EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Sécurités » et donc du programme 161 « Sécurité civile ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Bruno Belin, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des rapports spéciaux de Bruno Belin et Jean Pierre Vogel sur la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Nous accueillons Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense pour le programme « Gendarmerie nationale ».

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Dans le domaine de la sécurité intérieure, l'activité a été en en progression en 2025, après une année 2024 déjà chargée.

Pour 2026, même s'il n'y a pas de faits majeurs de l'intensité des jeux Olympiques et Paralympiques, l'organisation du G7, qui se tiendra en juin à Évian, est notamment déjà en préparation ; elle mobilisera bien entendu des moyens humains.

S'agissant des éléments budgétaires, j'évoquerai d'abord la police nationale, dont le budget total avoisine les 13,9 milliards d'euros.

Il faut d'abord noter une augmentation des moyens humains : plus de 1 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus dans le budget de la police nationale, dont 300 pour la police aux frontières. Ces effectifs vont au-delà de ce qui était prévu dans le cadre de la déclinaison ministérielle annuelle de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Mais un effort est également consenti pour les moyens autres qu'humains, notamment les véhicules, le numérique et l'immobilier.

Cette allocation de moyens supplémentaires doit permettre de répondre plusieurs axes d'action, parmi lesquels la sécurité du quotidien, la lutte contre l'immigration irrégulière et la sécurisation des frontières, la lutte contre la criminalité organisée - y compris le narcotrafic - et l'« entrisme ».

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le budget total dépasse les 11 milliards d'euros, en légère hausse. On ne constate pas la même progression que pour la police nationale.

Néanmoins, il est prévu le recrutement de 400 ETP supplémentaires, qui sont nécessaires pour armer les nouvelles brigades. Le Président de la République avait annoncé en 2023 la création de près de 240 nouvelles brigades, ce qui nécessite évidemment des moyens humains. Dans une première vague, un peu plus de 80 brigades ont été ouvertes en 2024. 57 brigades auraient dû l'être en 2025, mais elles ne l'ont pas été faute de création d'effectifs. Elles seront donc ouvertes en 2026. Il en restera une centaine à ouvrir pour la suite.

L'évolution du budget de la gendarmerie nationale appelle plusieurs points d'alerte.

D'abord, j'aborderai la question des véhicules. Si l'on veut que nos gendarmes soient correctement équipés, il faut renouveler environ 3 750 véhicules par an. Les budgets des années récentes n'ont permis d'en renouveler qu'un nombre très limité ; en 2026, 600 à 700 pourraient l'être, soit environ six ou sept véhicules par département.

Ensuite, je veux évoquer les hélicoptères. La gendarmerie nationale surveille un territoire très étendu, et les hélicoptères sont indispensables à ses différentes missions. Or, aujourd'hui, la gendarmerie dispose d'une flotte d'hélicoptères en fin de vie. Dans certains départements, ce sont des Écureuil, lesquels datent des années 1960, qui sont encore en service. La première tranche d'un marché conclu il y a quelques années avec Airbus a permis d'acquérir 26 hélicoptères mais la répartition s'est faite ainsi : 2 pour la gendarmerie et 24 pour la sécurité civile. Il faudra s'interroger sur l'état de la flotte d'hélicoptères et sur la manière dont nous pourrions, comme nous l'avons fait pour l'immobilier, accompagner la gendarmerie face au défi que représente la surveillance des territoires.

J'en viens à un autre sujet lié à l'étendue du territoire sur lequel s'exerce la mission de la gendarmerie nationale : la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi). Aujourd'hui, la gendarmerie, la police nationale et les douanes comptent quelques centaines de dispositifs, quand la Belgique en possède plusieurs milliers. Le dispositif Lapi n'a pas de capacité répressive, à la différence des radars, mais permet d'identifier des véhicules et de reconstituer leurs parcours grâce à l'intelligence artificielle, ce qui est d'une grande utilité, notamment face à des enjeux liés au terrorisme, à des d'enlèvements ou à des évasions. Il nous faudrait dix ou vingt fois plus de ces dispositifs, sachant que l'unité coûte 15 000 euros.

