Audition de M. Léon BERTRAND,
ministre délégué au tourisme, maire de Saint-Laurent du Maroni
(25 janvier 2006)

Présidence de M. Georges OTHILY, président

M. Georges Othily, président.- Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à être auditionné sur les problèmes liés à l'immigration régulière, problème délicat et difficile, souvent passionnel, sur lequel notre commission d'enquête est amenée à travailler depuis novembre dernier.

Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Léon Bertrand prête serment.

M. Georges Othily, président.- Acte est pris de votre serment. Vous allez nous exposer ce que vous pensez des problèmes d'immigration, et je m'adresse ici non seulement au ministre mais aussi et surtout au maire de Saint-Laurent du Maroni. Nous sommes allés à Saint-Laurent, nous avons vu ce qui s'y passait, nous avons écouté nos interlocuteurs et nous avons pris le maximum de renseignements. Il ne s'agit pas pour nous d'une confrontation entre ce que nous avons entendu et ce que vous allez nous dire, mais nous souhaitons être très proches de la vérité et de la réalité pour pouvoir faire notre rapport.

Notre rapporteur et les collègues qui sont ici vous poseront ensuite un certain nombre de questions et nous pourrons débattre. Vous avez la parole.

M. Léon Bertrand.- Merci, monsieur le président et messieurs les sénateurs. Comme vous me le demandez, je vais m'exprimer tout d'abord en tant que maire et, à partir de là, être le plus fidèle possible par rapport à ma vision du problème de l'immigration dans l'ouest de la Guyane. Je vais donc partir de témoignages tout à fait personnels et décliner ma présentation en trois parties, après quoi je répondrai tout simplement à vos questions, ce qui sera beaucoup plus interactif et intéressant.

Tout d'abord, les chiffres que nous avons ne reflètent pas la réalité. Je le dis tout simplement parce qu'en tant que maire de Saint-Laurent du Maroni, je suis tout à fait réaliste. J'ai été élu en 1983, à une époque où la ville de Saint-Laurent du Maroni comptait environ 6.000 habitants. Aujourd'hui, en 2005, les chiffres de l'INSEE nous donnent environ 20.000 habitants alors qu'en réalité, j'estime que nous en avons au moins 15.000 de plus.

Pourquoi puis-je me sentir autorisé à le dire ? Parce que j'ai d'autres indications qui me permettent d'avancer de tels chiffres. Tout d'abord, en tant que maire, je suis devant la difficulté de construire des classes depuis quelque temps. L'année dernière, nous avons construit un groupe scolaire ; certaines années, il faut créer deux groupes. Nous avons une cadence effrénée qui met en péril le budget même de la commune de Saint-Laurent du Maroni, parce qu'il ne suffit pas de construire des classes, il faut aussi trouver des moyens pour assurer leur entretien et leur fonctionnement, charges qui sont pérennes et qui grèvent le budget communal.

Pour vous donner un exemple simple, au moment où je vous parle, nous avons près de 12.000 élèves (11.750 exactement) pour une population qui, selon l'INSEE, serait de 20.000 habitants. Vous voyez bien qu'il y a forcément une anomalie.

L'autre indication est fournie par l'hôpital. J'ai la chance d'être le président de l'hôpital intercommunal de Saint-Laurent du Maroni, le centre hospitalier Franck Joly. Là aussi, nous constatons que plus de 50 % du budget de l'hôpital de Saint-Laurent du Maroni est alimenté par les aides médicales. La situation n'a fait qu'empirer avec la CMU, et j'ajoute que la majeure partie des personnes qui sont soignées à l'hôpital de Saint-Laurent du Maroni sont bien entendu issues de l'immigration.

Quant aux naissances, il y en a cinq, six, voire sept par jour. L'année dernière, nous avons eu pratiquement 1.800 naissances, parmi lesquelles nous n'avions pas plus de deux personnes connues. Toutes les autres viennent de l'autre côté du fleuve. Il y a même une filière organisée depuis Paramaribo, la capitale du Surinam, qui organise l'acheminement des femmes qui viennent accoucher à la dernière minute.

