C. LES PRINCIPAUX AUTRES SUJETS DE DÉSACCORD
1. Les autres principaux sujets de désaccord relatifs aux recettes
a) Les mesures de rendement
Comme indiqué supra :
- dans le sens de moindres recettes, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 6, que le Sénat avait rétabli en limitant le gel du barème de la CSG sur les revenus de remplacement à l'année 2026 (coût de 0,3 milliard d'euros) ;
- en sens inverse, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 6 bis, augmentant la CSG sur les revenus du capital, pour un rendement de 1,5 milliard d'euros (contre 2,8 milliards d'euros dans la version initiale de l'article).
Par ailleurs :
- l'Assemblée nationale a supprimé l'article 8 bis A, inséré par le Sénat à l'initiative d'Annie le Houérou23(*) et plafonnant les exemptions de certains compléments de salaire pour les salaires supérieurs à 3 Smic (pour un rendement estimé à 0,4 milliard d'euros pour la sécurité sociale et 0,7 milliard d'euros pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale) ;
- à l'article 9, l'Assemblée nationale a supprimé l'exonération de cotisations sociales des apprentis, rétablie par le Sénat. Le coût est négligeable pour la sécurité sociale, mais de 0,4 milliard d'euros pour l'État ;
- à l'article 12, l'Assemblée nationale n'a que partiellement donné satisfaction à la demande du Sénat que la réduction de 3 milliards d'euros de la compensation des allégements généraux soit totalement abandonnée. Le texte qu'elle a adopté prévoit en effet une réduction d'un milliard d'euros de cette compensation.
b) La protection sociale des artistes auteurs
À l'article 5, relatif à la protection sociale des artistes auteurs, l'Assemblée nationale a supprimé plusieurs modifications apportées par le Sénat :
- elle a rétabli la détermination par la loi du nom de la future association agréée pour la protection sociale des artistes auteurs ;
- elle a rétabli les élections professionnelles pour les artistes auteurs en précisant les nouvelles modalités de nomination de leurs représentants ;
- elle a rétabli la représentation des organisations professionnelles ;
- elle a supprimé la précision que l'absence de critère de professionnalité ne fait pas obstacle à ce que les artistes auteurs soient représentés au sein de l'association agréée.
c) La fiscalité des produits de santé
À l'article 10, lors de l'examen en première lecture, le Sénat avait adopté la position de compromis présentée par le Gouvernement, qui permettait de lever l'ensemble des réserves exprimées par la rapporteure générale. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture permettent de préciser certains éléments de cette nouvelle contribution supplémentaire afin de sécuriser sa mise en oeuvre24(*).
Toutefois, l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture un amendement relevant de 2 000 à 50 000 euros le plancher de la majoration forfaitaire en cas de non-respect ou de retard dans les obligations déclaratives des entreprises. La hausse de ce plancher viendrait inutilement fragiliser les plus petites entreprises du secteur, alors même que celles-ci doivent être soutenues.
Surtout, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à revenir sur le montant Z adopté par le Sénat. Pour rappel, le Sénat avait souhaité augmenter le montant Z applicable aux dispositifs médicaux afin d'éviter que la clause de sauvegarde afférente ne se déclenche dans de trop grandes proportions au risque d'affaiblir les PME et TPE du secteur. L'amendement adopté par le Gouvernement revient sur cette hausse et ramène le montant Z de 2,29 milliards d'euros à 2,16 milliards d'euros afin de revenir au niveau fixé dans le texte initial (2,19 milliards d'euros) et de prendre en compte l'exclusion votée par le Sénat et confirmée par l'Assemblée nationale des produits issus greffons tissulaires d'origine humaine25(*).
L'Assemblée nationale a en outre rétabli l'article 10 bis, supprimé à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, dans une version légèrement différente de celle qu'elle avait adoptée en première lecture. En effet, cet article prévoit désormais l'exclusion des seuls médicaments biosimilaires et hybrides du calcul de la clause de sauvegarde. L'exclusion des médicaments génériques est quant à elle désormais prévue à l'article 10 à la suite de l'adoption de l'amendement du Gouvernement au Sénat (cf. supra). Surtout, le Gouvernement, en seconde délibération, a tiré les conséquences de l'exclusion des biosimilaires et hybrides de l'assiette dès 2025 en diminuant de le montant M pour 2025 de 27,25 milliards d'euros à 26,10 milliards d'euros. Pour rappel, le Sénat avait obtenu en première lecture une stabilité des règles applicables à la clause de sauvegarde et la non modification du montant M fixé dans la LFSS pour 2025 en conséquence. Bien que le Gouvernement ait indiqué que la clause de sauvegarde n'aurait plus vocation à se déclencher, retirer l'ensemble des spécialités biosimilaires et hybrides de l'assiette sans prise en compte de leur intérêt thérapeutique reviendrait, dans le cas où celle-ci serait tout de même appelée, à reporter la charge sur les autres médicaments chimiques et notamment potentiellement sur des médicaments innovants ou avec un intérêt thérapeutique important.
d) La fiscalité comportementale
Dans le cas de la fiscalité comportementale, plusieurs mesures ont été adoptées dans des termes différents.
