SECONDE PARTIE
LE DÉTAIL
DES CRÉDITS PAR PROGRAMME
I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES » : UNE BAISSE SUBSTANTIELLE DU BUDGET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES MALGRÉ UN NOMBRE DE SAISINES QUI EXPLOSE
Les crédits demandés pour les juridictions administratives en 2026 s'élèvent à 537,9 millions d'euros en AE et à 568 millions d'euros en CP, soit une hausse des AE de 5,2 % et une baisse des CP de 5,2 % par rapport à 2025. La diminution des CP s'explique en grande partie par la baisse des dépenses d'investissement (- 37,5 millions d'euros) et, dans une moindre mesure, par la maîtrise des dépenses de fonctionnement (- 0,9 million d'euros).
L'enjeu majeur de ce programme consiste à mettre en adéquation les crédits demandés avec la pression continue que connaissent les juridictions administratives, compte tenu de la croissance du contentieux administratif et de la volonté de rendre des décisions juridictionnelles dans des délais satisfaisants pour les justiciables, sans jamais nuire à la qualité des décisions rendues.
Le programme 165 concentre 65,4 % des crédits de la mission et est donc le plus important en volume.
Évolution des crédits par action du programme 165
(en millions d'euros et en %)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (%) |
FDC et ADP attendus en 2026 |
||
|
01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État |
AE |
35,9 |
36,3 |
+ 1,4 % |
0,02 |
|
CP |
35,9 |
36,3 |
+ 1,4 % |
0,02 |
|
|
02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel |
AE |
66,6 |
67,6 |
+ 1,5 % |
0,0 |
|
CP |
66,6 |
67,6 |
+ 1,5 % |
0,0 |
|
|
03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs |
AE |
214,7 |
217,8 |
+ 1,4 % |
0,0 |
|
CP |
214,7 |
217,8 |
+ 1,4 % |
0,0 |
|
|
04 - Fonction consultative |
AE |
18 |
18,2 |
+ 1,3% |
0,0 |
|
CP |
18 |
18,2 |
+ 1,3% |
0,0 |
|
|
05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités |
AE |
9,1 |
9,2 |
+ 1,3 % |
0,0 |
|
CP |
9,1 |
9,2 |
+ 1,3 % |
0,0 |
|
|
06 - Soutien |
AE |
105,8 |
127,2 |
+ 20,3 % |
0,18 |
|
CP |
193,5 |
157,2 |
- 18,75 % |
0,18 |
|
|
07 - Cour nationale du droit d'asile |
AE |
52 |
52,3 |
+ 0,5 % |
0,0 |
|
CP |
52 |
52,3 |
+ 0,5 % |
0,0 |
|
|
08 - Tribunal du stationnement payant |
AE |
9,2 |
9,3 |
+ 0,7 % |
0,0 |
|
CP |
9,2 |
9,3 |
+ 0,7 % |
0,0 |
|
|
Total programme 165 |
AE |
511,2 |
538 |
+ 5,2 % |
0,2 |
|
CP |
599 |
568 |
- 5,2 % |
0,2 |
|
|
Dont hors CAS Pensions |
478,7 |
446,7 |
-6,7 % |
0,2 |
FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
A. UNE BAISSE DES CRÉDITS QUI PORTE PRINCIPALEMENT SUR LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES DU PROGRAMME 165
Les crédits de paiement demandés pour 2026 sont en baisse de 31 millions d'euros par rapport à 2025.
1. Une baisse conséquente des dépenses hors titre 2 après une année 2025 marquée par des travaux immobiliers d'ampleur et des investissements informatiques conséquents
Les crédits demandés pour couvrir les dépenses hors titre 2 s'élèvent à 105,4 millions d'euros en CP et 75,4 millions d'euros en AE, soit une baisse de 25,8 % des CP et une hausse de 40 % des AE.
L'action 06 Soutien comprend des dépenses de personnel du programme non affectées à d'autres actions et les dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'ensemble du programme 165. Ainsi, tous les crédits de titre 3 et de titre 5 sont concentrés sur l'action 06.
a) Une baisse des dépenses d'investissement qui s'explique par l'achèvement en 2025 de plusieurs projets immobiliers majeurs en 2025
Les dépenses de titre 5 diminuent de 35,7 millions d'euros en CP par rapport à 2024, pour s'établir à 27,9 millions d'euros. Ces dépenses visent principalement à financer des travaux immobiliers liés aux opérations de relogement et des dépenses d'investissement informatique. La diminution des crédits est liée au fait que les dépenses de titre 5 de l'année 2025 incluaient les paiements de projets immobiliers majeurs, qui arriveront à leur terme en 2026.
Les principaux projets immobiliers du programme 165 en 2025
L'année 2025 a été marquée par plusieurs projets immobiliers d'ampleur importante pour le programme, et plus particulièrement :
- des opérations nécessaires à la mise en accessibilité, à la mise aux normes techniques et à la sûreté des bâtiments de la juridiction administrative ;
- les opérations de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et du tribunal administratif de Montreuil ;
- la rénovation de la Cour de l'horloge du Palais-Royal ;
- le relogement d'une partie des services du Conseil d'État sur le site du quai Voltaire à Paris ;
- l'acquisition du terrain et l'extension du tribunal administratif de Dijon ;
- la réhabilitation de l'aile Scatiste du tribunal administratif de Nîmes ;
- le relogement de la Cour administrative d'appel (CAA) de Versailles.