Nous avons essayé de lutter contre ce problème il y a quelques années et nous avions eu l'idée d'aider l'hôpital qui se trouve dans la petite ville située en face de Saint-Laurent du Maroni, Albina. Tout comme vous, l'Etat a apporté des financements. L'hôpital a été réparé, nous avons mis en place des vacations avec nos médecins qui traversaient le fleuve pour assurer des soins, mais cet hôpital est actuellement fermé parce que, puisqu'il fallait payer, personne n'y allait.

Cela avait créé en plus un autre phénomène : pour éviter tout cela, on avait assisté pendant un certain temps à des accouchements à domicile. Les pompiers étaient obligés d'aller dans certains quartiers, notamment celui de la Charbonnière, pour récupérer une maman et son bébé et l'amener à l'hôpital. C'est une indication supplémentaire qui montre que les chiffres officiels que nous connaissons ne reflètent pas du tout la réalité.

Pour terminer avec cette première partie, je vais vous parler d'un autre phénomène qui a frappé la Guyane, et en particulier Saint-Laurent du Maroni, c'est-à-dire l'ouest : les événements de 1986. Vous savez que le Surinam (ancienne Guyanne hollandaise) est devenu indépendant en 1975 et que, depuis, les différents gouvernements ont été traversés par des crises : la junte militaire a été au pouvoir et cela s'est terminé par une guérilla en 1986. C'est ainsi que nous avons eu, pendant plusieurs années, des milliers de réfugiés (à l'époque, il y en avait 12.000 à 13.000) que l'on appelait des « PPDS » (personnes provisoirement déplacées du Surinam) et qui étaient installées à Saint-Laurent du Maroni. J'ai connu quatre camps de réfugiés destinés à accueillir les PPDS : deux du côté de Saint-Laurent et deux autres sur la route de Mana, à tel point qu'il y avait plus de réfugiés que d'autochtones à l'époque.

Comme la France ne souhaitait pas que ces personnes soient reconnues comme de véritables réfugiés, on a inventé cette notion de PPDS parce qu'on pensait que les gens pourraient un jour retourner chez eux. En 1992, un retour a été amorcé, on a donné des financements pour que les PPDS puissent repartir, mais vous savez comment cela se passe : la Guyane est grande et beaucoup de personnes ont fini par se disperser dans la nature. Même si certains ont pu récupérer de l'argent pour traverser, c'est tout naturellement qu'elles sont revenues ensuite.

Cette population a donc grossi d'un seul coup, non seulement celle de Saint-Laurent du Maroni, mais aussi celle de la commune de Mana, qui se trouve à 40 km de Saint-Laurent, sans parler des autres communes le long du Maroni : Apatou, Grand-Santi, Papaïchton, voire Maripa-Soula.

J'ai voulu vous donner ces explications dans la première partie pour vous montrer que les chiffres de l'INSEE selon lesquels, actuellement, la Guyane compterait environ 185.000 habitants, ne reflètent en rien la réalité du pays.

Il s'agit ici de la porte d'entrée de l'ouest de la Guyane, mais nous en avons une autre qui se trouve à l'est, c'est-à-dire en face du Brésil, au niveau de la commune de Saint-Georges de l'Oyapock. La Guyane est enserrée entre deux pays : le Surinam, avec une frontière qui fait environ 400 km et qu'il nous est difficile de surveiller (on ne peut pas mettre un gendarme tous les mètres et le Maroni a une largeur d'un ou deux kilomètres au nord, mais il ne fait parfois qu'à peine 300 mètres de large et permet donc des passages à gué) et le Brésil, à l'est, avec le fleuve Oyapock, que les Brésiliens peuvent facilement traverser, d'où les problèmes d'orpaillage clandestin que nous connaissons actuellement.

J'en viens à la deuxième partie de mon intervention : pourquoi cette immigration tout à fait particulière ?

Je pense qu'elle est due tout simplement à la caractéristique géographique de la Guyane. C'est un vaste département, presque le cinquième de la France, un département vide dont les frontières sont loin d'être étanches et peuvent être traversées facilement d'un côté comme de l'autre. Le mythe de l'or y a toujours existé et, ces jours-ci, on peut même parler de fièvre de l'or parce que, au moment où je vous parle, des milliers de clandestins exploitent l'or au milieu de la forêt. J'ajoute que le cours de l'or étant en train de monter depuis quelque temps, cette fièvre augmente en même temps, de même que l'attractivité de la Guyane.