L'article 11 bis, inséré par l'Assemblée nationale, a connu des évolutions substantielles au cours de la navette parlementaire. Alors que l'ambition initiale de l'article portait sur la taxation des seules boissons alcoolisées énergisantes, le Sénat a étendu son périmètre, contre l'avis de la commission et du Gouvernement, aux boissons alcoolisées prémixées sans qu'elles ne contiennent nécessairement une substance énergisante, et sans fixer de plafond au titre alcoométrique acquis des boissons qui seraient soumises à cette taxe. En nouvelle lecture, au terme d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a rétabli une version proche de celle adoptée en première lecture par les députés. Si la rapporteure générale souscrit au recentrage du dispositif sur les seules boissons alcoolisées énergisantes, elle regrette néanmoins certaines imprécisions de l'article, notamment l'absence de plafond au titre alcoométrique volumique acquis et l'énumération non exhaustive d'une liste de substances dans la loi, qui aurait pu être définie plus opportunément au niveau réglementaire.
L'article 11 quinquies B, inséré par le Sénat avec un avis de sagesse de la commission et un avis défavorable du Gouvernement, visait à instaurer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge. Il a été supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Malgré les enjeux sensibles attachés à l'alimentation du jeune enfant, la rapporteure générale avait regretté que cette thématique n'ait pas été priorisée par le Programme national nutrition santé (PNNS) 2019-2023. Si certains écueils ont pu être soulignés au cours du débat parlementaire, notamment la soumission à cette taxe de préparations non médicamenteuses conçues pour les bébés souffrant de carences ou ayant besoin d'apports élevés en glucides, en lipides ou en protéines, le Sénat a approuvé l'inscription dans le PLFSS de cette taxe, tout en appelant à une réflexion approfondie sur le calibrage précis d'une telle mesure fiscale.
L'Assemblée nationale a en revanche confirmé la suppression de l'article 11 ter, qui proposait de taxer les produits n'affichant pas le Nutri-Score, rejoignant les préoccupations exprimées par la rapporteure générale au Sénat concernant l'incompatibilité de la mesure avec le droit communautaire et les contraintes que cette taxe ferait peser sur des filières de production locales, qu'elles comportent ou non un signe de qualité national ou européen.
e) La lutte contre la fraude
Pour ce qui concerne la lutte contre la fraude, l'Assemblée nationale a rétabli quatre articles supprimés par le Sénat :
- l'article 12 ter, tendant à annuler la participation de l'assurance maladie à la prise en charge des cotisations des professionnels de santé en cas de fraude ;
- l'article 12 quater, dans une version entièrement réécrite précisant que dans le cadre du dispositif de précompte des cotisations sociales par les plateformes de mise en relation de vendeurs de biens et prestataires de services d'une part et de particuliers d'autre part, les plateformes seraient tenues de déclarer à l'Acoss les montants des chiffres d'affaires réalisés par les vendeurs et des sommes précomptées au titre des cotisations arrondis au centime d'euros le plus proche. Ce dispositif doit entrer en vigueur au 1er janvier 2027 ;
- l'article 12 nonies, tendant à augmenter les majorations de redressement pour travail dissimulé. L'Assemblée nationale a toutefois décalé l'entrée en vigueur de la mesure aux procédures engagées à compter du 1er juin 2026 ;
- l'article 12 undecies, tendant à modifier les maxima de pénalités en cas de non-respect de l'obligation de transmission à l'Urssaf des données des vendeurs et prestataires recourant à des plateformes de vente en ligne.
