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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. LA DETTE FINANCIÈRE L'EMPORTE SUR LA DETTE CLIMATIQUE
A. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS EN TROMPE L'oeIL
Dans le champ des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, indiqués dans le graphique suivant, les crédits sont quasiment stables en autorisations d'engagement (AE ; 17,3 milliards d'euros) et diminuent en crédits de paiement (CP) pour atteindre 16,2 milliards d'euros (- 1,7 %).
Évolution des crédits entre la LFI 2024 et le PLF 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
Cette relative stabilité est en partie en trompe l'oeil, puisque la mission connaît plusieurs mesures de périmètres :
- les autorisations d'engagement de l'Ademe sont, pour la première fois, inscrites dans la maquette budgétaire, ce qui, couplé à un rattrapage technique, double le niveau des AE du programme 181 « Prévention des risques » ;
- la débudgétisation du bonus écologique, qui a été basculé sur les certificats d'économie d'énergie, conduit à une diminution de 35,1 % des AE et de 17 % des CP du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », et le dispositif de péréquation tarifaire de l'électricité en zones non interconnectées (ZNI) n'est plus financé par le programme 345 « Service public de l'énergie ». De même, à compter du 1er mai 2026, le soutien à la cogénération et au biométhane sera couvert par une fraction d'assise.
Neutralisés des effets de périmètre, les crédits des politiques environnementales connaissent une tendance à la baisse, tandis que la compensation des charges de service public de l'énergie est en augmentation.
B. LE CHANTIER DE RATIONALISATION DES OPÉRATEURS DE LA MISSION N'A PAS ENCORE DÉBUTÉ
Le plafond d'emplois du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (hors ASNR) demandé pour 2026 est de 34 203 ETPT, contre 34 559 ETPT en 2025. En parallèle, le plafond d'emploi des opérateurs de la mission diminue également, passant de 7 273 en 2025 à 7 241 en 2026, tandis que la progression de celui des opérateurs reste supérieure.
Comparaison de l'évolution du nombre d'ETPT
sous plafond
de l'ensemble des emplois du ministère et celui des
opérateurs du ministère
de la transition écologique
(hors météorologie et transports)
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat
Cette progression des emplois des opérateurs s'explique non pas par une politique salariale déraisonnable de leur part, mais davantage par l'accroissement des missions qui leur ont été confiées. Cela ne signifie pas que la place de plus en plus importante prise par les opérateurs dans la conduite des politiques publiques ne soit pas problématique : la politique environnementale de l'État n'a pas été épargnée par la complexification de l'action publique, ainsi que par les doublons et les chevauchements de compétences.
Face à cette situation, une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État a été menée au premier semestre, présidée par M. Pierre Barros, et rapportée par l'auteur du présent rapport1(*). La commission d'enquête a formulé 61 recommandations visant à rationaliser l'organisation des opérateurs de l'État et des organismes consultatifs.
En ce qui concerne la politique environnementale, le rapporteur insiste tout particulièrement sur le rôle du préfet et de ses services comme appui technique pour les collectivités territoriales. La demande d'une ingénierie de proximité pour les petites collectivités est forte et la réponse apportée par les agences n'est pas suffisante.
II. UNE RÉDUCTION DE MOITIÉ DES CRÉDITS DE LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ
Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » connaît une baisse de ses crédits dans le PLF pour 2026 de 8 % en AE et de 5 % en CP. Cette baisse des crédits résulte, tout comme l'année dernière, d'une diminution des financements de la Stratégie nationale biodiversité (SNB). En effet, seuls 415 millions d'euros ont finalement été engagés sur la période 2023 - 2026, par rapport à un besoin de financement estimé à 1,25 milliard d'euros par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGDD).
Comparaison entre les financements
supplémentaires prévus
et ceux qui ont été
effectivement mis en place pour la SNB 2030
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
La protection de la biodiversité n'est pas un objectif secondaire par rapport à l'adaptation au changement climatique. Il sera donc impératif de définir une nouvelle trajectoire de la Stratégie nationale biodiversité, qui priorise les actions les plus efficaces en matière de préservation de la biodiversité et qui tienne compte de la contrainte budgétaire actuelle. S'agissant de la politique de l'eau, le 12e programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau a été adopté à la fin de l'année 2024. Après deux ans de stabilité, l'article 36 du présent projet de loi de finances prévoit que le plafond des agences de l'eau soit relevé de 50 millions d'euros. Ce rehaussement est toutefois inférieur aux 175 millions d'euros qui étaient prévus dans le plan eau.
