II. LE PROGRAMME « PRESSE ET MÉDIAS » : UNE RELATIVE DIMINUTION DES AIDES À LA PRESSE ET DU SOUTIEN AUX RADIO LOCALES

Le présent projet de loi de finances prévoit de réduire les crédits du programme 180 « Presse et médias » à 347,7 millions d'euros en AE et 346 millions d'euros en CP. Plus de la moitié de ces financements concerne les aides à la presse, 42 % les crédits versés à l'AFP et une part restreinte (6 %) les radios locales.

Répartition des crédits de paiement par action
au sein du programme 180 « Presse et médias »

(en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Cela représente une baisse de 22,4 millions d'euros par rapport à l'année précédente (- 6,1 %). Entre 2023 et 2026, les crédits du programme auront diminué de 6,8 %. Cette évolution est cependant très concentrée sur les aides à la presse et sur le soutien aux radios locales. À l'inverse, conformément à la trajectoire prévue dans le contrat d'objectif et de moyens de l'Agence France presse (AFP), les crédits accordés à cette dernière croissent de 9 % sur la période 2023-2026.

Évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias »
depuis 2023

(en euros en CP)

 

2023

2024

2025

PLF 2026

Évolution 2025/2026 (en euros)

Évolution 2025/2026 (en %)

Évolution 2023/2026

(en %)

Action 01 : Relations financières avec l'AFP

134 976 239

141 692 217

142 974 143

147 185 234

4 211 091

2,95 %

9,05 %

Action 02 : Aides à la presse

197 542 361

196 826 383

194 888 133

176 455 448

- 18 432 685

- 9,46 %

- 10,67 %

Action 05 : Soutien aux médias de proximité

1 831 660

1 958 654

1 831 660

1 831 660

0

0,00 %

0,00 %

Action 06 : Soutien à l'expression radiophonique locale

36 032 069

35 688 639

25 344 320

19 607 957

- 5 736 363

- 22,63 %

- 45,58 %

Action 07 : Compagnie internationale de radio et de télévision

1 666 500

1 666 500

1 666 500

1 666 500

0

0,00 %

0,00 %

Programme 180 : Presse et médias

372 049 399

377 832 393

366 704 756

346 746 799

- 19 957 957

- 5,44 %

- 6,80 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Les baisses de crédits prévues dans le présent PLF se concentrent sur certains dispositifs des aides à la presse et le soutien à l'expression radiophonique locale. À l'inverse, le renforcement des crédits de l'AFP et le renforcement des aides à la presse écrite ont un impact à la hausse de respectivement 4,2 et 4,5 millions d'euros.

Facteurs d'évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias »
entre la LFI 2025 et le PLF 2026

(en millions d'euros en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

A. UNE BAISSE GLOBALE DES AIDES À LA PRESSE QUI REPOSE EN QUASI-TOTALITÉ SUR LES AIDES À LA MODERNISATION

L'action n° 2 du programme 180 recense trois types d'aides à la presse : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur.

1. Une diminution des aides directes

Le montant total des aides à la presse écrite devrait atteindre 178,29 millions d'euros en 2026. Il est donc en diminution par rapport à l'année précédente (- 5,8 %).

Montant des aides à la presse prévues au sein du programme 180

(en CP, en euros et en %)

 

LFI 2024

LFI 2025

PLF 2026

Variation 2025/2026

Variation

2024/2026

Aides à la diffusion

142,58

129,65

129,75

0,08 %

- 9,00 %

Aide à l'exemplaire pour les titres de presse posté

68,20

65,49

61,10

- 6,71 %

- 10,41 %

Aide à l'exemplaire pour les titres de presse portés

35,10

33,70

33,70

0,00 %

- 3,99 %

Exonérations des charges patronales pour les vendeurs colporteurs de la presse

11,43

11,60

11,60

0,00 %

1,48 %

Aide à la distribution de la presse nationale au numéro

27,85

18,85

23,35

23,87 %

- 16,16 %

Aides au pluralisme

25,93

23,23

23,23

0,00 %

- 10,41 %

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

13,06

10,36

10,36

0,00 %

- 20,68 %

Aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

4,00

4,00

4,00

0,00 %

0,00 %

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1,40

1,40

1,40

0,00 %

0,00 %

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1,47

1,47

1,47

0,00 %

0,00 %

Aide au pluralisme des titres de presse ultramarins

2,00

2,00

2,00

0,00 %

0,00 %

Aide aux services de presse tout en ligne

4,00

4,00

4,00

0,00 %

0,00 %

Aides à la modernisation

29,11

36,31

25,31

- 30,30 %

- 13,05 %

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6,00

5,00

5,00

0,00 %

- 16,67 %

Fonds stratégique pour le développement de la presse

16,28

24,48

13,48

- 44,94 %

- 17,20 %

Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse

5,00

5,00

5,00

0,00 %

0,00 %

Fonds de soutien aux médias sociaux de proximité

1,83

1,83

1,83

0,00 %

0,00 %

Total aides à la presse écrite

197,62

189,18

178,29

- 5,76 %

- 9,78 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Les aides à la presse indirectes représentent un montant supérieur aux aides directes

Il convient de noter que s'ajoutent aux dépenses budgétaires en faveur de la presse 65 millions d'euros de dépenses fiscales (dont 58 millions d'euros pour le seul taux de TVA « super réduit » sur la presse).

