II. LE BUDGET POUR 2026 AUGMENTE FORTEMENT L'EFFORT DE DÉFENSE, SOULIGNANT LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

En cohérence avec les annonces du président de la République de juillet 2025, le budget pour 2026 prévoit une hausse significative des crédits en faveur de la mission « Défense ». Cette modification de la trajectoire budgétaire prévue par la LPM 2024-2030 appelle son actualisation rapide par la voie législative.

A. UNE PROGRESSION DU BUDGET DE 6,78 MILLIARDS D'EUROS EN 2026, PORTANT LES CRÉDITS À 66,7 MILLIARDS D'EUROS...

1. Un effort budgétaire exceptionnel, dans un contexte de redressement des finances publiques

Les autorisations d'engagement (AE) prévues pour la mission « Défense » s'élèvent en 2026 à 93,1 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. Les crédits de paiement (CP) prévues s'élèvent quant à eux à 66,7 milliards d'euros, soit une augmentation significative de 6,78 milliards d'euros (+ 11,3 %). En neutralisant l'inflation, la hausse est de 9,9 % en CP, en euros constants.

Cet effort important doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'efforts significatifs de redressement des finances publiques. La politique de défense constitue en 2026 la seconde politique publique de l'État en termes d'effort budgétaire en CP, après l'enseignement scolaire, et la première en AE.

Crédits des missions du budget général en crédits de paiements,
et hors remboursements et dégrèvements, avec et sans contribution au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

Source : Rapport général (Tome I) relatif au projet de loi de finances pour 2026, fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat20(*)

Sur le périmètre de la LPM (soit hors contribution au CAS « Pensions »), les crédits demandés au titre de la mission « Défense » s'élèvent à 57,15 milliards d'euros en PLF 2026, soit une hausse de 6,67 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025.

Le respect de la trajectoire de crédits prévue dans les LPM entre 2019 et 2025 
et la surmarche prévue en 2026

(en milliards d'euros courants)

Note : la LPM utilisée est celle de 2019-2025 jusqu'en 2023 et celle de 2024-2030 à compter de 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les LFI annuelles et les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Cette hausse est nettement plus élevée que celle prévue par la LPM 2024-2030. En effet, à la marche annuelle prévue (3,2 milliards d'euros), s'ajoute une surmarche de 3,5 milliards d'euros, soit un total de + 6,7 milliards d'euros, conformément aux annonces du président de la République de juillet 2025.

La mission « Défense » est par ailleurs celle qui connaît la plus forte hausse de crédits dans le PLF pour 2026.

Évolution des crédits des missions entre la loi de finances initiale pour 2025
et le projet de loi de finances pour 2026

(en milliards d'euros)

Crédits hors remboursements et dégrèvements, hors contributions directes de l'État au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Crédits de la loi de finances initiale pour 2025 au format du projet de loi de finances pour 2026.

Source : Rapport général (Tome I) relatif au projet de loi de finances pour 2026, fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat21(*)

2. Une répartition différenciée entre les quatre programmes de la mission « Défense »

La mission se décompose en quatre programmes :

le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » rassemble les crédits destinés à éclairer le ministère des armées sur l'environnement stratégique présent et futur ainsi que sur la stratégie internationale du ministère, par le renseignement, la recherche stratégique et industrielle et la diplomatie de défense. Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 2,8 milliards d'euros en AE (+ 26,8 % par rapport à 2025) et à 2,3 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 10,5 % ;

le programme 178 « Préparation et emploi des forces », placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées, vise à satisfaire aux exigences définies par les contrats opérationnels des armées. Il constitue ainsi le coeur de la mission « Défense ». Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 17,3 milliards d'euros en AE (+ 13,4 %) et à 15,9 milliards d'euros en CP (+ 11,2 %) ;

le programme 212 « Soutien de la politique de défense », rassemble les crédits destinés aux fonctions dites « support » du ministère des armées, hors achats d'armement. Il comprend en particulier l'intégralité des crédits de titre 2 (T2) dédiés aux dépenses de personnel, y compris la contribution au CAS « Pensions ». Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 25,8 milliards d'euros en AE (+ 4,6 %) et à 25,6 milliards d'euros en CP (+ 3,1 %). En particulier, les dépenses de titre 2 s'élèvent à 23,8 milliards d'euros (+ 2,9 %, soit + 660 millions d'euros) ;

le programme 146 « Équipement des forces », co-piloté par le chef d'état-major des armées et par le délégué général pour l'armement (DGA), vise à mettre à disposition des armées les armements et matériels nécessaires à la réalisation de leurs missions et concourt au développement et au maintien de la BITD française. Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 47,2 milliards d'euros en AE (- 8,2 %)22(*) et à 22,9 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 22,4 %.