En ce qui concerne l'immobilier de la gendarmerie nationale, nous partions de loin. Je rappelle que le rapport sur l'immobilier de la gendarmerie nationale rendu en 2024, au nom de notre commission, a contribué à permettre de mobiliser des fonds et de répondre à certaines difficultés importantes. À titre d'exemple, les travaux commencent enfin dans la caserne de Dijon, cinquante-cinq ans après son ouverture. Les militaires et leurs familles ne pouvaient pas y être accueillis correctement. De la même manière, les travaux que nous avions identifiés comme nécessaires à Satory sont enfin prévus dans le programme budgétaire.

Par ailleurs, je me suis rendu dans la Nièvre au mois de septembre, pour trouver des solutions en lien avec les collectivités, les bailleurs sociaux, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les départements, l'État, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons notamment entamé une discussion avec le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) sur l'utilité pour la gendarmerie d'être propriétaire de ses logements et casernes, et sur les délais de prêt qui seraient envisageables.

J'en viens à la sécurité routière. En 2025, le nombre de décès augmentera un peu par rapport à 2024, année où il s'était établi à 3 432, dont 3 193 pour la métropole et 239 pour les outre-mer. En la matière, nous ne parvenons pas à descendre sous un certain plancher.

J'ai organisé une table ronde et des auditions à ce sujet en présence de représentants d'associations, de responsables de la coordination interministérielle et de personnes personnellement affectées. Un décès impacte environ neuf personnes, notamment en matière d'arrêts de travail et de traitements médicamenteux. En prenant en compte tous les paramètres, on estime que le coût des 3 400 décès représente au moins 80 milliards d'euros, ce qui équivaut à près de 3 points de PIB.

Comment faire baisser ce chiffre ? Je ne crois pas au tout répressif ; il faut aussi des mesures de formation, qui peut être permanente ou dispensée immédiatement après l'obtention du permis. À cet égard, je rappelle que 35 % des décès sur les routes concernent les moins de 34 ans. La répartition des causes des accidents ne change pas beaucoup : environ un accident sur trois est lié à la vitesse, un sur quatre à l'alcool et un sur cinq aux stupéfiants. De plus, 14 % des accidents impliquent un « distracteur », soit l'usage d'un téléphone ou d'un écran.

J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». La France compte 4 200 radars actifs, qui ont représenté en 2024 un rendement d'environ 889 millions d'euros. L'ensemble des recettes des amendes, y compris celles relevant de la police de la circulation (hors radars), représenterait 2,15 milliards d'euros en 2026, dont un peu plus d'un tiers est affecté aux dépenses routières des collectivités, un tiers au désendettement de l'État, et près d'un cinquième au fonctionnement des radars et au procès-verbal électronique.

La politique de l'État est de ne pas augmenter le nombre de radars actifs.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 860 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour le programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.

Cependant, ce budget appelle une mise en perspective pluriannuelle. Pour la période 2023-2026, la moyenne du montant des CP se stabilise à environ 850 millions d'euros, soit à un niveau supérieur de 40 % à celui observé entre 2019 et 2022.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, cette augmentation pourrait surprendre, mais elle est logique et, ce, pour au moins deux raisons.

Premièrement, cette hausse des crédits à moyen terme est nécessaire pour sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires humains et matériels de la sécurité civile, face à l'extension temporelle et géographique des risques climatiques.

De récents travaux du Sénat, et plus particulièrement de la commission des finances, ont établi cette nécessité. Ainsi, deux rapports de contrôle, l'un portant sur les régimes d'indemnisation des catastrophes naturelles et l'autre sur les inondations survenues en 2023 et 2024, ont mis en exergue les coûts humains et financiers colossaux entraînés par un défaut des moyens de prévention et d'intervention face à l'intensification des aléas climatiques.

Deuxièmement, le budget du programme 161 doit être pensé de façon transversale. En effet, les moyens accordés à la sécurité civile sont mis au service d'un ensemble de politiques publiques. À titre d'exemple, le financement de matériel indispensable pour la sécurisation de la Coupe du monde de rugby, ou des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, a conduit la sécurité civile à partager l'ambition de nos politiques sportives. De la même manière, la mobilisation exceptionnelle des ressources humaines et matérielles de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, puis à Mayotte, pour un coût dépassant 130 millions d'euros en 2025, témoigne de l'utilisation des crédits du programme 161 au service de nos politiques de cohésion et de solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins.

En ce qui concerne l'analyse des crédits du PLF pour 2026, il faut noter une croissance de 5 % des dépenses de personnels ainsi qu'un schéma d'emploi positif.

