EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 21 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport spécial sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ». - Le sujet des retraites revient sur le devant de la scène. La présentation des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et ceux du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'inscrit en effet dans le contexte d'une potentielle suspension de la réforme de 2023.

Pour l'année 2026, les crédits demandés pour abonder le CAS « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » atteignent 75,3 milliards d'euros. Il s'agit d'une stabilisation des dépenses par rapport à l'année 2025. Elle est liée à la prise d'une décision forte du Gouvernement : geler le montant des pensions en 2026.

Cette décision est nécessaire pour limiter l'effet que pourrait avoir la suspension de la réforme de 2023 sur le système de retraite. En effet, selon le Premier ministre, le coût de la suspension serait de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027.

Or, il faut ajouter ces coûts supplémentaires aux déficits déjà prévus : le système de retraite enregistrerait ainsi un besoin de financement de 5,3 milliards d'euros en 2026 et de 6,8 milliards d'euros en 2027.

De plus, l'effet sur le solde des finances publiques serait encore plus important parce que, comme je l'avais montré l'an dernier dans mon rapport de contrôle sur le taux d'emploi des seniors, la réduction ou la stagnation de l'emploi des plus âgés limite les recettes fiscales et les cotisations sociales qui auraient été induites par leur travail.

Entre la perte de cotisations pour les autres branches de la sécurité sociale et les moindres recettes fiscales, la facture totale d'une suspension de la réforme de 2023 s'élèvera plutôt autour de 3 milliards d'euros.

Quelles pistes pour imaginer combler ce gouffre ?

Doit-on envisager une hausse des cotisations ? À titre indicatif, un point de contribution sociale généralisée (CSG) représente 17,5 milliards d'euros de recettes et il est payé par tous, actifs, retraités, placements financiers et produits des jeux. Un point de cotisation vieillesse représente 6,2 milliards d'euros pour la vieillesse plafonnée, et 7,3 milliards d'euros pour la vieillesse déplafonnée.

Une autre piste pourrait être l'amélioration du taux d'emploi de nos seniors. Comme énoncé dans mon dernier rapport, si les quelque 589 000 personnes qui ne sont ni en emploi ni en retraite et qui sont en bonne santé et pas au chômage travaillaient, elles apporteraient un gain net de 5,8 milliards d'euros pour les finances publiques.

Concernant le gel des pensions, il se fonde sur un niveau de vie des retraités avec loyers imputés nets des intérêts d'emprunt supérieur de 4,8 % à celui de l'ensemble de la population. Il devrait permettre des économies à hauteur de 600 millions d'euros sur le CAS « Pensions » et de 84 millions d'euros sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » en 2026.

Je rappelle qu'il est nécessaire de conserver les mesures d'accompagnement de la réforme de 2023. Elles constituent une avancée forte pour les plus petites retraites et pour les pensions des femmes, car la réforme a eu un effet redistributif important.

Concernant l'abattement de 10 % sur le revenu, remplacé dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 par un abattement forfaitaire de 2 000 euros applicable aux pensions de retraite perçues par chaque membre du foyer fiscal tout en préservant un abattement spécifique pour les contribuables invalides, c'est une mesure qui pourrait faire économiser 600 millions d'euros. Cet abattement demeurerait la troisième niche fiscale de France représentant in fine un coût de 4,7 milliards d'euros en 2026, derrière le crédit d'impôt recherche (CIR) à 8 milliards d'euros et le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile à 7,2 milliards d'euros.

En ce qui concerne la mission « Régime sociaux et de retraite », en 2026, les crédits proposés atteindraient 6 milliards d'euros et sont fléchés à près de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.

Les crédits demandés régressent légèrement, au vu du gel des pensions proposé par le Gouvernement.

Je tiens à attirer votre attention, en premier lieu, sur les difficultés que connaît la caisse de retraite de la RATP dans la mise en oeuvre de l'ouverture à la concurrence des activités de transport.

En octobre dernier, les quinze premiers agents ont effectué leur transfert vers certaines entreprises privées, emportant avec eux leur « sac à dos social ». En d'autres termes, ces agents bénéficient d'une portabilité intégrale de leurs droits à la retraite, malgré leur départ de la RATP vers des entreprises de la concurrence.