Autre élément d'attractivité important : toutes les prestations sociales, avec les allocations familiales, le RMI et les divers dispositifs sociaux.

Il faut y ajouter le centre spatial. Lorsqu'on est à des kilomètres de la Guyane et que l'on voit monter les fusées, on se dit qu'il se passe quelque chose là-bas et qu'il faut y aller. Depuis quelques jours, des perspectives nouvelles se créent avec la nouvelle fusion entre la Russie, l'Italie et la France, c'est-à-dire entre Soyouz, Ariane V et Véga, ce qui nous donne des perspectives pour au moins vingt ans. Cela constitue un élément d'attractivité supplémentaire.

Voilà les éléments qui, pour moi, constituent une grande attractivité, et je le dis pour vous montrer que notre immigration ne peut pas être comparée à celle existant en Martinique, en Guadeloupe ou à Mayotte, dans la mesure où il s'agit d'îles par nature un peu plus protégées que nous, où ce sont des îles perdues dans l'océan Indien ou dans l'océan Atlantique.

Nous sommes surtout à côté de pays comme le Brésil et le Surinam. Comme je viens de le dire, depuis que le Surinam est devenu indépendant, le régime, malheureusement, ne parvient pas à améliorer le niveau de vie et à le rendre correct. Quand la misère s'installe quelque part, les gens la fuient pour aller chercher du travail ailleurs, et la Guyane apparaît comme une espèce de havre de paix et de richesses.

Dans une troisième partie, je vais évoquer les solutions que j'entrevois.

Pour lutter contre l'immigration, ce que nous avons fait jusqu'à présent avec le plan « Alizée bis » et les patrouilles sur le Maroni ne suffit pas. Le territoire est trop grand, nous devons lutter contre des délinquants qui emploient des méthodes violentes et nous ne sommes pas du tout armés pour cela.

Pour pouvoir diminuer l'attractivité, il faut être vraiment original. Si on reste simplement dans le système dans lequel nous sommes, nous n'allons pas du tout y parvenir.

Je me souviens qu'en 1993, j'avais fait une proposition qui avait fait hurler tout le monde, notamment à Cayenne, et en particulier les socialistes. En effet, j'avais dit qu'au bout du troisième enfant, je souhaitais que l'on puisse diminuer les allocations familiales dans certaines zones de la Guyane et utiliser le différentiel afin qu'il soit redistribué sous une autre forme, notamment pour les cantines scolaires. Cela avait créé un émoi très important en Guyane, puisque j'avais été considéré comme un suppôt de Jean-Marie Le Pen. Même dans la majorité, en métropole, on m'avait répondu que cette proposition était irrecevable dans un pays animé par des principes de générosité comme la France.

Il faut savoir que, lorsqu'un étranger traverse le Maroni ou l'Oyapock, son objectif est de faire à tout prix des enfants. La Constitution nous obligeant à scolariser tous les enfants qui sont sur place, une fois qu'ils sont scolarisés, on voit mal comment le préfet ou le sous-préfet peut expulser ses parents et on est donc forcé de régulariser progressivement la situation. Il suffit de voir, au début de chaque mois, à la Poste, les files d'attentes constituées par les personnes qui viennent percevoir l'argent des allocations familiales, puis traversent le Maroni pour le dépenser au Surinam.

Ma deuxième proposition était de considérer la maternité de Saint-Laurent du Maroni ou un autre hôpital comme une zone d'extraterritorialité, afin que, si une femme haïtienne, surinamienne ou brésilienne accouche, l'enfant acquière seulement la nationalité des parents. Cette proposition était faite dans le but de donner des signes très forts et pour dire à ceux qui viennent : « Ce n'est pas la peine de venir, parce que vous n'aurez jamais la chance, un jour, d'avoir les possibilités que vous donne la loi française ».

La majorité de l'époque a envoyé une mission d'information qui est venue voir ce qui se passait dans l'ouest guyanais et on m'a expliqué ensuite que ce n'était pas possible. A mon avis, tant que l'on restera dans les sentiers battus, on n'arrivera pas à trouver de solution. Aujourd'hui, la Constitution nous permet, par l'expérimentation, d'aller un peu plus loin ; je pense qu'il faut être créatif et imaginatif et voir si nous n'avons pas d'autres solutions à trouver.

