III. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LE BUDGET PROPOSÉ POUR LA RECHERCHE EN 2026, QUI PRÉSERVE LA DYNAMIQUE DE RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE, PRÉVOIT NÉANMOINS UNE RÉDUCTION DU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE DANS LES DOMAINES STRATÉGIQUES DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE ET DES ÉTUDES SPATIALES DANS UN CONTEXTE DE CONSOLIDATION DES FINANCES PUBLIQUES

Le budget de l'État constitue un levier essentiel de financement de la recherche publique. L'État continue à cet égard d'avoir, selon la formule du général de Gaulle, « le devoir d'entretenir dans la nation un climat favorable à la recherche »46(*).

La loi de programmation de la recherche (LPR) du 24 décembre 202047(*) a consacré l'engagement commun du Gouvernement et du Parlement pour engager une dynamique de réinvestissement dans le domaine de la recherche.

Le rapporteur relève que le projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026) permet, dans un contexte de consolidation des finances publiques marqué par l'objectif affiché par le Gouvernement de passer de 5,4 % de déficit public prévisionnel en 2024 à 3 % de déficit public à horizon 2029, de préserver la dynamique de réinvestissement engagée depuis l'adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR). En effet, en dépit d'une prévision de sous-exécution à hauteur de 545 millions d'euros en crédits de paiement (CP) de la cible fixée pour le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », le budget proposé pour 2026 consacre une augmentation des crédits annuels du programme 172 de plus d'1,3 milliards d'euros depuis 2020.

Trajectoire des crédits du programme 172 depuis 2020

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Le rapporteur spécial est attaché au maintien d'un équilibre dans le financement de la recherche entre le soutien à la recherche générique (curiosity driven) - principalement confié à l'Agence nationale de la recherche (ANR) - et la recherche dirigée qui est essentiellement mise en oeuvre par les organismes nationaux de recherche (ONR) et qui s'appuie largement sur des financements du plan France 2030.

Pour autant, les crédits proposés dans le projet de budget pour 2026 font apparaître qu'alors que la dynamique de refinancement de la recherche générique a permis à l'Agence nationale de la recherche de dépasser la cible structurante d'un milliard d'euros d'aides annuelles, les programmes budgétaires 190 et 193 qui financent respectivement la recherche dirigée dans le domaine de l'énergie nucléaire et la recherche dirigée dans le domaine spatial subissent un recul de leurs crédits de recherche.

1. La montée en puissance du financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) depuis l'adoption de la loi de programmation de la recherche a permis d'atteindre et de dépasser l'objectif d'un milliard de financement annuel

Au regard des niveaux particulièrement bas qu'avaient atteints les financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) à la fin des années 2010, comme l'illustre une enveloppe de 703 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) pour l'exercice 2017, le rapporteur spécial a largement soutenu, notamment à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation de la recherche (LPR), la remontée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR). À cet égard, le rapporteur spécial maintien son plein soutien aux objectifs structurant qui ont été identifiés en matière de rehaussement de l'enveloppe d'aides à attribuer, de rétablissement d'un taux de succès de nature à ne pas décourager les chercheurs de déposer des projets et de fixation d'un préciput48(*) permettant un soutien adéquat aux structures de recherche concerné.

Le rapporteur spécial souligne que les budgets mis en oeuvre depuis le vote de la loi de programmation de la recherche (LPR) ont permis d'atteindre ces objectifs structurants ce dont il y a lieu de se féliciter.

En premier lieu, dès l'exercice 2022, l'enveloppe annuelle de l'Agence nationale de la recherche (ANR) a dépassé le seuil d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE). En deuxième lieu, le taux de succès a été largement redressé et se situe entre 24 % et 25 % depuis 2022. Enfin en troisième lieu, le taux du préciput a été fixé à un niveau de 30 % jugé opérationnel par les organismes de recherche et par la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI).

Par conséquent, le niveau de crédits proposés pour l'Agence nationale de la recherche (ANR) en 2026 qui correspond à une enveloppe annuelle de 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) préserve la remontée en puissance observée depuis 2020 et excède même à hauteur de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) l'objectif structurant d'un milliard d'euros d'enveloppe annuelle.

2. La recherche dirigée dans les domaines stratégiques de l'énergie nucléaire et de l'espace connaît un ralentissement malgré les enjeux industriels et souverains qui y sont rattachés

A contrario, le rapporteur spécial relève que plusieurs domaines structurels de la recherche dirigée, et notamment le domaine de l'énergie nucléaire et le domaine spatial, connaissent un ralentissement de leurs financements publics de recherche.

En premier lieu, les crédits de l'action n° 16 du programme 190 qui servent à financer les projets de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le domaine de l'énergie nucléaire connaissent une réduction de 15 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cette réduction est d'autant plus difficile à comprendre que le Conseil de politique nucléaire (CPN) a fixé au CEA une feuille de route ambitieuse en soutien de la filière nucléaire qui revêt un caractère hautement stratégique et qui se trouve dans un moment-charnière dans lequel la recherche menée au CEA doit permettre à la fois d'accompagner les opérations d'exploitation du parc actuel de réacteurs nucléaires jusqu'à une durée de vie de soixante ans au moins et d'accompagner les acteurs historiques et les startups dans le développement de réacteurs innovants et de réacteurs de petite taille (SMR49(*)).

En second lieu, les crédits du programme 193 dédiés au financement de la recherche spatiale nationale, c'est-à-dire au financement du Centre national d'études spatiales (Cnes), connaissent également un recul en dépit du fait que nous traversons une période déterminante pour le secteur spatial marquée premièrement par la dynamique commerciale et le développement économique rapide du secteur et deuxièmement par la volonté affichée de l'Union européenne de renforcer ses investissements dans le secteur spatial dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel.

Ainsi, le rapporteur spécial relève que la partie pilotable de la dotation versée au Cnes depuis le programme 193, c'est-à-dire déduction faite de la contribution française à l'Agence spatiale européenne (Esa) qui résulte d'une nécessité pour la France de couvrir les engagements pris dans le cadre de cette organisation internationale, connaît une réduction de 13 millions d'euros en 2026 dans le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement. Rapporté au niveau de crédits de l'exercice 2024, la réduction atteint 76 millions d'euros soit 10 % des crédits versés au Cnes depuis le programme 193 en dehors de la contribution à l'Esa.

Trajectoire du financement du Cnes par le programme 193

(en millions d'euros et en CP)

Note : La contribution française à l'Agence spatiale européenne (Esa) est neutralisée.

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire


* 46 Discours prononcé le 14 février 1959 à la cité universitaire de Toulouse, publié dans : La revue pour l'histoire du CNRS, 1999, n°1.

* 47 Loi n°2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 48 Le préciput désigne la part du financement alloué à un projet de recherche qui revient à l'établissement gestionnaire du porteur de projet qui bénéfice de l'aide.

* 49 Small Modular Reactor.

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