Trajectoire du plafond des agences de l'eau entre 2023 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
III. LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES EST PORTÉE PAR DE NOMBREUSES LIGNES DE FINANCEMENT, CE QUI NUIT À SA LISIBILITÉ
Le fonds pour la prévention des risques naturels majeurs « FPRNM », mieux connu sous le nom de « fonds Barnier », est la principale politique de prévention des risques de l'État. Il était à l'origine financé par un prélèvement sur la garantie « CatNat » des contrats des assurances, mais depuis 2021, il est intégré au budget de l'État. Le prélèvement sur les assurés n'a toutefois pas disparu, et le « contrat implicite » de la budgétisation était que la différence entre le produit de cette taxe et le montant du fonds Barnier demeure raisonnable.
À première vue, on constate un écart important entre les financements du fonds Barnier et le prélèvement sur les contrats d'assurance : pour 2026, le produit de cette taxe devrait atteindre 720 millions d'euros, tandis que le fonds Barnier est doté de 287,4 millions d'euros.
Comparaison entre le produit du
prélèvement sur la garantie « CatNat »
et les sommes allouées au fonds Barnier entre 2015 et
2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Cependant, cet écart se réduit si l'on ne prend pas seulement en compte les dépenses du fonds Barnier, mais l'ensemble des crédits destinés à la prévention des risques qui relèvent du régime d'assurance des catastrophes naturelles. Lorsque l'on agrège les dépenses spécifiques pour les catastrophes naturelles qui relèvent du régime « CatNat », la somme de ces dépenses correspond au montant du prélèvement de la garantie des contrats d'assurance jusqu'en 2024.
Toutefois, faute de ventilation a priori du fonds Barnier et du fonds vert, il n'est pas possible d'établir des chiffres pour 2025 et 2026. Il est néanmoins probable que l'écart se creuse une nouvelle fois en 2026, en raison de la très forte progression du rendement du produit sur le prélèvement de la garantie CatNat.
En outre, dans le PLF pour 2026, 30 millions d'euros en AE et 15 millions en CP sont ouverts pour une nouvelle action 15 « retrait-gonflement des argiles », qui vise spécifiquement à soutenir la réalisation de travaux de prévention pour les maisons les plus exposées à ce risque. Cette mesure avait été inscrite sur l'action 14 « fonds de prévention des risques naturels majeurs » l'année dernière, à la suite d'un amendement du rapporteur spécial visant à mettre en place des actions pour lutter contre le RGA.
De manière similaire, la commission propose un amendement de transfert de crédits du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » au programme 181 « Prévention des risques », afin de mettre en place une action 16 « Lutte contre l'érosion côtière et la submersion marine ». En effet, à l'horizon 2050 il est estimé que 5 200 logements, pour une valeur totale estimée à 1,1 milliard d'euros, seraient menacés. Il est donc temps de mettre en place une véritable politique publique à ce sujet.
IV. LE SOUTIEN DE L'ÉTAT À L'ÉCONOMIE CIRCULAIRE DOIT ÊTRE REPENSÉ
Le budget incitatif de l'Ademe pour 2026, retranché de 59 millions d'euros correspondant à la mise en réserve, est estimé par l'opérateur à 1,026 milliard d'euros en AE. Ce montant est inférieur de 10 % à ce qu'il était en 2025 (1,14 milliard d'euros), sachant que le budget incitatif connaissait déjà une baisse par rapport à celui de 2024 (- 16,9 % par rapport à 1,372 milliard d'euros).
Tous les principaux programmes de l'Ademe sont en baisse, à l'exception du fonds chaleur, dont les crédits ont été maintenus à hauteur de 800 millions d'euros. Anticipant que cette stabilité pourrait être remise en cause dans un futur proche, la commission soutient l'extension du fonds de garantie pour les contrats PPA (Power purchase agreement), et propose, en contrepartie, un amendement de réduction des crédits du fonds chaleur.