Par ailleurs, le montant élevé des AE, qui s'élève à près d'1 milliard d'euros, s'explique par les dépenses d'investissement, qui augmentent de 200 millions d'euros, en raison de la commande de deux nouveaux Canadair.

Les dépenses de fonctionnement sont relativement stables et visent essentiellement le paiement des contrats de maintien en condition opérationnelle des aéronefs.

Enfin, les dépenses d'intervention sont également stables. Elles portent principalement sur le financement des pactes capacitaires dédiés à la lutte contre les feux de forêt.

J'en viens aux enjeux thématiques du programme.

En ce qui concerne la flotte d'aéronefs de la sécurité civile, je soulignais l'an dernier le caractère heureux des résultats de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêt, qui s'expliquaient par une météo clémente. Cependant, en 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feux, dont le mégafeu qui a sévi dans l'Aude. Ce dernier a été le feu de forêt le plus important depuis 1949. Il a duré trois semaines et, chaque minute pendant vingt-quatre heures, l'équivalent de 16 terrains de football est parti en fumée. En tout, 17 000 hectares ont brûlé, dont 16 000 en vingt-quatre heures.

En juillet 2025, le nombre insuffisant d'avions bombardiers d'eau disponibles a conduit à arbitrer entre des demandes d'engagement des opérations de secours dans deux territoires distincts : l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire s'est donc avéré.

Dans ce contexte, il nous faut retenir trois points concernant les moyens aériens. D'abord, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu puisque, d'ici à la fin de l'année 2025, 8 modèles H145 doivent être livrés. Le calendrier, qui prévoit la livraison de 36 appareils d'ici à 2029, devrait donc être respecté.

Ensuite, le budget pour 2026 consacre la pérennisation de crédits dédiés à la location d'aéronefs, à hauteur de 30 millions d'euros. Cette année, la flotte locative a été pleinement mobilisée et a démontré son importance dès le mois de juillet.

Enfin, l'intensité de la dernière saison des feux a conduit à l'annonce de l'achat de deux nouveaux Canadair. Le PLF pour 2026 consacre bien 200 millions d'euros en AE au financement - entièrement sur fonds propres - de deux appareils, qui doivent être livrés entre 2032 et 2033. Ils viendront s'ajouter aux deux Canadair déjà commandés en 2024, cofinancés par l'Union européenne et officiellement attendus pour 2028.

J'en viens aux pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels, notamment de véhicules, cofinancés par l'État.

Après les incendies de 2022, une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été allouée pour faire face aux feux de forêt. Le PLF pour 2026 tient sa promesse en la matière, puisque des CP d'un montant de 22 millions d'euros seront dédiés à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d'euros en CP ont déjà été consommés entre 2023 et 2025. Ainsi, en juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d'incendie et de secours (SIS).

Par ailleurs, la multiplication des inondations constitue un second défi capacitaire. L'idée de pactes capacitaires « inondations » a été formulée. Cependant, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l'investissement dans des moyens nationaux, mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins. En plus d'acquisitions réalisées en urgence pour faire face aux épisodes de 2024, des achats de pompes spécifiques sont prévus lors de l'exercice 2026.

Au-delà des moyens aériens et des moyens de pompage, les capacités et l'efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile reposent sur un ensemble de systèmes d'information. À l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers de France, que j'ai eu le plaisir d'accueillir au Mans, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a procédé à une démonstration de l'outil NexSIS. Il s'agit d'un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, dont l'ensemble des acteurs de la sécurité civile reconnaissent aujourd'hui la maturité technique, la valeur ajoutée opérationnelle et la source d'économies.

Cependant, alors que les SIS témoignent d'un enthousiasme certain à l'égard du projet, l'ANSC connaît une situation de sous-effectifs qui en menace l'avancement.

Enfin, après plusieurs suspensions liées à l'instabilité gouvernementale, le Beauvau de la sécurité civile a finalement conclu ses travaux début septembre, avec la présentation d'un rapport de synthèse. Cependant, les propositions et les possibilités de réformes compilées dans ce rapport sont sujettes à des arbitrages interministériels. Un projet de loi visant à refonder la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile ».

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale ». - Deux sujets reviennent chaque année quand il s'agit de la gendarmerie nationale : l'immobilier et les véhicules légers. Il y a quelques années, nous avons établi la nécessité d'effectuer des travaux, d'entretien ou de création de casernes neuves, à hauteur de 400 millions d'euros par an. En ce qui concerne les véhicules légers, il s'agit d'en acquérir 3 750 par an, afin d'assurer le renouvellement de la flotte.

