C. LA RÉPARTITION ENTRE LES ENTREPRISES ET LE RÉGIME GÉNÉRAL

Alors que les décisions des tribunaux et l'indemnisation des victimes soulignent une forte concentration des dommages de l'amiante sur quelques sociétés, les conséquences ont été très largement mutualisées.

1. Une forte concentration des victimes de l'amiante dans quelques sociétés

Parmi les 2195 décisions rendues par les tribunaux en matière de contentieux de l'indemnisation des maladies de l'amiante entre le 10 avril 1999 et le 2 février 2004 pour un total de 77M€, 12 sociétés représentaient plus de 55M€. Quatre étaient des entités publiques au moment de l'exposition -direction des constructions navales (DCN), ministère de la défense, EDF, SNCF- Le montant de leurs condamnations s'élève à 8M€.

Quelques sociétés concernées par les décisions judiciaires

Sur un total des décisions judiciaires de 77M€, 12 sociétés représentent 55 M€.

Quand à l'indemnisation par le FIVA, une étude sur les bases dont dispose ce Fonds montre que 1526 victimes 47 ( * ) avaient été employées par 1788 employeurs sur 2883 emplois, une même victime indemnisée par le FIVA pouvant avoir travaillé pour un ou plusieurs employeurs. Les 10 % de plus gros employeurs ont employé à eux seuls plus de 43 % des victimes ; 22 ont employé plus de 10 victimes. Seuls 209 employeurs sur 1788 ont employé plus d'une victime. Le nombre moyen de victimes par employeur varie d'un facteur 7 selon le type d'employeurs que l'on considère (gros employeur ou employeur « marginal »).

Le tableau des indemnisations réalisées par le FIVA montre également la concentration des indemnisations sur quelques employeurs. Le ministère de la défense est à l'origine de 23M€ d'indemnisations, suivi d'Eternit pour 4,5M€. Plus largement, les entreprises recensées dans le tableau des décisions judiciaires se retrouvent également dans les indemnisations par le FIVA.

Indemnisation des victimes par le FIVA au 1 er septembre 2004

Nom de l'employeur

Nombre de victimes employées

(en €)

Somme des dépenses d'indemnisation

Employeur inconnu FGA

4 330

241 571 660

Employeur inconnu FIVA

1 991

71 893 514

Employeurs de moins de 5 salariés renseignés

899

60 505 360

Ministère de la Défense (dont DCN)

571

22 929 360

VALEO/FERODO

123

4 205 896

CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE

100

2 967 016

PORT DE DUNKERQUE

71

4 077 961

EDF GDF

68

4 021 607

ETERNIT

64

4 568 042

SNCF

44

2 965 852

SICO

37

1 934 802

USINOR/SOLLAC

34

1 445 843

CHARBONNAGE DE France

28

814 457

NORMED

27

2 083 560

TOTAL FINA ELF

22

1 195 822

ALSTOM

21

939 237

WANNER ISOFI

20

876 470

RHÔNE-POULENC

19

1 225 475

STE EVERS

16

560 680

FINALENS

16

268 231

CREUSOT LOIRE

14

833 748

SAINT GOBAIN

14

624 610

EVERITE

12

577 730

ALLIEDSIGNAL

11

397 272

BEAULIEU

10

406 671

UGINE

9

689 441

C.M.M.P.

8

730 691

PECHINEY

8

677 294

ASCOMETAL

8

535 336

HONEYWELL

7

221 666

J.VERGER ET DELPORTE

6

242 832

AIR FRANCE

5

753 530

FERLAM

5

108 116

FRANCE TELECOM

5

869 010

SACILOR

5

532 658

UNIMETAL

5

269 551

TOTAL

9 532

500 026 357

Précautions méthodologiques 1) Biais dans les données : le recours par les victimes n'est pas homogène : en fonction de l'employeur et/ou de la jurisprudence locale, celles-ci choisissent (parfois aussi en fonction de la pathologie) de recourir au FIVA. Il s'agirait d'une des raisons de la sur-représentation du Port de Dunkerque.

2) Biais statistique : le critère d'appartenance au ministère de la Défense repose sur le libellé de l'employeur ou sur le régime de sécurité sociale des victimes. En effet, dans le cas des régimes spéciaux, il est possible de rattacher la victime à une entreprise ou organisme donné, même avant que l'employé soit « renseigné » dans la base selon la méthode habituelle. Il en résulte une sur-représentation du ministère de la Défense (inclus DCN).