Évolution des autorisations d'engagement du
budget incitatif
de l'Ademe depuis 2015
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
À l'inverse, les crédits du fonds économie circulaire s'effondrent : ils baissent de 45,7 % par rapport à l'année dernière, sachant que le fonds avait déjà perdu 41,9 % de ses crédits entre 2024 et 2025. Dans son rapport sur le soutien de l'État à la prévention des déchets et à l'économie circulaire2(*), le rapporteur spécial proposait de réduire progressivement les financements du fonds économie circulaire. Toutefois, le rapporteur spécial soulignait également qu'il est nécessaire que les filières REP, et notamment les éco-contributions qu'ils collectent, soient aptes à prendre le relais.
Or, jusqu'à présent, le bilan des filières REP est décevant. Les objectifs ne sont pas atteints, et le fonctionnement des éco-organismes est très peu transparent. Il est donc indispensable de renforcer le contrôle des filières, en mutualisant les moyens des administrations en charge du suivi des REP en trouvant des solutions pour que les éco-contributions aillent au financement d'actions plus efficaces.
V. LE « FONDS VERT » : LA VARIABLE D'AJUSTEMENT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES DE L'ÉTAT
Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », dit le « fonds vert », est doté de 650 millions d'euros en AE et de 1,085 milliard d'euros en CP, ce qui représente une baisse de 43,5 % en AE et de 3,4 % en CP par rapport à l'année précédente.
L'effondrement des autorisations d'engagement du programme est l'illustration des fragilités structurelles du fonds vert, que le rapporteur spécial a régulièrement rappelées. Ce « stop and go » des crédits du fonds vert est incompatible avec une véritable politique d'investissement. Les collectivités territoriales ont besoin de se projeter dans le temps long, ce qui requiert de la stabilité à la fois dans les programmes financés et les montants octroyés.
Exécution des crédits du fonds vert en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Le rapporteur spécial regrette en outre la disparition du fonds territorial climat (FTC) au sein du programme 380. Ce fonds, mis en place en 2024 et en 2025 à l'initiative du Sénat, vise à affecter des sommes directement aux collectivités territoriales pour les projets qu'elles souhaitent mener dans le cadre de leurs plans climat-air-énergie (PCAET), plutôt que de conditionner les financements à un examen par les services de l'État, comme c'est le cas des autres mesures du fonds vert. Il reposait sur l'idée qu'il faut faire confiance aux collectivités territoriales, plutôt que de chercher à calquer les investissements locaux sur des priorités définies au niveau national.
VI. UNE AUGMENTATION SUBSTANTIELLE DU COÛT POUR L'ÉTAT DES COMPENSATIONS AUX PRODUCTEURS D'ÉLECTRICITÉ RENOUVELABLE
Depuis la fin de la crise des prix de l'énergie, et essentiellement en raison de la baisse des prix sur les marchés de gros de l'électricité, le coût de la compensation par l'État des charges de service public de l'énergie (CSPE) augmente de façon très sensible.
Après une réévaluation substantielle par la CRE dans une délibération de juillet 20253(*), les compensations des CSPE coûteront 11,6 milliards d'euros en 2025, obligeant l'État à ouvrir 1,1 milliard de crédits sur le programme 345 « Service public de l'énergie » au titre de cet exercice dans le cadre du projet de loi de fin de gestion pour 2025. Si globalement l'ensemble des catégories de charges ont contribué à cette hausse, de par leur poids dans l'ensemble constitué par les CSPE, les dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable expliquent l'essentiel de l'évolution. Le coût de ces derniers a en effet augmenté de 3,3 milliards d'euros entre 2024 et 2025.
En 2026, le coût pour l'État des CSPE devrait encore augmenter pour avoisiner les 13 milliards d'euros. Il est à noter que depuis août 2025, le dispositif de péréquation tarifaire de l'électricité en zones non interconnectées (ZNI) n'est plus financé par des crédits du programme 345 mais par une affectation de fiscalité. L'article 42 du présent PLF prévoit un basculement de même nature pour le financement des dispositifs de soutien à la cogénération et à l'injection de biométhane. Cette situation nouvelle explique les écarts qui sont désormais observés entre les crédits inscrits sur le programme 345 en loi de finances (8,4 milliards d'euros proposés pour 2026) et l'évaluation par la CRE du coût des compensations de CSPE. Cependant, le coût total des CSPE reste imputé sur le budget de l'État soit par les dépenses du programme 345, soit par le renoncement à une part de ses recettes fiscales. Aussi est-il essentiel que le Parlement continue de suivre, au-delà des seuls crédits du programme 345, l'évolution du coût total de la compensation par l'État des CSPE.
