C. L'ADEME CONNAÎT UN RECENTRAGE DE SES ACTIVITÉS
1. Une restructuration opportune de la présentation des financements de l'Ademe dans la maquette budgétaire
La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui prend également le nom d'« Agence de la transition écologique ». L'Agence était auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.
L'ADEME mène des politiques de natures diverses. Elle poursuit notamment des actions dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux en matière de chaleur renouvelable, d'économie circulaire, de mobilité durable, d'amélioration de la qualité de l'air, de la résorption des décharges littorales et de la reconversion des friches polluées, d'accompagnement des entreprises et des territoires, et enfin d'adaptation au changement climatique.
Une subvention de 2,09 milliards d'euros en AE et de 1,06 milliard d'euros en CP est inscrite pour l'Ademe pour 2026, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros en AE (+ 135,7 %) et de 171 millions d'euros en CP (+ 19,3 %).
Cette progression massive est principalement l'effet d'un jeu d'écriture comptable lié à la refonte de la présentation du budget de l'Ademe dans la maquette budgétaire. En effet, avant le présent projet de loi de finances, seule était inscrite dans le programme 181 la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Ademe, qui est exprimée en AE = CP. Cette pratique, qui était contraire au décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), avait pour conséquence que le projet annuel de performances n'indiquait pas les autorisations d'engagement réellement ouvertes par l'Ademe.
Ce changement de modalités budgétaires nécessite toutefois un rattrapage technique en AE d'un montant de 856 millions d'euros, destiné à couvrir les paiements (CP) des engagements pris avant 2026. Le solde, soit 1 237 millions d'euros, correspond aux AE consacrées aux interventions financées sur le budget incitatif de l'agence ainsi qu'à son budget de moyens (153 millions d'euros).
Le budget en CP (1,059 milliard d'euros) de l'Agence est donc composé :
- des paiements des engagements passés pour 856,1 millions d'euros ;
- des dépenses de fonctionnement de l'agence pour 153 millions d'euros ;
- les premiers paiements liés aux engagements pour 2026 à hauteur de 50 millions d'euros.
Selon les documents budgétaires, « il est prévu qu'à terme, seul le budget de moyens (comprenant la masse salariale, et les dépenses de fonctionnement et d'investissement liés à la gestion de l'agence, de ses locaux et de ses personnels) soit financé par SCSP. »30(*) Le budget de politiques publiques, dit budget incitatif, sera quant à lui financé par une dotation d'intervention, dont le montant d'AE correspondra aux autorisations d'engagement budgétées par l'agence.
Ces dispositions ne sont pas encore effectives pour 2026, le paiement des engagements passés ainsi que le « rattrapage technique » correspondant étant inscrits dans la CSPS. Cette situation est source de confusion : des politiques identiques - des décaissements de crédits pour financer des projets du fonds chaleur par exemple - sont financés sur les crédits d'intervention ou sur la SCSP selon que les engagements ont été pris avant ou après 2026.
Il faut donc espérer que la maquette budgétaire soit clarifiée en 2027 : il sera possible dès lors de déplacer les crédits du fonds chaleur sur le programme 174 « Energie, climat et après-mines ». En effet, bien que cette politique ne relève pas de la prévention des risques, elle comporte une partie très significative des autorisations d'engagement du programme 181, ce qui peut contribuer à fausser la perception des moyens qui sont réellement consacrés à la prévention des risques.
Construction du budget de l'Ademe dans la maquette
du programme 181 en 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
2. Une baisse du budget incitatif et une stabilisation des emplois
a) L'ensemble des politiques de l'Ademe perdent des financements, à l'exception du fonds chaleur
Le budget incitatif de l'Ademe pour 2026, retranché de 59 millions d'euros correspondant à la mise en réserve, est estimé par l'opérateur à 1,026 milliard d'euros en AE. Ce montant est inférieur de 10 % à ce qu'il était en 2025 (1,14 milliard d'euros), sachant que le budget incitatif connaissait déjà une baisse par rapport à celui de 2024 (- 16,9 % par rapport à 1,372 milliard d'euros).
