III. SNCF RÉSEAU, LA SOCIÉTÉ DES GRANDS PROJETS ET VOIES NAVIGABLES DE FRANCE
A. À CE JOUR EXCLUSIVEMENT FINANCÉE PAR LA SNCF, LA TRAJECTOIRE DE HAUSSE DES INVESTISSEMENTS DANS LE RÉSEAU FERROVIAIRE COMMENCE À SE CONCRÉTISER
1. Encore loin de l'objectif de 1,5 milliard d'euros et atténuée par le phénomène d'inflation, la trajectoire d'augmentation des investissements dans la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire n'en a pas moins été engagée
Après notamment les constats établis dans un rapport d'information de mars 202247(*) des rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, confirmés par les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), la première ministre de l'époque avait pris l'engagement, en février 2023, de majorer les investissements dans le réseau ferroviaire à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an à l'horizon 2028. Sur cette somme, 1 milliard d'euros doivent servir à la régénération des infrastructures dans le but d'enrayer la spirale de leur dégradation. Les 500 millions d'euros restants doivent quant-à eux permettre de financer les programmes de modernisation du réseau ferroviaire sur lesquels la France a accumulé un retard considérable par rapport à ses partenaires européens.
Cette modernisation des infrastructures ferroviaires passe essentiellement par deux programmes : la commande centralisée du réseau (CCR)48(*) et l'ERTMS49(*). Si les coûts totaux de mise en oeuvre de ces deux programmes s'élèvent à environ 35 milliards d'euros50(*), ils permettront de réaliser des gains de performance significatifs.
Objets désormais d'un très large consensus, ces besoins d'investissements supplémentaires dans les infrastructures ferroviaires ont été récemment réaffirmé par la conférence de financement des mobilités « ambition France transports ».
À la faveur des financements apportés par la SNCF à travers des abondements complémentaires du fonds de concours dédié à la régénération et à la modernisation du réseau ferré (voir infra), la trajectoire d'augmentation des investissements dans les infrastructures ferroviaires existantes a été amorcée depuis 2023. Si à ce jour, les premiers pas réalisés restent encore limités sur le chemin qui doit conduire cette trajectoire jusqu'à 1,5 milliard d'euros annuels en 2028, ils n'en sont pas moins réels.
Ils apparaissent lorsque l'on mesure l'écart entre les investissements annuels qui étaient prévus par le contrat de performance actuel de SNCF Réseau et les dépenses réellement exécutées. Toutefois, le phénomène d'inflation, particulièrement dynamique au cours des mois qui ont suivi la signature du contrat en 2022, doit conduire à relativiser les hausses observées.
Comparaison entre la trajectoire de
financement
de la régénération51(*) du réseau
prévue par le contrat de performance
et les dépenses
réellement exécutées (2021-2025)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs
Depuis 2023, l'augmentation des investissements concerne aussi les programmes de modernisation.
Dépenses annuelles consacrées par
SNCF Réseau
au programme de commande centralisée du
réseau (CCR)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Dépenses annuelles consacrées par SNCF Réseau au programme ERTMS
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
2. À ce jour, et jusqu'en 2027, la SNCF finance seule la montée en puissance progressive des investissements dans le réseau
Les crédits de fonds de concours qui devraient abonder l'action 41 « Ferroviaire » en 2026 représentent 1 855 millions d'euros en AE et 1 805 millions d'euros en CP, soit des augmentations respectives de 12 % et de 6 % par rapport à 2025.
363 millions d'euros en AE et 313 millions d'euros en CP correspondent aux contributions attendues de l'AFITF aux premières opérations nécessaires aux projets de services express régionaux métropolitains (SERM)52(*).
Le reste des crédits de fonds de concours attendus sur l'action 41 doit provenir du fonds de concours alimenté par des versements du groupe SNCF et dédiés à contribuer au financement des dépenses de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire.
Le fonds de concours dédié au
financement de la régénération
du réseau
ferroviaire
La loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire53(*) a instauré un nouveau dispositif de financement du gestionnaire d'infrastructure ferroviaire, destiné à contribuer au financement de la régénération du réseau ferré. Il s'agissait à l'époque d'affecter une partie des résultats de SNCF Mobilités « au profit du redressement du gestionnaire d'infrastructures ».
Renforcé par le nouveau pacte ferroviaire de 2018, le mécanisme prévoit que 60 % du bénéfice récurrent dégagé par SNCF Voyageurs soit versé à un fonds de concours qui alimente le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du budget général de l'État. Ce fonds de concours est affecté à SNCF Réseau, et plus précisément au programme de régénération du réseau ferré national.
Source : commission des finances du Sénat
Pour 2026, l'abondement du fonds de concours par la SNCF est prévu à hauteur de 1,5 milliard d'euros.
