B. ENTRE LE GRAND PARIS EXPRESS ET LES SERVICES EXPRESS RÉGIONAUX MÉTROPOLITAINS (SERM), LA SOCIÉTÉ DES GRANDS PROJETS A « DEUX FERS AU FEU »

La Société des grands projets (SGP) est un établissement public à caractère industriel et commercial, créé par l'article 7 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris sous le nom de Société du Grand Paris. La loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains (SERM) l'a rebaptisée Société des grands projets pour concrétiser l'élargissement de ses missions et de son champ d'intervention aux projets de SERM sur l'ensemble du territoire national.

La vocation initiale et historique de la SGP, qui reste encore à ce jour sa mission principale, est de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris express (GPE) et d'en assurer la réalisation54(*). Alors qu'en novembre 2024 des décalages de calendriers de mise en service avaient déjà été signalés par la SGP, en février 2025, elle a annoncé de nouveaux retards pour les livraisons de la ligne 15 sud55(*), ainsi que des premiers tronçons des lignes 16 et 1756(*).

1. Les dépenses annuelles de la SGP avoisinent à présent les 5 milliards d'euros

Suite à plusieurs réévaluations, depuis octobre 2021 le coût global actualisé du Grand Paris express est estimé à 36,1 milliards d'euros.

En plus de ce montant qui relève de sa mission de maître d'ouvrage du Grand Paris express, la SGP doit contribuer à hauteur de 3,5 milliards d'euros à des projets d'infrastructures de transports en Île-de-France dans le cadre du « plan de mobilisation des transports » et de l'adaptation des réseaux existants :

- 1 500 millions d'euros pour le prolongement du RER E à l'Ouest (projet Éole) ;

- 850 millions d'euros pour le prolongement de la ligne 14 entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen ainsi que pour l'adaptation des stations existantes dans Paris ;

- 300 millions d'euros pour le prolongement de la ligne 11 ;

- 352 millions d'euros pour les schémas directeurs des RER ;

- 450 millions d'euros pour l'adaptation des réseaux existants ;

- 50 millions d'euros pour un fonds de concours versés par le SGP en 2018 au volet transports collectifs du contrat de plan État-région (CPER) Île-de-France.

À cette enveloppe de 3,5 milliards d'euros s'est ajoutée en 2024 une contribution à hauteur de 700 millions d'euros au titre des projets de transports collectifs en Île-de-France prévus dans le cadre du volet transport (2023-2027) du CPER de la région. Ces dépenses supplémentaires ont pour objet de participer au financement des surcoûts du projet EOLE ainsi qu'à ceux de projets d'interconnexions avec le réseau du Grand Paris express.

Le budget de la Société des grands projets de 2018 à 2024

(en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Dépenses totales (A)

2 654

2 994

3 550

3 563

3 625

4 477

4 904

4 940

GPE

2 119

2 508

3 041

3 178

3 507

4 355

4 834

4 696

Contributions (Ligne 14 entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen, Plan de mobilisation et réseaux existants)

535

486

509

385

118

122

70

244

                 

Recettes totales (B)

600

702

836

849

893

1 044

1 497

N/C

Taxes affectées

566

662

746

764

802

847

898

978

TSBCS (et TASS à partir de 2019)

382

470

543

614

623

677

732

801

TSE

117

117

117

73

67

67

67

67

IFER

67

74

74

69

76

79

84

90

Taxe de séjour

n.a.

1,5

12

8

9

24

15

20

Ressources propres et autres

34

40

90

85

117

197

599

N/C

                 

Emprunts

2 365

3 255

11 000

8 000

1 750

2 000

2 000

N/C

Source : réponses au questionnaire des rapporteurs

Entre 2022 et 2024, les dépenses de la SGP, portées par les investissements dans le projet de Grand Paris express, avaient augmenté de façon très dynamique, passant de 3,6 milliards d'euros à 4,9 milliards d'euros. En 2025, elles devraient se stabiliser. À ce stade, le budget prévisionnel pour 2026 prévoit 5,1 milliards d'euros de dépenses.