Cette année, nous observons une légère amélioration pour le budget consacré à l'immobilier, mais nous sommes encore très loin du compte. Sur la période des huit dernières années, il manque environ 2 milliards d'euros pour atteindre l'objectif fixé. Les dépenses liées au coût des loyers progressent de façon importante ; faut-il continuer ainsi ou développer davantage le parc domanial ? Le DGGN est en faveur de cette dernière option, qui revient moins cher à terme. Des discussions ont lieu entre le ministère de l'intérieur et Bercy pour identifier des moyens de procéder à du leasing, afin que les biens loués finissent par appartenir à la gendarmerie après un certain nombre d'années, ce qui permettrait d'effectuer d'importantes économies. Il s'agit d'un sujet important, également lié au bon accueil des familles et à la fidélisation des gendarmes.

En ce qui concerne les véhicules légers, nous en aurons acquis 4 700 en trois ans, bien loin des 3 750 prévus par an.

J'en viens aux personnels. Cette année, 57 nouvelles brigades auraient dû être créées, mais les crédits ont été insuffisants pour embaucher et former le personnel nécessaire. Pour 2026, des crédits sont prévus pour financer 400 ETP, ce qui permettra seulement de combler le manque de 2025. De plus, la gendarmerie peine toujours à recruter et n'a pas retrouvé son niveau de personnel de 2008, alors que le territoire à couvrir est plus important. L'année prochaine, hors des brigades nouvelles, les créations d'emplois seront nulles ; il y a des recrutements, mais aussi de nombreux départs, la gendarmerie étant confrontée à un problème de fidélisation, comme toutes les armes.

La gendarmerie compte seulement 58 hélicoptères, pour la métropole et les outre-mer. Sur ces 58 appareils, 26 doivent être renouvelés. Il faut lancer les contrats au plus vite, avec une date butoir au premier semestre 2027. Si des crédits n'y sont pas dédiés, des escales aériennes fermeront. Pour atteindre l'objectif, il faut trouver 350 millions d'euros.

Enfin, j'évoquerai un sujet moins connu, celui du remplacement des fusils d'assaut Famas par le HK416. Là aussi, il est temps de passer commande, puisque la date butoir est établie à 2030. Il faudra procéder à l'acquisition de 22 000 fusils, pour un total de 110 millions d'euros.

La situation n'est pas formidable, mais pourrait être pire. Je voterai donc en faveur des crédits du programme. Enfin, en présentant ce budget, le DGGN a souligné que nous étions à « un point de bascule » ; il ne faudrait pas que celui-ci se transforme en point de rupture.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La question de l'immobilier est sur la table depuis un moment et je propose que nous unissions nos efforts, afin d'aboutir sur ce sujet avant la fin de l'année. Cela me semble possible, car nous dépendons en la matière principalement d'un décret interministériel. Il faut y travailler vite pour proposer que nos gendarmes soient logés dans des conditions convenables ; il s'agit de respect et de dignité.

En ce qui concerne les radars, si les crédits augmentent, les dégradations des dernières années ont réduit le montant des recettes. Peut-on tirer les conséquences de ces dégradations de façon précise ? Par ailleurs, les radars n'ont pas tous la même productivité et la même efficacité en matière de sécurité routière, en fonction de leur emplacement ; existe-t-il des catégories de productivité moyenne ? Cela permettrait de faire des choix en matière de positionnement.

Enfin, une partie significative des interventions de la gendarmerie ont lieu pour répondre à des violences intrafamiliales, ce qui est énorme en matière de moyens mobilisés, humains et financiers. Les sapeurs-pompiers sont souvent appelés aussi sur ces cas. Pourrait-on faire un état des lieux de ces interventions ? Ne devrait-on pas identifier des solutions pour assurer une meilleure coordination entre les pompiers, la gendarmerie et la police, afin de réduire le coût pour les services publics ? Des dispositifs plus efficaces pourraient être mis en place, notamment en matière de prévention. Il existe ainsi aujourd'hui un certain nombre de prestations qui relèvent du service public, mais sont coûteuses et dévoreuses de temps comme de personnels.

