III. LE PROGRAMME « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »
Le programme « Livre et industries culturelles » est composé de deux actions. L'action 01 « Livre et lecture » représente la quasi-totalité des crédits de paiement du programme et est stable en CP. En revanche, l'action 02 - Industries culturelles, qui ne représente que 21,6 millions d'euros en 2026, diminue de 27 % en AE comme en CP.
Évolution des crédits du
programme 334 « Livre et industries
culturelles »
à périmètre
courant
(en millions d'euros et en %)
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LFI 2023 |
LFI 2024 |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Variation 2025/2026 ( %) |
Variation 2023/2026 ( %) |
||||||
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AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
01 - Livre et lecture |
296 686 |
304 187 |
331 896 |
327 008 |
327 543 |
320 396 |
338 343 |
321 778 |
3,30 % |
0,43 % |
14,04 % |
5,78 % |
|
02 - Industries culturelles |
29 664 |
29 664 |
32 274 |
32 274 |
30 442 |
30 442 |
21 658 |
21 658 |
- 28,9 % |
- 28,86 % |
- 27 % |
- 27 % |
|
334 - Livre et industries culturelles |
330 338 |
324 433 |
364 170 |
359 283 |
357 985 |
350 838 |
360 000 |
343 436 |
0,56 % |
- 2,11 % |
8,98 % |
5,86 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires
L'évolution du programme 334 découle de plusieurs facteurs. À la baisse, les opérateurs du programme contribuent par une réduction de leurs moyens, en fonctionnement et, dans une moindre mesure, en investissement. En sens inverse, la poursuite des travaux du Centre Pompidou a impliqué le relogement temporaire de la Bibliothèque publique d'information (BPI), tandis que les travaux liés à la création de la Maison du dessin de presse ont impliqué le décaissement d'AE à hauteur de 8,8 millions d'euros.
Facteurs d'évolution des crédits de
paiement du programme 334 « Livre
et industries
culturelles » entre 2025 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires
La hausse des AE constatée en 2026 résulte pour une grande part de l'ouverture d'une enveloppe supplémentaire pour le nouveau pôle de conservation de la BnF à Amiens (+ 30 millions d'euros en AE).
Après un report, l'inscription au PLF
2026 des crédits des travaux
de la maison du dessin de
presse
Le présent PLF prévoit une ouverture de 2,7 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP destinés aux travaux de la maison du dessin de presse.
Cette ouverture de crédits fait suite à un retard dans l'échéancier initial. En 2024, 13,91 millions d'euros en AE et 2,6 millions d'euros en CP étaient prévus sur les crédits du programme 334 pour les travaux de la Maison du dessin de presse dont l'ouverture était prévue à Paris en 2026. 2 millions d'euros avaient déjà été versés en 2023 pour mener les études préalables et lancer les travaux.
Le budget prévisionnel des travaux est estimé à 15,6 millions d'euros, qui devaient être versés entre 2023 et 2026. Le calendrier de financement initial a cependant été décalé. Les crédits votés en 2024 au titre de l'investissement ont donc été reportés en 2025. Les crédits prévus en 2026 devraient permettre le démarrage des travaux au début de l'année 2026, dans la perspective d'une ouverture au public de la Maison en 2027.
Financement des travaux de la maison du dessin de presse
(en millions d'euros)
Source : réponse au questionnaire budgétaire
La Ville de Paris met à disposition gratuitement le bâtiment qui accueillera la Maison, sous la forme d'un bail emphytéotique administratif de 50 ans conclu pour un euro symbolique. Le bail a été signé le 18 juillet 2025 entre la Ville de Paris et l'État. La Région Île-de-France a par ailleurs décidé de contribuer au financement de l'investissement, à hauteur de 1 million d'euros.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires
A. LA POLITIQUE DU LIVRE, UNE POLITIQUE EFFICACE MAIS DOTÉE DE PEU DE MOYENS BUDGÉTAIRES AU-DELÀ DES GRANDES BIBLIOTHÈQUES
L'action 01 « Livre et lecture » du programme 334 devrait être dotée en 2025 de 338,4 millions d'euros en AE et 321,8 millions d'euros en CP. Ces crédits augmentent en AE de 3,3 % et en CP de 0,3 %.
