DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La quasi-totalité des dispositifs financés par la mission fait face à une diminution de crédits liée aux restrictions budgétaires.

Évolution des crédits des principaux dispositifs en faveur de l'emploi et des compétences portés par la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution 2024/2023

Programme 102

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Indemnisation demandeurs d'emploi

1 796

1 796

2 061

2 061

+ 14,8 %

+ 14,8 %

Financement missions locales

598

492

520

535

- 13,0 %

+ 8,7 %

Contrats aidés

80

154

34

36

- 58,0 %

- 76,6 %

dont PEC (secteur non-marchand)

229

231

34

36

- 85,3 %

- 84,5 %

dont CIE (secteur marchand)

1

3

0

0

- 100,0 %

- 100,0 %

Insertion par l'activité économique (IAE)

1 835

1 462

1 293

1 304

- 29,5 %

- 10,8 %

dont ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

1 319

1 036

916

924

- 30,6 %

- 10,8 %

dont entreprises d'insertion (EI)

344

266

224

226

- 34,9 %

- 15,0 %

Dispositifs en faveur des personnes handicapées

595

508

435

432

- 26,9 %

- 15,0 %

dont entreprises adaptées (EA)

550

472

432

428

- 21,5 %

- 9,4 %

Territoire zéro chômeur de longue durée

81

81

69

69

- 15,1 %

- 15,1 %

Dispositifs en faveur de l'emploi des jeunes

973

989

921

948

- 5,3 %

- 4,1 %

dont allocation "contrat d'engagement jeunes" (CEJ)

786

786

755

755

- 3,9 %

- 3,9 %

dont allocation "parcours contractualié d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie" (PACEA)

44

44

43

43

- 2,3 %

- 2,3 %

Programme 103

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aides aux employeurs d'apprentis

3 127

3 432

2 158

2 369

- 31,0 %

- 31,0 %

Exonérations contrats d'apprentissage

1 310

1 310

1 043

1 043

- 20,4 %

- 20,4 %

Activité partielle

155

155

220

220

+ 41,9 %

+ 41,9 %

Formation des salariés

108

109

8

24

- 92,6 %

- 78,3 %

dont FNE-Formation

100

101

0

16

- 100,0 %

- 84,6 %

dont Transitions collectives

8

8

8

8

0,0

0,0

Dotation à France compétences

913

913

673

673

- 26,3 %

- 26,3 %

Exonérations diverses

3 711

3 711

3 470

3 470

- 6,5 %

- 6,5 %

dont déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA)

860

860

884

884

+ 2,8 %

+ 2,8 %

dont aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE)

387

387

322

322

- 16,8 %

- 16,8 %

dont exonération particulier-employeur

390

390

205

205

- 47,4 %

- 47,4 %

dont exonération particulier-employeur fragile (direct ou mandataire)

1 027

1 027

969

969

- 5,6 %

- 5,6 %

dont exonération particulier-employeur fragile (prestataire)

1 047

1 047

1 089

1 089

+ 4,0 %

+ 4,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. LES STRUCTURES D'ACCOMPAGNEMENT VERS L'EMPLOI SONT FORTEMENT MISES À CONTRIBUTION PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026

A. DES MOYENS FORTEMENT CONTRAINTS POUR LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI

1. France Travail, premier opérateur de l'État par la taille, verrait ses moyens humains et financiers diminuer en 2026

Les financements versés à France Travail via la mission diminueraient légèrement par rapport à la LFI pour 2025, traduisant deux évolutions en sens contraires : ainsi, la subvention pour charges de service public budgétée sur le programme 102 est orientée à la baisse (1,16 milliard d'euros, soit - 12 % par rapport à 2025), alors que les transferts en provenance des programmes 102 et 103, qui s'établissent à 2,16 milliards d'euros pour 2026, connaissent une augmentation de 5,2 % par rapport à 2025.

Les crédits alloués par l'État à France Travail enregistreraient donc une baisse de 1,6 % entre la loi de finances initiale pour 2025 et le projet de loi de finances pour 2026. Toutefois, ces crédits ne représentent qu'environ 23 % des ressources de l'opérateur. Dans le même temps, la contribution de l'Unédic au financement de France Travail - qui représente environ 74 % de ses ressources - connaitrait une hausse d'environ 200 millions d'euros, pour s'établir à 5,2 milliards d'euros.

France Travail serait surtout confronté, en 2026, à une diminution de ses effectifs sous plafond. Dans le PLF pour 2026, le plafond d'emploi serait ainsi fixé à hauteur de 48 632 ETPT, soit une baisse de 515 ETPT par rapport à la LFI 2025 (pour laquelle le plafond était fixé à 49 147 ETPT). Ce recul correspond à la diminution du plafond d'emploi qui avait été proposée l'année dernière par le Gouvernement de Michel Barnier, avant d'être abandonnée au cours de la discussion parlementaire par le Gouvernement de François Bayrou.

