C. UN DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE FRAGILISANT L'ASSISE DÉMOCRATIQUE D'UN ACCORD DÉJÀ FORTEMENT REMIS EN CAUSE ET DONT LA LÉGALITÉ DOIT ÊTRE CONTESTÉE DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
La « scission » de l'accord vise purement et simplement à contourner les Parlements nationaux en garantissant une application du volet commercial quand bien même un ou plusieurs États membres rejetteraient l'accord de partenariat, lequel, du fait de son caractère « mixte », devra être soumis aux Parlements nationaux qui devront en autoriser la ratification.
La « scission » de l'accord vise purement et simplement à contourner les Parlements nationaux.
De même, le changement de base légale opéré par la Commission en proposant un accord de partenariat et non un accord d'association vise à prévenir une éventuelle opposition pouvant être exprimée par un État membre au Conseil. Les propositions de décisions du Conseil relatives à la conclusion, à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat indiquent ainsi : « Étant donné que les composantes prépondérantes de l'accord sont la politique commerciale, les transports, la coopération au développement et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers, la règle de vote pour ce cas particulier est donc la majorité qualifiée ».
D'un point de vue démocratique, ce détournement de procédure fragilise encore un peu plus l'assise démocratique d'un accord dont le contenu est fortement contesté par une partie importante de l'opinion publique européenne.
D'un point de vue juridique, comme le relève l'exposé des motifs du présent projet de résolution européenne, « cette décision pourrait dès lors paraître incompatible avec le respect des principes d'attribution, d'équilibre institutionnel et de coopération loyale, consacrés par les articles 4 et 13 du traité sur l'Union européenne ».
De même, ainsi qu'il a été relevé supra, les stipulations des deux accords concernant le principe de précaution et le mécanisme de rééquilibrage soulèvent des questions quant à leur compatibilité avec le TFUE et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et une possible atteinte à la capacité de l'UE à préserver l'autonomie de son ordre juridique.
Les rapporteurs estiment par conséquent politiquement et juridiquement justifié d'appeler le Gouvernement à saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), comme le prévoit le présent projet de résolution européenne, en se fondant sur les dispositions de l'article 218 alinéa 11 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux termes duquel « Un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité d'un accord envisagé avec les traités. En cas d'avis négatif de la Cour, l'accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités ».
Le 14 novembre dernier, une proposition de résolution a été déposée par 145 de nos collègues eurodéputés issus des groupes Parti populaire européen (PPE), Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, Renew Europe (RE), Les Verts/Alliance libre européenne (ALE) et La Gauche (GUE/NGL) pour solliciter l'avis de la CJUE sur la compatibilité avec les traités de l'accord de partenariat et de l'accord commercial intérimaire. A l'instar du présent projet de résolution européenne, ce texte soulève trois moyens à l'appui de sa saisine : i) une incompatibilité du mécanisme de rééquilibrage avec plusieurs dispositions du TFUE et de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, ii) une possible remise en cause du principe de précaution, et iii) une scission de l'accord incompatible avec l'article 218 du TFUE. L'examen de cette proposition de résolution n'a cependant pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement européen au motif que le Conseil ne s'était pas encore prononcé sur les propositions de décisions relatives aux accords soumises par la Commission européenne. Cette décision interroge alors que l'article 218 paragraphe 11 du TFUE ne fixe aucune contrainte de cette nature pour la saisine de la CJUE par le Parlement européen.