M. Marc Laménie. - Ma première question s'adresse à Bruno Belin : les effectifs de CRS et de gendarmes mobiles sont-ils stables ou doivent-ils augmenter ? Je pense notamment au phénomène des violences urbaines.

D'après certaines informations obtenues localement, j'ai appris que les véhicules de la police nationale étaient à bout de souffle et que leur nombre était très peu élevé.

Enfin, en ce qui concerne la sécurité routière, je vous remercie d'avoir rappelé le coût direct et indirect des décès et des blessés.

M. Grégory Blanc. - Les budgets présentés sont en hausse, ce qui est salutaire, car ce n'est pas le cas pour l'ensemble des missions dans ce PLF. Cependant, cette année encore, les moyens dédiés à l'augmentation des interventions liées à l'immigration sont supérieurs aux moyens alloués à la lutte contre les événements climatiques ou aux outre-mer. Il s'agit d'un choix politique, qui fera sans doute l'objet d'un débat en séance.

La présentation du rapport de synthèse du Beauvau de la sécurité civile a eu lieu le 4 septembre et aucun élément n'a été intégré au sein de ce PLF. Ainsi, je regrette l'absence d'évolution fiscale visant à mieux soutenir les Sdis, qui auraient aussi permis d'aider les départements, qui sont en situation difficile et auxquels on va encore demander d'abonder les budgets.

Nous n'observons pas non plus d'évolution singulière quant aux pactes capacitaires « inondations », alors que ce risque augmente fortement. Pourtant, l'État a adopté le Pnacc 3 (plan national d'adaptation au changement climatique) et a chiffré les efforts à fournir pour adapter nos territoires et le pays aux enjeux climatiques. Le budget consacré au programme « Sécurité civile » ne suit pas, raison pour laquelle je n'adopterai pas ces crédits. La question de la sécurité des personnes et des biens doit être une priorité.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », nous nous félicitons de l'augmentation des crédits. Un projet de loi doit être voté sur la police municipale et ce transfert à bas bruit, de compétences de missions régaliennes vers les polices municipales, doit s'assortir d'un transfert de crédits. Or un tel transfert ne semble pas prévu par le PLF ; faudrait-il présenter un amendement pour identifier comment l'État pourrait soutenir les collectivités locales en la matière ?

Enfin, des flottes d'entreprises basculent de plus en plus vers la location longue durée ; n'y aurait-il pas là une piste pour résoudre le problème automobile, d'autant que nous traversons une période de rupture technologique, avec l'électrification du parc ?

Mme Christine Lavarde. - Concernant le schéma pluriannuel de programmation immobilière du ministère, comment l'ordre de priorité est-il déterminé ? Comment choisit-on un commissariat plutôt qu'un autre ? À titre d'exemple, les collectivités proposent de cofinancer à plus de 50 % le coût d'un nouveau commissariat à Boulogne-Billancourt, mais le dossier n'est pas lancé, alors que les travaux figuraient dans la liste des priorités établie par le ministère.

En tant que rapporteur de la mission « Écologie », j'ai du mal à accepter que des crédits de débroussaillement lié à la prévention des feux de forêt soient financés par le fonds Barnier ; le feu de forêt n'est pas une catastrophe naturelle. Les moyens dédiés à sa prévention n'ont rien à faire au sein de l'action n° 14 et ne doivent pas être financés par la surprime prélevée sur les contrats d'assurance habitation et automobile. Pour avoir accès à une vision globale des financements alloués à la prévention des feux de forêt, il faut aussi prendre en compte des crédits figurant dans d'autres missions.

M. Michel Canévet. - Pour la gendarmerie, la question de l'immobilier est essentielle, notamment pour assurer le logement des familles. À titre d'exemple, dans le Finistère, des préoccupations ont été médiatisées concernant l'absence de chauffage dans la caserne du Conquet ou, au contraire, les températures caniculaires sévissant dans les logements du quartier Buquet à Brest. Les crédits dédiés aux opérations de maintenance, qui augmentent significativement, permettront-ils de faire face aux besoins identifiés ?

Concernant les constructions neuves, les besoins sont également nombreux. Dans le Finistère, des opérations ont commencé à Lannilis et à Plabennec, et des besoins sont identifiés à Douarnenez. Le cheminement est souvent long pour obtenir un accord pour des opérations pourtant urgentes. Les crédits prévus permettront-ils de lancer de nouvelles opérations cette année ?