Plusieurs difficultés ont été mises en évidence : certaines informations nécessaires au calcul des pensions RATP n'entrent pas dans la déclaration sociale nominative (DSN), ce qui implique des coûts importants pour trouver une solution informatique qui permette de partager ces informations. En outre, l'assiette sur laquelle est assis le calcul des cotisations sociales diffère entre la RATP et les autres entreprises : il faut donc reconstituer un taux personnalisé pour presque chaque agent.

Alors que ces chantiers ont posé des difficultés pour quinze agents, je tiens à signaler que les 15 000 départs anticipés d'ici à la fin de 2026 pourraient constituer un vrai noeud de complexité et engendrer de forts surcoûts de gestion.

En deuxième lieu, je tiens à rappeler la mise en place d'un nouveau schéma de financement qui concerne les régimes spéciaux fermés. Depuis le 1er janvier 2025, ce n'est plus l'État, mais la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) qui est chargée en dernier ressort d'équilibrer ces régimes.

Cela est d'autant plus important que le nouveau schéma intègre en un versement unique les trois composantes de l'ancien schéma de financement : la compensation au titre de la fermeture ; la compensation généralisée vieillesse, qui est le système de péréquation inter régimes pour tenir compte des déséquilibres démographiques ; et la subvention budgétaire d'équilibre de l'État. Une telle agglomération risque d'avoir pour effet une perte de visibilité sur une part d'information.

En troisième lieu, je tiens à saluer l'évolution de la maquette budgétaire : après l'inclusion des régimes de la Comédie française et de l'Opéra de Paris ainsi que celui des gérants de tabac en 2025, celui du Conseil économique, social et environnemental (Cese) pourrait faire son apparition dans la mission.

Fermé le 1er septembre 2023 et soumis au nouveau schéma de financement, ce régime nécessite une subvention d'équilibre d'environ 8 millions d'euros. À ce jour, elle n'est plus retracée dans le programme 126 de la mission « Contrôle et conseil de l'État », comme elle l'était avant le nouveau schéma de financement, ni dans la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Par conséquent, le budget de l'État ne comptabilise pas cette subvention.

La direction du budget m'a indiqué qu'un amendement devrait être déposé pour intégrer cette subvention au programme 195 : j'exhorte donc le Gouvernement à déposer cet amendement grâce auquel le budget retracera l'ensemble des subventions versées aux régimes de retraite équilibrés par l'État.

Je déplore, pour finir, l'absence de chiffrage à ce jour du coût pour ma mission, c'est-à-dire pour l'État, de la potentielle suspension de la réforme de 2023. La direction du budget semble n'avoir pas encore réussi, malgré une semaine de travail, à acter ce résultat, à moins qu'elle n'ait pas souhaité nous le transmettre à ce stade.

Concernant les crédits proposés pour le CAS « Pensions », ils s'élèvent à 69,3 milliards d'euros pour 2026.

Là encore, à ce jour, le chiffrage du coût pour le CAS d'une suspension de la réforme de 2023 n'est pas connu.

Le CAS « Pensions » a connu en 2025 un solde déficitaire de 2,5 milliards d'euros, lié à la hausse des pensions de 2,2 % en janvier 2025.

En effet, l'adoption de la loi spéciale au lieu d'un budget « normal » a privé le législateur de la possibilité de limiter la hausse des pensions, comme cela était pourtant prévu. Cette situation a provoqué un surcoût pour la branche vieillesse de 3,2 milliards d'euros et de près de 1 milliard d'euros pour le budget de l'État.

Or, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), qui a créé le CAS, dispose que le solde cumulé du CAS « Pensions » doit nécessairement être équilibré à tout moment, ce qui ne peut être le cas lorsque les déficits annuels sont répétitivement négatifs.

Le Gouvernement a par conséquent proposé une nouvelle hausse de quatre points du taux de contribution de l'État employeur, qui passera au 1er janvier 2026 à 82,28 %. Cette évolution est historique, mais ne constitue pas une surprise : il s'agit du levier comptable par lequel l'État peut équilibrer le système de retraite de ses fonctionnaires.