Abondement du fonds de concours
dédié à la régénération du
réseau ferroviaire par les dividendes de SNCF Voyageurs et le plan de
relance ferroviaire
depuis 2016
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs
À la demande de l'État, pour la période 2024-2027, la SNCF s'est engagée à financer à elle seule les premières étapes de l'augmentation progressive des investissements en matière de régénération et de modernisation des infrastructures ferroviaires. Pour l'entreprise publique, cet effort prend concrètement la forme de versements complémentaires au fonds de concours par rapport à la trajectoire qui était prévue par le contrat de performance. Au total, l'effort financier consenti par la SNCF sur la période représente 2,1 milliards d'euros et doit se répartir comme décrit dans le graphique ci-après.
Efforts financiers consentis par la SNCF pour augmenter les investissements dans la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire (2024-2027)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs
À compter de 2028, la SNCF s'est par ailleurs engagée à financer structurellement 500 millions d'euros sur les 1,5 milliard d'euros annuels d'investissements supplémentaires dans la régénération et la modernisation des infrastructures ferroviaires.
À cette échéance, il conviendra ainsi d'identifier les sources de financement complémentaires qui permettront de concrétiser cet engagement incontournable pour stopper la dégradation inquiétante du réseau ferré national. Le développement de la concurrence sur le segment des trains à grande vitesse (TGV) pourrait conduire à terme à augmenter le nombre de trains en circulation et ainsi les recettes de péages perçues par SNCF Réseau. Par ailleurs, la commission ambition France transports a envisagé la piste d'un financement via le mécanisme des certificats d'économie d'énergie (CEE). Toutefois, ces deux pistes ne permettront vraisemblablement pas de dégager 1 milliard d'euros de ressources supplémentaires.
Aussi, quand bien même à l'expiration des principales concessions autoroutières, au cours de la décennie 2030, l'affectation d'une part du produit des péages autoroutiers semble une piste très prometteuse, les modalités de financement de ce milliard d'euros dans l'intervalle, à compter de 2028, demeurent-elles à ce jour un véritable impensé.
3. La montant des péages ferroviaires à la charge de l'État continue de progresser de façon dynamique
Les redevances d'infrastructures versées par l'État à SNCF Réseau représentent 70 % des crédits budgétaires du programme 203. Ces crédits, portés par l'action 41 « Ferroviaire », servent à financer le coût de l'utilisation du réseau ferré national par les trains régionaux de voyageurs (TER), les trains d'équilibre du territoire (trains « Intercités ») et les trains de fret.
En 2026, les crédits alloués à cette action atteindraient 3,2 milliards d'euros, en hausse de 4 % sur un an. L'augmentation de ces charges constatée depuis trois ans a pour origine la revalorisation inédite des péages ferroviaires qui est intervenue à compter de 2024.
Évolution des charges de péages ferroviaires acquittées par l'État (2021-2026)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En 2026, SNCF Réseau devrait ainsi percevoir de l'État :
- 2 410 millions d'euros (AE = CP) pour les redevances d'accès au réseau relatives aux TER hors Île-de-France ;
- 584 millions d'euros (AE = CP) de redevances d'accès pour l'utilisation du réseau ferré national hors Île-de-France par les trains d'équilibre du territoire (TET), dont l'État est l'autorité organisatrice ;
- 222 millions d'euros au titre de la « compensation fret » qui vise à couvrir l'utilisation du réseau ferré national par les trains de fret.
Cette dernière intègre depuis 2020, de façon complémentaire au dispositif historique, une prise en charge additionnelle des péages ferroviaires dus par les opérateurs de fret dont le montant devrait représenter 59 millions d'euros en 2026.
Évolution de la prise en charge par
l'État des péages ferroviaires
des opérateurs de
fret
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
* 47 Comment remettre la SNCF sur rail ? Modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire : il est grand temps d'agir, Rapport d'information n° 570 (2021 2022) de MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL, fait au nom de la commission des finances, 9 mars 2022.
* 48 La commande centralisée du réseau (CCR) doit se traduire par la création de « tours de contrôle » à grand rayon d'action permettant de centraliser la régulation des circulations. La CCR est un levier d'efficience considérable. Son déploiement permettrait de remplacer les 2 200 postes d'aiguillages actuels (1 500 pour le réseau structurant), auxquels plus de 13 000 agents sont affectés, par une quinzaine de tours de contrôle. D'après la Cour des comptes la baisse d'effectifs consécutive pourrait atteindre 40 %.
* 49 L'ERTMS est un système de signalisation de nouvelle génération, interopérable au niveau européen et permettant de réduire l'intervalle entre les trains. Aussi permet-il d'augmenter la cadence du trafic (de quatre trains par heure sur les LGV), d'accroître la performance du réseau, d'améliorer la régularité du trafic ainsi que l'offre de sillons, en particulier aux opérateurs de fret ferroviaire.
* 50 15 milliards d'euros pour le déploiement de la CCR et 20 milliards d'euros pour l'ERTMS.
* 51 Montants consacrés au programme de modernisation CCR inclus.
* 52 Voir pour plus de détails sur ce sujet les développements infra relatifs à la Société des grands projets (SGP).
* 53 Exposé des motifs de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.






