IV. UN MANQUE DE TRANSPARENCE SUR LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET L'ACTIVITÉ DES FORCES, MALGRÉ DES EFFORTS BUDGÉTAIRES CROISSANTS
A. UNE HAUSSE TRÈS PROGRESSIVE DE LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES FORCES ET DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET UNE TRANSPARENCE DÉSORMAIS TRÈS LIMITÉE
La LPM 2024-2030 porte des objectifs, dont certains sont modestes, tenant à la préparation opérationnelle, à la disponibilité des matériels, et aux capacités opérationnelles. Leur atteinte est pour partie entravée par des difficultés techniques et budgétaires, tandis que leur réalisation souffre d'un manque de transparence.
1. Une transparence devenue très limitée en matière de préparation opérationnelle des forces et de disponibilité des matériels
Depuis 2024, la refonte de la maquette de performance du programme 178 « Préparation et emploi des forces » s'est accompagnée de la suppression de la publication des indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels et à l'activité des forces. Les données, désormais classées « diffusion restreinte - spécial France », ne sont plus accessibles en source ouverte.
Si la protection de ces informations sensibles peut se comprendre, cette évolution limite la capacité du Parlement à exercer pleinement son contrôle, alors même que les budgets dédiés augmentent51(*). Le rapporteur spécial estime nécessaire de rétablir un niveau d'information suffisant, y compris dans l'intérêt de la performance opérationnelle.
2. En dépit de progrès, une atteinte des objectifs en partie ralentie
a) La disponibilité des équipements
Malgré les efforts engagés dans le maintien en condition opérationnelle (MCO), la disponibilité des équipements reste insuffisante, comme l'avait montré le rapporteur spécial dans un rapport de 202452(*). À fin 2022, sur les 21 matériels structurants répertoriés par l'indicateur concerné, seuls 2 avaient une disponibilité supérieure à 90 %, correspondant à un niveau proche ou conforme aux contrats opérationnels, tandis que 12 avaient une disponibilité inférieure à 75 %, dont 2 en-dessous de 50 %. Or, si ce constat d'une disponibilité générale insuffisante n'est ni nouveau ni spécifique à la France, ce niveau ne s'est pas amélioré globalement entre 2014 et 2022.
Cette situation peut être expliquée notamment par les caractéristiques du parc de matériel (marqué par la coexistence de matériels en partie hétérogènes et de générations différentes, dont certains sont très vieillissants et d'autres très jeunes), un niveau technologique des matériels qui tend à progresser de façon continue, les limites de capacités de maintenance au sein la BITD française et européenne et la pratique des cessions non anticipées de matériels à des pays étrangers qui alourdissent les besoins en MCO des équipements restants dans le parc, davantage sollicités.
Cette situation induit de facto des capacités réduites d'entraînement et de formation, dans un contexte pourtant marqué par un risque d'engagement majeur.
b) La préparation opérationnelle
Dans un contexte de durcissement géostratégique, la LPM 2024-2030 avait pour objectif de renforcer la préparation opérationnelle des forces, en accroissant à la fois leur niveau d'activité et la qualité de leurs entraînements, notamment dans le domaine du « haut du spectre » de la conflictualité.
Sur le plan quantitatif, la LPM fixe dix-neuf normes d'activité annuelle à atteindre d'ici 2030, supérieures à celles constatées en 2023. Ces objectifs demeurent toutefois, pour plusieurs d'entre eux, relativement modestes et proches de ceux de la programmation précédente, à l'exception notamment des pilotes de chasse de la marine, dont la norme passe de 180 à 200 heures de vol par an.
Exemples de normes d'activités prévue par la LPM 2024-2030
|
Milieu |
Type |
Cible 2023 |
Normes et heures visées en 2030 |
|
Terrestre |
Journées d'activité du combattant terrestre (JACT) |
Nouvel indicateur |
120 |
|
Naval |
Jours de mer par bâtiment |
90 |
100 |
|
Aéronautique / armée de terre |
Heures de vol par pilote d'hélicoptère forces conventionnelles |
144 |
200 |
|
Aéronautique / marine nationale |
Heures de vol par pilote de chasse de l'aéronavale |
188 |
200 |
|
Heures de vol par équipage d'hélicoptère |
218 |
220 |
|
|
Aéronautique / armée de l'air et de l'espace |
Heures de vol par pilote de chasse |
147 |
180 |
|
Heures de vol par pilote de transport |
189 |
320 |
|
|
Heures de vol par pilote d'hélicoptère |
181 |
200 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030
En pratique, les niveaux d'activité restent encore éloignés des cibles fixées, notamment pour les pilotes de transport et de chasse de l'armée de l'air, ainsi que pour les équipages conventionnels des hélicoptères de l'armée de terre. En 2024, l'armée de terre estimait atteindre environ 70 % de la norme prévue pour 203053(*), tandis que la marine nationale enregistre des résultats inférieurs aux prévisions. Les indisponibilités de certains matériels - patrouilleurs, avions Atlantique 2, hélicoptères NH90 - ont limité en outre les capacités d'entraînement, freinant ainsi la montée en puissance recherchée.
* 51 Voir infra.
* 52 Rapport n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires.
* 53 Hors domaine aéroterrestre, pour lequel la norme a également été respectée.