Source : documentation budgétaire
b) La baisse des crédits de titre 3 traduit les efforts menés par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement
Les dépenses de fonctionnement sont en baisse de près de 1 % en CP. Les juridictions administratives ont en effet engagé depuis plusieurs années une démarche de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement grâce à la renégociation de certains baux, la professionnalisation de l'achat public et la dématérialisation des procédures avec la mise en oeuvre de Télérecours.
La généralisation des téléprocédures a ainsi permis de réaliser des économies substantielles en matière de frais d'affranchissement. Ces économies sont apparues progressivement, tout au long du déploiement de l'application Télérecours depuis 2014, et devraient atteindre 6 millions d'euros annuels pour l'année 2026.
En 2023, 203 766 requêtes ont été enregistrées via cette application devant les tribunaux administratifs, soit 78,8 % des entrées, ainsi que 29 519 requêtes devant les cours administratives d'appel, soit 92,7 % des entrées et 8 601 devant le Conseil d'État, soit 42 % des entrées.
Évolution des économies générées grâce aux téléprocédures de 2018 à 2026
(en millions d'euros)
|
Année |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|
Économies générées |
3,90 |
4,6 |
3,86 |
5,04 |
5,02 |
5,28 |
5,53 |
5,73 |
5,96 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Enfin la hausse des AE du programme 165, de l'ordre de 40,6 %, s'explique essentiellement par le renouvellement de certains baux.
2. Une hausse modeste des dépenses de personnel qui s'explique par le glissement vieillesse technicité (GVT)
Les dépenses de personnel pèsent fortement dans les crédits du programme 165, à l'instar de tous les autres programmes de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». La hausse de ces dépenses est constante au cours des dernières années.
Dans le projet de loi de finances pour l'année 2026, les crédits demandés pour les dépenses de personnel s'élèvent à 462,6 millions d'euros dont 121,3 millions d'euros au titre du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Ces dépenses de titre 2 représentent 81,4 % des crédits du programme et sont en augmentation de 1,2 % par rapport à 2025, malgré un schéma d'emploi neutre.
Ventilation par titre des crédits de paiement
(en millions d'euros)
|
|
LFI 2023 |
LFI 2024 |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
|
Hors titre 2 |
118,3 |
146,7 |
145,7 |
105,4 |
|
Dont dépenses de fonctionnement |
81,9 |
86,3 |
79 |
78,1 |
|
Dont dépenses d'investissement |
36,4 |
60,4 |
63 |
27,3 |
|
Titre 2 |
406,7 |
436,7 |
457 |
462,6 |
|
Total |
525 |
583,4 |
599 |
568 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'augmentation des dépenses personnel (+ 5,5 millions d'euros) s'explique cette année par le glissement vieillesse technicité (GVT) positif, après plusieurs années pendant lesquelles la hausse des crédits de titre 2 a été portée le mouvement de revalorisation de la rémunération des magistrats administratifs.
Les derniers exercices budgétaires ont en effet été marqués par plusieurs mesures catégorielles, et notamment les revalorisations indemnitaires et indiciaires des magistrats administratifs rendues nécessaires par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État2(*).
Un mouvement de revalorisation indemnitaire et
indiciaire des magistrats
des juridictions administratives engagé
dès 2022
L'arrêté du 22 avril 2022 a procédé à une revalorisation du traitement indemnitaire des magistrats administratifs. Près de 8,3 millions d'euros3(*) ont ainsi été ouverts en AE et en CP dans la loi n° 2022-1157 de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022 pour financer cette mesure.
Une refonte de la grille indiciaire est ensuite intervenue en 2023 avec le décret n° 2023-486 du 21 juin 2023 modifiant le statut des magistrats administratifs et le décret n° 2023-488 du même jour fixant le nouvel échelonnement indiciaire des trois grades de ce corps à compter du 1er juillet 2023. En 2023, le coût sur six mois était estimé à 1,2 million d'euros et à 2,4 millions d'euros en année pleine. S'agissant des membres du Conseil d'État, leur revalorisation représente, en année pleine pour 2024, 0,63 million d'euros au titre de la revalorisation indiciaire et 0,42 million d'euros au titre de la revalorisation indemnitaire.
L'année 2025 a ensuite été marquée par la publication de plusieurs textes réglementaires instaurant un nouveau régime de rémunération indemnitaire des membres du Conseil d'État et des magistrats administratifs, qui s'inscrit dans la continuité des réformes mises en place les années précédentes. Cette mesure était budgétée à hauteur de 8,8 millions d'euros dans la LFI 2025. Toutefois, la réforme étant intervenue au 14 juillet, sans rétroactivité, avec ainsi un coût pour 2025 d'environ 4,2 millions.
La mise en oeuvre de cette réforme en année pleine se traduira, dès 2026, par une enveloppe de 5 millions d'euros supplémentaires.
Source : commission des finances
* 2 Sur ce point, le lecteur pourra se référer aux développements du rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 7, déposé le 21 novembre 2024.
* 3 Il s'agit du coût de la mesure en année pleine sur l'exercice 2022 et qui concerne 1 270 magistrats.