1. Un maintien des dotations aux bibliothèques publiques mais une limitation des moyens au centre national du livre
Le montant total consacré par l'État au livre et à la lecture s'élevait en 2024 à 1,1 milliard d'euros, dont 600 millions d'euros de pertes de recettes liées au taux réduit à 5,5 % de taxe sur la valeur ajoutée pour la vente de livre. Les bibliothèques représentent le premier poste de dépense.
Montants consacrés par l'État au soutien au livre et à la lecture en 2024
(en millions d'euros et en %)
|
Dépense budgétaire ou incidence fiscale |
Montant |
Proportion du soutien total accordé par l'État |
|
|
Mission Médias, livre et industries culturelles Programme 334 |
Bibliothèque nationale de France |
243,0 |
22,07 % |
|
Politique économique du livre |
50,7 |
6,85 % |
|
|
Dont Centre national du livre |
28,5 |
2,52 % |
|
|
Développement de la lecture et des collections |
23,7 |
2,15 % |
|
|
Dont Bibliothèque publique d'information |
10,1 |
0,92 % |
|
|
Total |
317,4 |
28,83 % |
|
|
Mission Culture |
Achats de livres sur les crédits du Pass Culture (part individuelle) |
89 |
8,09 % |
|
Compensation partielle par l'État d'exonération de cotisation d'assurance vieillesse pour les artistes auteurs |
nc9(*) |
nc |
|
|
Mission relations avec les collectivités territoriales |
Concours particulier relatif aux bibliothèques au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) |
94,4 |
8,58 % |
|
Taux réduit de TVA sur le livre |
600 |
54,51 % |
|
|
Total |
1 100,8 |
100,00 % |
|
|
Total soutien économique à la filière du livre |
740 |
67,22 % |
|
|
Total dépenses budgétaires |
500,8 |
45,5 % |
|
|
Total dépenses budgétaires - soutien économique à la filière du livre |
139,7 |
12,69 % |
|
Source : commission des finances
La majorité des crédits de l'action consistent en des dotations versées à trois opérateurs : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (Bpi) et le Centre national du livre.
Au cours des dernières années, les crédits accordés aux opérateurs ont largement augmenté. La quasi-totalité de cette hausse a cependant été absorbée par la BnF. Une partie de cette progression découlait de la compensation de la hausse du point d'indice.
Évolution des crédits de paiement
dédiés aux opérateurs
de l'action 01 du programme
334
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'action du ministère de la culture en faveur du livre repose également au niveau national sur le centre national du livre (CNL), qui est le principal acteur à intervenir directement auprès des entreprises de la chaîne du livre. Les aides du CNL concernent autant les aides à l'investissement qu'au fonctionnement. Elles prennent différentes formes :
- aides aux entreprises : prêts sans intérêts ou subventions pour l'accompagnement de projets de création, de reprise ou de développement ;
- aides aux actions qualitatives : prêts sans intérêts ou subventions pour le soutien aux actions d'animation culturelle, à l'élargissement ou à la création de fonds thématiques ;
- subventions en faveur des librairies francophones à l'étranger ;
- accompagnement de projets interprofessionnels.
Les aides du CNL prennent la forme de 28 dispositifs, pour un montant de 23,79 millions d'euros en 2024.
Aides directes totales attribuées par le CNL
(en millions d'euros et en nombre d'aides)
Source : commission des finances d'après le CNL
La SCSP du centre national du livre devrait diminuer de 26,653 en 2025 à 22,376 millions d'euros en 2026. D'après la direction générale des médias et industries culturelles, cette diminution ne devrait pas se traduire par une limitation des dispositifs d'intervention du CNL en 2026.
2. La Bibliothèque nationale de France, un mur d'investissements difficilement finançable
Pour 2026, l'enveloppe consacrée à la BnF s'établit à 274,2 millions d'euros en AE et 248,2 millions d'euros en CP. Cela représente une légère baisse en CP (- 0,64 %) et une hausse de 12 % en AE par rapport à 2025.