Évolution du montant des dispositifs fiscaux en faveur de la presse

(en millions d'euros)

 

2024 

2025

(prévision)

Taux de TVA super réduit (2,1 %)

57

58 

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

Moins de 0,5

0

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

Moins de 0,5

Moins de 0,5

Réduction d'impôt au titre des dons effectués en faveur des entreprises de presse

Non chiffré

Non chiffré

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

Non chiffré

Non chiffré

Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

Moins de 0,5

-

Exonération en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

5

5

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

4

1

TOTAL

69,5

65

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les aides à la presse incluent également des dispositifs de réduction des cotisations sociales.

Les vendeurs et porteurs de presse bénéficient de deux dispositifs : une assiette forfaitaire de cotisations sociales par tranches de 100 journaux vendus ou distribués et une exonération de cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales2(*). Le manque à gagner qui en résulte pour les régimes de sécurité sociale est compensé par l'État sur le budget du programme et versé à l'ACOSS.

Coût des réductions de cotisations sociales de vendeurs-porteurs de presse pris en charge par le programme « Presse et médias »

(en millions d'euros)

Année

Montant de la compensation prévue sur le P. 180

2022

12,887

2023

11,687

2024

11,434

2025

11,603

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les journalistes bénéficient également d'allègements fiscaux et sociaux, pour un montant de 50 millions d'euros de dépense fiscale et de 135 millions d'euros de dépense sociale.

L'exonération partielle d'impôt sur le revenu des journalistes

Les dispositions du 1° de l'article 81 du code général des impôts (CGI) prévoient que les rémunérations perçues par les journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux sont, à concurrence de 7 650 euros, représentatives d'allocations pour frais d'emploi (AFE) réputées utilisées conformément à leur objet. Elles sont donc exonérées d'impôt sur le revenu à hauteur de cette somme. Cette mesure est cependant réservée depuis 2019 aux seuls journalistes dont le revenu brut annuel n'excède pas 93 510 euros.

Ces dispositions se substituent à la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels dont bénéficient l'ensemble des salariés. Elles visent à prendre en compte, de manière forfaitaire, les spécificités inhérentes à l'activité des journalistes, lesquelles ne leur permettent pas de faire état de leurs frais professionnels réels et justifiés de manière compatible avec le principe de confidentialité qui résulte de la protection du secret des sources.

Ce dispositif particulier d'exonération a été instauré par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 1998. Il a remplacé la déduction forfaitaire supplémentaire de 30 % pour frais professionnels dont bénéficiaient les journalistes depuis 1934.

Le montant de cette exonération est évalué à 50 millions d'euros par an.

Source : commission des finances

Les entreprises et agences de presse bénéficient de deux dispositifs d'allègement des cotisations sociales au titre de l'emploi des journalistes professionnels :

- un abattement de 20 % du taux de cotisations de sécurité sociale ;

- une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels : jusqu'en 2023, l'assiette des cotisations sociales était abattue de 30 %, dans la limite de 7 650 euros par année civile par salarié et par an. Cet abattement a été supprimé à compter du 1er janvier 2024 de façon très progressive, sur 15 ans à raison d'une réduction de 2 % par an.

Dans un rapport de 20183(*), la Cour des comptes estimait la perte de recettes résultant de ces mesures à 135 millions d'euros, dont 100 millions d'euros pour l'abattement de 20 % du taux de cotisations sociales et 35 millions d'euros liés à la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels.

Enfin les correspondants locaux de la presse régionale ou départementale bénéficient également d'un régime social dérogatoire. Leur statut leur permet ainsi d'imputer, sur leurs bénéfices imposables, les charges professionnelles nécessaires au fonctionnement de leur activité telles que les frais de déplacement. Ces exonérations sont compensées par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi ».

3. Une réduction concentrée sur les aides à la modernisation, alors que les aides à la diffusion augmentent

Le montant total des aides à la presse proposé en PLF 2026 résulte de deux mouvements budgétaires contraires.

D'une part, les aides à la distribution augmentent de 4,5 millions d'euros par rapport à 2025 (cf. infra). D'autre part, le montant prévu pour le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), destiné à accompagner les investissements du secteur dans sa transition économique, numérique et écologique est divisé par deux entre le niveau prévu en LFI 2025 et celui prévu en PLF 2026. Une partie des crédits du FSDP ayant été gelée en 2025, le FSDP est suspendu depuis juin 2025.

