B. EN DÉPIT D'UN PLAFOND D'EMPLOI STABLE, LES DÉPENSES DE PERSONNEL PROGRESSENT
Pour rappel, depuis l'exercice 2025, le programme 105 regroupe désormais l'ensemble des dépenses de personnel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces dépenses étaient auparavant ventilées entre les trois programmes de la mission AEE et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission APD.
1. L'extension en année pleine du schéma d'emploi 2025 et le dynamisme de l'IRE tirent les dépenses de personnel à la hausse
Le total des dépenses liées à la masse salariale de la mission « Action extérieure de l'État » s'élève à 1,18 milliard d'euros pour 2026 et augmente ainsi de près de 37 millions d'euros (hors contribution au CAS « pensions ») par rapport à l'exercice 2025.
Principaux éléments
d'évolution de la masse salariale entre 2025 et 2026,
hors CAS
« pensions »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les principaux facteurs d'évolution des dépenses de personnel sont l'impact du schéma d'emplois, dans un contexte de progression soutenue des effectifs de la mission, et les « autres variations des dépenses de personnel », qui correspondent, dans le cadre de la mission AEE, à la progression des dépenses liées à l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE).
Aucune création d'ETP n'est prévue pour l'année 2026. Toutefois, l'extension en année pleine du schéma d'emploi 2025 sur 2026, avec la création de 75 nouveaux ETP, aura un impact budgétaire de l'ordre de 4,26 millions d'euros.
Concernant l'évolution de l'IRE, les 25,15 millions d'euros ouverts en 2026 correspondent à la couverture de l'extension en année pleine de l'effet change-prix sur les IRE, ainsi que l'estimation de l'effet prix en 2026 sur les rémunérations des agents de droit local (ADL) et les IRE.
Pour mémoire, l'IRE est destinée « à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence »16(*). Le montant de l'IRE est adapté en cours d'année, en fonction :
- de l'ajustement du change-prix, qui vise à maintenir constant le pouvoir d'achat des personnels expatriés en prenant en compte l'évolution des taux de change entre euro et monnaies locales et l'évolution du coût de la vie dans le pays de résidence, rapportée à l'inflation observée en France sur la même période ;
- de l'exercice de reclassement annuel (au 1er janvier) qui vise à assurer la cohérence du classement des montants d'IRE entre chaque pays.
Pour mémoire, en 2022, le montant total de l'IRE, avec 384 millions d'euros, représentait près de 40 % de la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et plus de 70 % de sa masse salariale à l'étranger.
Évolution de l'indemnité de résidence à l'étranger du MEAE
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Prévision 2024 |
|
|
IRE du MEAE |
390,04 |
386,53 |
386,56 |
368,67 |
384,29 |
409,41 |
438,70 |
|
Part de l'IRE dans le total de la masse salariale |
35 % |
34 % |
34 % |
33 % |
33 % |
33 % |
33 % |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Dans sa note sur l'exécution du budget de la mission « Action extérieure de l'État » pour 202417(*), comme l'année précédente18(*), la Cour des comptes s'est prononcée pour l'inscription de la dépense relative à l'IRE sur la ligne de dépense fiscale n° 120 124 « exonération totale ou partielle versées aux salariés détachés à l'étranger » et a recommandé d'envisager sa fiscalisation. Selon la Cour, « l'IRE intervient en remplacement des primes d'administration centrale, qui constituent des éléments à part entière de rémunération. Une fiscalisation de cette part pourrait être étudiée. En outre, le montant de l'IRE est parfois peu corrélé aux conditions de vie locales et au poids des charges auxquelles les agents doivent faire face (présence du conjoint et d'enfants, mise à disposition d'un logement de fonction). Enfin, dans la pratique, un montant élevé d'IRE constitue souvent un élément d'attractivité pour certains postes, ainsi qu'un moyen de compenser de moindres rémunérations lors du passage en administration centrale, ces dernières ayant pourtant fait l'objet de revalorisations récentes à l'occasion de la réforme de la haute fonction publique. »
Fiscalement considérée comme une indemnité pour frais professionnels, l'indemnité de résidence à l'étranger n'est pas assujettie à l'impôt sur le revenu. Par comparaison, l'ensemble des primes de résidence des agents de l'État en France est fiscalisé. Cet écart à l'application de la norme fiscale représente, pour le seul ministère de l'Europe et des affaires étrangères, un total de 150 millions d'euros de minoration de recettes. Dans un rapport fait au nom de la commission des finances sur la masse salariale du MEAE19(*), Vincent Delahaye, alors rapporteur spécial des crédits de la mission, avait d'ailleurs recommandé la fiscalisation de l'IRE. Un amendement proposant une telle réforme a d'ailleurs été examiné au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.
