement en droit international public, généralement un traité ou un accord international. L'approbation des traités ou accords engageant les finances de l'État doit, pour mémoire, être soumise à l'accord du Parlement ;

les contributions volontaires, qui ne découlent pas d'engagements juridiques formels, mais d'engagements politiques.

Les contributions obligatoires, qui constituent des dépenses non pilotables, représentent la très grande majorité des contributions multilatérales du programme 105. Ainsi, pour l'exercice 2026, plus de 95 % des versements multilatéraux du programme 105 (hors contributions européennes, présentent un caractère obligatoire. Il s'agit des versements, d'une part, au système onusien et, d'autre part, aux entités de la coopération interétatique, à l'image de l'OTAN, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou de l'OCDE. La France participe ainsi à 33 accords internationaux de ce type, tous financés sur le programme 105, à l'exception de l'Organisation internationale de la Francophonie.

Pour autant, par rapport aux contributions obligatoires, les contributions volontaires offrent aux donateurs la possibilité d'orienter ces financements vers leurs priorités géographiques ou thématiques. La pratique du « fléchage » des contributions permet une « rebilatéralisation » de ces contributions multilatérales et avait été encouragé par la commission des finances13(*).

Hormis les contributions européennes, présentées infra, les contributions internationales du programmes 105 se déclinaient jusqu'alors en trois ensembles : les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations unies, les contributions internationales versées en euros et les contributions internationales versées en devises. Dans un souci de plus grande lisibilité de nos versements multilatéraux, la maquette budgétaire du programme 105 regroupe les contributions internationales hors OMP en deux ensembles : les contributions dans le domaine de la paix et de la sécurité internationale, d'une part, et les contributions concourant à la promotion du multilatéralisme, d'autre part.

Toutefois, afin d'opérer une comparaison par rapport aux exercices passés, le présent rapport conserve la distinction entre contributions en euros et contributions en devises.

À noter que si l'on prend en compte les contributions aux opérations de maintien de la paix, près de deux tiers des contributions du programme 105 financent le système onusien.

Évolution des contributions internationales portées par la France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur ces trois ensembles, comme l'année précédente, le montant des contributions aux OMP recule sensiblement sur l'exercice 2026. Si la baisse n'est pas aussi significative qu'en loi de finances pour 2025 (- 26 % par rapport à 2024), le total de ces versements devrait reculer de 7 %, pour se situer à 205,39 millions d'euros en AE=CP.

Pour rappel, les opérations de maintien de la paix, décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies, disposent chacune d'un budget spécifique financé par les contributions obligatoires des États membres selon une clef de répartition décidée par l'Assemblée générale et révisée tous les trois ans. La baisse des versements de la France au titre des OMP s'explique principalement par la diminution de la quote-part française au barème des Nations unies, laquelle découle de la combinaison du recul du revenu national brut français et du dynamisme des économies des grands émergents, en premier lieu la Chine et l'Inde. La quote-part de la France au budget des OMP se situe ainsi à 4,6 % pour la période 2025-2027, contre 5,3 % sur le dernier triennium. Plus largement, la crise du multilatéralisme et la paralysie du système onusien contribuent également au ralentissement des opérations de maintien de la paix.

S'agissant des contributions internationales en euros, on peut distinguer les contributions relevant de la sphère onusienne (64,75 millions d'euros en AE=CP pour 2026) et les contributions hors ONU (119,38 millions d'euros en AE=CP pour 2026). L'ensemble de ces versements connaît une baisse de l'ordre de 27,21 millions d'euros par rapport à 2025 (- 13 %), revenant sur les hausses constatées au cours des derniers exercices.

Par définition, ces contributions ne sont pas affectées par les évolutions du taux de change. Dès lors que les contributions en euros concentrent la majorité des contributions volontaires du programme 105, la variation de cette ligne budgétaire illustre davantage l'évolution des priorités thématiques de la France. Pour l'exercice 2026, il est possible de relever :

la baisse, voire le non-renouvellement, d'un certain nombre de contributions volontaires, dont les contributions volontaires dans le domaine de la sécurité nationale du désarmement et la prévention de nouvelles menaces, à travers la direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement (ASD, 10,5 millions d'euros en 2025), les contributions volontaires à caractère juridique (un million d'euros en 2025) ou certaines contributions volontaires aux organisations internationales en matière de prévention et de maintien de la paix, attractivité du territoire français, droits de l'Homme ;

- la hausse de plusieurs contributions, dont celle à la Cour pénale internationale (CPI), qui progresse de près d'un million d'euros.