Évolution des autorisations d'engagement du
budget incitatif
de l'Ademe depuis 2015
(en millions d'euros)
|
2015 |
2026 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|
|
Fonds chaleur |
218 |
213 |
197 |
259 |
295 |
356 |
350 |
522 |
601 |
821 |
800 |
800 |
|
Fonds économie circulaire |
186 |
182 |
166 |
150 |
164 |
155 |
163 |
167 |
303 |
301 |
170 |
95 |
|
Autres politiques |
186 |
174 |
161 |
165 |
188 |
207 |
264 |
285 |
244 |
250 |
170 |
131 |
|
Total |
590 |
569 |
524 |
574 |
647 |
722 |
777 |
974 |
1 148 |
1 372 |
1 140 |
1 026 |
Note : les chiffres pour 2025 et 2026 sont prévisionnels
Source : commission des finances
Lorsque l'on observe l'évolution du budget incitatif de l'Ademe sur le temps long, on constate que celui-ci était en augmentation continue depuis 2017 jusqu'en 2024, au rythme de + 15 % par an en moyenne. À partir de cette année il a commencé une décrue, perdant 14 % par an en moyenne sur deux ans jusqu'au budget prévisionnel pour 2026.
Les financements du fonds chaleur sont ceux qui ont le plus augmenté sur cette période : alors que c'était déjà la politique la mieux financée en 2017, ses crédits ont quadruplé depuis. En outre, les financements du fonds ont peu diminué depuis 2024, passant de 821 millions d'euros à 800 millions d'euros dans le budget prévisionnel pour 2026.
En revanche, le fonds économie circulaire a subi une coupe nette de ses crédits depuis 2023 : d'un peu plus de 300 millions d'euros ils sont tombés à 95 millions d'euros en 2026. Enfin, les financements des autres politiques de l'Ademe (sites pollués, qualité de l'air, etc.) ont été divisés par deux depuis 2024.
Évolution des autorisations d'engagement du
budget incitatif
de l'Ademe depuis 2015
(en millions d'euros)
Note : les chiffres pour 2025 et 2026 sont prévisionnels.
Source : commission des finances
L'analyse plus en détail de la programmation budgétaire de l'Ademe entre 2025 et 2026 montre qu'en termes d'autorisations d'engagement, toutes les lignes sont en baisse, à l'exception du fonds chaleur qui - comme cela a été évoqué - est stable, ainsi que le programme destiné aux décharges littorales, qui gagne 5 millions d'euros en AE.
Programmation budgétaire de l'Ademe entre 2025 et 2026
(en millions d'euros)
|
Programmes |
2025 |
2026 |
||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
|||
|
Total des CP |
CP pour les engagements de 2026 |
CP pour les engagements avant 2026 |
||||
|
Chaleur renouvelable |
800 |
376 |
800 |
454 |
11 |
443 |
|
Économie circulaire et déchets |
170 |
161 |
95 |
179 |
7 |
172 |
|
Bâtiments économes en énergie |
15 |
15 |
10 |
14 |
3 |
11 |
|
Communication nationale / formation |
11 |
9 |
7 |
6 |
2 |
4 |
|
Sites pollués, friches et sols |
35 |
26 |
30 |
29 |
10 |
19 |
|
Recherche |
26 |
28 |
23 |
27 |
4 |
22 |
|
Outils, données et expertise |
21 |
20 |
16 |
17 |
5 |
12 |
|
Démarches énergie et climat territoriales |
27 |
25 |
15 |
28 |
1 |
27 |
|
Réduction de l'impact environnemental des entreprises |
9 |
9 |
7 |
12 |
0 |
12 |
|
Air / Mobilité |
16 |
24 |
10 |
23 |
1 |
21 |
|
Hydrogène |
0 |
37 |
0 |
77 |
0 |
77 |
|
Europe et international |
2 |
2 |
1 |
2 |
0 |
1 |
|
Finance climat |
3 |
3 |
2 |
3 |
1 |
2 |
|
Décharges littorales |
5 |
12 |
10 |
14 |
0 |
14 |
|
Total du budget incitatif |
1140 |
747 |
1025 |
884 |
46 |
838 |
Source : commission des finances, d'après les réponses de l'Ademe au questionnaire du rapporteur spécial
b) Les ETPT de la direction de la supervision des filières REP de l'Ademe ne devraient plus être comptés dans le plafond d'emploi de l'opérateur
Le plafond d'emploi de l'Ademe augmente de 1 ETPT entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026, passant de 1 069 ETPT à 1 070 ETPT.