La croissance des AE est liée à un abondement de 30 millions d'euros afin de financer le site de stockage à Amiens. La SCSP de la BnF est quant à elle en légère diminution et s'élève à 212,8 millions d'euros en AE comme en CP.
Évolution des subventions pour charges de service public et pour charges d'investissement de la Bibliothèque nationale de France
(en millions d'euros)
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2025 |
2026 |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
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|
Subvention pour charges de service public |
214,5 |
214,5 |
212,8 |
212,8 |
|
Subvention pour charges d'investissement |
31,3 |
35,3 |
61,3 |
35,3 |
|
Total |
245,8 |
249,8 |
274,2 |
248,2 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
L'essentiel des dépenses de la BnF concerne sa masse salariale (168,5 millions d'euros en 2025). Sa croissance au cours des dernières années est essentiellement liée aux mesures générales concernant l'ensemble de la fonction publique. Hors augmentation du point d'indice et hors mesures indemnitaires ministérielles ou interministérielles, la BnF indique que l'augmentation de la masse salariale est annuellement contenue à 0,9 %.
Entre 2021 et 2025, le plafond d'emplois en LFI est resté stable à 2 212 ETPT. Le plafond d'emplois réellement exécuté est passé, quant à lui, de 2 148 ETPT en 2021 à 2 127 en 2024. La BnF prévoit une croissance du nombre des emplois hors plafond à 18,9 ETPT en 2025, qui se stabiliserait pour les trois prochains exercices.
Les dépenses de fonctionnement ont été tirées à la hausse par l'inflation des coûts de l'énergie et par la réouverture en 2022 du site Richelieu. Mais la BnF met en avant son effort de maîtrise de ses dépenses de fonctionnement, en recul sur la période 2022 - 2024 de - 1 million d'euros (- 3 millions d'euros hors fluides).
Évolution des dépenses de la Bibliothèque nationale de France
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les investissements constituent un poste important, notamment du fait des grands travaux engagés par la BnF au cours des dernières années ou devant être prochainement engagés.
Les travaux du centre de stockage et de conservation d'Amiens
Le PLF pour 2026 prévoit 30 en AE pour le financement du centre d'Amiens.
La BnF est confrontée à la saturation de ses magasins de collections et de ses sites existants du fait, notamment, de l'augmentation de la production éditoriale française qu'elle collecte au titre de sa mission de dépôt légal. De plus, certains ensembles de collections tendent à se dégrader. La BnF a donc lancé en 2019 l'élaboration d'un nouveau schéma directeur immobilier visant à construire un nouveau pôle de conservation. Cet équipement aura une double vocation : il comprendra un centre de conservation généraliste pour tous types de collections et un conservatoire de la presse spécifiquement dédié à ce type de documents.
La convention-cadre de 2022 et les conventions financières signées en 2023 fixent le montant des participations de chaque collectivité, ainsi que les modalités de versement, pour un montant total de 41,6 millions d'euros :
- 33,6 millions d'euros pour la région ;
- 2,5 millions d'euros du département de la Somme ;
- 5,5 millions d'euros de la part d'Amiens Métropole et de la Ville.
Le plan de financement prévisionnel de l'opération prévoit 30 millions d'euros de financement de l'État. Ce montant doit être complété par un recours aux fonds propres de la BnF à hauteur de 5 millions d'euros et des retours de cessions immobilières prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de son schéma directeur immobilier, estimés à 20 millions d'euros.
Du point de vue fonctionnel, il est structuré autour de neuf pôles d'activités pour une surface utile d'environ 10 700 m². Les deux pôles les plus importants sont les ateliers et les magasins. Le pôle des ateliers de conservation regroupera toutes les activités de conservation et de numérisation sur 1 800 m² environ. Le pôle des magasins de conservation est constitué par un magasin de grande hauteur, d'une superficie de 5 000 m² environ, entièrement robotisé. Il fonctionnera sous oxygène raréfié (13,5 %) et avec une climatisation d'appoint. Sa capacité totale est de 260 km², ce qui équivaut à 62 ans d'accroissement de collections à compter de l'ouverture du centre. Un premier transfert de collections de 150 km² vers Amiens permettant de désaturer les magasins de sites parisiens aura lieu en 2030-2032 une fois le site d'Amiens opérationnel.