2. Un projet financé par le recours à l'emprunt dont l'amortissement est couvert par de la fiscalité affectée
a) Le montant des recettes affectées à la SGP devrait se stabiliser en 2026

Le modèle de financement de la SGP est celui d'une caisse d'amortissement. L'établissement s'endette au cours de la phase de réalisation des travaux avant de rembourser progressivement la dette contractée. À cette fin, le législateur a affecté à la SGP un panier de recettes fiscales.

Synthèse des recettes fiscales affectées
à la Société du Grand Paris (2023-2026)

(en millions d'euros)

Ressources fiscales affectées

Base légale

Rendement réel en 2023

Rendement réel en 2024

Prévision pour 2025

Prévision PLF pour 202657(*)

Taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (TSBS)

Article 231 ter du code général des impôts

664

718

782

793

Taxe spéciale d'équipement (TSE)

Article 1609 G du code général des impôts

67

67

67

67

Imposition forfaitaire sur le matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs (IFER)

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

79

84

90

86

Taxe annuelle sur les surfaces de stationnement

Article 1599 quater C du code général des impôts

13

14

19

18

Taxe de séjour

Article L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales

24

15

20

20

Total

802

898

978

984

Source : commission des finances du Sénat

D'après les plafonds et prévisions de rendement prévus à l'article 36 du présent projet de loi de finances, il apparait que le montant des taxes affectées à la SGP en 2026 devrait connaître une certaine stabilité. Il pourrait ainsi s'accroître de 6 millions d'euros (+ 0,6 %) pour s'établir à 984 millions d'euros.

Pour 2026, le présent projet de loi de finances prévoit de relever les plafonds d'affectation à la SGP de la taxe sur les bureaux de 782,0 millions d'euros à 832,5 millions d'euros. Cependant, le rendement attendu de cette taxe pour 2026 n'est que de 793 millions d'euros. Il est également prévu de relever de 89,6 à 90,5 millions d'euros le plafond d'affectation de l'IFER sur le matériel roulant circulant sur le réseau ferroviaire de la RATP mais le rendement prévisionnel de cette taxe en 2026 n'est que de 86,2 millions d'euros. Le plafond d'affectation du produit de la taxe sur les surfaces de stationnement doit quant à lui être relevé de 18,9 millions d'euros à 19,4 millions d'euros pour un rendement prévisionnel de 18,5 millions d'euros. Enfin, le plafond d'affectation de la taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour en Île-de-France serait relevé de 20 millions d'euros à 21,3 millions d'euros pour un rendement attendu de 20,3 millions d'euros en 2026.

b) Depuis 2025 la SGP perçoit une redevance d'infrastructure versée par IDFM au titre de l'usage du réseau du Grand Paris express

À l'issue des différentes mises en service de lignes, Île-de-France mobilités (IDFM) est redevable à la SGP de redevances d'infrastructure. Sur ce sujet le protocole de financement pluriannuel signé entre l'État et IDFM le 26 septembre 2023 avait prévu de réduire le montant de cette redevance. Le décret n° 2024-741 du 6 juillet 2024 en a, en effet, fixé le montant à 0,8 million d'euros par an et par kilomètre de ligne. Il s'agissait d'une des recommandations de la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur le financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui avait rendu ses conclusions en juillet 202358(*).

Les prolongements nord et sud de la ligne 14 étant entrés en service en juin 2024, ils doivent donner lieu pour la première fois en 2025 au versement à la SGP d'une rémunération pour un montant d'environ 8 millions d'euros. Ce montant a vocation à augmenter au fur et à mesure des mises en service de lignes pour atteindre 140 millions d'euros par an lorsque l'ensemble du réseau aura été délivré à IDFM.

c) L'essentiel du coût prévisionnel du Grand Paris express est déjà financé par les emprunts réalisés par la SGP

Au coeur du modèle de la SGP, le recours précoce à l'endettement a permis d'accélérer la livraison du projet de Grand Paris express en augmentant considérablement la capacité à investir de l'opérateur. La stratégie de financement adoptée par la SGP suppose que celle-ci augmente son niveau d'endettement jusqu'en 2030 avant d'amorcer le remboursement de sa dette à horizon 2071. Ainsi, à la fin du mois de juin 2025, la SGP détenait un stock de dette de 30,6 milliards d'euros.