Selon le directeur général de France Travail, l'opérateur comprend la nécessité de participer à l'effort national par la baisse de sa dotation financière. Toutefois, France Travail souhaiterait que cette trajectoire financière nouvelle ne s'accompagne pas d'une baisse d'effectifs qui mettrait en péril cette démarche d'efficience et l'atteinte des objectifs qui lui ont été fixés. En effet, l'engagement pris par l'opérateur dans le cadre de la loi pour le plein emploi16(*), qui consiste principalement à renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, avec un effort particulier en direction des publics éloignés de l'emploi comme les personnes handicapées ou les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), nécessite un accompagnement renforcé.

Le directeur général de France Travail fait valoir que la diminution de ses effectifs pourrait à terme remettre en cause l'objectif de permettre à chaque conseiller de l'opérateur d'accompagner l'ensemble des demandeurs d'emploi orientés vers lui.

Si l'administration souligne que France Travail est le premier opérateur de l'État en termes d'effectifs (48 632 ETPT prévus pour 2026) et qu'une contribution à hauteur de 1 % de son plafond d'emplois ne semble pas excessive, le directeur général de France Travail a esquissé une autre voie : selon lui, le « pilotage par l'impact » initié par l'opérateur dans le cadre de son plan d'efficience, a permis en 2025 une diminution sensible de ses dépenses d'intervention, en concentrant les moyens sur les dispositifs présentant les meilleurs retours à l'emploi et en cessant de financer les dispositifs moins efficaces.

Dans l'optique de poursuivre ce plan d'efficience, le directeur général de France Travail a ainsi incité l'État à ne pas poursuivre dans la voie des baisses d'effectifs - ces moyens humains étant indispensables à la réalisation de nouvelles économies à l'avenir via la mise en oeuvre du plan d'efficience.

2. Au sein du service public de l'emploi, la situation financière des missions locales est très préoccupante

La loi de finances pour 2025 a procédé à une diminution des financements de l'État alloués aux missions locales. Si les AE restaient relativement stables, à 598 millions d'euros, les CP ont connu une diminution de 22,2 %, s'établissant à 492 millions d'euros. L'administration avait indiqué que cette diminution des décaissements correspondrait à la mise à contribution des excédents de trésorerie de certaines missions locales, qui ont pu bénéficier d'un phénomène de surfinancement les années précédentes.

S'il est encore trop tôt, selon le cabinet du ministre du travail et des solidarités, pour apprécier l'impact de cette reprise de trésorerie sur les missions locales, les rapporteurs ont été alerté sur les difficultés de certaines structures et de certaines collectivités. Interrogé, le cabinet a indiqué avoir demandé aux services déconcentrés de suivre de très près la situation sur le terrain, afin de demeurer flexible et de pouvoir apporter un soutien ponctuel aux structures en difficulté.

En 2026, la tendance s'inverse, puisque les crédits dédiés au financement des missions locales diminueraient en AE (- 13 %) mais augmenteraient légèrement en CP (+ 8,7 %).

Interrogée par les rapporteurs spéciaux, l'administration a expliqué que la diminution des autorisations d'engagements traduit l'effort à venir pour les missions locales, à hauteur de 78 millions d'euros. Si la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a souligné que ce niveau de financement demeurait encore largement supérieur (+ 50 %) au niveau de 2019, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il aurait mieux valu moins augmenter les crédits les années précédentes, afin d'éviter un reflux trop important aujourd'hui.

Cette diminution porterait pour partie sur les crédits de fonctionnement des missions locales, et pour partie sur le financement de l'accompagnement, par ces structures, des bénéficiaires de contrats d'engagements jeunes (CEJ). Le nombre de jeunes accompagnés, qui était déjà passé d'un dispositif ouvert sur demande à un dispositif contingenté en 2024, verrait ainsi ses effectifs de bénéficiaires diminuer, probablement de 200 000 CEJ en 2025 à environ 190 000 CEJ en 2026 - les effectifs des CEJ accompagnés par France Travail restant stables, à 85 000.

À ce titre, la rapporteure spéciale Ghislaine Senée souligne sa grande inquiétude sur le sort des jeunes qui ne pourraient pas bénéficier, du fait des coupes dont les missions locales sont l'objet, de l'accompagnement dont ils ont besoin. Dans la Sarthe, les acteurs de terrain constatent en effet une hausse, qui résulte du décrochage scolaire, de 12 % des demandes, dont + 33 % de mineurs. Elle dénonce l'impact nécessairement délétère qu'auront les baisses de crédits de la mission sur la situation précaire de ces jeunes en rupture.

Enfin, la légère hausse des CP en 2026 est la conséquence de la mesure de trésorerie prise en 2025 : cette mesure a pris la forme d'un report du versement, à hauteur de 30 %, des crédits finançant l'accompagnement en CEJ par les missions locales. Le versement de ces crédits, reporté sur 2026, explique la légère hausse des CP prévue pour l'année à venir.


* 16 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

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