Cette évolution s'impute directement sur les budgets de chacun des ministères. Ils sont majorés cette année de la valeur de l'augmentation du taux employeur pour toute la masse salariale des fonctionnaires titulaires de l'État.

La hausse du taux employeur concernera aussi la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) dont le taux passera à 37,65 %.

Les deux régimes publics des fonctionnaires de l'État et des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sont parfois pointés du doigt comme de mauvais élèves dans le paysage du système des retraites. Mais leur taux employeur absorbe le déséquilibre démographique, ce qui n'est pas le cas d'autres régimes.

En effet, aujourd'hui, le débat sur les retraites peine à être serein, car les régimes sont très divers et qu'il n'est pas possible de les comparer. La compensation générale vieillesse, qui est censée lisser les différences démographiques entre régimes, est largement en deçà de la réalité.

Comme l'indique une récente note de l'Institut des politiques publiques (IPP), le régime général est en réalité implicitement subventionné par le régime de la fonction publique d'État, du fait d'une compensation démographique inadéquate. Cette même note invite à distinguer les ressources dont bénéficie le CAS « Pensions », en séparant celles qui relèvent des contributions de l'État en tant qu'employeur, celles qui relèvent de la solidarité nationale et celles qui sont liées à la démographie du régime. J'ajoute qu'une fraction de CSG payée par tous les fonctionnaires pourrait d'ailleurs être fléchée vers le CAS afin de l'alimenter et d'éviter une hausse de la subvention d'équilibre.

La question unique qui doit nous préoccuper, faute d'avoir mis en oeuvre à ce jour un régime de retraite universel, est celle de la part des ressources publiques qui sont consacrées aux dépenses de retraite et de la façon dont nous provisionnons pour surmonter les chocs économiques et démographiques.

Je finirai donc en rappelant l'importance de sanctuariser et d'abonder le fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui doit retrouver sa mission originelle de stabilisation du système de retraite face aux générations surnuméraires. Notre système par répartition est le meilleur qui soit, car il est insensible aux chocs financiers - le principal écueil de la capitalisation -, mais sous réserve de provisionner les écarts démographiques. Le FRR doit cesser d'être ponctionné par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui rembourse essentiellement des dépenses de maladie. Que chaque branche étudie les moyens de son propre équilibre ! Cessons de vider le FRR au profit du déficit maladie pour ensuite s'étonner du déficit retraite ! Je plaide également pour une mise à plat des financements des différents régimes en simplifiant les transferts qui les rendent illisibles.

Dans l'espoir que se tiendra la conférence sur les retraites annoncée par le Premier ministre et compte tenu des déficits auxquels nous devons faire face, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Régimes sociaux et de retraite ». - Traditionnellement, à cette époque, la commission des affaires sociales n'est pas très avancée dans ses travaux relatifs au projet de loi de finances, car le projet de loi de financement de la sécurité sociale occupe beaucoup les esprits. La suspension de la réforme des retraites par lettre rectificative que le Premier ministre vient d'annoncer aura incontestablement un impact budgétaire important sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » que nous examinons aujourd'hui.

Comme vous le savez, le compte d'affectation spéciale « Pensions » permet d'isoler depuis 2006 la comptabilité du système de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Son solde cumulé doit nécessairement être équilibré, ce qui est jusqu'alors facialement acquis en augmentant le taux de contribution employeur.

Mme Vermeillet et moi-même appelons depuis plusieurs années à une transparence accrue de cette comptabilité afin que le contribuable puisse être réellement informé du montant des subventions d'équilibre versées par l'État. Cette année, l'Institut des politiques publiques s'est attelé à ce calcul et a estimé que le déséquilibre démographique du régime coûtait 18 milliards d'euros, ce qui représente près de 44 % de la contribution employeur de l'État. Or, comme le relève la Cour des comptes, le mécanisme actuel de compensation démographique est insuffisant à compenser les écarts démographiques entre les régimes : en 2021, le régime de retraite des fonctionnaires d'État a perçu 0,5 milliard d'euros alors qu'un calcul plus réaliste aurait dû lui allouer 11 milliards d'euros.

