EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Raynal, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
M. Michel Canévet, président. - Nous commençons nos travaux avec l'examen du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État », pour lequel notre président de commission est rapporteur spécial. Je salue également la présence de notre collègue Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Le CAS « Participations financières de l'État » constitue un instrument dérogatoire du droit budgétaire classique. Il permet de retracer, d'une part, en recettes, les sommes versées à l'État lorsqu'il cède une participation ou qu'il réalise un retour sur investissement dans un fonds auquel il avait participé, et, d'autre part, en dépenses, les sommes versées par l'État pour l'ensemble de ses interventions en fonds propres, soit directement au travers de l'Agence des participations de l'État (APE), soit par le biais de divers fonds sectoriels.
Avant d'en venir à la description des recettes et des dépenses prévues sur le périmètre du compte spécial pour l'exercice 2026, je vais introduire mon propos en présentant deux opérations récentes de l'État actionnaire qui illustrent son rôle non seulement pour entrer au capital d'entreprises stratégiques, mais également pour les accompagner dans leur développement et leur croissance.
En premier lieu, je voudrais évoquer le rachat par IN Groupe en juillet 2025 de la société Idemia Smart Identity.
En finalisant ce rachat, l'ancienne Imprimerie nationale, devenue depuis 1994 une société de droit privé dont le capital est intégralement détenu par l'État, formera un groupe d'ampleur mondiale qui sera à la fois le deuxième fournisseur mondial de passeports et le premier fournisseur mondial de cartes d'identité.
Le nouveau groupe né de la fusion représente désormais plus de 4 000 collaborateurs et peut s'appuyer sur cinq sites de production associés à des relations de confiance avec les pouvoirs publics non seulement en France, mais également aux Pays-Bas, au Danemark, au Chili et en Colombie.
Cette fusion, qui va permettre de réaliser des économies d'échelle et de renforcer le positionnement d'IN Groupe non seulement sur le marché des titres physiques d'identité, mais également sur le marché de l'identité numérique, a été rendue possible par l'intervention directe de l'État actionnaire.
En effet, pour prendre le contrôle d'Idemia Smart Identity, l'Imprimerie nationale a dû recourir, en plus des financements bancaires qu'elle a mobilisés, à une augmentation de capital à hauteur de 625 millions d'euros, qui a été finalisée en juin 2025 et qui a consommé des crédits du CAS « Participations financières de l'État ».
Cette opération de consolidation au profit d'un champion français, dont l'histoire remonte à un privilège d'imprimeur accordé par François Ier, illustre le rôle de l'État actionnaire pour accompagner nos participations publiques dans leurs projets de croissance.
En second lieu, je voudrais évoquer une autre opération d'ampleur d'augmentation de capital qui a été annoncée en juin 2025 par l'opérateur satellitaire européen Eutelsat.
Cet opérateur de taille mondiale, dont le siège est situé à Issy-les-Moulineaux, a procédé en 2023 au rachat d'une entreprise pionnière dans les constellations de satellites en orbite terrestre basse : l'entreprise britannique OneWeb. Depuis ce rachat, Eutelsat dispose d'une perspective de croissance importante grâce à sa double présence sur l'orbite géostationnaire, avec une flotte de 34 satellites de télécommunication, et sur l'orbite basse grâce aux 600 satellites de la constellation OneWeb.
Eutelsat se trouvait toutefois, jusqu'à cet été, dans une situation financière complexe étant donné son niveau d'endettement élevé et les perspectives d'investissement de 4 milliards d'euros auxquelles elle fait face à l'horizon 2029 pour assurer le renouvellement des satellites de la constellation OneWeb. Pour répondre à cette situation, l'État a accompagné comme actionnaire le plan stratégique d'Eutelsat en participant à hauteur de 750 millions d'euros à une augmentation de capital atteignant un montant total de 1,5 milliard d'euros.
J'ai souhaité développer ces deux exemples en introduction de mon propos pour illustrer concrètement comment sont dépensés les crédits du compte spécial et pour attirer votre attention sur le fait que l'État actionnaire n'est pas seulement l'État qui achète de nouvelles participations, c'est aussi celui qui accompagne les entreprises de son portefeuille en « réinjectant » des liquidités lorsque cela est nécessaire et pertinent sur le plan stratégique.