Après la période inédite, en 2022 et 2023, durant laquelle les dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable ont généré des recettes exceptionnelles pour l'État, depuis 2024, ces mécanismes sont redevenus une charge nette substantielle et croissante pour ce dernier. Leur coût doit progresser de 4,8 milliards d'euros entre 2024 et 2026 (+ 164 %) pour s'établir à 7,7 milliards d'euros dont 4,4 milliards d'euros (57 %) pour la seule filière photovoltaïque.
Évolution des charges de service public de
l'énergie relatives au soutien
à la production
électrique d'origine renouvelable en métropole entre 2020 et
2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les délibérations de la CRE
Créée en 2023, l'action 18 « Soutien hydrogène », a vocation à porter les crédits relatifs à un dispositif de soutien à la production d'hydrogène décarboné. Alors que le lancement d'un premier appel d'offres était à l'origine prévu dès 2023, ce dispositif a pris du retard. Un premier appel à candidatures a finalement été lancé au mois de décembre 2024. Après la conclusion d'une convention de mandant entre elle et la DGEC, l'Ademe devra instruire en 2026 les différentes offres et classer les lauréats qui auront ensuite six mois pour signer leurs contrats de soutien. Pour 2026, le présent PLF a prévu 500 millions d'euros d'AE, destinés à venir compléter les 340 millions d'euros d'AE reportés de la gestion 2025, et 13,3 millions d'euros de CP pour financer le lancement de ce dispositif.
VII. LA DÉBUDGÉTISATION DU BONUS ÉCOLOGIQUE CONDUIT À UNE RÉDUCTION TRÈS SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 174
Depuis 2025, le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » connaît des bouleversements substantiels de son périmètre. Tandis que dès 2025, l'ensemble des crédits relatifs au dispositif « MaPrimeRenov' » ont été basculés vers le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » rattaché à la mission « Cohésion des territoires », depuis juillet 2025, les principales aides à l'acquisition de véhicules propres (bonus écologique et leasing social) sont financées par le mécanisme extra-budgétaire des certificats d'économies d'énergie (CEE). Ainsi, en 2026, les crédits budgétaires prévus sur le programme 174 s'élèvent-ils à 1 245 millions d'euros en AE et 1 232,1 millions d'euros en CP. Par comparaison, le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait d'allouer à ce même programme en 5 817 millions d'euros en AE et 5 435 millions d'euros en CP.
À périmètre constant4(*), en 2026, les CP inscrits sur le programme 174 augmentent de 151 millions d'euros (+ 15,3 %). Cette augmentation s'explique par la hausse des CP alloués au dispositif du chèque énergie. Cette progression ponctuelle ne s'explique pas par une évolution du dispositif ou du nombre de ses bénéficiaires qui, au contraire, décroît sensiblement (voir infra). Elle est simplement liée au décalage dans le temps de la campagne 2025 de cette aide en raison de la réforme du dispositif ainsi que de l'adoption tardive de la loi de finances pour 2025 (voir infra).
A. ALORS QUE LES BÉNÉFICIAIRES DU CHÈQUE ÉNERGIE DEVRAIENT DIMINUER D'ENVIRON 25 % EN RAISON DE LA RÉFORME DE SES MODES D'ATTRIBUTION, LES FRAIS DE GESTION DU DISPOSITIF N'ONT JAMAIS ÉTÉ SI ÉLEVÉS
La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a conduit à remettre en cause les modalités d'identification automatisées des bénéficiaires du chèque énergie et a imposé une réforme. Alors qu'auparavant l'ensemble des bénéficiaires étaient identifiés en amont de chaque campagne et automatiquement destinataires de leur chèque, depuis cette réforme, seule une partie des ménages éligibles sont désormais connus de l'administration et peuvent faire l'objet d'un envoi automatisé. Les autres doivent dorénavant se faire connaître spontanément en se manifestant sur une plateforme en ligne ou par courrier.