L'Institut des politiques publiques relève également que le régime de retraite des fonctionnaires de l'État finance des avantages de retraite anticipée propres aux métiers régaliens - policiers, surveillants pénitentiaires, militaires, etc. - alors que ces dépenses devraient relever des ministères qui emploient ces personnels. Les avantages familiaux comme la majoration de durée d'assurance pour enfants sont financés dans le régime général par la branche famille, et les pensions d'invalidité, par la branche maladie. Ainsi, si l'on corrige la comptabilité du CAS « Pensions » sur le modèle d'autres régimes, pour isoler les seules dépenses de pensions, la contribution d'équilibre justifierait un taux de contribution employeur de 34, 7 %, bien loin des 78,28 % qui s'appliquent aux personnels civils et des 126 % qui s'appliquent aux personnels militaires. Si l'on recalcule le coût réel des fonctionnaires de l'État avec ce taux corrigé de contribution employeur de 34,7 %, le budget consacré à l'enseignement scolaire serait en 2023 de 70,7 milliards d'euros et non plus de 81,3 milliards d'euros.

En conclusion, il me semble urgent de revoir la comptabilité du CAS « Pensions » afin de mettre un terme aux débats qui alimentent l'idée d'un déficit caché du budget de l'État.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Notre rapporteure spéciale Sylvie Vermeillet mène un combat permanent, pied à pied, contre un dispositif qui devient de plus en plus illisible.

Notre collègue a rappelé, à juste titre, l'injuste ponction sur le FRR, qui est détourné de son objet, selon une logique très éloignée du sujet des retraites, de sorte que cela provoque le mécontentement des cotisants, employeurs et employés.

À force de procéder ainsi, le système devient illisible et incompréhensible. Et chacun continue d'exprimer son avis, de manière construite et solide, sur un sujet qui n'est absolument pas maîtrisé.

Mon appréciation diffère sensiblement de celui de la rapporteure spéciale sur un point précis et j'aimerais savoir ce qui la conduit à dire que le système par répartition est le meilleur système. Certes, j'en conviens, c'est le meilleur système, mais seulement à l'exclusion d'autres, de mon point de vue.

Ainsi, la retraite additionnelle de la fonction publique est une petite garantie sur les primes qui ne sont pas éligibles aux cotisations de retraite. Depuis sa création, son rendement est supérieur à celui du revenu indexé, y compris celui du régime Agirc-Arrco ou de la sécurité sociale.

Ceux qui sont aujourd'hui à la retraite ont cotisé toute leur vie pour les retraités de l'époque - ce n'est pas un capital qu'ils ont accumulé - et comptent à leur tour sur celles et ceux qui continuent de travailler, ce qui pose le problème du déficit démographique, comme nous le savons. Cette situation et l'exemple que je viens de citer ne devraient-ils pas nous engager à ouvrir une réflexion sur les perspectives d'avenir de notre système de retraite ?

Pour que les différentes générations s'approprient et acceptent ce système, y compris les plus jeunes, qui semblent de plus en plus s'en désintéresser, il faut rappeler clairement que la retraite est un salaire différé qui doit permettre d'avoir un niveau de revenu proche de celui que l'on touchait au moment de la cessation d'activité - c'est la question du fameux niveau du revenu de remplacement.

M. Marc Laménie. - La rapporteure spéciale a évoqué les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Quel est leur impact sur les finances publiques et comment sont-ils répartis ? En effet, le budget de la sécurité sociale est considérable, représentant quelque 650 milliards d'euros pour l'ensemble des branches, et le budget de l'État est également très important. Techniquement, comment se fait la répartition concernant les régimes spéciaux ?

Enfin, les élus locaux sont souvent interrogés sur le déficit de la CNRACL. Le Gouvernement a prévu une augmentation du taux de cotisation employeur de trois points. Quelles sont les perspectives pour cette caisse ?

M. Michel Canévet. - Notre rapporteur a évoqué la ponction de 1,45 milliard d'euros opérée sur le FRR. Celle-ci ne me semble pas légitime. Ce fonds de réserve a pour vocation de nous permettre de faire face aux engagements futurs en ce qui concerne le règlement des retraites.

Je déplore la suspension de la réforme des retraites. Quelles seront ses conséquences ? Nous devons nous attendre à une augmentation des cotisations à la charge des employeurs ou à une baisse des pensions pour les bénéficiaires.

