C. LE MAINTIEN D'UNE CONTRIBUTION DE L'UNÉDIC MALGRÉ LE RETOUR DE L'ASSURANCE CHÔMAGE EN SITUATION DÉFICITAIRE

1. De 2023 à 2026, une moindre compensation des exonérations de cotisations versée à l'assurance chômage

Le principe d'une reprise par l'État des excédents de l'Unédic a été posé dans le document de cadrage par lequel la Première ministre d'alors avait fixé les conditions de la négociation de la convention de l'assurance chômage12(*). Ainsi, entre 2023 et 2026, des prélèvements sur la fraction de TVA affectée à l'Unédic devaient lui permettre de faire contribuer le régime d'assurance chômage « au financement des politiques visant le plein emploi13(*) ».

En 2023, le montant de cette reprise a été de 2 milliards d'euros ; il a ensuite été de 2,6 milliards d'euros en 2024 et de 3,35 milliards d'euros en 202514(*). Pour 2026, il serait de 4,1 milliards d'euros (+ 750 millions d'euros).

Reprise d'excédents de l'Unédic
prévue et en cours de réalisation entre 2023 et 2026

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

Document de cadrage

2 000

2 500

3 000 < x < 3 200

3 500 < x < 4 100

Lois de finances et PLF 2026

2 000

2 600

3 350

4 100

Source : document de cadrage relatif à la négociation de la convention de l'assurance chômage et projet de loi de finances pour 2026

Cette trajectoire est globalement conforme à la prévision du document de cadrage. Elle lui est légèrement supérieure pour les années 2024 (+ 100 millions d'euros à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale) et 2025 (+ 150 millions d'euros). Elle l'est également pour 2026, même si elle s'établit au montant maximal envisagé.

2. Une contribution controversée de l'Unédic au financement des politiques de l'emploi
a) La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus : un prélèvement conforme aux prévisions pour 2026, mais dont la justification interroge pour l'avenir

Le rapporteur spécial constate que le prélèvement proposé pour 2026 est conforme à la trajectoire fixée dans le document de cadrage à l'été 2023. Pour regrettable que ce soit pour l'Unédic, ce prélèvement était donc attendu par l'ensemble des acteurs et pouvait être anticipé.

Le rapporteur spécial relève également que, comme les prévisions de l'Unédic le relèvent elles-mêmes, le nombre de chômeurs indemnisés devrait diminuer en 2025 et 2026 en raison de la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi - entrainant une stabilisation des dépenses d'allocation à 37,2 milliards d'euros - alors que les contributions d'assurance chômage augmenteraient pour s'établir à 48,3 milliards d'euros en 2026. Le rapporteur spécial s'interroge sur les effets de la modification de l'assiette de cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, qui aboutiraient selon l'Unédic à une perte de recettes d'environ 800 millions d'euros en 2026.

En tout état de cause, les fondamentaux de l'Assurance chômage demeurent donc relativement solides.

L'originalité de l'année 2026 consisterait en revanche dans le fait que le prélèvement aurait lieu alors même que, contrairement à ce qui valait ces dernières années, le solde de l'Unédic serait cette fois franchement négatif.

Contributions d'assurance chômage (haut)
Dépenses d'allocation chômage (bas)

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2025

En effet, l'excédent du régime d'assurance chômage aurait pu être de 3,4 milliards d'euros en 2025 - alors qu'il est déficitaire du fait du prélèvement. En 2026, le déficit attendu est de 1,3 milliard d'euros, alors qu'un excédent de 3 milliards d'euros aurait pu être dégagé en l'absence de prélèvement de l'État à hauteur de 4,1 milliards d'euros.

Ce retour en territoire déficitaire provoque en conséquence une inversion de la courbe de désendettement de l'Unédic. Ainsi, alors que la dette de l'Assurance chômage était d'environ 59,5 milliards d'euros en 2025 sans prélèvement, elle s'établirait à 60,8 milliards d'euros à fin 2026.

Prévision d'évolution de l'endettement
du régime d'assurance chômage entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2025

Au lieu de se réduire, la dette de l'Unédic repartirait donc à la hausse en 2026, éloignant d'autant plus les perspectives d'apurement de 50 % de la dette de l'Assurance chômage à horizon 2026, objectif qui apparaît désormais hors de portée.