Pour en venir aux crédits qui vous sont proposés pour l'exercice 2026, mes remarques porteront d'abord sur les recettes puis sur les dépenses prévisionnelles du compte.
Sur le volet « recettes » du compte d'affection spéciale, je formulerai deux remarques principales qui permettent d'expliquer la différence substantielle entre les crédits que nous examinons cette année et ceux qui nous étaient proposés l'année dernière.
Ma première remarque concerne le périmètre. Pendant plusieurs années, la commission des finances avait dénoncé le schéma d'isolement de la « dette covid » inventé par le gouvernement en 2022 comme un simple jeu d'écriture qui n'avait aucun effet réel, dès lors qu'aucune dette covid ne faisait l'objet d'un cantonnement effectif dans les comptes de l'État. Nous avons donc systématiquement demandé au Gouvernement de mettre fin à ce schéma artificiel et adopté des amendements en ce sens depuis plusieurs années et de manière coordonnée avec le sénateur de Montgolfier, rapporteur spécial des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».
Pour l'exercice 2025, les conditions inhabituelles d'adoption d'un budget à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive ont permis de supprimer ce prétendu schéma d'isolement. Le dépôt du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 a permis de confirmer l'abandon définitif par le Gouvernement de ce schéma, ce dont nous nous réjouissons.
Ma deuxième remarque concerne les importantes recettes de cessions prévues dans le projet de loi déposé par le Gouvernement. Dans ce domaine, le PLF pour 2026 marque incontestablement une rupture avec les dernières années, en prévoyant des recettes de cessions pour le CAS à hauteur de 3,2 milliards d'euros en 2026, c'est-à-dire quatre fois plus que les recettes prévues pour cette année.
Alors que le déclenchement de la crise économique et sanitaire en 2020 a durablement suspendu le cycle de cessions d'actifs publics qu'avait engagé le gouvernement entre 2017 et 2019, l'année 2026 devrait marquer une inflexion avec l'intervention d'une ou plusieurs cessions d'ampleur.
Pour ne pas perturber les conditions dans lesquelles ces actifs seront cédés, l'Agence des participations de l'État ne souhaite pas communiquer sur les opérations qui correspondent à ces recettes. Nous serons en tout état de cause attentifs aux décisions qui seront effectivement prises dans le courant de l'exercice 2026, non seulement pour vérifier que le quantum de recettes atteint la cible de 3,2 milliards d'euros, mais également pour comprendre si cette inflexion est conjoncturelle ou si elle s'inscrit dans un nouveau cycle pluriannuel de cessions d'actifs publics.
Pour conclure, je formulerai également deux remarques sur le volet « dépenses » du CAS « Participations financières de l'État ».
Ma première remarque concerne les investissements en fonds propres réalisés dans le cadre du plan France 2030. Si ces investissements sont financés par les programmes de la mission « Investir pour la France de 2030 », ils transitent nécessairement par le programme 731 du compte spécial. Je relève à cet égard que, conformément au constat d'un ralentissement de déploiement du plan établi par les rapporteurs spéciaux Laurent Somon et Thomas Dossus, les aides en fonds propres du plan France 2030 connaissent également une réduction de 53 % entre 2025 et 2026.
Ma seconde remarque concerne l'une des rares opérations structurantes en dépenses que l'APE accepte de divulguer : le rachat par l'État du département Advanced Computing du groupe Atos. Alors qu'un contrat de cession a été finalisé en juillet 2025, l'opération interviendra au premier semestre 2026 et mobilisera 400 millions d'euros de crédits du compte spécial. Elle permettra à l'État de préserver un actionnariat souverain pour une activité hautement stratégique. En effet, je rappelle que l'activité rachetée par l'État correspond à la conception et à la fabrication des supercalculateurs dans l'usine d'Angers du groupe, la seule usine détenue par un groupe européen en mesure de manufacturer des supercalculateurs. Au regard de la mobilisation de ces supercalculateurs pour assurer la crédibilité de notre dissuasion nucléaire, je pense que je n'ai pas besoin d'insister sur le caractère stratégique de cette opération.