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire parlementaire
La BnF doit cependant faire face à de très grandes difficultés en matière d'investissements au cours des prochaines années, en particulier concernant son site Tolbiac. Le ministère indique que « le site et ses équipements ont atteint un taux de vétusté que la BnF n'est plus en mesure de maîtriser avec sa dotation actuelle ». Il estime le coût global de rénovation complète à 500 millions d'euros à 600 millions d'euros.
Le ministère liste notamment les investissements de grande ampleur nécessaires concernant les installations de sécurité et de sûreté qui conditionnent l'ouverture au public (sécurité incendie, ascenseurs, réseau d'alimentation électrique, etc.), les travaux de clos et couvert ou la préservation des conditions de conservation des collections (armoires et systèmes de climatisation, installations électriques).
Le montant de la subvention d'investissement courante inscrit sur 2026 s'élève au même niveau que l'année précédente (31,33 millions d'euros). La BnF indique qu'elle devra mobiliser son fonds de roulement sur des opérations urgentes tels que le renouvellement de la sonorisation de sécurité et la vidéosurveillance du site François-Mitterrand et les dispositifs de contrôle d'accès et de billetterie.
Cette situation est alarmante dans la mesure où la BnF dispose de peu de marges de manoeuvre financières, notamment en matière de ressources propres et malgré la croissance de ces dernières. Le soutien de l'État ne peut cependant évoluer en proportion des besoins, pour un bâtiment qui n'a finalement que 30 ans.
3. La politique de soutien à l'économie du livre, des montants modestes mais un effet levier satisfaisant
Le rapporteur spécial a consacré un récent travail de contrôle budgétaire au soutien à l'économie du livre10(*). La politique économique du livre proprement dite s'élève en 2024 à 50,7 millions d'euros, soit seulement 6,8 % des crédits consacrés au livre et à la lecture.
Répartition des crédits de la politique économique du livre
(en %)
Source : commission des finances d'après les données du ministère de la culture
Le centre national du livre est le principal acteur à intervenir directement auprès des entreprises de la chaîne du livre. Les aides du CNL prennent la forme de 28 dispositifs, qui bénéficient à l'ensemble des professionnels de la chaîne du livre. Près de 3 000 aides ont été attribuées en 2023 par le CNL, pour un montant total de 22 millions d'euros. Les modalités d'attribution des aides du CNL sont perfectibles mais globalement satisfaisantes.
Aides directes totales attribuées par le CNL
(en millions d'euros et en nombre d'aides)
Source : commission des finances d'après le CNL
Si, en nombre d'aides, les librairies ne représentent que 16 % des aides accordées, les aides aux librairies sont en moyenne d'un montant deux fois supérieur aux aides aux auteurs et aux éditeurs.
Le livre représente le premier secteur en termes de chiffres d'affaires parmi les industries culturelles. Il est pourtant de très loin le secteur le moins directement aidé. Si les aides du CNL représentent entre 1 % et 2 % du chiffre d'affaires de l'édition et de la librairie indépendantes, elles ne représentent que 0,23 % du chiffre d'affaires total du secteur du livre.
* 9 Le coût total de la compensation partielle par l'État d'exonération de cotisation d'assurance vieillesse pour les artistes auteurs s'élevait à 21 millions d'euros sur la mission Culture en LFI pour 2025. Toutefois, les documents budgétaires ne permettent pas de retracer quelle part de ces compensations est liée à des exonérations d'auteurs de livres et non d'autres oeuvres intellectuelles.
* 10 L'aide de l'état au secteur du livre : un soutien efficace, rapport d'information n° 812 (2024-2025), déposé le 2 juillet 2025.