Le risque lié à l'endettement de l'Assurance chômage semble toutefois réduit dans la mesure où l'article 59 du présent projet de loi prévoit d'accorder à l'Unédic la garantie de l'État pour un montant de 10 milliards d'euros en principal. Il paraît donc exagéré d'affirmer que le prélèvement opéré par l'État sur les recettes de l'Unédic se serait fait sans soutien de la part du Gouvernement.

Passée l'année 2026 en revanche, se posera la question de la pérennité du prélèvement de l'État sur les recettes de l'Unédic. Au temps de l'embellie du marché du travail, la participation d'une Assurance chômage aux comptes excédentaires au financement des politiques de soutien à l'emploi semblait à la fois justifiée sur le plan théorique et équilibrée sur le plan financier ; mais si les perspectives d'emploi demeuraient assombries et que l'Unédic renouait durablement avec les déficits, la pérennité du prélèvement serait-elle confirmée ?

b) La position de la rapporteure spéciale Ghislaine Senée : un prélèvement maintenu malgré la dégradation de la situation de l'Unédic et en méconnaissance du fonctionnement contracyclique de l'Assurance chômage

La rapporteure spéciale considère que le prélèvement sur les recettes de l'Unédic ne se justifie pas, compte tenu du niveau d'endettement important de l'assurance chômage et de retour en situation déficitaire à compter de 2025. Elle relève qu'une partie de cette dette - environ un tiers - résulte des mesures décidées par l'État durant la crise sanitaire, et que si l'État procède à une ponction de recettes lorsque la situation s'améliore, il n'a pas procédé à une reprise de cette dette lorsque la situation était critique.

Or, après une année 2025 proche de l'équilibre, l'Assurance chômage connaîtrait en 2026 un déficit de 1,3 milliard d'euros. Dans ces circonstances, les moindres compensations versées par l'État, qui s'apparentent à un prélèvement sur les recettes de l'Unédic, auraient pour effet de compromettre l'équilibre financier du régime.

Prévision d'évolution du solde financier de l'Unédic
avec et sans prélèvement de l'État entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2025

Ce retour aux déficits, qui empêche le désendettement de l'Unédic, est loin d'être anecdotique compte tenu du rôle de « stabilisateur automatique » de l'Assurance chômage, qui s'endette lorsque la conjoncture est défavorable et doit se désendetter lorsque celle-ci présente une embellie - en prévision de la prochaine crise qui impliquera une nouvelle hausse de l'endettement.

La rapporteure spéciale relève en outre que, depuis 2023, le remboursement des emprunts de moyen et long terme n'a pas pu être effectué grâce aux ressources propres du régime. En effet, la variation de trésorerie de l'Unédic est depuis lors inférieure au montant des remboursements obligataires de l'année, du fait des prélèvements opérés par l'État.

En 2026, cette situation devrait se reproduire puisque 6,3 milliards d'euros d'emprunts de moyen et long terme seront remboursés. Alors que les prélèvements de l'État limitent la capacité de désendettement de l'Unédic, elle recourt de manière accrue aux marchés financiers, dans un contexte cette fois de taux d'intérêt élevés, engendrant ainsi une hausse des dépenses nettes d'intérêts qui représenterait près de 1 milliard d'euros sur la période 2023-2027.

La rapporteure spéciale s'interroge également sur la portée de la « contribution » de l'Unédic aux politiques de l'emploi dans la mesure où, si l'évaluation préalable de l'article 40 du PLF 202615(*) indique toujours que la contribution de l'Unédic a « vocation à financer les politiques visant le plein emploi », elle s'accompagnerait pour 2026 de la diminution sensible des crédits de la mission « Travail et emploi ». En l'absence de « fléchage » du prélèvement de l'État sur les recettes de l'Assurance chômage spécifiquement vers les dépenses de la mission « Travail et emploi », il semble difficile d'affirmer qu'il s'agit d'une contribution à une politique publique et non, plus cyniquement, au désendettement désordonné de l'État.

La rapporteure spéciale rappelle, enfin, que l'Unédic est appelée à doublement participer au financement des politiques menées par l'État car, outre une reprise de ses excédents, elle doit également contribuer à hauteur de 11 % de ses recettes au financement de France Travail.


* 12 Document de cadrage relatif à la négociation de la convention de l'assurance chômage, juillet 2023.

* 13 Évaluation préalable du présent article.

* 14 Loi de finances de fin de gestion pour 2023 - article 2 ; loi de finances pour 2024 - article 163 ; loi de finances pour 2025 - article 131.

* 15 Cet article prévoit une ponction des recettes de l'Unédic à hauteur de 4,1 milliards d'euros en 2026.

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