Concernant les contributions internationales en devises, leur montant total est relativement stable sur l'exercice 2026 avec un total de 213,35 millions d'euros en AE=CP. Pour 2025, les ordres d'achat à termes ont été passés à hauteur de 85 % du montant des contributions versées en devises.

En effet, depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar. Ce dispositif vise à tenir compte des incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, qui induisent un coût budgétaire conséquent sur les crédits de la mission AEE.

Dans le cadre du mécanisme de couverture de change, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères passe à l'Agence France Trésor (AFT) des ordres d'achat à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. L'AFT met ensuite en oeuvre une opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT). L'objectif de cette opération, pour le ministère, est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euros.

Auparavant, le mécanisme était activé après l'adoption du budget, ce qui n'allait pas sans susciter des difficultés lorsque le taux de change retenu en budgétisation et le taux de marché avaient trop fortement divergé, générant au plan budgétaire une perte ou un gain au change pour le ministère.

2. Des contributions européennes en hausse en raison d'une progression de la contribution française au Conseil de l'Europe

Les contributions européennes intégrées dans le programme 105 regroupent l'ensemble des contributions aux organisations européennes, hors contribution au budget de l'Union européenne. Cette dernière est exclue de cet ensemble et relève, à titre principal, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) prévu pour 2025 à l'article 45 du présent projet de loi de finances. Les deux principales contributions portées par l'action « Action européenne » du programme 105 sont la contribution au Conseil de l'Europe et la contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP).

Le total des contributions européennes portées par le programme 105 augmente sur l'exercice 2026, pour s'élever à 165,16 millions d'euros, contre 159,20 millions d'euros en 2025. Cette augmentation de 3,6 % s'explique essentiellement par la hausse de la contribution de la France au Conseil de l'Europe.

En effet, les négociations sur le prochain budget biennal du Conseil de l'Europe, encore en cours, devraient conduire à une augmentation des moyens de cette organisation. Pour 2026, la participation de la France prise en charge par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devrait passer de 49 millions d'euros à 56 millions d'euros.

Par ailleurs, pour 2026, le versement à la Facilité européenne pour la paix (FEP), inscrit sur le programme 105, demeure stable, à 104,1 millions d'euros, soit le même montant qu'en 2025. Pour rappel, cet instrument constitué hors du cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 est issu de la fusion du dispositif Athéna14(*) et de la Facilité de soutien à la paix pour l'Afrique présents dans le CFP précédent. Par conséquent, la FEP n'est pas abondée par le budget européen, mais directement par des contributions des États membres. La FEP finance des actions en matière de sécurité et de défense. Elle repose sur deux piliers : un pilier I relatifs à des opérations de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et un pilier II qui abonde des mesures d'assistance à des pays tiers.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le plafond de la FEP, initialement fixé à 5,7 milliards d'euros a été progressivement porté à 17 milliards d'euros15(*). Pour la France, la contribution à la FEP est partagée entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des armées (MINARM). Le MEAE ne contribue qu'au financement des mesures d'assistance à caractère non létal du pilier II. Les mesures d'assistance à caractère létal, en nette augmentation, reposent sur la contribution du MINARM. 


* 7 Le FSD fait l'objet, dans le présent projet de loi de finances, d'une rebudgétisation au sein du nouveau programme 384 de la mission APD.

* 8 Les deux autres logiques d'action correspondent, d'une part, à l'aide au développement et, d'autre part, à la protection des biens publics mondiaux.

* 9 Cour des comptes, Le financement des actions multilatérales de la France, communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2024.

* 10 Frédéric Charillon, Guerres d'influence. Les États à la conquête des esprits, Odile Jacob, janvier 2022, p. 22.

* 11 Rapport n° 739 (session de droit en application de l'article 12 de la Constitution) fait par Rachid Temal, au nom de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l'étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d'entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté, tome I, remis le 23 juillet 2024.

* 12 Rapport n° 392 (2021-2022) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, remis le 26 janvier 2022.

* 13 Rapport n° 392 (2021-2022) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, remis le 26 janvier 2022.

* 14 Pour mémoire, le dispositif Athéna visait à assurer le financement des coûts communs des opérations militaires de l'UE menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'UE.

* 15 Décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars 2021 établissant une facilité européenne pour la paix.

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