Il semble difficile de mobiliser des crédits pour atteindre les objectifs en matière de renouvellement des véhicules. Les forces de gendarmerie et de police peuvent-elles obtenir des véhicules issus des saisies opérées par les services de l'État ?

Concernant la sécurité civile, nous nous réjouissons que des commandes puissent être passées pour la flotte aérienne. Cependant, les délais de livraison sont très longs. Comment la sécurité civile peut-elle assurer une bonne couverture des incendies compte tenu de l'état du parc ? La coopération européenne est-elle efficace en la matière ?

Enfin, le sous-effectif de l'ANSC a été évoqué ; combien manque-t-il de personnels pour mener une action concrète et cohérente ?

M. Didier Rambaud. - Existe-t-il une règle ou une doctrine sur la relation financière entre les collectivités locales et la gendarmerie en matière d'immobilier ? J'ai l'impression que tout se fait au cas par cas.

Enfin, j'entends Grégory Blanc faire appel à davantage de moyens pour la sécurité ; j'aimerais que son intervention soit entendue par les membres de son groupe politique et par tous les maires écologistes de France, qui ont une approche dogmatique de la question.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, en ce qui concerne les effectifs des CRS, je dois me renseigner pour vous répondre.

Les autres questions concernent toutes les ressources humaines, l'immobilier et les véhicules.

Pour répondre au rapporteur général, les violences intrafamiliales peuvent effectivement représenter une part notable des interventions dans certaines gendarmeries. L'une des réponses de la DGGN est le recours aux réservistes, qui pourraient constituer un vivier de 40 000 à 50 000 personnes. Cependant, il faudrait pouvoir en assurer la mobilité et les équiper.

L'attractivité du métier est notamment liée à la qualité des logements et son amélioration pourrait en partie répondre au besoin de renouvellement des effectifs. La programmation budgétaire est-elle suffisante ? Si nous parvenons à augmenter un peu le niveau de 2026 pendant dix ans, nous atteindrons peut-être nos objectifs. Cependant, dans le passé, il est arrivé que des programmes soient autorisés, que des équipes de la gendarmerie nationale soient au travail et qu'un maître d'oeuvre soit mobilisé, mais que Bercy ne donne jamais l'autorisation finale. C'est à nous de dire que l'immobilier constitue un sujet à sacraliser pour que nous puissions répondre aux besoins.

En ce qui concerne le choix des commissariats faisant l'objet de travaux, pour 2026, une partie du budget de la police nationale sera fléchée pour la construction des hôtels des polices de Nice, qui réunira la police nationale et la police municipale, offrant un type de coopération intéressant entre deux forces complémentaires, et l'hôtel de police de Valenciennes. Il est certain que des priorités sont fixées entre différents projets.

Monsieur Blanc, je ne prendrai pas la responsabilité d'un amendement prévoyant un transfert de moyens financiers de l'État aux collectivités en matière de sécurité ; il s'agirait de dégréver une partie du budget de la sécurité intérieure. Nous pourrons en débattre.

En ce qui concerne les véhicules, je vous invite à visiter les antennes territoriales du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du Raid. Compte tenu de leur équipement et de la prescription de besoins à laquelle ils doivent répondre, ils ne peuvent pas se permettre de louer des véhicules comme un citoyen.

Sur la question des montages « type » pour la rénovation ou la construction immobilière dans la gendarmerie, nous avons des outils, comme les décrets de 1993 ou de 2016, mais il est vrai qu'il y a des réglages au cas par cas, en fonction de la volonté des élus et des relations entre les différents acteurs.

Les nouveaux moyens humains sont en partie fléchés vers la politique de l'immigration, puisque 300 postes seront alloués aux centres de rétention administrative (CRA), dont les capacités doivent s'accroître. Cependant, 700 nouveaux postes concernent la filière investigation.

Enfin, 82 % des radars étaient en état de fonctionnement au 1er janvier 2025, ce qui est faible mais il semblerait que la situation s'améliore progressivement depuis.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Le secours d'urgence aux personnes, notamment le relevage de personnes âgées, représente 80 % des interventions des sapeurs-pompiers. Un certain nombre de ces interventions qui ne sont pas toujours de leur ressort doivent être assurées, ce qui peut créer une lassitude et encourager certains à ne pas se déclarer disponibles. Je n'ai pas de statistiques particulières sur les violences intrafamiliales, pour lesquelles les pompiers se déplacent quand ils sont appelés.