La troisième solution que je propose consiste à aider le Surinam et le Brésil pour que leurs populations se trouvent bien chez elles. Cela peut se faire sous la forme de la coopération, mais, jusqu'à présent, la coopération ne s'est jamais engagée comme il se doit. Les seules discussions que nous avons avec le Guyana ou le Surinam portent sur la signature d'accords de réadmission. Je suis allé au Guyana il y a quelque temps et j'ai eu un entretien avec son président de la République. Mais comment demander au président du Guyana de signer des accords de coopération si lui-même ne peut pas expliquer à sa population que ces accords peuvent être signés dans un cadre beaucoup plus global de coopération avec la France ?

Il faut une véritable coopération. La plupart du temps, nos postes diplomatiques sont dynamiques mais sur ce plan, ils n'agissent pas concrètement. A la préfecture de Guyane comme à la sous-préfecture de Saint-Laurent du Maroni, il n'y a aucun agent ni aucun fonctionnaire qui soit en mesure de voir comment exploiter des accords signés afin que la coopération soit véritablement efficace.

Si on l'avait fait il y a quelques années, nous aurions vraisemblablement pu établir des passerelles, avoir une véritable discussion avec les Etats concernés et les obliger progressivement à mener une vraie politique vis-à-vis de leurs ressortissants, ce qui n'est pas le cas actuellement. Cela me paraît être l'un des leviers sur lesquels il faut aussi agir.

La résolution des problèmes recontrés passe également par la régularisation.

Que se passe-t-il aujourd'hui en matière de régularisation ? On scolarise des enfants dont les parents n'ont pas de papiers mais qui savent forcément qu'un jour, ils en auront parce que leurs enfants vont à l'école et qu'ils sont sur le territoire depuis cinq à huit ans. En tant que maire, quand on m'appelle pour me dire que certaines familles vivent dans des squats, qu'il n'y a ni électricité, ni hygiène et qu'elles boivent de l'eau qui vient d'un ruisseau, je sais qu'en cas de problème, c'est moi qui serai responsable parce que je n'ai pas pu apporter ce qu'il faut en tant que maire. Il faut que les enfants aient de l'électricité pour pouvoir bien étudier à l'école, sachant que, s'ils ne sont pas formés demain, on peut se demander ce que deviendra la société guyanaise.

A un moment donné, une régularisation doit intervenir. Une opération a été tentée dans les années 90. Cependant, j'avais toujours dit qu'une bonne opération de régularisation ne pouvait se faire que si elle était rapide et si on pouvait se donner les moyens de la contrôler convenablement. On a voulu, comme souvent, régulariser avec le temps, soit parce qu'on n'avait pas compris, soit, tout simplement, parce qu'on manquait de moyens. Cela pose en effet des questions liées aux effectifs.

Aujourd'hui, sur notre territoire, nous avons des personnes qui sont en situation régulière et nous en avons autant qui sont en situation irrégulière. Comme elles ont des enfants, elles sont tolérées et restent sur le territoire, mais elles sont en situation irrégulière et, bien entendu, elles constituent une espèce de flou administratif qui crée un effet d'appel. On ne peut pas demander à la police nationale de contrôler cela correctement. Il faut donc mener une action de régularisation, mais celle-ci doit être rapide, avec des moyens, afin de bien connaître la matière pour bien la contrôler et donner les signaux nécessaires.

Enfin, il faut apporter aussi des réponses d'ordre économique, parce qu'aujourd'hui, la population de la Guyane est en train de changer et que nous n'avons plus de repères. Nous avons une espèce d'évolution, mais elle se fait dans le mauvais sens. Nous avons encore un équilibre, mais je me demande jusqu'à quand il va tenir. On dit qu'il ne faut pas toujours associer l'insécurité à l'immigration, mais, pour ma part, je le fais, parce que, lorsque les gens traversent le fleuve et n'arrivent pas à trouver des moyens pour vivre, ils commencent par commettre des petits larcins parce qu'il faut bien manger, et c'est ainsi qu'ils deviennent délinquants. Il suffit de regarder la population carcérale : pratiquement 80 % des personnes détenues sont d'origine étrangère.

Il faut donc avoir le courage d'aborder tout cela et de voir comment nous pourrions apporter ensemble des solutions.