En raison d'un taux de non recours attendu très significatif, le nombre de ménages effectivement bénéficiaires de cette aide pourrait diminuer d'environ 25 %, soit la baisse des crédits d'autorisations d'engagement prévue en 2026 pour le dispositif. En effet, alors qu'environ 5,5 millions de ménages recevaient automatiquement leurs chèques énergie avant la réforme, ils ne sont plus que 3,8 millions au titre de la campagne 2025, soit un montant de chèques émis de 571 millions d'euros contre plus de 800 millions d'euros avant la réforme. L'administration espère que 600 000 ménages éligibles réclameront spontanément leur chèque au titre de la campagne 2025. Cet objectif semble ambitieux au regard des 176 000 ménages qui s'étaient manifestés sur la plateforme dédiée en 2024.
Alors que le nombre de bénéficiaires et les aides versées se réduisent substantiellement, les frais de gestion du dispositif de chèque énergie connaissent quant à eux une trajectoire d'augmentation dynamique.
D'après la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), ils pourraient atteindre 40 millions d'euros en 2026, soit près de 7 % des dépenses d'intervention prévues au cours de cet exercice. Alors qu'ils ne représentaient que 21,6 millions d'euros en 2020, ces frais auront ainsi presque doublé en six ans. Si la hausse très importante de ces frais en 2022 et 2023 pouvait s'expliquer par les nombreux chèques exceptionnels instaurés lors de la crise des prix de l'énergie, il semble qu'une sorte « d'effet cliquet » se soit produit puisque les coûts n'ont pas retrouvé depuis leur niveau antérieur. D'après la DGEC, le pic de dépenses observé en 2025 à 52 millions d'euros s'explique principalement par la mise en place de la réforme du dispositif ainsi que par la mise en oeuvre du e-chèque énergie.
Évolution des frais de gestion du
dispositif
de chèque énergie (2019-2026)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur
B. LE BONUS ÉCOLOGIQUE ET LE LEASING SOCIAL DISPARAISSENT DU PROGRAMME 174 ET SONT DÉSORMAIS FINANCÉS PAR DES CEE
Jusqu'en juillet 2025, le bonus écologique restait financé par des crédits suivis sur l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres » du programme 174. En 2024, la prime à la conversion ainsi que la première saison du leasing social étaient aussi financées par des crédits budgétaires inscrits sur cette action.
Désormais rebaptisé « prime coup de pouce véhicules particuliers électriques », le bonus écologique est financé via une fiche CEE, pour des primes qui peuvent atteindre jusqu'à 5 600 euros5(*). Depuis cette année également, le dispositif de leasing social, dont la première vague avait été lancée en 2024, est lui aussi financé par des CEE. Piloté par l'Ademe, il a été relancé le 30 septembre 2025 pour une deuxième vague dotée d'une enveloppe de 369 millions d'euros.
VIII. UN AN APRÈS SA CRÉATION, L'ASNR RISQUE NE PAS ÊTRE EN CAPACITÉ D'ACCOMPAGNER LA RELANCE DU NUCLÉAIRE
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont été fusionnés au 1er janvier 2025 pour créer l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Depuis cette date, ses crédits sont portés par un programme dédié « sûreté nucléaire et radioprotection »6(*).
Le programme 235 est doté pour 2026 de 345,6 millions d'euros en AE et de 350,3 millions d'euros en CP, en diminution de respectivement 2,5 % et 2,4 % par rapport à l'année dernière. Le budget de l'ASNR en 2025 avait été construit à partir des budgets de l'ASN et de l'IRSN, en y incluant des mesures nouvelles visant à renforcer les moyens de l'ASNR, dans un contexte de relance du nucléaire et d'adaptation au changement climatique.
Les baisses de crédits prévues pour 2026 s'expliquent par des mesures d'économie. Toutefois, l'ASNR a indiqué au rapporteur spécial que la diminution de la dotation d'investissement « n'est pas en cohérence avec les besoins de recherche, d'expertise et de contrôle induits par les grands chantiers du nucléaire. »7(*) En outre, l'ASNR n'a pas pu effectuer 12 recrutements prévus dans l'ancien plafond de l'IRSN en raison du changement de règles dû au nouveau statut de l'établissement. Le rapporteur spécial estime que cette situation est regrettable, et espère que le Gouvernement clarifiera rapidement la situation.