3) Données manquantes sur les employeurs :

SURTOUT le nombre de données est faible : le formulaire de dépôt d'une demande devant le FIVA est extrêmement simplifié : en particulier, la victime ou l'ayant droit déposant un dossier d'indemnisation n'est pas tenu d'informer le FIVA ou le FGA sur les emplois qu'a pu occuper la victime dès lors que celle-ci est reconnue en maladie professionnelle (95 % des dossiers) . Dès lors, la possibilité de disposer de données sur les employeurs est subordonné à ce que certaines victimes ou ayants droits remplissent le questionnaire d'exposition, alors qu'ils n'y sont pas tenus, ou à la réponse donnée par les organismes de sécurité sociale qui sont systématiquement interrogés sur ce point (mais le recueil des données n'est vraiment effectif que lorsqu'un contentieux subrogatoire est lancé). Les taux de données manquantes pour l'employeur des victimes sont donc très élevés : de l'ordre de 80 % pour le FIVA et 66 % pour le FGA

Le financement des fonds FIVA et FCAATA par des dotations budgétaires et des dotations inscrites en charges techniques du FNAT a pour effet de mutualiser totalement le financement de ces dépenses, dans l'attente de ressources du FIVA qui proviendraient de recours contre tiers, mais, même en ce cas, les conséquences sont la plupart du temps mutualisées en raison des règles exposées infra.

Quant aux dépenses dues aux maladies professionnelles des tableaux 30 et 30 bis, elles ont été également largement mutualisées comme le montre le tableau ci dessous. Les dépenses imputées aux comptes employeurs entre 2000 et 2002 n'ont pas excédé le quart du montant total des dépenses d'indemnisation des maladies de l'amiante, les trois quarts faisant l'objet d'une imputation au compte spécial de l'article D 242-6-3 du CSS 48 ( * ) . En valeur, les maladies de l'amiante ont constitué 75% des maladies professionnelles inscrites au compte spécial en 2000, 72% en 2001 et 2002.

En 2002 le total des dépenses dues à l'indemnisation des victimes de l'amiante, tel que calculées suivant les conventions rappelées page 89 s'élevait à 527 M€ hors FIVA et FCAATA. 397M€ ont été mutualisés ; les entreprises directement responsables se sont vues imputer 130M€ soit 25% de la charge.

L'imputation des dépenses amiante au compte spécial

2000

2001

2002

Nbre de MP

valeur en M€

%

Nbre de MP

valeur en M€

%

Nbre de MP

valeur en M€

%

total amiante

3474

463

3564

388

4494

527

compte employeur

735

95

21%

760

79

20%

1004

130

25%

compte spécial

2739

368

79%

2804

309

80%

3490

397

75%

Source : CNAMTS

Pour l'année 2002, le détail des dépenses prises en compte s'établit comme suit :

Détail des dépenses 2002 suivant les règles d'imputation

Imputation

Compte employeur

Compte spécial

Total

Montant en K€

%

Montant en K€

%

Montant en K€

Total (en K€)

129 912

25%

396 779

75%

526 691

dont

Prestations

(IJ+ frais médicaux+frais pharmacie+ hospitalisation)

2 545

32%

5 466

68%

8 011

Indemnités en capital

IPP<10%

920

21%

3 361

79%

4 281

Rentes

IPP>=10%

94 101

26%

271 981

74%

366 082

Indemnités décès

32 345

22%

115 968

78%

148 313

Source : CNAMTS

Selon les règles de calcul des taux de cotisation d'accidents du travail et maladies professionnelles, le compte spécial est intégré dans la majoration dite M3 qui s'ajoute, pour toutes les entreprises, au taux brut représentatif du risque propre à l'entreprise et qui est fixée en pourcentage de la masse salariale. La charge porte en conséquence sur les entreprises ayant la masse salariale la plus élevée. En 2003, M3 représentait 20% du taux moyen de cotisation AT-MP .

La part du compte spécial dans les dépenses à couvrir par M3 se situe dans une zone comprise entre 22% et 35%. Les maladies dues à l'amiante représentent la majorité des dépenses imputées au compte spécial.

Ce taux de la majoration M3 a évolué de 0,29% en 1995 à 0,44% en 2004 avec une forte accélération à partir de 2001 :

Evolution de la majoration M3

Année

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

M3

0,29%

0,32%

0,35%

0,36%

0,36%

0,35%

0,45%

0,43%

0,45%

0,44%

Les transferts au FIVA et au FCAATA représentent le facteur essentiel de la croissance de M3

Si l'on rapproche cette importante mutualisation du fait que 10% des employeurs ont employé 43% des victimes, on peut en conclure qu'elle a bénéficié essentiellement à quelques entreprises.

* 47 Le chiffre de 1526 victimes - faible par rapport à l'effectif  de la base de données du FIVA qui en compte environ 6200 - s'explique par le fait que l'employeur de la victime n'est renseigné dans la base qu'au moment de l'offre faite par le FIVA.

* 48 Le « compte spécial des maladies professionnelles », regroupe les dépenses afférentes à des maladies inscrites dans les « tableaux » en 1993, en cas d'exposition à ces risques antérieure à cette date, et à des maladies contractées dans une entreprise disparue, ou susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs entreprises sans qu'il puisse être déterminé dans laquelle (RPP AT-MP P65).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page