B. SI L'IMPACT DE LA BAISSE DES DÉPENSES DE LA MISSION SUR LE CHÔMAGE EST INCERTAIN, IL SERA TRÈS PROBABLEMENT NÉGATIF SUR L'EMPLOI

1. La dépense publique en faveur de l'alternance diminuerait à nouveau en 2026

Les dépenses de l'État soutenant l'alternance - et en premier lieu l'apprentissage - ont été très élevées jusqu'en 2024. Les rapporteurs spéciaux l'estime à environ 6,2 milliards d'euros pour 2025. En retenant le même périmètre, ce coût serait de 4,6 milliards d'euros pour 2026, principalement en raison :

- d'une part, de la forte diminution des crédits dédiés à l'aide à l'embauche d'apprentis (- 31 %) ;

- d'autre part, de la diminution, également très importante, du coût de la prise en charge des cotisations salariales des apprentis, qui en sont exonérées (- 20,5 %).

Évolution du coût de l'alternance pour la mission
entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026

(en millions d'euros)

 

2025

2026

Évolution 2026/2025

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage

3 127

3 432

2 158

2 369

- 31,0 %

- 31,0 %

Aide aux contrats de professionnalisation

0

26

0

0

-

- 99,4 %

France compétences

913

913

673

673

- 26,3 %

- 26,3 %

Exonération de cotisations sociales des contrats d'apprentissage

1 310

1 310

1 043

1 042

- 20,4 %

- 20,5 %

Exonération IR du salaire des apprentis (perte de recette estimée)

533

526

- 1,3 %

TOTAL

5 883

6 214

4 400

4 610

- 25,2 %

- 25,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ce chiffre porte néanmoins sur un périmètre très incomplet, l'apprentissage étant principalement financé par France Compétences via les opérateurs de compétences (Opco). La Cour des comptes a chiffré le coût des dispositifs d'alternance à 16,8 milliards d'euros en 20235(*). Quant à la revue des dépenses conduite par les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas)6(*), elle actualise certains chiffrages et apporte de nombreuses informations nouvelles mais sans en consolider le coût.

À la connaissance des rapporteurs spéciaux, l'estimation la plus récente et la plus complète du coût élevé de l'apprentissage pour les finances publiques a été publiée dans un Policy Brief de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)7(*) : il s'élèverait à 24,9 milliards d'euros en 2023 et à 24,6 milliards d'euros en 2024.

La baisse, dans la budgétisation initialement soumise au Parlement, du coût de l'exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis, résulte de la présence dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, dans sa rédaction au moment de son dépôt à l'Assemblée nationale, de la suppression de cette exonération, qui générerait environ 400 millions d'euros d'économies en 2026 selon le cabinet du ministre du travail et des solidarités. L'estimation de dépenses de compensation de ces exonérations inscrites sur la mission pour 2026 (20,5 %) tient compte de cette mesure.

2. La contrainte sur les dépenses de la mission aura vraisemblablement un impact négatif sur l'emploi

Le recul de l'emploi, déjà à craindre en 2025, devrait advenir en 2026. L'OFCE8(*) anticipe ainsi une hausse du taux de chômage d'environ 0,7 point, jusqu'à 8,2 % à fin 2026 (cf. supra).

La résorption des politiques volontaristes en faveur de l'emploi annoncée dans le PLF pour 2026 ne permettrait pas d'inverser cette tendance. En effet, selon les conjoncturistes, « le nombre de bénéficiaires des politiques de l'emploi reculerait [au total] de 128 000 en 2025 et de 87 000 en 2026, correspondant à 60 000 emplois aidés en moins en 2025 et 45 000 en 2026. »

Les rapporteurs spéciaux craignent néanmoins que la situation ne soit plus inquiétante encore que ne l'envisagent les économistes. En effet, s'ils soulignent avec raison l'impact de la suppression des emplois francs (47 000 bénéficiaires fin juillet 2024 contre une quasi-disparition attendue fin 2026), l'extinction progressive des contrats aidés dans le secteur marchand (plus de nouveaux bénéficiaires à partir de fin 2025), et la forte baisse des contrats aidés dans le secteur non marchand (- 40 000 bénéficiaires sur 2025, puis - 1 000 par mois en 2026)9(*), ils sous-estiment, en raison du dépôt tardif du projet de loi de finances cette année, l'ampleur de la baisse qui concerne l'insertion par l'activité économique (IAE). En effet, les estimations de l'OFCE tiennent compte, « d'une hausse de crédits de près de 300 millions d'euros (+ 22 %) » 10(*) pour les structures de l'IAE, qui ne figure pas - loin s'en faut - dans la budgétisation soumise au Parlement.

La baisse du soutien public à l'apprentissage conduirait à un reflux de ce dispositif, qui diminuerait au second semestre 2025 et en 2026 en raison de la concentration des entrées en apprentissage autour du mois de septembre. Une part significative des suppressions d'emplois, à hauteur de 109 000 emplois non créés, dont 65 000 emplois nets, en résulterait.

En revanche, comme l'a relevé l'économiste Bruno Coquet, entendu par les rapporteurs spéciaux, la baisse des entrées en apprentissage n'a que peu d'impact sur l'évolution du taux de chômage, dans la mesure où la majorité des apprentis étaient, avant leur entrée dans le dispositif, des étudiants et non des chômeurs. L'OFCE11(*) relève ainsi que « l'impact [du ralentissement de l'apprentissage] sur le chômage serait limité ».


* 5 Cour des comptes « Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l'apprentissage », Note thématique, juillet 2023. Pour la Cour, l'alternance englobe les contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

* 6 Igas/IGF, Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024.

* 7 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.

* 8 OFCE, «  Un marché du travail malmené », Perspectives 2025-2026 pour l'économie française, octobre 2025.

* 9 OFCE, ibid.

* 10 OFCE, ibid.

* 11 OFCE, ibid.

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