B. LE PARLEMENT NE REÇOIT PAS UNE INFORMATION PRÉCISE SUR LES TRÉSORERIES DES OPÉRATEURS DU PLAN EN DÉPIT D'UNE OBLIGATION PRÉVUE PAR LA LOI

Comme l'ont relevé les rapporteurs spéciaux dans leur analyse des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », le lien entre les crédits ouverts en loi de finances pour un exercice et le financement des aides du plan France 2030 au cours de cette exercice est distendue par une double disjonction liée d'une part au cadre extrabudgétaire des investissements d'avenir et d'autre part au processus d'accumulation de trésorerie excédentaire fléchée sur les comptes dédiés des opérateurs du plan.

Si la première disjonction entre le « cycle opérationnel » et le « cycle budgétaire » de la dépense dans le cadre du plan France 2030 est consubstantielle au déploiement du plan et constitue la conséquence directe du cadre extrabudgétaire prévu par le législateur à l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative80(*), la deuxième disjonction liée à l'accumulation de trésorerie excédentaire aurait pu être évitée et elle résulte d'une disproportion au cours des premières années de déploiement du plan entre le calibrage des crédits de paiement (CP) ouverts en loi de finances initiales et les besoins réels de décaissement des opérateurs du plan.

Les rapporteurs relèvent à ce titre que la communication du Gouvernement se concentre en premier lieu sur le niveau d'attribution des crédits, ce qui est cohérent avec le fait que les montants « libres d'emploi » du plan sont ceux qui n'ont pas été attribués. Pour autant, comme l'a souligné le président du Comité de suivi des investissements d'avenir (CSIA) lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, d'un point de vue économique et pour les bénéficiaires finaux, l'indicateur le plus pertinent de suivi est bien celui des aides décaissées, c'est-à-dire effectivement versées aux bénéficiaires finaux.

C'est dans cette perspective qu'il faut appréhender l'importance pour les parlementaires de disposer d'informations claires et régulières non seulement sur les montants d'aides attribuées mais également sur les mouvements des comptes des opérateurs du plan France 2030. C'est en effet en suivant les flux réels de trésorerie observés sur ces comptes que les parlementaires peuvent avoir connaissance des décaissements réalisés et donc des liquidités nouvelles injectées dans l'économie.

C'est sur ce fondement que la commission des finances du Sénat a pris l'initiative, par un amendement de son rapporteur général Philippe Marini81(*), d'intégrer dans le cadre législatif qui régit les investissements d'avenir l'obligation d'informer trimestriellement les commissions des finances des deux assemblées de la situation des comptes dédiés aux investissements d'avenir des opérateurs (trésorerie dédiée) et des mouvements sur ces comptes.

Or les rapporteurs spéciaux relèvent, comme ils l'avaient déjà fait à l'automne dernier, que le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) ne respecte pas le III de l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative82(*). En effet, dans les bilans financiers trimestriels qui sont transmis aux commissions des finances des assemblées, ne figurent aucune information sur le niveau de trésorerie des opérateurs du plan. Si le niveau de décaissement global des aides du plan est indiqué, la ventilation des décaissements entre les opérateurs du plan ne figure pas non plus dans ces bilans alors même que la loi prévoit que le Parlement est informé sur « les mouvements des comptes » des opérateurs du plan.

Ce défaut de diligence dans l'information du Parlement sur les trésoreries des opérateurs et les décaissements d'aides qu'ils effectuent, qui vient s'additionner à un manque de transparence sur les mouvements de fonds entre les sous-enveloppes du plan, limite la portée du suivi parlementaire qui peut être effectué du plan France 2030.


* 80 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 81 Projet de loi de finances rectificative pour 2010, 10 février 2010, amendement n° 17 déposé par le rapporteur général Marini au nom de la commission des finances et adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

* 82 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

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