d) La trajectoire prévisionnelle d'évolution des effectifs de la SGP dans les prochaines années n'est toujours pas établie

Sous-dimensionnés à l'origine, les effectifs de la SGP avaient progressivement augmenté au fur et à mesure de l'avancée du Grand Paris express jusqu'à dépasser le millier d'ETPT au début des années 2020. Par la suite, au fur et à mesure de la délivrance à IDFM des différentes lignes du Grand Paris express, les effectifs de la SGP devaient se réduire à un rythme rapide jusqu'à la livraison de l'intégralité du nouveau réseau.

Cependant, la nouvelle mission confiée à la SGP d'accompagnement des projets de SERM a bouleversé cette perspective. Les effectifs de l'établissement ont ainsi été stabilisés et même relevés de 20 ETPT en loi de finances pour 2024, spécifiquement pour répondre à ce nouvel enjeu. En cours de gestion, avec l'accord de ses tutelles, la SGP a même pu augmenter son plafond d'emploi de 25 ETPT supplémentaires59(*) pour atteindre 1 062 ETPT. La loi de finances pour 2025 a ramené le plafond d'emploi de la SGP à 953 ETPT tandis que le présent projet de loi de finances prévoit de le rehausser de 7 ETPT, à 960 ETPT.

Évolution du plafond d'emplois de la SGP (2015-2026)

(en ETPT)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces fluctuations semblent dénoter d'un certains manque de visibilité sur la trajectoire prévisionnelle des effectifs de l'opérateur depuis l'élargissement de son champ d'action. Sur ce sujet, en réponse à leur questionnaire, la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) a indiqué aux rapporteurs qu'une « réflexion est engagée pour déterminer une trajectoire d'évolution du plafond d'emploi ». Cette trajectoire devra prendre en compte :

- d'une part la baisse du besoin en effectifs résultant de la mise en service des différentes lignes du Grand Paris express tout en tenant compte des derniers retards annoncés et de nouveaux aménagements du calendrier de mises en service qui pourraient advenir dans le futur ;

- d'autre part les besoins résultant de l'extension du champ d'activité de la SGP à l'accompagnement du développement des projets de SERM.

3. La SGP accompagne déjà seize projets de SERM

À ce jour, 34 territoires se sont déclarés intéressés pour réaliser des SERM et 26 dossiers ont d'ores et déjà été labellisés par le ministre chargé des transports. 17 territoires ont sollicité l'autorisation du même ministre pour permettre à la SGP de participer à l'élaboration des propositions de SERM et 16 d'entre-eux ont déjà conclu de premières conventions de financement avec l'établissement.

Les projets de SERM labellisés

Source : réponses au questionnaire des rapporteurs

Les dépenses relatives aux projets de SERM ont notamment vocation à être financées par les avenants transports 2023-2027 aux CPER. Ces derniers prévoient des fonds pour les études et premiers travaux pour un total de 2,7 milliards d'euros, dont 891 millions d'euros qui doivent être alloués par l'État.

Engagements financiers pris au titre des projets de SERM dans les volets transports des CPER pour la période 2023-2027

(en millions d'euros)

CPER

Total

Part État

Part Région

Autres financeurs

Auvergne Rhône-Alpes

322

147

175

-

Bretagne

177

53

51

72

Centre Val de Loire

44

18

18

8

Grand Est

650

130

197

323

Hauts-de-France

296

121

139

36

Normandie

136

53

57

25

Nouvelle Aquitaine

526

175

95

255

Occitanie

240

81

81

78

PACA (Région Sud)

163

54

51

58

Pays de la Loire

106

57

18

32

Total général

2 659

891

882

887

Source : réponses au questionnaire des rapporteurs

Le coût des investissements nécessaires pourrait se situer entre 20 et 30 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros pour le seul projet de SERM de l'Étoile ferroviaire lilloise. Au-delà des dépenses d'infrastructures, ces nouvelles offres nécessitent d'importants investissements dans l'acquisition de nouveaux matériels roulants mais également, après leur mise en service, des dépenses d'exploitation.

