BUDGET
ANNEXE
« CONTRÔLE ET EXPLOITATION
AÉRIENS »
La direction générale de l'aviation civile (DGAC), administration centrale de l'État, joue un triple rôle de prestataire de service, de prescripteur de règles et de régulateur du transport aérien en France :
- elle assure les services de la circulation aérienne auprès des compagnies aériennes, au moyen de ses centres de contrôle en route et de ses tours de contrôle ;
- elle veille au maintien de la sécurité et de la sûreté du transport aérien en assurant la surveillance des industriels, des opérateurs et des personnels navigants ;
- elle est le régulateur économique et social du secteur aérien (compagnies aériennes, industries aéronautiques et aéroports sous réserve des missions exercées par l'autorité de régulation des transports) ;
- elle lutte contre les nuisances, en particulier sonores et atmosphériques, générées par le transport aérien ;
- elle élabore et défend les positions de la France dans les instances internationales qui traitent de l'aviation civile ;
- elle favorise le développement de l'aviation légère.
C'est la mission « Contrôle et exploitation aériens » qui retrace, dans le cadre du présent budget annexe, dit « BACEA », les activités de la DGAC.
I. UNE CROISSANCE DU TRAFIC AÉRIEN RALENTIE PAR UNE AUGMENTATION INÉDITE DE LA FISCALITÉ QUI FRAPPE DE PLEIN FOUET LES VOLS DOMESTIQUES ET LES AÉROPORTS DE PROVINCE
A. LES PREMIÈRES CONSÉQUENCES DE LA HAUSSE DE LA FISCALITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN SE FONT RESSENTIR SUR LE TRAFIC ET AGGRAVENT LA CRISE DE LA DESSERTE DU TERRITOIRE NATIONAL
Après une décennie de croissance rapide, le transport aérien avait subi, à partir de 2020, la pire crise de son histoire. Avec une baisse de 69,7 % en passagers kilomètres transportés (PKT), l'année 2020 avait été la pire année du transport aérien en Europe.
En Europe, depuis la sortie de crise, les évolutions du trafic aérien ont amplifié des signes qui étaient déjà perceptibles avant 2020, à savoir une croissance très dynamique dans les pays de l'arc méditerranéen et dans l'Europe de l'est alors que le trafic ralentit dans les pays de l'Europe du nord. Ainsi, les pays du sud de l'Europe affichaient-ils en 2024 des niveaux de trafics nettement supérieurs à ce qui était observé en 2019 (de 13 à 26 % supérieurs selon les pays) tandis qu'à l'inverse, les pays d'Europe du nord n'ont toujours pas retrouvé leur niveau de trafic d'avant crise. En Allemagne par exemple, en 2024, le trafic demeurait inférieur de 12 % à celui qui avait été observé en 2019.
La France se situait quant-à-elle dans une situation intermédiaire après avoir retrouvé en 2024 son niveau de trafic de 2019. Globalement, la croissance du trafic aérien en France a atteint 1,9 % au cours du premier semestre 2025. Cependant, s'agissant des courtes et moyennes distances avec l'Europe, la dynamique de croissance semble significativement s'essouffler à partir du deuxième trimestre 2025, très probablement en lien avec l'augmentation très significative du tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passager, souvent appelée taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), entrée en vigueur le 1er mars 2025, une augmentation qui a été particulièrement sensible sur les vols courts et moyens courriers.
Ainsi, d'après la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM), après un premier trimestre extrêmement dynamique la croissance du trafic n'a cessé de s'essouffler par la suite alors qu'ailleurs en Europe des taux de croissance de 3 % voire supérieur continuaient d'être observés. Dans le cadre des premières conclusions de l'observatoire mis en oeuvre afin d'évaluer les incidences de la hausse de TSBA entrée en vigueur en mars dernier, la DGAC note en effet « une moindre dynamique du trafic aérien » en France aux deuxième et troisième trimestre 2025. Ce phénomène distingue la France du reste de l'Europe qui connaît en moyenne une hausse du trafic nettement plus soutenue. La DGAC note ainsi que « le transport aérien en France peut être considéré en croissance « molle » depuis la dernière hausse de TSBA, contrairement au reste de l'Europe ». Les premières conclusions de ce même observatoire révèlent également qu'à compter du deuxième trimestre, « l'offre de sièges au départ de France augmente de 1,5 % contre + 4,5 % dans le reste de l'Europe ».
