IV. LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS FACE À UN DÉFI COLOSSAL
A. UNE NÉCESSAIRE RÉNOVATION ET MODERNISATION DU PARC IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT
La rapporteure spéciale prend acte des efforts en matière :
- d'une part, d'investissements immobiliers réalisés dans le cadre du programme 354 pour la rénovation du parc immobilier préfectoral et des directions départementales interministérielles (DDI) ;
- et d'autre part, de rationalisation par un regroupement des emprises immobilières du ministère effectués dans le cadre du programme 216.
Néanmoins, cette augmentation des dépenses immobilières demeure largement en deçà des besoins identifiés. La rapporteure spéciale rappelait l'an dernier que le patrimoine de l'administration territoriale de l'État (ATE) comporte 2 871 bâtiments hébergeant près de 75 000 agents pour une surface utile brute (SUB) de plus de 3 millions de m², soit 3 % de la SUB de l'ensemble des bâtiments occupés par l'État et ses opérateurs.
Les bâtiments préfectoraux représentent une surface totale de 1,8 million de m², tandis que le parc immobilier des DDI et des DR du périmètre ATE représente un peu plus de 1,3 million de m². Ces sites peuvent relever de trois statuts patrimoniaux (domanial, mis à disposition110F111(*) ou pris à bail par l'État).
Son récent contrôle budgétaire111F112(*) avait mis en lumière le mauvais état et la situation préoccupante du patrimoine de l'administration territoriale de l'État. 16 % des bâtiments de l'administration territoriale de l'État sont considérés comme peu ou non conformes au référentiel de la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et requièrent des travaux de désamiantage, d'isolation, ou de réfection des toitures à la suite d'infiltrations.
En effet, concernant l'impératif de transition écologique, l'immobilier de l'administration territoriale de l'État accuse un retard important en matière de rénovation thermique, en l'absence de planification solide des besoins de rénovation énergétique, alors même que les obligations nationales et européennes se renforcent dans ce domaine112F113(*).
Il a en effet fait l'objet d'un sous-investissement continu, dans le cadre d'arbitrages budgétaires perdus au profit d'autres postes de dépenses du ministère de l'intérieur, notamment les projets d'investissements d'ampleur portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », tels que le site Universeine et le site unique du renseignement Intérieur qui représentent respectivement 375,6 millions d'euros en CP et 983 millions d'euros en CP.
Le projet Universeine vise à relocaliser au coeur du village olympique à Saint-Denis, 2 700 agents issus de plusieurs directions support du ministère de l'intérieur. La réponse au questionnaire budgétaire souligne l'opportunité patrimoniale du projet. « En comparant dans la durée les dépenses induites par le maintien de l'occupation du Lumière, et les coûts d'achat lissés d'un bien immobilier existant, il est apparu que cet achat deviendrait rentable en moins de 10 ans. [...]
L'avis domanial indique aussi que sur la base du prix réellement payé (223M € HT / 267,6M € TTC) pour 45 203 m² de surfaces tertiaires (bureaux) et annexes, la valeur domaniale s'élève à 4 933 €/m² HT, parkings inclus [5 919,6 € TTC].
Ces deux facteurs conduisent à considérer que, au-delà de son adéquation au besoin exprimé par le ministère de l'intérieur dans l'appel au marché, cet actif constitue d'ores et déjà pour l'État une réelle opportunité patrimoniale, dont l'intérêt croîtra encore à moyen et long terme, grâce au développement rapide de l'environnement urbain immédiat, au travers des Jeux olympiques et paralympiques 2024 qui contribuent à l'augmentation de valeur de toute la zone »113F114(*).
La rapporteure spéciale sera vigilante quant au bilan des projets « Universeine » et « site unique de la DGSI », non seulement en matière d'opportunité patrimoniale, eu égard au montant des projets mais également de démarche environnementale, de maintien en condition opérationnelle des bâtiments et d'inclusion. Elle poursuivra ses contrôles quant à la modernisation et rénovation énergétique des sites de préfectures et sous-préfectures, requise par la directive européenne.
* 111 De nombreux bâtiments sont mis à disposition par les collectivités territoriales et n'ont pas changé de statut depuis les lois de décentralisation.
* 112 Rapport d'information n° 769 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État, par Mme Florence BLATRIX CONTAT.
* 113 Directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte). En effet, la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024, apporte de nouvelles obligations aux États membres de l'Union européenne. Ces derniers devront « rénover les 16 % de bâtiments les moins performants d'ici à 2030 et les 26 % les moins performants d'ici à 2033. » Ainsi, en application de cette directive, « tous les bâtiments neufs devraient être à émissions nulles d'ici à 2030, et les bâtiments existants devraient être transformés en bâtiments à émissions nulles d'ici à 2050. » Source : Représentation en France de la commission européenne, 12 avril 2024.
* 114 Source : Réponse au questionnaire budgétaire.