M. Vincent Éblé. - Nous sommes évidemment d'accord avec notre rapporteure spéciale lorsqu'elle écrit, en conclusion de sa note de synthèse qui accompagne son rapport, que « tout solde partiel au sein de l'ensemble des finances publiques n'est que le résultat d'une décision sur l'affectation des ressources publiques. La question de fond, pour le système de retraites, est la part de la ressource nationale allouée au financement de ces pensions. »

Cette conclusion ouvre des pistes de réflexion, qui méritent d'être examinées plus en détail. Il est évident que la question est celle des moyens que l'on consacre à notre système de retraite.

Nous ne voterons pas les crédits de cette mission, dans la mesure où ils s'accompagnent d'un gel des pensions, une mesure qui pénalisera avant tout les Françaises et les Français de condition modeste. Nous pensons que d'autres ressources peuvent être allouées au financement des pensions, mais encore faut-il avoir la volonté politique d'aller les chercher là où elles se trouvent !

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Pascale Gruny a bien mis en évidence la complexité et le manque de lisibilité de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ». Nous souhaitons tous des clarifications. Évitons en tout cas les mauvais procès en ce qui concerne le montant des cotisations employeur. En effet, si l'on corrige la comptabilité du CAS « Pensions » sur le modèle d'autres régimes, pour isoler les seules dépenses de pensions, le taux de cotisation employeur de l'État, nécessaire pour verser la contribution d'équilibre de l'État pour faire face au déséquilibre démographique, ne s'élève qu'à 34,7 %.

Monsieur le rapporteur général, je suis d'accord avec vous : le détournement du fonds de réserve des retraites est incompréhensible. Si le FRR avait été doté de 150 milliards d'euros d'actifs, comme cela avait été prévu lors de sa création en 2001, nous aurions sans doute pu éviter d'avoir à réformer les retraites en 2023. Je déplore que, depuis 2010, la mission de ce fonds ait évolué, puisqu'il s'est vu confier la mission de participer au remboursement des dettes de la Cades, qui relèvent de l'assurance maladie.

En 2011, l'encours du FRR atteignait près de 40 milliards d'euros d'actifs, qui rapportaient plus de 10 % par an. Il était donc très bien géré. Ces intérêts ont longtemps permis de financer le prélèvement annuel de la Cades de 2,1 milliards d'euros, puis de 1,45 milliard depuis l'année dernière. Il est toutefois dommage d'avoir utilisé ces sommes pour financer un déficit de l'assurance maladie, car telle n'est pas la vocation du FRR. On aurait dû les conserver pour constituer des réserves, afin de pouvoir faire face aux engagements futurs en ce qui concerne les pensions. Depuis la crise du covid, l'encours du FRR n'est plus que de 20 milliards.

Chacun réclame des clarifications du système. Peut-être conviendrait-il, avant de faire une réforme des retraites, de commencer par une réforme de l'assurance maladie. On ponctionne le FRR chaque année de 2,1 milliards d'euros : ce n'est pas rien et cet argent manque aux retraites. Inutile dès lors de s'étonner qu'il faille sans cesse faire une réforme des retraites. L'argent prévu pour les retraites doit aller aux retraites !

Par ailleurs, je ne souhaite pas opposer les régimes par répartition et par capitalisation. La capitalisation me semble nécessaire, mais en complément de la répartition. Qu'est-ce, d'ailleurs, que le FRR, sinon une forme de capitalisation ?

Le système par répartition me semble meilleur, parce qu'il est presque insensible aux chocs financiers. Quand la France a voulu se doter, en 1910, d'un premier système de retraite, elle a choisi la capitalisation, mais celui-ci a périclité à cause de la crise financière engendrée par la Première Guerre mondiale. Un second système par capitalisation a vu le jour dans l'entre-deux-guerres, mais il n'a pas survécu à la crise de 1929. Peut-on donc être certain qu'un système par capitalisation nous mettrait à l'abri de tout choc financier ? Je ne le pense pas.