Cette stabilisation du plafond d'emploi de l'opérateur fait suite à plusieurs augmentations successives sur les dernières années, si bien que depuis 2020 l'Agence a environ un quart d'effectif en plus. Les évolutions les plus notables sont les suivantes :
- en 2022, 65 ETPT ont été octroyés en cours d'année afin de mettre en oeuvre les mesures du plan France Relance ;
- en 2023, le plafond d'emploi a été rehaussé de 90 ETPT pour inclure les 65 ETPT susmentionnés, et 25 ETPT supplémentaires ont été accordés pour pérenniser certains des moyens humains en intérim en 2022 traitant de France 2030 et d'autres activités techniques, comme celles consacrées par exemple à la supervision des filières REP ;
- en 2024, le plafond d'emploi a été rehaussé de 99 ETPT pour gérer l'extension du fonds chaleur31(*), certaines mesures du fonds vert, les dispositifs France 2030, et un renforcement des missions de l'ADEME dans certains domaines, comme la mise en place du bonus-malus par modèle de véhicule ;
- en 2025, le plafond d'emploi a été rehaussé de 35 ETPT pour couvrir des postes actuellement pourvus par des intérimaires sur des dispositifs pérennisés.
Il faut néanmoins souligner que pour 2026 et 2027, le schéma d'emploi de l'Ademe est de - 13 ETPT, avec une réalisation répartie sur 2026 à hauteur de - 7 ETPT et sur 2027 pour - 6 ETPT. Les documents budgétaires précisent en outre que « fin 2025, 8 agents mis à disposition auront leur convention échue et seront transférés sous plafond d'emploi de l'Ademe. »32(*)
La hausse du plafond d'emploi de l'Agence est en partie justifiée par la nécessité de réinternaliser les compétences. Pour faire face à l'extension de ses missions, l'Ademe avait recruté environ 120 intérimaires à la fin du premier trimestre 2021, financés par les frais de gestion du plan de relance. Toutefois, le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD (de l'ordre de 10 % à 20 %) et la durée de leur mission est limitée à 18 mois. Le rapporteur spécial avait ainsi alerté à plusieurs reprises sur le risque que pouvait représenter le recours accru à des intérimaires pour compenser un plafond d'emploi qui n'est pas adapté aux missions de l'opérateur.
En revanche, il est également nécessaire de chercher à rationaliser la gestion des programmes de l'Ademe, en parvenant à faire davantage avec moins d'emplois. À ce titre, l'ADEME conduit actuellement une évaluation externe du Fonds chaleur, portant en particulier sur l'efficacité et l'efficience du dispositif, et l'Agence précise qu'il « sera tenu compte de cette évaluation dans les réflexions sur les évolutions des modalités de gestion du fonds chaleur. »33(*)
Il convient également de se demander si certaines missions de l'Ademe ne pourraient pas être effectuées par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). C'est le cas notamment du programme « démarches territoriales énergie / climat » qui consiste en un accompagnement des collectivités dans leurs démarches territoriales par des programmes d'études, d'animation ou de communication.