Pour conclure, je vous propose sans surprise de rendre un avis favorable à l'adoption des crédits du CAS « Participations financières de l'État », pour donner à l'État actionnaire les moyens de sa politique.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Je me félicite tout d'abord que le fonctionnement du compte d'affectation spéciale soit en voie de normalisation.
Compte tenu de la baisse des versements du budget général, l'APE devrait reprendre à compter de 2026 un rythme dynamique de cessions d'actifs. Elle se dit prête à se défaire de ses participations les moins stratégiques pour financer de nouvelles acquisitions, et je lui en fais volontiers crédit. Je m'interroge toutefois sur la viabilité de ce modèle de financement à long terme, les cessions devenant plus difficiles à mesure que le portefeuille de l'État se resserre autour des participations les plus stratégiques, alors même que l'environnement économique et géostratégique justifierait plutôt d'étendre le portefeuille.
Pour cette raison, je suggère, comme les années précédentes, de réfléchir à affecter à l'APE tout ou partie des dividendes versés au titre des participations financières de l'État, même si je n'imagine pas que, dans l'immédiat, l'État accepte de priver le budget général de ces recettes récurrentes.
Concernant la stratégie de l'État actionnaire, je salue la récente inflexion de l'APE vers le numérique, avec, en 2025, l'opération Eutelsat et, l'an prochain, la concrétisation de l'opération Atos, que le Sénat avait appelée de ses voeux. La maîtrise des infrastructures et des logiciels est indubitablement un enjeu de souveraineté, pour les activités tant civiles que militaires.
En revanche, j'émets quelques réserves sur la doctrine d'intervention de l'APE sur le secteur industriel. Il me semblerait utile que l'Agence développe une véritable grille d'analyse pour concentrer ses efforts sur les entreprises dont la disparition causerait un risque systémique et, au contraire, se désengager des autres.
Enfin, alors que nos moyens d'action nationaux s'amenuisent, ne serait-il pas possible de coordonner davantage les prises de participation publique avec nos partenaires européens ? Cela serait particulièrement pertinent pour des secteurs à forte intensité capitalistique et où les décisions politiques remontent de plus en plus au niveau européen, comme le spatial ou la défense.
Malgré ces légères réserves, qui excèdent le strict cadre budgétaire, il me paraît utile de soutenir l'action de l'État actionnaire en faveur de la souveraineté économique, car je ne peux que saluer la stratégie déployée ces dernières années.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques s'est prononcée en faveur des crédits du CAS « PFE ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je me réjouis, comme le rapporteur spécial, que l'Agence des participations de l'État procède de nouveau à des cessions d'actifs. Il faut s'inscrire dans une dynamique au service de notre économie et de nos filières, et savoir valoriser nos investissements quand la situation est favorable. Cela me semble de bon aloi, a fortiori lorsque l'État connaît des difficultés budgétaires.
J'approuve également le soutien aux fonds sectoriels. Ceux qui sont dédiés aux industries agroalimentaires et à l'innovation dans la défense retiennent particulièrement mon attention.
S'agissant de la défense, les intervenants sont nombreux et le montant de 20 millions d'euros d'appel de fonds en 2026 peut paraître faible, ce qui pose un problème de lisibilité.
Sur le soutien aux industries agroalimentaires, je suis assez inquiet de voir la puissance agricole française, qui fut la première en Europe, fortement régresser et présenter probablement en 2025 une balance commerciale déficitaire, ce qui devrait être un vrai signal d'alarme. Ce fonds de soutien s'inscrit-il dans une dynamique de reconquête de notre agriculture et de nos industries agroalimentaires ?
M. Pierre Barros. - Qu'est-ce qui est stratégique et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Quels critères interviennent dans la décision de l'État de prendre des participations dans une entreprise ?