En revanche, le système par répartition est très solide, puisque ce sont les cotisations actuelles qui payent les pensions d'aujourd'hui. Il s'agit donc d'une source de financement pérenne et immédiate. Toutefois, dans la durée, le système ne fonctionne que si l'on provisionne le surplus de cotisations perçu lorsque le nombre des actifs excède largement le nombre des retraités, en prévision du moment où cette génération sera à la retraite. C'était la vocation du FRR. Il faut anticiper les évolutions démographiques. Par exemple, on recrute actuellement beaucoup de policiers. Tant mieux ! Cela signifie aussi qu'ils versent plus de cotisations. Il convient de les provisionner pour financer les futures pensions lorsque cette cohorte arrivera à l'âge de la retraite.

Le fonds de réserve des retraites a un très bon rendement, mais les intérêts perçus servent aujourd'hui à financer les déficits de l'assurance maladie. Il conviendrait plutôt que chaque branche soit en équilibre.

Il me semble difficile de passer brusquement d'un régime par répartition à un système de capitalisation. En effet, les gens ne pourront pas à la fois acquitter les cotisations existantes, qui servent à payer les pensions actuelles, et épargner au titre de leur propre retraite par capitalisation. Une période de transition sera nécessaire. En attendant que le régime par capitalisation soit pleinement opérationnel, nous serons confrontés à un problème de financement pour verser les pensions actuelles.

Monsieur Laménie, la mission « Régimes sociaux et de retraite » continue de verser 6 milliards d'euros de subventions d'équilibre aux régimes spéciaux. Celles-ci sont dirigées à hauteur de 70 % vers les régimes spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP, mais la mission alimente aussi les régimes spéciaux des marins, des mines, de l'Opéra de Paris, du Cese, des gérants de tabac, etc.

Le taux des cotisations employeur de la CNRACL doit augmenter, pour compenser l'évolution démographique. Le procès fait à cette caisse est injuste. Elle a versé 80 milliards au titre de la compensation démographique depuis 1974, mais elle ne bénéficie pas aujourd'hui de ces sommes alors qu'elle est en déficit. La CNRACL a également contribué aux compensations de CSG, mais elle n'a jamais rien reçu en retour. Une remise à plat du système est donc indispensable. En attendant, une augmentation du taux des cotisations employeur est aujourd'hui nécessaire.

M. Canévet souhaite que l'on cesse de ponctionner le FRR. Je ne demande pas mieux !

Vous m'avez interrogée sur les conséquences de la suspension de la réforme des retraites. Faut-il s'attendre à une hausse des cotisations employeur ? J'ai fourni, dans mon rapport, des éléments de réflexion. Une hausse d'un point de la CSG rapporterait 17,5 milliards d'euros. J'ai également évoqué la hausse des cotisations vieillesse. Un gel des pensions est prévu cette année. Celui-ci me semble acceptable, car il intervient après une série d'années où les pensions ont augmenté, à tel point que le niveau de vie des retraités est supérieur de 4,8 % à celui des actifs. Je rappelle aussi que la loi spéciale de l'année dernière a augmenté les retraites de 2,2 % en janvier, alors que la hausse initialement prévue dans le projet de loi de finances n'était que de 1,8 % en juillet, soit moins de 1 % en année pleine. Le gel des pensions me semble ainsi acceptable ; c'est en quelque sorte un juste retour des choses.

Enfin, il existe une autre piste, celle qui consiste à améliorer le taux d'emploi des seniors. L'effet net sur les finances publiques d'un retour à l'emploi des 589 000 seniors en bonne santé, qui ne sont ni en emploi, ni au chômage, ni en retraite, serait de près de 6 milliards d'euros. La France a un taux d'emploi des seniors extrêmement faible, notamment par rapport à l'Allemagne. Il n'y a pas de raison qu'on ne fasse pas mieux en la matière, mais cela passera sans doute par un changement de culture dans les entreprises. En tout cas, le niveau de vie net des retraités, qui sont par ailleurs souvent propriétaires de leur logement, est en moyenne supérieur à celui des actifs. Je comprends, monsieur Éblé, que vous ne soyez pas favorables à un gel des pensions. Cependant, il me semble que, en termes d'équité de traitement, un gel des pensions est préférable à une baisse du pouvoir d'achat des actifs.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.

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