Concernant l'absence d'évolution fiscale pour le financement des Sdis, il convient de rappeler que les départements sont les principaux financeurs de ces structures, à hauteur de 60 % en moyenne au niveau du pays. Au regard de la loi, ils sont aussi obligés de prendre en charge les dépenses nouvelles, les contributions des collectivités étant limitées au montant de l'inflation constatée l'année précédente. Des pistes sont évoquées pour compléter les financements et alléger les dépenses des départements. À titre d'exemple, l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) est envisagée. Cependant, aucune piste ne fait encore l'unanimité et il faut laisser le temps à la discussion. Il faudrait trouver une solution d'ici à 2027, car les départements sont à bout de souffle.

Le budget du programme 161 est tout de même ambitieux, comme en témoignent notamment les 450 millions d'euros mobilisés pour renouveler la flotte d'hélicoptères d'ici 2029. De plus, 150 millions d'euros ont été alloués aux pactes capacitaires « feux de forêt », notamment pour l'achat de véhicules tels que des camions-citernes, même si cela ne représente que 1,5 million d'euros par département.

La DGSCGC a décidé de mobiliser les moyens relatifs aux inondations au niveau national, ce qui semble logique. En effet, la lutte contre les risques d'inondation nécessite des moyens humains particuliers et des qualifications spécifiques, pour opérer certaines technologies telles que des pompes puissantes. De telles qualifications ne pourraient être présentes dans chaque Sdis. En la matière, des moyens nationaux ont donc été jugés plus efficaces.

Je prends note de la remarque de Mme Lavarde sur le financement par le fonds Barnier du débroussaillage. Il est vrai que les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont normalement à la charge des propriétaires, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours respecté.

Concernant le délai de réponse aux commandes d'aéronefs, de Havilland Aircraft of Canada Limited, qui a le monopole de la fabrication des Canadair, attendait au moins une vingtaine de commandes avant de relancer la production, ce qui a demandé plusieurs années. En revanche, plusieurs sociétés françaises ont des projets dans ce domaine, ce qui pourrait favoriser l'indépendance industrielle de la France et de l'Europe. Le fait que la relance de la ligne de fabrication des Canadair n'ait pas été aussi rapide qu'espérée pourrait être une chance pour ces entreprises.

La flotte de Canadair est extrêmement vieillissante et son maintien en condition opérationnelle pose des difficultés. Ainsi, en 2024, sur douze appareils, seuls trois étaient opérationnels à certains moments de l'année. Il existe des moyens de substitution, comme les hélicoptères bombardiers d'eau, loués par certains départements ou par la DGSCGC. Dans l'attente du renouvellement de la flotte patrimoniale d'avions et d'hélicoptères, le PLF 2026 pérennise en ce sens une enveloppe de 30 millions d'euros dédiés à la location d'aéronefs. En outre, des moyens aériens et humains sont mutualisés en Europe, comme nous l'avons vu à l'occasion des mégafeux en Grèce ou en Espagne.

En complément, certains outils technologiques doivent être développés dans les départements français, dont les caméras de vidéodétection du départ de feux de forêt, assistées par l'intelligence artificielle, déployées dans mon département de la Sarthe. Ainsi, nous avons pu prévenir la Mayenne voisine d'un départ de feu.

L'ANSC pilote le projet NexSIS. Dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), il avait été décidé de relever progressivement le plafond d'emplois de l'ANSC à 35 d'ici 2026. Or, le PLF 2026 autorise seulement 23 ETPT, soit 12 emplois manquants. Cela rend impossible le respect du calendrier prévu de déploiement de NexSIS dans les Sdis. Or, un retard de déploiement dans les Sdis a une double conséquence financière : d'une part, une perte de recettes pour l'ANSC, dont le financement repose sur le versement de contributions d'exploitation versées annuellement par les SIS dans lesquels NexSIS est mis en service et d'autre part, des surcoûts de maintenance opérationnelle pour les Sdis contraints de continuer à recourir à d'autres solutions plus onéreuses. Entre outre, l'Agence est contrainte d'externaliser la réalisation d'une partie de ces missions, pour un coût équivalent à 220 % de celui du personnel directement employé. Le respect du schéma d'emplois prévu dans le cadre de la Lopmi permettrait donc des économies tout en assurant la mise en oeuvre du projet. Nous y reviendrons sans doute dans l'hémicycle.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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