En conséquence, la part des aides à la diffusion dans le total des aides directes à la presse passe de 60 % en 2025 à 73 % en 2026. Les aides à la modernisation reculent de 27 % à 14 %.

Répartition des crédits de paiement par sous-action
au sein de l'action 02 « Aides à la presse » en 2026

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les chiffres de la chute des ventes au numéro sont vertigineux : entre 2019 et 2023, le volume de vente au numéro de la presse quotidienne nationale (PQN) a diminué de 60 % et celui de la presse quotidienne régionale (PQR) de 36 % sur la même période. L'érosion constatée sur la seule année 2023 est de respectivement 14 % pour la PQN et 11 % pour la PQR.

Ventes au numéro en France

(en millions d'exemplaires et en %)

Source : commission des finances

Le chiffre d'affaires de la presse à diminué de 43 % entre 2003 et 2023. La presse nationale d'information générale et la presse magazine grand public ont été particulièrement touchées et ont, sur la même période, perdu 57 % et 58 % de leur valeur.

Chiffre d'affaires de la presse écrite

(en milliers d'euros et en %)

 

2022

2023 

2022/2023 (en %)

2022/2023

hors inflation (en %)

Presse nationale d'information générale

865

861

- 0,44 %

- 5,23 %

Presse locale d'information générale

2 046

2 010

- 1,78 %

- 6,50 %

Presse magazine grand public

2 392

2 401

0,34 %

- 4,53 %

Presse technique et professionnelle

521

529

1,59 %

- 3,07 %

Presse gratuite d'annonces et d'information

90

96

7,15 %

2,06 %

Total

5 914

5 897

- 0,29 %

- 5,03 %

Source : commission des finances

Concernant les aides à la distribution, celles-ci ont été réformées en 2022. On distingue désormais un double barème : l'un concernant les exemplaires postés et l'autre pour les exemplaires portés.

Le volet dédié aux exemplaires postés est destiné aux éditeurs des publications d'information politique et générale (IPG) et quotidiens à faibles ressources publicitaires ou à faibles ressources de petites annonces (QFRP/QFRA), d'une périodicité au maximum hebdomadaire. L'objectif de la réforme est d'encourager le portage, le montant de l'aide à l'exemplaire ayant diminué de 15 % à compter du 1er janvier 2024, sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses dans lesquelles il n'existe pas à court terme d'alternative à la distribution postale.

La question des aides à la distribution a fait l'objet d'un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles remis en 2024. Cette mission proposait 4 scénarios. Le quatrième, qui serait privilégié à ce stade, pourrait mener à des modifications dans les schémas logistiques, industriels et organisationnels de la filière par une réforme structurelle de la chaîne logistique et la création d'un contrat de filière, reposant sur une conditionnalité de l'aide à la distribution.

À la suite de ce rapport, la ministre de la Culture a confié à Sébastien Soriano le pilotage d'une concertation avec le secteur à partir du printemps 2024. À l'issue de nombreux échanges, un projet de contrat de modernisation de la distribution de la presse a été transmis aux acteurs de la filière le 1er août 2025.

Cet accord prévoit un accompagnement social et à l'investissement des sociétés concernées par l'État. En conséquence, le PLF prévoit un renforcement des aides à la diffusion à hauteur de 4,5 millions d'euros.

Face à un modèle de la diffusion qui atteint la distribution de la presse écrite, le rapporteur spécial considère que les mutualisations entre les deux principaux acteurs, bien que ceux-ci répondent sur certains points à des logiques différentes, doit impérativement permettre une rationalisation des coûts et une diminution des pollutions induites par la presse imprimée.

Il est regrettable que les aides à la modernisation fassent les frais des réductions prévues en 2026 du fait de leur caractère davantage « pilotable » que d'autres postes de dépenses. Les aides à la presse doivent faire l'objet d'économies structurelles mais il est regrettable que la seule réponse consiste à réduire les aides à la modernisation, ce qui s'apparente à une gestion essentiellement court-termiste.

Plus largement, le rapport précédent de la commission des finances sur les aides à la presse4(*) plaidait pour la refonte de l'ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées actuellement à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son degré de digitalisation, de sa participation à la connaissance et au savoir - la question de la pertinence du critère d'information politique et générale est notamment posée - et de son accès aux ressources publicitaires.


* 2 Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 3 Rapport public annuel 2018 - février 2018, Les aides à la presse écrite : des choix nécessaires.

* 4 Vitamine ou morphine ? Quel avenir pour les aides à la presse écrite ?, rapport de Roger KAROUTCHI au nom de la commission des finances, juin 2021.

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