J'ai une dernière solution que je me permets de préconiser avant de répondre à vos questions. J'ai fait cette proposition lorsque nous avons appris la mort de ce malheureux gendarme, il y a environ trois semaines, et que j'ai eu l'occasion de me rendre sur place avec le ministre de l'outre-mer, François Baroin. Nous avons en face de nous une délinquance très particulière : ce sont des voyous, des bandits qui utilisent des méthodes que l'on ne connaît pas en métropole, des méthodes particulières qui viennent d'Amérique du Sud. Ce ne sont donc pas nos gendarmes, avec leur façon de travailler et leurs méthodes, qui vont pouvoir rivaliser.

Les seules personnes que l'on craint encore en Guyane, ce sont les légionnaires. J'ai fait cette proposition qui a tout de suite choqué beaucoup de gens. Le ministre de la Défense m'a indiqué que, pour des questions de responsabilité, ce que j'envisageais était impossible, et que la légion était seulement en Guyane pour assurer la production de la base spatiale. Mais on ne pourra pas continuer à protéger la base spatiale comme elle l'est pour l'instant. De plus, elle ne représente pas uniquement un intérêt franco-français mais désormais européen.

Si on veut que les choses durent, il faut que le périmètre de protection soit beaucoup plus large. Entre deux tirs, on peut imaginer que les légionnaires puissent se déplacer. Ce sont les seuls qui connaissent la nature et qui peuvent évoluer dans de bonnes conditions dans la forêt guyanaise afin d'apporter des solutions aux problèmes de sécurité que nous rencontrons. Je ne dis pas qu'il faut qu'ils traversent les rues des villes de Guyane, mais il y a peut-être des choses à faire avec eux.

Voilà, en quelques mots, ce que je voulais vous dire pour vous donner mon point de vue en tant qu'élu local, le point de vue d'un Guyanais qui voit son pays sombrer dans la médiocrité depuis 25 ans. Comme nous n'avons pas le temps d'absorber la population étrangère qui nous arrive, c'est un nivellement qui se fait à la base, une exaspération qui monte de plus en plus et des Créoles qui se sentent de plus en plus acculés et minoritaires dans la population. Pour l'instant, cela tient, mais ce ne sera plus le cas bientôt.

Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire, et je suis prêt, bien entendu, à répondre aux questions que vous souhaiterez me poser.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.- J'allais entamer le débat sur ce qui a fait l'objet de votre conclusion, c'est-à-dire sur la présence et l'utilisation de la légion étrangère pour assurer la sécurité. Nous avons vu votre déclaration ; nous avons entendu aussi les réactions, y compris du préfet de la Guyane qui considère que les métiers ne sont pas les mêmes.

Par ailleurs, les gendarmes nous disent ne pas disposer de matériel suffisant, en particulier de moyens aéroportés, pour rejoindre rapidement les régions de Guyane qui ne sont pas accessibles par la route mais seulement par le fleuve. Il semble que, depuis 1993, des promesses ont été faites sur un hélicoptère biturbine qu'ils attendent toujours. Nous avons donc l'impression qu'il faut avancer et que les choses doivent aller plus vite.

Après cette observation, j'aurai une question à vous poser sur la situation juridique du fleuve Maroni. Les gendarmes nous disent qu'ils ne peuvent pas faire des contrôles sur le fleuve lui-même compte tenu de son statut juridique. Des démarches ont-elles eu lieu, à votre connaissance, notamment avec le Surinam, pour essayer de régler cela ? En l'occurrence, ils demandent que des contrôles avant les débarquements puissent être faits sur une bande de 300 mètres entre la rive française et l'intérieur du fleuve.

M. Léon Bertrand.- Sur le premier point, il se pose en effet une question d'effectifs que je n'ai pas abordée. Il est vrai que les gendarmes n'ont pas les moyens dont ils ont besoin, tout d'abord en effectifs et ensuite en équipement, pour pouvoir se déplacer correctement.

Il faut reconnaître que les orpailleurs clandestins ont plus de moyens que les gendarmes et qu'ils peuvent mobiliser l'équipement qui leur faut pour pouvoir échapper aux contrôles. Un hélicoptère avait été promis, effectivement, et j'espère qu'il arrivera prochainement.