Enfin, dans son rapport sur le soutien de l'État à l'économie circulaire, le rapporteur spécial estimait qu'il « serait cohérent de comptabiliser les emplois destinés à la supervision des REP dans un budget à part, afin de distinguer les ETPT financés par la redevance des éco-organismes de ceux qui relèvent du budget général de l'État. »34(*) En effet, bien que l'article L. 131-3 du code de l'environnement prévoit que la direction de supervision des filières de responsabilité élargie du producteur (DSREP) dispose d'un budget annexe, ses ETPT ne sont pas distingués au sein du plafond d'emploi de l'Ademe.
Le rapporteur spécial appelle ainsi à revenir à l'esprit de la loi Agec, c'est-à-dire de ne plus comptabiliser les 35,9 ETPT de la DSREP dans le plafond d'emploi de l'Ademe.
3. Une stabilisation des crédits du fonds chaleur
Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.
Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple) ; les installations biomasse de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).
Les soutiens apportés par le fonds visent à atteindre les objectifs fixés tant par la loi que par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'avril 2020 :
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que 38 % de la consommation finale de chaleur devra être d'origine renouvelable en 2030 et entend multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur ;
- la PPE confirme cet engagement, avec un objectif d'augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25 % en 2023 et de hausse de 40 % à 60 % en 2028 par rapport à 2016.
Entre 2009 et 2023, 4,28 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 8 500 opérations d'investissement. Il est estimé qu'ils ont généré un montant d'investissement de 14 milliards d'euros et une production de 45,4 TWh/an. La part de chaleur renouvelable et de récupération en France métropolitaine a ainsi augmenté (24 % en 2021, 27,2 % en 2022, 29,6 % en 2023) pour un objectif fixé par la loi (LTECV) de 38 % d'énergies renouvelables (EnR) dans la consommation finale de chaleur en 2030.
En mars 2022, dans le cadre du plan de résilience pour faire face aux conséquences de la crise en Ukraine, le fonds a été abondé de 152 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 522 millions d'euros, et en 2023, un montant presque identique a été retenu. En 2024, le fonds chaleur a vu une nouvelle fois ses financements fortement augmenter : il gagne 300 millions d'euros, pour atteindre 820 millions d'euros.
Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME
(en millions d'euros)
|
Fonds « chaleur » |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
|
168 |
263 |
249 |
231 |
206 |
165 |
216 |
213 |
197 |
259 |
|
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|||
|
295 |
350 |
350 |
522 |
520 |
820 |
800 |
800 |
|||
Note : les chiffres jusqu'en 2022 correspondent à l'exécution constatée du fonds chaleur, tandis que les chiffres pour 2023 et 2024 sont des prévisions.
Source : réponses au questionnaire budgétaire
Il était initialement prévu que le fonds chaleur connaisse une forte augmentation de ses crédits dans les années à venir. Dans la trajectoire présentée en 2024 par la direction générale de l'énergie et du climat dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, le fonds chaleur était censé atteindre 1,2 milliard d'euros en 2025, puis augmenter de 200 millions d'euros par an, jusqu'en 2029 où il devait progresser de 300 millions d'euros.
Trajectoire pluriannuelle prévisionnelle du fonds chaleur telle qu'elle a été déterminée en 2024
(en millions d'euros)
|
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
|
1 200 |
1 400 |
1 600 |
1 800 |
2 000 |
2 300 |
Source : commission des finances
Comme de nombreuses trajectoires en matière de transition écologique et énergétique, celle-ci s'est finalement heurtée à la réalité de la situation des finances publiques. À l'heure actuelle, aucune nouvelle trajectoire n'a été définie.
De manière à soutenir sur le long terme le développement des réseaux de chaleur, quelles que soient les possibilités budgétaires pour les subventionner, le rapporteur spécial souhaite la création d'un dispositif de garantie du risque de contrepartie, à l'instar de l'initiative du Gouvernement35(*) dans la loi de finance pour 2023 pour les énergies renouvelables. En contrepartie, il présente un amendement visant à réduire les crédits du fonds chaleur.