Les crédits des programmes de la mission « Défense »
en LFI 2025 et en PLF 2026 

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme

LFI 2025

PLF 2026

Variation 2026/2025

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 144 « Environnement et prospective de la défense »

2 172,5

2 075,6

2 753,7

2 293,7

+ 26,8 %

+ 10,5 %

Programme 178 « Préparation et emploi des forces »

15 265,8

14 317,9

17 314,4

15 919,3

+ 13,4 %

+ 11,2 %

Programme 212 « Soutien de la politique de défense »

24 710,6

24 863,3

25 841,7

25 628,6

+ 4,6 %

+ 3,1 %

Programme 146 « Équipement des forces »

51 373,6

18 689,5

47 168,7

22 883,9

- 8,2 %

+ 22,4 %

TOTAL

93 522,5

59 946,3

93 078,5

66 725,5

- 0,5 %

+ 11,3 %

Note : hors attributions de produits et fonds de concours.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Un poids structurant de certaines opérations stratégiques

Le ministère des armées a, outre les programmes budgétaires, développé une nomenclature propre pour assurer le pilotage de ses crédits, en les regroupant par opérations stratégiques (OS), transversales aux différents programmes. Les cinq principales OS concernent :

les rémunérations, pensions comprises23(*), qui représentent une dépense de 23,8 milliards d'euros, soit 35,7 % des CP de la mission en 2026 ;

les programmes à effet majeur (PEM), qui regroupent les activités associées aux opérations d'armement les plus structurantes, et représentent une dépense de 13,9 milliards d'euros, soit 20,9 % des CP de la mission ;

la dissuasion nucléaire, qui représente une dépense de 7,4 milliards d'euros, soit 11,1 % des CP de la mission ;

- l'entretien programmé du matériel (EPM), c'est-à-dire le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements, qui représente - hors dissuasion nucléaire - une dépense de 6,5 milliards d'euros et 9,8 % des CP de la mission ;

- l'agrégat « fonctionnement et les activités spécifiques », qui regroupe les dépenses liées aux fonctions dites « support » du ministère et représente une dépense de 3,4 milliards d'euros, soit 5,1 % des CP de la mission.

Répartition des crédits de paiement de la mission « Défense »
par opération stratégique en PLF 2026

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Selon le Gouvernement, l'objectif du budget pour 2026 est d'améliorer l'équipement des forces et d'accélérer leur livraison pour être prêt à un engagement au plus tôt, tout en développant les capacités futures indispensables au maintien de leur supériorité opérationnelle. La priorité est donnée aux moyens de souveraineté (dissuasion et espace), aux munitions et à la capacité des armées à s'engager à court terme (drones, défense sol/air, guerre dans le champ électromagnétique, frappes dans la profondeur, etc.), tout en accentuant l'investissement dans les technologies de rupture et en initiant un durcissement capacitaire dans tous les milieux et un renforcement des soutiens opérationnels et des éléments d'environnement des forces. Il poursuit en outre les efforts prioritaires, dans le domaine capacitaire notamment (innovation, espace, drones, défense sol-air, munitions) et en matière de numérique24(*) et d'intelligence artificielle.

La hausse des crédits concerne l'ensemble des 16 opérations stratégiques, à la seule exception des dépenses hors titre 2 pour les missions intérieures. Concrètement, la progression des crédits concernerait principalement les OS suivantes (en CP) :

- les programmes d'équipements à effet majeur (PEM, + 3,36 milliards d'euros, soit + 31,8 %), ainsi que les autres opérations d'armement (+ 220 millions d'euros, soit + 13,5 %) ;

- l'entretien programmé du matériel (EPM), pour son maintien en condition opérationnelle (+ 609 millions d'euros, soit + 10,3 %) ;

- la masse salariale (+ 552 millions d'euros, soit + 4,0 %)25(*) ;