Quant à la question du fleuve Maroni, son statut est pour l'instant indéfini. Il semblerait qu'avant l'indépendance, il y ait eu des accords entre la France et la Hollande lorsque les Pays-Bas étaient encore en Guyane hollandaise, mais, depuis l'indépendance, en 1975, toutes les eaux sont devenues internationales. A ma connaissance, il n'y a eu aucune démarche ni aucun contact pour trouver une organisation satisfaisante du fleuve Maroni. Cela peut se comprendre, dans la mesure où le Surinam est devenu démocratique il y a à peine une dizaine d'années, sachant qu'auparavant, il y avait eu une junte militaire et des coups d'Etat successifs et que la France avait quelque réticence à vouloir engager une coopération avec le Surinam.

Cela dit, les choses semblant se stabiliser et se normaliser depuis quelques années, il est envisagé des signatures de coopération. Je sais que le président de la République envisage de se rendre en Guyane et, peut-être, de rencontrer ses homologues guyaniens et surinamiens. Ce sera peut-être l'occasion d'engager des négociations. Comme il n'y a pas d'accord de coopération, tout ce qui a été fait jusqu'à présent a eu lieu avec la bonne volonté des hommes qui se trouvaient d'un côté et de l'autre, mais rien de plus.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.- Vous avez abordé le problème des personnes qui arrivent et de la course aux prestations sociales. Quid du travail clandestin et de son ampleur ? Vous avez peut-être un point de vue sur ce point.

M. Léon Bertrand.- C'est volontairement que je ne l'ai pas abordé parce que, pour moi, c'est un phénomène que l'on trouve partout, que l'on soit en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe ou en métropole. Il est clair que, là aussi, nous avons des patrons qui profitent de la main-d'oeuvre qui vient de l'autre côté. Cela se passe plutôt du côté brésilien, parce qu'en général, les Brésiliens qui viennent en Guyane sont formés : ce sont des bons charpentiers et on les retrouve dans le bâtiment ou les travaux publics. La plupart du temps, ces patrons se font d'ailleurs épingler lors des contrôles. Ce n'est pas forcément le cas avec les Surinamiens ou les Haïtiens.

M. Bernard Frimat.- Monsieur le ministre, nous avons retrouvé dans vos propos beaucoup de choses que nous avons déjà vues et la prise de conscience que nous avons de cette situation tout à fait exorbitante de la Guyane, notamment la charge des collectivités locales qui, ayant leurs moyens calculés sur des chiffres officiels de population, sont mises dans une situation dramatique. Quand nous avons rencontré l'association des maires de Guyane, on a évoqué devant nous un certain nombre d'exemples sur des communes comme Saint-Elie ou Mana et des éléments tout à fait impossibles face à cette recrudescence.

Vous voyez ainsi que l'on peut être à la fois socialiste et réaliste.

Sur le travail clandestin, je voudrais reprendre la question de notre rapporteur. Ne pensez-vous pas qu'il y a véritablement là un élément d'appel important ? Quand on entend un président de tribunal de grande instance dire : « Qui n'a pas, à un certain niveau de revenu, son jardinier haïtien et sa cuisinière surinamienne ? », ne pensez-vous pas que le travail clandestin est un élément insuffisamment pris en compte dans le problème de l'immigration clandestine ?

J'ai une deuxième question. Quand on parle de la notion de prestations sociales, on pense souvent aux allocations familiales et à l'aspect monétaire alors que l'aspect de la scolarisation et l'aspect de la santé nous semblent importants. Ne pensez-vous pas qu'il y a, là aussi, une certaine imbrication de l'ensemble de la population, qu'elle soit guyanaise ou composée d'étrangers en situation régulière, qui, par le biais de la reconnaissance de paternité, peut ouvrir des droits financiers ? Pour ces reconnaissances de paternité, dont on nous a dit qu'elles étaient pour une grande partie frauduleuses, ne pensez-vous pas qu'il n'y a pas quelque chose à faire aussi ? Si les gens viennent en Guyane (sans parler des commanditaires brésiliens qui dirigent l'orpaillage et qui vont piller la Guyane parce qu'ils y ont accès par la forêt), c'est bien parce que le niveau de vie, par rapport aux pays avoisinants, y est meilleur et qu'ils caressent l'espoir d'y vivre mieux. Comment réagissez-vous à tout cela ?