La défense est évidemment un secteur stratégique, mais l'industrie ou l'acier peuvent l'être également. Par exemple, est-il stratégiquement intéressant pour l'État d'entrer au capital d'ArcelorMittal ? Nous avons eu ce débat récemment, et il n'est pas toujours évident de savoir où placer le curseur.
Je peine à déchiffrer la stratégie de l'État. Existe-t-il une doctrine à peu près lisible ? Au contraire, les décisions se prennent-elles au fil de l'eau ?
M. Michel Canévet, président. - Je souhaite interroger le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis sur la cohérence de la stratégie de l'État, compte tenu des interventions croisées de l'Agence des participations de l'État, de Bpifrance - qui intervient également en capital dans les entreprises - et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Selon vous, y a-t-il une stratégie clairement définie qui permette à ces différents intervenants de mener une action efficace ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - La question du rapporteur général porte sur la participation de l'État dans des fonds sectoriels. En réalité, cette participation est relativement faible - le Fonds « Innovation Défense » que vous citez représente un montant total de 220 millions d'euros dont 200 millions d'euros souscrits par l'État. L'État est surtout présent dans ces fonds pour observer et orienter les décisions si besoin. Pour accompagner le déploiement des investissements, il couvre chaque année les appels de fonds par des crédits du compte spécial, par exemple à hauteur de 20 millions d'euros en 2026 pour le Fonds « Innovation Défense ».
Quant à savoir si cette participation est de nature à redresser les industries alimentaires et notre commerce extérieur, notamment en matière agricole, je ne peux vous répondre avec certitude. Si l'on regarde les chiffres récents, on peut en effet considérer que ce n'est pas suffisant.
Monsieur Barros, nous aimerions effectivement disposer d'une doctrine claire. Certains objectifs semblent naturels, par exemple lorsqu'il s'agit de conserver une activité essentielle, comme dans le cas d'Atos : cette démarche permettra d'ailleurs d'éviter de reproduire des erreurs du passé, notamment lorsque nous avons été obligés de racheter des turbines pour l'industrie nucléaire. Il convient donc de faire preuve d'anticipation et de conserver des secteurs stratégiques et rentables.
Sur un autre versant, il peut être question d'apporter un soutien à des entreprises en difficulté afin de conserver des activités en France, comme dans le cas d'ArcelorMittal, qui a suscité un débat sur les modalités d'intervention de l'État. Si la piste de la nationalisation n'a pas été retenue en l'espèce, l'État peut, s'il le souhaite, intervenir via une participation au capital, avec l'idée d'aider l'entreprise ou l'industrie concernée à surmonter une mauvaise passe. La doctrine est donc assez souple, ce qui semble approprié en matière de politique industrielle, à la condition de bien évaluer les résultats obtenus.
Nous avons besoin que l'État détienne des parts dans des entreprises en bonne santé, car il perçoit ainsi des dividendes, d'autant plus qu'une remontée sensible de la valorisation des actions a eu lieu ces dernières années : procéder ainsi est utile afin de pouvoir déclencher quelques ventes le moment venu. Dans le même temps, vendre les actions les plus rentables conduit à appauvrir le patrimoine de l'État, et il faut donc rechercher un équilibre assez subtil, qui peut aussi passer par des participations plus faibles, mais avec des pouvoirs importants au sein des conseils d'administration.
En résumé, il n'existe pas de doctrine à ce point structurée qu'elle permettrait de décider d'acheter et de vendre en fonction de quelques critères, à la manière d'une intelligence artificielle (IA).
J'en viens aux enjeux de coordination : la coordination entre Bpifrance et la CDC est facilitée par le fait que la CDC possède 49 % de Bpifrance. Quant à la répartition des interventions entre Bpifrance et l'APE, je considère que la première doit se charger en priorité de l'innovation, avec une prise de risque sur des technologies nouvelles, tandis que l'APE se charge plutôt de la stratégie souveraine de l'État. La CDC, Bpifrance et l'APE se rencontrent d'ailleurs très régulièrement afin de coordonner leurs choix.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - La doctrine est peu à peu améliorée et complétée par les valeurs de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ainsi que par des notions telles que la résilience.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.