À ce jour, d'après les éléments communiqués aux rapporteurs, le montant prévisionnel des prestations conventionnées délivrées par la SGP au titre de la phase de préfiguration des projets de SERM, s'élève à 30,3 millions d'euros dont 13,7 millions d'euros pour le seul SERM de Lille pour lequel deux conventions de financement ont déjà été conclues.

Conventions de financement conclues par la SGP avec des collectivités
pour des prestations d'accompagnement de projets de SERM

Région

Projet

Montant prévisionnel

(en millions d'euros)

Grand Est

Bâle-Mulhouse

5

Sillon Lorrain

Strasbourg

Hauts-de-France

Lille

13,7

Normandie

Rouen

1,6

Occitanie

Toulouse

0,4

Montpellier

0,4

Auvergne-Rhône-Alpes

Franco-suisse

1,2

Chambéry

0,9

Clermont-Ferrand

1,3

Grenoble

0,8

Lyon

1,6

Saint-Etienne

1,3

Sud

Avignon

0,7

Toulon

0,7

Nice-Azur

0,7

Total

30,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs

Dans le cadre de ces conventions et pour les projets concernés, la SGP est amenée à réaliser différentes prestations au service des collectivités notamment des travaux d'élaboration du schéma d'ensemble du projet, du plan de financement, de la gouvernance et du dossier de demande d'octroi du statut de SERM.

Les prestations que la SGP peut réaliser pour le compte des collectivités
dans le cadre des projets de SERM

La loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains (SERM) prévoit que les collectivités puissent confier quatre missions à la SGP.

Avant l'octroi du statut de SERM la SGP peut élaborer des propositions de SERM, sur décision ministérielle et à la demande de la région et des autorités organisatrice des mobilités (AOM).

Puis, une fois le statut de SERM conféré par arrêté du ministre chargé des transports la SGP peut :

- assurer la maîtrise d'ouvrage de certaines infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre des SERM, suite à l'octroi du statut de SERM par arrêté du ministre ;

- participer au financement de ces projets en s'appuyant sur des recettes qui lui seraient affectées, sur le modèle du Grand Paris express ;

- assurer la coordination des différents maîtres d'ouvrage de ces projets.

Source : réponses au questionnaire des rapporteurs

En 2025, la SGP consacre environ 40 de ses ETPT, soit 4 % du total de ses effectifs sous plafond, à sa mission d'accompagnement des SERM.


* 54 Cette dernière comprend la construction des lignes, ouvrages et installations fixes, la construction et l'aménagement des gares, y compris d'interconnexion, ainsi que l'acquisition des matériels roulants conçus pour parcourir ces infrastructures et, dans les conditions prévues par la loi, leur entretien et leur renouvellement.

* 55 Décalée d'un an à la fin de l'année 2026.

* 56 Reportées de six mois, au premier trimestre 2027.

* 57 Rendements prévisionnels plafonnés en vertu des dispositions de l'article 36 du présent projet de loi de finances.

* 58 Rapport d'information n° 830 (2022 2023) fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, par MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL.

* 59 En réponses au questionnaire des rapporteurs, l'administration explique ainsi cette majoration exceptionnelle du plafond d'emploi de la SGP au cours de l'exercice budgétaire 2024 : « cette évolution a été motivée par le constat en début de gestion d'un fort dynamisme des recrutements, conjugué à des départs moins soutenus que ce qui avait initialement été envisagé. Par ailleurs, des créations de postes ont été opérées au profit de la direction en charge des services express régionaux métropolitains (direction des transports territoriaux), de la direction des systèmes d'information (conformément à l'impératif d'internalisation de certaines fonctions jusqu'à présent réalisées par des prestataires relevé par la Cour des Comptes dans le rapport publié en avril 2024) et de la direction des systèmes de transport et d'exploitation (afin de répondre aux enjeux forts des dernières phases d'essais et d'aménagement des gares avant la mise en service des lignes 15 Sud, 16, 17 et 18 du Grand Paris Express). Enfin, la DRH a bénéficié de postes supplémentaires dans le contexte de la préparation de la décroissance de l'effectif de l'établissement sur le périmètre du Grand Paris Express (GPE) ».

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