La hausse des dépenses de masse salariale

En 2026, la masse salariale portée par la mission « Défense » augmente de 552,5 millions d'euros, hors CAS « Pensions », soit + 4,0 %. Cette hausse, est imputable, outre une dynamique d'augmentation tendancielle (liée y compris au glissement vieillesse-technicité et aux augmentations du salaire minimum) :

- à une progression de la provision OPEX/MISSINT de 150 millions d'euros en dépenses de personnel26(*) ;

- à une montée en charge de la réserve opérationnelle, avec le recrutement de 4 400 réservistes et une norme d'activité portée à 45 jours d'activité par réserviste, pour un total de 98 millions d'euros27(*) ;

- au complet déploiement des mesures catégorielles entrées en vigueur en 2025, pour 86 millions d'euros ;

- à la progression de l'activité opérationnelle, pour 30 millions d'euros ;

- à la mise en place de la protection santé complémentaire prévoyance, pour 23 millions d'euros.

Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial.

- le fonctionnement et les activités spécifiques (+ 538 millions d'euros, soit + 18,8 %), en raison notamment d'une mesure d'évolution du référentiel budgétaire interne au programme 17828(*), de la hausse des contributions à l'OTAN et des subventions et transferts (y compris pour l'investissement de l'ONERA), de dépenses supplémentaires d'énergie et de soutien aux ressources humaines ;

- le renforcement des moyens concourant à la dissuasion nucléaire (+ 487 millions d'euros, soit + 7,1 %), au profit notamment de la réalisation des SNLE de 3e génération, du développement incrémental du missile balistique M5129(*) et de la rénovation à mi-vie du missile ASMP-A30(*), ainsi que du maintien en condition opérationnelle de la dissuasion nucléaire ;

- les infrastructures de défense (+ 152 millions d'euros, soit + 6,2 %), au profit notamment des conditions de vie et de travail des personnels, des installations dédiées aux équipements et à leur mise en oeuvre et des infrastructures opérationnelles (par exemple l'hôpital d'instruction des armées de Marseille).

En outre, un effort significatif est fait en faveur du renseignement, qui bénéficie d'une augmentation de ses crédits hors personnel de 77,5 millions d'euros (+ 15,2 %), au bénéfice notamment de la DGSE31(*) et de la DRSD32(*).

Enfin, il est prévu l'acquisition de munitions (y compris complexes et téléopérées), pour un total de plus de 2,4 milliards d'euros en 2026.

Au total, les hausses de crédits dédiées aux programmes à effet majeur, à la dissuasion nucléaire et à l'entretien programmé du matériel représentent à elles-seules deux tiers (66 %) de la progression totale des CP de la mission en 202633(*).

4. Une identification seulement partielle des dépenses financées spécifiquement par la surmarche de 3,5 milliards d'euros

Le budget de la mission « Défense » pour 2026 est principalement marqué par l'application d'une surmarche de 3,5 milliards d'euros.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, cette enveloppe complémentaire vise à financer un renforcement ciblé de capacités jugées critiques, notamment :

les munitions, dans le cadre de l'accélération du plan d'action en la matière, afin d'accroître les stocks de munitions complexes, de constituer les premiers stocks de munitions téléopérées, et de consolider les capacités technico-logistiques et industrielles de soutien aux forces ;

les drones, pour permettre la « dronisation » rapide et généralisée des unités opérationnelles des trois armées ;

les capacités spatiales, électromagnétiques et de connectivité, afin d'améliorer l'interconnexion des forces, le renseignement et la résilience face aux menaces ;

les défenses sol/air et les moyens aériens, notamment pour le remplacement des avions de détection et de commandement aéroporté (AWACS) ainsi que pour le remplacement des avions C130H, dont la maintenance est devenue extrêmement onéreuse34(*), par des avions A400M ;

l'activité opérationnelle des forces, pour accroître leur niveau de préparation.

Les travaux du rapporteur spécial ont toutefois montré que le ministère des armées n'est pas en mesure d'isoler clairement ce qui relève de la marche annuelle prévue par la LPM (+ 3,2 milliards d'euros) et de la surmarche décidée pour 2026.

L'absence de ventilation détaillée traduit une gestion globale de la hausse des crédits, sans que soient identifiés les postes effectivement financés par la surmarche. Si cette approche permet une certaine souplesse, le rapporteur spécial considère qu'au regard des montants en jeu et des efforts consentis par d'autres missions budgétaires, un travail de clarification et de transparence s'imposait.