À ce jour, la DGAC prévoit une croissance du trafic aérien en France de 1,8 % en 2025, de 1,3 % en 2026 puis de 1,7 % en 2027.
Par ailleurs, les tendances globales masquent de grandes disparités selon les segments de trafic. Ainsi, le trafic sur les liaisons domestiques reste sensiblement inférieur à son niveau d'avant crise et continue même de s'affaiblir en 2025. Au premier semestre 2025, le trafic aérien domestique en France est inférieur de 26 % à son niveau de 2019, un affaiblissement là encore très probablement amplifié par la hausse des tarifs de la TSBA.
Dans un contexte de pénuries d'avions, les compagnies aériennes, notamment les compagnies à bas coûts qui sont aujourd'hui essentiellement celles qui desservent les lignes intérieures, sont incitées à déplacer leurs avions sur les lignes les plus rentables, notamment dans le sud de l'Europe. En 2025, les premiers signes de ce phénomène apparaissent et ils devraient s'aggraver en 2026. D'après l'Union des aéroports de France (UAF), certains aéroports de proximité pourraient perdre toutes leurs lignes l'été prochain. La hausse de TSBA a particulièrement dégradé la compétitivité de ces petits aéroports régionaux en augmentant leurs coûts de touchés25(*), devenus 42 % plus chers que la moyenne européenne.
Par ailleurs, les compagnies françaises d'aviation d'affaires commerciale, activité dont les tarifs de TSBA ont été considérablement augmentés par les dispositions de la loi de finances pour 2025, semblent souffrir tout particulièrement de ces évolutions fiscales. S'il préexistait, le mouvement de fond de la perte de part de marché du pavillon français dans ce secteur semble s'être brusquement accéléré après l'entrée en vigueur des hausses de tarifs de TSBA. En effet, d'après la DGAC, son activité se serait effondrée de 22 % au troisième trimestre 202526(*) tandis que celle des compagnies étrangères, qui représentent désormais environ 90 % des parts de marché de l'aviation d'affaires commerciale, progressait dans le même temps de 4 %. Alors que le rendement de la TSBA sur l'aviation d'affaires ne représenterait qu'environ 40 millions d'euros en année pleine, le rapporteur s'interroge sur le bilan global coûts-bénéfices, pour le budget de l'État et l'économie, d'une mesure de nature à menacer la pérennité de la filière en France.
Parmi les premières conclusions de l'observatoire précité, la DGAC souligne aussi que depuis la hausse des tarifs de TSBA, « la France se positionne parmi les pays européens ayant la plus forte fiscalité du transport aérien, avec l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et le Danemark ».
Le rapporteur n'est pas surpris par les conséquences de cette hausse inédite et déraisonnable de la fiscalité du transport aérien. Au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, il avait lui-même prédit ces effets et alerté sur les risques majeurs que faisait peser cette mesure sur le secteur aérien en France, tout particulièrement en ce qui concerne les vols intérieurs, les plus touchés par cette explosion fiscale. Si la hausse de la TSBA envisagée initialement par le Gouvernement avait finalement été revue à la baisse sur les vols intérieurs à l'initiative du rapporteur, elle reste néanmoins extrêmement handicapante pour le secteur et assombrit ses perspectives. Elle aura par ailleurs des conséquences économiques bien plus larges sur l'emploi ou l'attractivité touristique du pays par exemple.
* 25 Ces coûts intègrent l'ensemble des prestations facturées sous forme de taxes ou de redevances, à une compagnie aérienne pour effectuer l'atterrissage, la circulation au sol, le stationnement et le décollage de l'aéronef, le débarquement et l'embarquement des passagers.
* 26 Passant de 2 600 à 2 000 mouvements.