Au-delà de la seule fiscalisation de l'IRE, une réflexion approfondie sur le fonctionnement de cette indemnité gagnerait à être menée au niveau du ministère :
- tout d'abord, le fonctionnement actuel de l'IRE est exclusif de toute rémunération à la performance des agents de l'État à l'étranger ;
- ensuite, le barème de l'IRE, actualisé tous les trimestres, est parfois décorrélé du coût réel de la vie dans les États où les agents sont en poste et de leurs sujétions. L'IRE n'est aucunement modulée en fonction d'avantages matériels proposés aux agents ;
- enfin, la réforme de la haute fonction publique a permis de renforcer significativement l'attractivité salariale du ministère au cours des dernières années. Depuis 2022, les mesures catégorielles se sont élevées à 53 millions d'euros et près de 90 % des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ont choisi de rejoindre le corps interministériel des administrateurs de l'État.
2. Une stabilité du plafond d'emploi, après plusieurs années de progression
En tenant compte du regroupement de l'ensemble des dépenses de personnel du ministère sur le programme 105, y compris celles relevant auparavant du programme 209 de la mission APD, le plafond d'emplois de la mission demeure stable pour la première fois depuis 2021. En effet, entre 2021 et 2024, le schéma d'emplois cumulé exécuté a représenté une hausse de 233 ETP.
Évolution du plafond d'emploi de la mission
sur la période 2018-2026,
en prévision et en
exécution
(en équivalents temps plein travaillé)
Note : la hausse sensible du plafond d'emploi de la mission en 2024 découle de l'intégration des dépenses de titre 2 concourant au programme 209 de la mission APD.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La stabilisation du plafond d'emploi de la mission vient ainsi modérer les ambitions affichées par le ministère depuis les états généraux de la diplomatie. Pour rappel, le Président de la République avait annoncé une progression de 700 ETP d'ici à 2027. À ce stade, les créations effectives de postes ont été de 107 ETP en 2023, de 164 en 2024 et de 75 en 2025.
Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2025, le MEAE avait indiqué une révision de la trajectoire de création de nouveaux ETP avec une projet de 439 ETP ouverts sur la période 2024-2027, dont 100 en 2026 et 100 en 2027. Il semblerait que cette trajectoire révisée ait été également abandonnée.
Ce ralentissement de l'accroissement des effectifs du ministère devrait être mis à profit par ce dernier pour réévaluer ses besoins. La très forte augmentation des moyens humains de la mission n'a effectivement fait l'objet d'aucune programmation pluriannuelle de la ventilation des effectifs. Une grande majorité des équivalents temps plein créés s'est matérialisée par le recrutement de contractuels et non de CDI ou de titulaires. À titre d'exemple, sur l'exercice 2024, sur un solde de 165 nouveaux ETP ouverts, 129 ont été pourvus par des contractuels, soit une proportion de 78 %.
* 16 Article 5 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif en service à l'étranger, version en vigueur depuis le 4 août 2011.
* 17 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2025.
* 18 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.
* 19 Rapport d'information n° 729 (2018-2019) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission de finances sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, remis le 18 septembre 2019.