2. Les autres principaux sujets de désaccord relatifs aux dépenses
a) Les mesures relevant de la branche maladie
À l'article 20, l'Assemblée nationale a rétabli l'obligation de vaccination contre la grippe pour les résidents des Ehpad et supprimé, concomitamment, l'inscription de la promotion de la vaccination contre la grippe dans le contrat de séjour des résidents des Ehpad. Le Sénat, en supprimant l'obligation de vaccination pour ce seul public, avait suivi l'avis de sa rapporteure en se fondant sur diverses considérations. D'une part, les résidents adhèrent déjà assez largement à la vaccination, comme en atteste le taux de vaccination de ce public lors de la dernière épidémie (83 %). D'autre part, il apparaît éthiquement impossible d'exclure une personne refusant de se faire vacciner de l'établissement où elle serait hébergée. L'obligation de vaccination se heurte par ailleurs au principe du libre consentement aux soins qui, s'il doit être concilié avec d'autres impératifs de santé publique, semble particulièrement complexe à outrepasser vis-à-vis de personnes souffrant fréquemment de troubles cognitifs.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a par ailleurs prévu d'autoriser les médecins, les sage-femmes et les infirmiers exerçant à titre libéral, ainsi que les centres de santé, à détenir des vaccins en vue de leur administration aux personnes ciblées par les recommandations du calendrier des vaccinations. Or, le Sénat avait supprimé les articles 20 bis et 20 ter, qui portaient la même ambition. La rapporteure avait notamment souligné les risques de tensions sur les approvisionnements que pourrait générer une telle mesure, outre les difficultés logistiques de sa mise en oeuvre. À cet égard, l'union des syndicats des pharmaciens d'officine a récemment alerté sur un risque de pénurie en vaccins antigrippaux, en ce début de campagne vaccinale. Dans un contexte où les Français adhèrent fortement à la vaccination antigrippale, le Sénat avait considéré que cette mesure ne pourrait que marginalement contribuer à une meilleure couverture vaccinale mais qu'elle présentait, en revanche, des difficultés sérieuses liées à la dispersion des stocks compte tenu des contraintes liées aux conditions de l'approvisionnement par les officines de ville.
À l'article 21, l'Assemblée nationale a substantiellement modifié la rédaction adoptée par le Sénat concernant les structures de soins non programmés. Elle a ainsi inscrit la notion de « point d'accueil pour soins immédiats » en lieu et place de celle de structures spécialisées en soins non programmés, et prévu que ces structures disposent ou donnent accès à des plateaux techniques d'imagerie et de biologie médicales à proximité, qu'elles pratiquent le mécanisme du tiers payant, qu'elles ne peuvent facturer de dépassements d'honoraires et qu'elles sont tenues, en cas d'orientation du patient vers une autre structure, de l'informer d'éventuels dépassements pratiqués par cette structure. Alors que le Sénat avait privilégié la rédaction validée par les deux chambres lors de la commission mixte paritaire sur le PLFSS pour 2025, l'Assemblée nationale est revenue sur cette version en rigidifiant les conditions d'organisation des structures spécialisées en soins non programmés ainsi que celles dans lesquelles les patients pourraient y avoir accès.
À l'article 21 bis, l'Assemblée nationale a rétabli les dispositions instaurant le « réseau France Santé ». Le Sénat les avait supprimées, considérant que cette mesure n'augmentait pas le nombre de structures de soins de premiers recours, et s'apparentait principalement à de l'affichage politique. En séance, la rapporteure avait estimé qu'en matière d'accès aux soins, les financements alloués à cette opération seraient plus utiles pour permettre la réussite de l'accueil et de l'installation des docteurs juniors sur l'ensemble du territoire.
L'Assemblée nationale a rétabli les articles 22 bis et 22 ter, tendant à réformer la tarification de l'activité libérale au sein des établissements publics de santé. Le Sénat avait supprimé ces dispositions, estimant qu'au vu de la situation financière dégradée et des problématiques d'attractivité des hôpitaux publics, ceux-ci seraient particulièrement pénalisés par toute réduction des remboursements de tarifs hospitaliers, voire leur suppression en cas d'activité libérale de radiothérapie.
L'Assemblée nationale a rétabli l'article 26 bis, supprimé par le Sénat, qui prévoyait de dérembourser les prescriptions des praticiens du secteur 3. Le Sénat avait suivi l'avis de la commission et considéré que cette mesure conduirait assurément à pénaliser les patients, qui ne bénéficieraient plus du remboursement des actes et prestations, sans pour autant constituer une incitation au conventionnement des praticiens du secteur 3.
L'Assemblée nationale a rétabli les articles 26 ter et 26 quater, visant à accélérer la mise en oeuvre d'une nouvelle nomenclature et d'une revalorisation des soins remboursés, que le Sénat avait supprimés au titre de son attachement à la négociation conventionnelle.
Dans le cas des articles 27 bis et 27 ter, tendant à plafonner les dépenses liées à la rémunération de professionnels intérimaires ou contractuels au sein des établissements publics de santé ou médico-sociaux et supprimés par le Sénat, elle a confirmé la suppression du second, mais pas du premier.