Il apparaît en définitive que la surmarche semble en réalité poursuivre trois finalités complémentaires :

sécuriser le financement intégral des engagements de la LPM, dont l'enveloppe initiale était probablement insuffisante pour financer les objectifs fixés à l'horizon 203035(*) ;

accélérer la réalisation de certaines cibles capacitaires déjà prévues, notamment en matière de livraisons d'équipements et, dans certains cas, d'entraînement ;

ajouter à la programmation, à la lumière des enseignements stratégiques et tactiques récents tirés des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, d'autres investissements nécessaires, par exemple en matière de drones.

5. Une revalorisation bienvenue de la provision pour les opérations extérieures et missions intérieures

Le budget 2026 marque une évolution significative du traitement budgétaire des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT). La provision inscrite à ce titre est portée de 750 millions d'euros en 2025 à 1,2 milliard d'euros l'année prochaine, soit une hausse de 60 %.

De manière récurrente, la mission « Défense » a connu une sous-estimation structurelle des surcoûts liés aux OPEX et MISSINT, les montants effectivement exécutés dépassant systématiquement les crédits prévus en loi de finances initiale. Cette situation résulte pour une large part des lois de programmation militaire, qui fixent une provision souvent inférieure au coût réel des engagements opérationnels.

Chaque année, plusieurs centaines de millions d'euros doivent ainsi être ouverts en cours de gestion pour couvrir les dépassements. La LPM 2024-2030 n'a pas échappé à cette logique, la provision ayant été réduite de 1,1 milliard d'euros en 2023 à 800 millions en 2024, puis 750 millions en 2025.

Si le désengagement progressif du continent africain a permis de réduire le coût global des OPEX, un financement complémentaire de 391 millions d'euros a néanmoins été nécessaire en 2024 pour équilibrer l'exécution. Par ailleurs, la LPM ne prévoyait pas de provision spécifique pour les opérations de réassurance du flanc Est de l'OTAN, pourtant devenues durables.

Dans ce contexte, la revalorisation opérée en 2026 constitue une inflexion positive. L'augmentation de la provision, conjuguée à l'intégration de nouvelles missions opérationnelles dans son périmètre, vise à mieux aligner la prévision budgétaire sur la réalité opérationnelle.

Le rapporteur spécial salue cette évolution, qui contribue à améliorer la sincérité du budget et la prévisibilité de la dépense, tout en soulignant que le montant prévu devra être suivi avec attention au regard du poids des engagements extérieurs et de la pérennisation des déploiements sur le flanc Est de l'Europe.


* 20 La version provisoire du rapport est consultable ici.

* 21 La version provisoire du rapport est consultable ici.

* 22 Dans un contexte d'engagement d'ouverture de nombreuses AE en 2025 du fait du lancement des programmes liés notamment au porte-avion de nouvelle génération (PA-NG) et aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G).

* 23 Qui sont en réalité réparties en deux missions stratégiques distinctes, l'une relative au CAS « Pensions », l'autre à la masse salariale, y compris au titre des OPEX et MISSINT.

* 24 La gouvernance du domaine numérique a été renforcée en 2025 avec la création du Commissariat au numérique de défense (CND), chargé de moderniser les systèmes d'information et de communication (SIC) et de développer les réseaux de télécommunication adaptés aux besoins des forces.

* 25 Voir infra.

* 26 Voir infra.

* 27 Idem.

* 28 L'intégralité des contributions à l'OTAN sont imputées sur l'opération stratégique « Fonctionnement et activités spécifiques » à compter de 2026. Les contributions d'investissement au programme OTAN pour la sécurité relevaient jusqu'à présent de l'agrégat « équipement » et non de celui fonctionnement.

* 29 Missile mer-sol balistique stratégique (MSBS), porteur de la dissuasion nucléaire française et équipant les SNLE.

* 30 Missile air-sol moyenne portée amélioré, porteur de la charge nucléaire.

* 31 Direction générale de la sécurité extérieure.

* 32 Direction du renseignement et de la sécurité de la défense.

* 33 4,46 milliards d'euros sur un total de 6,78 milliards d'euros.

* 34 Voir infra.

* 35 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.

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