M. Léon Bertrand.- C'est exactement ce que j'ai dit au début de mon propos lorsque j'ai mis en avant ce que j'appelle les éléments d'attractivité d'un certain public. J'ai évoqué, parmi d'autres, la question des prestations sociales sans entrer dans le détail, c'est-à-dire dans le mécanisme frauduleux que nous devons combattre et qui attire les immigrés.

Il est vrai que nous assistons de plus en plus à des mariages blancs. Nous savons que des ressortissants français se mettent d'accord sur une certaine somme et se marient pour pouvoir contourner les règles. Il est vrai aussi que, du côté du travail clandestin, c'est une forme d'attractivité d'un certain public candidat à l'immigration.

Il y a plusieurs volets et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez d'évoquer. Cela fait d'ailleurs partie du début de mon propos.

M. Philippe Dallier.- Monsieur le ministre, je ne connaissais pas la Guyane avant le déplacement de la commission d'enquête et je dois vous dire que ce que j'y ai découvert, notamment à l'ouest, du côté de Saint-Laurent du Maroni, puisque nous ne sommes pas allés à l'est, m'a surpris, pour employer un doux euphémisme.

La première chose qui surprend, c'est la faiblesse des moyens de l'Etat. Vous en avez parlé : avec 63 gendarmes pour surveiller 400 km de fleuve, sans parler de la côte, et un territoire vaste comme plusieurs départements français, on voit bien que les forces de l'ordre, là-bas, sont face à une mission impossible à remplir. De même, on est surpris quand on considère l'état dans lequel se trouve la sous-préfecture de Saint-Laurent du Maroni et le nombre très limité d'agents qui y travaillent.

Je voudrais ensuite évoquer un point particulièrement important qui fait en tout cas débat. On a beaucoup parlé des problèmes de Mayotte et le ministre François Baroin a émis l'hypothèse de modifier le droit du sol là-bas, mais la question pourrait également se poser en Guyane, si ce n'est qu'il s'agit d'un département depuis 1946 et que cela pose donc un problème constitutionnel.

Vous avez fait allusion au droit du sol en parlant d'un statut d'extraterritorialité de l'hôpital. J'aimerais donc que vous alliez plus loin.

Cela étant dit, si je peux me permettre de donner mon point de vue, le fait que l'hôpital soit établi sur une base extraterritoriale changera-t-il véritablement les choses à partir du moment où l'on a bien vu que les gens inscrivaient leurs enfants à l'école à Saint-Laurent du Maroni et que l'obligation de les scolariser faisait que, de toute manière, vous étiez amené à construire des classes et à en supporter la charge ? Si les enfants naissent à l'hôpital de Saint-Laurent du Maroni, que celui-ci soit français ou extraterritorial, je pense que cela ne changera pas grand-chose par rapport au fait qu'ils sont sur place.

Avez-vous un avis sur une réforme éventuelle du droit du sol et, si je peux pousser plus loin ma question, pensez-vous qu'il est judicieux de dissocier la problématique de l'outre-mer de la problématique de la métropole ?

Si je pose la question, c'est parce que nous avons bien vu, en allant à Saint-Martin, sur un territoire beaucoup plus petit, que la problématique de l'hôpital et des naissances était exactement la même, puisque, côté français, il y a un hôpital public qui accueille tout le monde alors que, côté hollandais, il y a une clinique privée qui ne reçoit que les gens qui ont les moyens de payer. Le résultat est exactement le même qu'avec l'hôpital d'Albina : tout le monde vient accoucher côté français !

En Guadeloupe, nous avons vu aussi que la problématique des naissances se posait sur le territoire. J'irai même jusqu'à dire qu'en métropole, on s'aperçoit que certaines femmes en situation irrégulière font tout ce qu'elles peuvent pour avoir un enfant sur le territoire, pensant ainsi retarder ou empêcher une éventuelle expulsion. Par rapport au droit du sol, pensez-vous qu'il est judicieux de distinguer la métropole de l'outre-mer et de faire deux lois, puisque c'est sans doute vers cela que nous nous dirigeons : une loi pour la métropole et, dans un deuxième temps, une loi pour l'outre-mer ?

M. Léon Bertrand.- Il est vrai que, pour répondre à la première partie de votre question, l'extraterritorialité apparaît comme ayant maintenant des effets très ténus par rapport à l'objectif recherché. Finalement, si les enfants restent sur place, nous avons l'obligation de les scolariser, il faut régulariser les parents un jour et on retombe dans le même système.