IX. ALORS QUE LES RECETTES DU CAS FACÉ SONT DÉSORMAIS INDEXÉES SUR L'INFLATION, LE GOUVERNEMENT N'A PAS PRÉVU D'AUGMENTER SES CRÉDITS EN 2026
Jusqu'en 2024, les recettes du CAS provenaient d'une contribution des gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité. Dans la mesure où elle n'était pas conforme aux règles du droit de l'Union européenne, l'article 20 de la loi de finances pour 2025 a prévu, à compter du 1er août 2025, de lui substituer l'affectation d'une fraction du produit de l'accise sur l'électricité fixée à 377 millions d'euros en 2025 puis indexée sur l'inflation8(*). Ainsi, en 2026, les recettes du CAS représenteraient-elles 381,9 millions d'euros.
Les crédits du CAS étaient maintenus depuis des années à 360 millions d'euros, ce qui équivalait à une baisse en volume en raison de l'inflation. Pour tenir compte du nouveau principe d'indexation des recettes du CAS, la loi de finances pour 2025 a prévu de majorer de 5,3 millions d'euros ses crédits.
En 2026, le Gouvernement n'a en revanche pas prévu de revaloriser ces crédits à la hauteur de l'augmentation des recettes attendues. En effet, le présent PLF prévoit de stabiliser en euros courants les crédits adoptés en 2025, soit 365,3 millions d'euros. Quand bien même le CAS doit apurer une dette héritée d'engagements pris avant sa création, cette absence de revalorisation de ses crédits à la hauteur de la progression attendue de ses recettes est regrettable.
X. LA MISSION ÉCOLOGIE SERT DE NOUVEAU POINT D'ANCRAGE AUX DERNIERS REPORTS DE CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE
En 2026, du fait de la suppression de la mission « Plan de relance », le programme 362 « Écologie », qui faisait partie de cette mission depuis sa création, est transféré au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». En phase d'extinction, ce programme n'a plus vocation à être abondé de nouveaux crédits en lois de finances. Les crédits ouverts en cours de gestion ne correspondent qu'au report des crédits de paiement (CP) non consommés l'année précédente et qui constituent les restes à payer du programme. Compte-tenu de la prévision de consommation de crédits au cours de l'exercice 2025, le projet annuel de performance prévoit qu'au 31 décembre 2025, les restes à payer de ce programme devraient représenter 2,9 milliards d'euros.
En particulier, à la fin de l'année 2024, pour les opérations de rénovation énergétique des bâtiments de l'État, 2,5 milliards d'euros de dépenses ont été effectivement décaissées sur les 2,7 milliards d'euros que représentent le total des engagements. Il est possible qu'une part de ces 200 millions d'euros de restes à payer soient reportée en 2026.
En 2026, 182 millions de CP devraient également être consommés pour financer des investissements visant notamment à contribuer à améliorer l'offre de transports en commun dans les zones urbaines denses, à encourager l'usage du vélo, ainsi que le covoiturage ou encore à régénérer le réseau des voies navigables.
Réunie le mercredi 19 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » tels que modifiés par trois amendements, les deux premiers conduisant à minorer les crédits de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 3,7 millions d'euros en crédits de paiement, et le troisième à procéder à un transfert de crédits de 20 millions d'euros. Elle a également proposé l'adoption, sans modification, du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». Enfin, elle a proposé d'adopter l'article 69 sans modification.
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur spécial n'avait reçu aucune réponse.
À la date d'examen en commission de la mission/du compte spécial le 19 novembre 2025, il a obtenu 63 % des réponses.
* 1 Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, Président M. Pierre Barros, Rapporteur Mme Christine Lavarde, 1er juillet 2025.
* 2 Rapport d'information fait au nom de la commission sur le soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire, Mme Christine Lavarde, 8 octobre 2025, page 59.
* 3 Délibération n° 2025-180 de la Commission de régulation de l'énergie du 10 juillet 2025 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie à compenser en 2026 et à la réévaluation des charges de service public de l'énergie à compenser en 2025.
* 4 En neutralisant l'évolution des crédits relatifs aux aides à l'acquisition de véhicules propres.
* 5 Pour les ménages des déciles 1 à 5.
* 6 Le numéro du programme « 235 » a été choisi en référence à l'isotope fissile uranium 235, qui est utilisé comme combustible primaire dans la plupart des réacteurs nucléaires.
* 7 Réponses de l'ASNR au questionnaire du rapporteur spécial.
* 8 Disposition prévue par l'article 129 de la LFI pour 2025.