4. Le fonds économie circulaire perd la majorité de ses crédits
Le Fonds « économie circulaire » vise à accompagner la politique des pouvoirs publics et à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en réduisant significativement la part des déchets enfouis, en développant la réincorporation des matières recyclées, le recyclage, et en accompagnant la mise en oeuvre par les collectivités d'une tarification incitative. Il vise également à développer la méthanisation, ainsi que le soutien aux projets basés sur l'économie circulaire.
Pour 2026, il est prévu à ce stade que le fonds économie circulaire soit doté de 95 millions d'euros en AE, ce qui représente une baisse de 45,7 % par rapport à l'année dernière, sachant que le fonds avait déjà perdu 41,9 % de ses crédits entre 2024 et 2025. À cela il faut mentionner la fin des crédits du plan de relance, qui avait porté la politique de l'économie circulaire à 431 millions d'euros en 2022. Il ne reste donc que 22 % des crédits pour le soutien à l'économie circulaire par rapport à son niveau le plus haut.
Financements du fonds économie circulaire
(en millions d'euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|
|
Fonds Économie circulaire |
164,0 |
164,0 |
163,0 |
167,0 |
300,0 |
300,0 |
175,0 |
95,0 |
|
Plan de relance, volet économie circulaire |
- |
16,0 |
221,8 |
274 |
3,0 |
1,0 |
- |
- |
|
Total |
164,0 |
180,0 |
384,8 |
431 |
303,0 |
301,0 |
175,0 |
95,0 |
Source : commission des finances
Interrogée sur cette baisse, l'Ademe a indiqué au rapporteur spécial que le fonds économie circulaire allait être recentré sur les actions dont l'effet de levier est considéré comme le plus important, en l'occurrence :
- le soutien aux projets d'éco-conception, de réemploi et de recyclage dans les entreprises ;
- l'accompagnement des territoires dans la planification et la structuration des filières locales ;
- le rattrapage des actions en Outre-mer, prioritaire pour assurer une couverture nationale homogène des dispositifs d'économie circulaire ;
- la gestion et la mise à jour des bases de données structurantes pour la connaissance des flux de déchets et des performances environnementales, telles que SINOE et la Base Empreinte ;
- les études d'observation et d'expertise et les travaux d'évaluation demandés par les tutelles.
Dans son rapport sur le soutien de l'État à la prévention des déchets et à l'économie circulaire36(*), le rapporteur spécial soulignait que la progression des financements du fonds économie circulaire était paradoxale, sachant que de plus en plus de domaines étaient couverts par les filières REP qui ont précisément vocation à prendre en charge le traitement des déchets. Le rapporteur spécial proposait ainsi de réduire progressivement les financements du fonds économie circulaire, à l'exception de certaines politiques, telles que le soutien à la mise en place d'installations en outre-mer.
La forte baisse des crédits du fonds économie circulaire dans le projet de loi de finances pour 2026 est de facto une application de cette recommandation. Toutefois, le rapporteur spécial soulignait aussi que, pour que cette proposition puisse être pleinement mise en oeuvre, il est nécessaire que les filières REP soient aptes à prendre le relais.
Or, jusqu'à présent, le bilan des filières REP est décevant. Au niveau global, en 2023, 40 % du gisement de déchets soumis à une REP échappait encore à la collecte, ce qui représentait 6,6 millions de tonnes de déchets. En effet, sur les 8 filières qui disposent d'un objectif de collecte, seules trois l'ont accompli en 2023, et une filière ne l'a atteint que pour l'une de ses deux sous-catégories.
Cette situation découle de problèmes majeurs de gouvernance, qu'ont mis en évidence le rapport publié en juin 2024 par plusieurs inspections générales37(*), et le rapport de Marta de Cidrac et Jacques Fernique publié en juin dernier au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable38(*).
En outre, le contrôle des filières REP est loin d'être satisfaisant à l'heure actuelle. En effet, cinq administrations sont en charge du suivi et de la supervision des filières, et cette organisation, particulièrement morcelée, est source d'inefficiences. Surtout, aucune véritable analyse économique des filières REP n'est menée au niveau de l'administration.
