II. UNE PROCÉDURE DE RATIFICATION FRAGILISANT L'ASSISE DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ET DONT LA LÉGALITÉ DOIT ÊTRE CONTESTÉE DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
A. EN DÉPIT DE L'OPPOSITION DE PLUSIEURS ÉTATS MEMBRES DONT LA FRANCE, LA COMMISSION EUROPÉENNE A FAIT LE CHOIX DE CONCLURE LES NÉGOCIATIONS PRÉCIPITAMMENT FIN 2024
Négocié depuis 1999, l'accord UE-Mercosur vise deux objectifs : le développement des relations commerciales et la promotion de la coopération et du dialogue politique entre les deux parties. Le 29 juin 2019, la Commission européenne et le Mercosur annoncent avoir abouti à un accord de principe en vue d'un accord commercial.
Les négociations se sont cependant poursuivies en 2023 et 2024 concernant l'ajout d'un instrument additionnel centré sur le développement durable et notamment la lutte contre la déforestation et le changement climatique (accord de Paris).
Face à l'opposition notamment exprimée par l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et la France vis-à-vis de cet accord, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a fait le choix du passage en force en concluant les négociations le 6 décembre 2024 à Montevideo, en Uruguay.
Face à l'opposition exprimée par l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et la France notamment, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait le choix du passage en force en concluant les négociations le 6 décembre 2024.
B. UNE « SCISSION » DE L'ACCORD CONTRAIRE À LA VOLONTÉ DU CONSEIL
Si les directives de négociation de 1999 n'ont jamais été publiées, une version non-officielle est accessible dans laquelle il apparaît que le Conseil a entendu donner mandat à la Commission pour la négociation d'un accord d'association, comprenant à la fois un volet commercial, relevant de la compétence exclusive de l'UE, et un volet politique.
Le titre XI des directives de négociation prévoyait certes « que les dispositions de l'accord d'association qui relèvent de la compétence de la CE fassent l'objet d'un accord intérimaire conclu par la CE et le Mercosur (et, au besoin, les États qui y sont parties). L'accord intérimaire restera en vigueur jusqu'au moment de l'entrée en vigueur de l'accord d'association », pour autant, cet accord intérimaire est entendu comme un auxiliaire à l'accord d'association, permettant l'application provisoire des dispositions relevant de la compétence exclusive de l'UE.
Par ailleurs, dans ses conclusions sur la négociation et la conclusion d'accords commerciaux de l'UE adoptées le 22 mai 2018, le Conseil a cru bon de préciser que les accords « qui sont actuellement en cours de négociation, comme ceux avec le Mexique, le Mercosur et le Chili, resteront des accords mixtes ».
Pourtant, face au risque de rejet de l'accord faute de ratification par au moins un État membre, et malgré l'opposition de la France notamment11(*), la Commission a décidé de procéder comme elle l'avait déjà fait pour l'accord-cadre avec le Chili en 2022 en présentant, le 3 septembre 2025, deux textes parallèles :
- l'accord de partenariat UE-Mercosur12(*), comprenant à la fois un pilier relatif aux « questions politiques et de coopération » et un pilier concernant le « commerce et les investissements » ;
- l'accord commercial intérimaire13(*), portant uniquement sur la libéralisation des échanges et des investissements. Cet accord a vocation à être abrogé et remplacé par l'accord de partenariat UE-Mercosur une fois que ce dernier aura été ratifié et sera entré en vigueur.
La Commission européenne s'est doublement écartée du mandat de négociation qui lui a été donné par le Conseil.
Ce faisant, la Commission européenne s'est doublement écartée du mandat de négociation qui lui a été donné par le Conseil :
- d'une part, en scindant l'accord en deux, avec un accord commercial constituant un instrument juridique en soi ;
- d'autre part, en proposant la signature et la conclusion d'un accord de partenariat et non d'un accord d'association, comme le prévoyait le mandat de négociation de 1999. Or l'accord d'association est une catégorie juridique particulière d'accords prévue à l'article 217 du TFUE, dont la procédure au Conseil nécessite l'unanimité, conformément à l'article 218 paragraphe 8 du TFUE. En d'autres termes, la Commission européenne a modifié, de sa propre initiative, la base légale de l'accord qu'elle a négocié.
Elle a modifié, de sa propre initiative, la base légale de l'accord qu'elle a négocié afin de permettre un vote de l'accord de partenariat à la majorité qualifiée au Conseil.
Calendrier envisagé de signature des accords
* 11 Le 21 juin 2023, devant le Sénat, Mme Chrysoula Zacharopoulou, alors secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, avait clairement indiqué l'opposition de la France au projet de scission de l'accord : « au vu des enjeux, nous nous opposons à la scission de l'accord. Nous souhaitons que celui-ci soit présenté aux parlements nationaux ».
* 12 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 356 final, et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 357 final.
* 13 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord intérimaire sur le commerce entre l'Union européenne, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 338 final, et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord intérimaire sur le commerce entre l'Union européenne, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 339 final.