À l'article 28, elle a rétabli la limitation de la durée des primo-prescriptions et des renouvellements d'arrêts de travail, qui avait été supprimée par le Sénat. La réintroduction de ces dispositions porte une atteinte démesurée à la fois à la liberté de prescription dont jouissent les professionnels de santé, mais également - et peut-être surtout - à l'accès aux soins, en rendant nécessaires des centaines de milliers d'heures de consultations ayant pour seul objet de prolonger des arrêts de travail artificiellement raccourcis.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 28 bis A, inséré par le Sénat, qui limitait la possibilité de renouveler des arrêts de travail en téléconsultation, et est revenue sur un amendement sénatorial à l'article 28 ter, ouvrant le champ à une définition de l'arrêt de travail différente en maladie et en AT-MP, au mépris de la sécurité juridique et de la clarté du droit.
Elle a rétabli l'article 31, supprimé par le Sénat, tendant à sanctionner les manquements à l'obligation de remplissage et de consultation du dossier médical partagé (DMP). Elle a toutefois assorti ces dispositions de garanties nouvelles visant à prendre en considération les critiques au Sénat, en particulier en prévoyant une exonération de la responsabilité du professionnel de santé, de l'établissement ou du service dans le cas où l'absence d'alimentation du DMP résulte d'une non-conformité du logiciel utilisé, et en reportant l'entrée en vigueur de ces dispositions à 2028, pour permettre le déploiement des nouveaux logiciels financés dans le cadre du Ségur numérique.
L'Assemblée nationale a également réintroduit, à l'article 34, la possibilité de moduler les prix des produits de santé à l'aune de tarifs extra-européens. Constatant que le Gouvernement disposait déjà de nombreux leviers de régulation des prix des produits de santé, le Sénat s'était opposé à une telle éventualité, par crainte qu'elle amoindrisse l'attractivité du marché français pour les industriels et, en définitive, détériore l'approvisionnement du territoire national.
Elle a supprimé l'article 35 bis, inséré par le Sénat, tendant à adapter la période prise en compte pour le calcul des stocks de sécurité de médicaments à constituer en cas d'arrivée de produits substituables sur le marché.
b) Les mesures relatives à la branche famille
Dans le cas des prestations familiales, l'Assemblée nationale a supprimé plusieurs articles insérés par le Sénat :
- l'article 42 bis, inséré par le Sénat, visant à ajouter à la liste des actes et prestations couverts par l'assurance-maternité les frais médicaux engagés pour l'ensemble des soins réalisés auprès des nouveau-nés pendant leur séjour à la maternité. Cet article se justifiait par le fait que les professionnels de santé en lien avec les nouveau-nés faisaient face à des difficultés de paiement en lien avec leur affiliation à la sécurité sociale. Lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale de cet article, le Gouvernement a toutefois pris l'engagement de répondre à ce problème par la voie réglementaire ;
- l'article 42 ter, tendant à inscrire dans la loi l'âge pour majoration des allocations familiales (pour un coût qui aurait été de 0,2 milliard d'euros, cette disposition empêchant le passage de 14 à 18 ans par voie réglementaire prévu par les annexes au PLFSS).
3. La suppression par l'Assemblée nationale de l'augmentation de la durée annuelle du travail votée par le Sénat
À l'initiative d'Olivier Henno, et malgré l'avis défavorable de la commission, le Sénat a inséré l'article 11 nonies, qui augmente de 12 heures la durée annuelle du travail. Le rendement pour la sécurité sociale, provenant de l'activité économique supplémentaire, était initialement estimé par la direction de la sécurité sociale à 2 milliards d'euros. Toutefois, le Gouvernement considère désormais, en s'en tenant à la lettre du dispositif plutôt qu'à son esprit, qu'il aurait un rendement à peu près nul en 202626(*).
* 23 La commission avait demandé l'avis du Gouvernement, qui avait été défavorable. Toutefois, dans un souci de compromis, la commission s'était déclarée favorable au principe de l'amendement, afin que l'Assemblée nationale dispose en nouvelle lecture de cette possibilité de nouvelle recette.
* 24 On peut notamment citer la réintroduction dans l'assiette de la clause de sauvegarde et de la contribution supplémentaire les spécialités achetées par Santé publique France ou encore la possibilité d'utiliser les avoirs dits « CSIS » pour le paiement de la nouvelle contribution supplémentaire et ceci afin de favoriser les investissements réalisés en France et en Europe.
* 25 Dont la dépense est estimée à 30 millions d'euros.
* 26 Cet article augmente la durée annuelle du travail sans augmenter sa durée hebdomadaire. Or, cette durée annuelle n'est pas d'ordre public (contrairement à la durée hebdomadaire), et ne s'impose donc pas aux accords de branche.