Article 5
(art. 21-11 du code civil)
Anticipation de l'acquisition de la nationalité française
à raison de la naissance et de la résidence en France

Cet article, dans sa rédaction initiale, avait pour objet de permettre au mineur né en France de parents étrangers d'acquérir la nationalité française par anticipation par une déclaration souscrite à partir de l'âge de 16 ans à la double condition :

- de résider en France au moment de la déclaration ;

- et d'avoir eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins 5 ans depuis l'âge de 11 ans.

L'Assemblée nationale l'a complété par un alinéa prévoyant la possibilité pour les parents étrangers d'un enfant mineur né en France et âgé de plus de 13 ans, de réclamer la nationalité française pour cet enfant, en son nom et avec son consentement personnel, sous réserve qu'il ait eu sa résidence habituelle en France depuis l'âge de huit ans.

Ces nouvelles dispositions seraient substituées aux dispositions actuelles de l'article 21-11 du code civil, relatives aux conséquences de l'incorporation dans l'armée française sur l'acquisition de la nationalité française, qui sont transférées par l'article 3 du projet de loi, moyennant adaptation, à l'article 21-9 du même code.

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Dans le droit actuel, issu de la réforme mise en oeuvre par la loi du 22 juillet 1993, les jeunes nés en France de parents étrangers peuvent acquérir la nationalité française dès l'âge de 16 ans par une démarche volontaire et personnelle (non soumise à l'autorisation des parents) : la manifestation de volonté, à la double condition de résider en France à la date de la manifestation de volonté et de justifier d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent. En revanche, ils ne peuvent accéder à la nationalité française avant cet âge, sauf si l'un de leurs parents est lui-même né en France, auquel cas la nationalité française leur est attribuée dès la naissance par l'application de la règle du double droit du sol.

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Si le projet de loi tend à substituer à la procédure de la manifestation de volonté une acquisition de plein droit de la nationalité française à l'âge de la majorité (cf. article 1er), il prévoit cependant, dans son article 5, le maintien de la possibilité pour les jeunes nés en France de parents étrangers d'acquérir volontairement la nationalité française dès l'âge de 16 ans par déclaration.

Cette faculté d'anticiper l'acquisition de plein droit de la nationalité française est motivée, selon l'exposé des motifs du projet de loi, par le " souci de préserver la volonté individuelle et de favoriser l'intégration des jeunes étrangers ".

La rédaction initiale de l'article 5 du projet de loi limitait le champ d'application de l'acquisition anticipée de la nationalité française aux mineurs nés en France de parents étrangers, âgés de plus de 16 ans et remplissant des conditions de résidence analogues à celles prévues à l'article 1er pour l'acquisition de plein droit de la nationalité française : résidence en France à la date de la déclaration et résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de 11 ans (ce qui représente un assouplissement de la condition de résidence habituelle de cinq ans exigée dans le droit actuel, ainsi qu'on l'a déjà observé à l'article 1er).

Cette acquisition anticipée de la nationalité française devait faire l'objet d'une démarche volontaire et personnelle du mineur, non soumise à l'autorisation des parents (comme dans le droit actuel mais contrairement aux dispositions de l'ancien article 53 du code de la nationalité en vigueur avant la réforme de 1993) et prenant la forme d'une déclaration reçue par le tribunal d'instance dans les conditions de droit commun prévues aux articles 26 et suivants du code civil.

Suivant la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a cependant souhaité abaisser de 16 à 13 ans l'âge à partir duquel les jeunes nés en France de parents étrangers pourraient acquérir la nationalité française par anticipation. Elle a donc complété l'article 5 du projet de loi par une disposition permettant aux parents étrangers d'un enfant né en France et âgé de plus de 13 ans de réclamer la nationalité française pour cet enfant, en son nom et avec son consentement personnel, " la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de 8 ans ".

On soulignera néanmoins que l'Assemblée nationale s'est refusée à aller jusqu'à rétablir les dispositions de l'ancien article 54 du code de la nationalité qui permettaient, avant la réforme de 1993, aux parents étrangers d'un enfant né en France âgé de moins de 16 ans de réclamer en son nom la nationalité française pour cet enfant, à condition d'avoir eu eux-mêmes leur résidence habituelle en France depuis au moins cinq années.

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Défavorable à la suppression de l'exigence d'une manifestation de volonté pour l'acquisition de la nationalité française, votre commission des Lois est également défavorable au rétablissement d'une possibilité pour les parents de demander la nationalité française au nom de leurs enfants mineurs.

De même qu'en 1987 la Commission de la nationalité et aujourd'hui le Haut Conseil à l'Intégration, votre commission estime qu'il est préférable de laisser le choix de la nationalité aux intéressés eux-mêmes et non à leurs parents.

L'abaissement à 13 ans de la possibilité d'acquisition anticipée de la nationalité française lui apparaît contraire au respect de l'autonomie de la volonté de l'enfant qui, à cet âge, n'a pas tout le discernement nécessaire pour apprécier les conséquences du choix d'un élément d'identité aussi déterminant que sa nationalité, sans compter les pressions de toute sortes et les manipulations familiales auxquelles il peut être soumis.

A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler qu'aux termes du préambule de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, " l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale ", alors que l'article 8 de la même convention stipule que " les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale ".

Or, on ne peut exclure que les parents demandent la nationalité française pour leur enfant mineur non pas dans son intérêt, mais avant tout dans le leur, par exemple pour régulariser leur situation, obtenir un titre de séjour et éviter l'expulsion, comme on avait fréquemment pu le constater sous l'empire de la législation antérieure à 1993.

Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de l'article 5 du projet de loi.

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