Les inspections générales parlent dans leur rapport de données « anciennes et lacunaires (absence de la dimension économique) pour permettre un pilotage fin de la performance »39(*), et après avoir réalisé une étude comparative du recyclage et de l'évolution du montant des éco-contributions, elles ont regretté que « ces indicateurs d'efficience économique, certainement perfectibles, aient dû être calculés par la mission et ne soient pas suivis dans le temps par les instances en charge du suivi et du pilotage des filières. »40(*)
Enfin, la procédure de contrôle des éco-organismes et des non-contributeurs est lourde, et les sanctions sont parfois inadaptées. Par exemple, l'astreinte journalière de 20 000 euros peut représenter une somme conséquente pour les plus petits éco-organismes, alors qu'elle serait bien moins efficace pour les plus importants, tels que Citeo, dont le chiffre d'affaires annuel dépasse le milliard d'euros.
Le rapporteur spécial a donc formulé les recommandations suivantes, qui sont détaillées dans le tableau suivant.
Recommandations du d'information fait au nom de la
commission des finances sur le soutien de l'État à la
prévention et la valorisation
des déchets
du 8 octobre 2025
Recommandation n° 1 : Diminuer progressivement les crédits du fonds économie circulaire en France métropolitaine pour les substituer par un dispositif de prêt à taux zéro dont la rentabilité est longue. Dans un premier temps, ce dispositif serait déployé à petite échelle pour en évaluer les coûts.
Recommandation n° 2 : Encadrer les provisions pour charges futures des filières REP, en prévoyant notamment des seuils plus contraignants que ceux qui sont mentionnés actuellement dans les cahiers des charges, et en renforçant les sanctions en cas de non-respect de ceux-ci.
Recommandation n° 3 : Permettre aux filières REP de soutenir l'investissement à travers des appels à projets capacitaires qui seraient initiés par les éco-organismes. Les périmètres et modalités de ces appels à projets seraient définis entre les éco-organismes et les administrations. En dernier ressort, les éco-organismes pourraient également être autorisés, sous contrôle de l'administration, pour subventionner des installations permettant l'atteinte des objectifs réglementaires.
Recommandation n° 4 : Adapter et simplifier la procédure de contrôle des non-contributeurs et des éco-organismes ; redéfinir les sanctions en cas de non-respect des prescriptions et des objectifs du cahier des charges pour les rendre efficaces et crédibles.
Recommandation n° 5 : Mutualiser les moyens des administrations en charge du suivi et du contrôle des filières REP.
Recommandation n° 6 : Étendre la supervision des filières REP à l'analyse économique des secteurs, et enrichir les documents budgétaires avec cette information.
Recommandation n° 7 : Financer les besoins en matière de supervision et de contrôle des filières REP par une hausse de la redevance des éco-organismes.
Source : rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire, Mme Christine Lavarde, 8 octobre 2025
* 30 Réponses de l'Ademe au questionnaire du rapporteur spécial.
* 31 Lors des auditions du PLF pour 2024, les représentants de l'ADEME ont indiqué au rapporteur spécial qu'ils estiment que chaque tranche de 10 millions d'euros supplémentaires pour le fonds chaleur nécessite un ETPT de plus pour l'absorber.
* 32 Projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2026, page 293.
* 33 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.
* 34 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire, Mme Christine Lavarde, 8 octobre 2025, page 100.
* 35 Article 148 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
* 36 Rapport d'information fait au nom de la commission sur le soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire, Mme Christine Lavarde, 8 octobre 2025, page 59.
* 37 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD,
CGE, juin 2024.
* 38 Rapport d'information fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur l'application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec), rapporteurs Marta de Cidrac et Jacques Fernique,
25 juin 2025.
* 39 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 2.
* 40 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 63 de l'annexe II.