Cela dit, si un enfant naît directement sur le sol français, pour ses parents, le fait même de le savoir est un signal très fort qui est donné, même si, en fin de compte, les résultats sont les mêmes. C'est pourquoi la notion d'extraterritorialité avait pour moi une valeur symbolique très forte. En effet, ce n'est pas parce qu'on naît en France que l'on sera nécessairement Français un jour. Pour beaucoup, être français est un processus commercial intéressant. C'est pourquoi l'idée de l'extraterritorialité me paraît tout à fait utile.

Quant à ce débat sur le droit du sol, il est vrai que nous ne sommes pas dans la situation de Mayotte, dans la mesure où nous sommes bien insérés en tant que département français, mais il est vrai aussi qu'il faut tenir compte de notre situation juridique. Je me demande donc si on n'aurait pas intérêt à dissocier les deux, en ayant une loi qui serait applicable en métropole et en pensant à une chose particulière pour la Guyane.

C'est la raison pour laquelle j'évoquais tout à l'heure la Constitution qui permet de mettre en avant le droit à l'expérimentation. Je ne sais pas jusqu'où on peut aller à partir de là, mais on pourrait peut-être trouver une solution pour prendre en compte ce problème même si nous sommes à la limite de l'inconstitutionnalité. Vous voyez jusqu'où je vais. Tant que l'on essaiera de trouver des solutions avec les mêmes règles et la même vision, on n'y parviendra jamais. A mon avis, il faut donc dissocier les deux éléments.

M. Georges Othily, président.- Sur l'extraterritorialité, il se pose un problème d'ordre constitutionnel, encore que le fait que l'enfant soit né sur un site extraterritorial donne la possibilité de le reconduire, lui et sa mère, à la frontière, alors que, s'il est né sur le territoire français, il y a comme une impossibilité. C'est la seule nuance que l'on peut apporter dans ce débat.

M. Philippe Dallier.- Si je peux me permettre d'ajouter un point, monsieur le président, on voit bien -c'est la géographie qui parle- que l'on aura beau reconduire quelqu'un a la frontière, il retraversera le Maroni le lendemain. Nous avons vu combien il était difficile d'arriver à contrôler cette frontière qu'est le fleuve, les gens ayant pris de tout temps l'habitude de passer d'un côté et de l'autre. Il y a là une difficulté propre à la géographie. Je pense donc que cela n'empêchera pas la mère de revenir le lendemain et de demander l'inscription à l'école par un biais ou un autre.

Nous avons constaté que, là aussi, il y avait un certain nombre de trafics que l'on a du mal à imaginer si on ne les voit pas sur place. On nous a ainsi expliqué que des parents surinamiens vivaient au Surinam et que leurs enfants, eux, étaient confiés à des gens en Guyane pour les inscrire à l'école, ce qui leur permettait de toucher des prestations sociales en Guyane. C'est une situation absolument inadmissible et inacceptable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.- Le fait d'inscrire les enfants automatiquement dans les écoles, sur lequel personne ne fait d'observations particulières, ne génère-t-il pas des difficultés avec les Guyanais eux-mêmes ?

Dans quelle attitude sont les habitants français de Saint-Laurent du Maroni qui voient se construire des écoles dans lesquelles sont accueillis des enfants étrangers -principe sur lequel on ne discute pas- mais qui peuvent éventuellement occuper des places qu'eux-mêmes n'ont pas ?

M. Léon Bertrand.- La scolarisation de ces enfants suscite effectivement de fréquentes difficultés, certains parents d'enfants guyanais pouvant mal réagir.

M. Georges Othily, président.- Dans le cadre de la construction scolaire, l'Etat apporte-t-il une contribution à la ville de Saint-Laurent, comme cela se fait pour les communes du fleuve ?

M. Léon Bertrand.- Oui. Nous recevons une contribution, mais elle a tendance à décliner, et elle arrive avec tant de retard que cela nous pose parfois énormément de problèmes. Le problème n'est pas tellement de trouver l'aide à l'investissement ; il se pose surtout pour le fonctionnement. En effet, lorsqu'on crée une école maternelle de douze classes, il faut des postes d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et d'agents de services : ce sont des charges pérennes dans le budget de la commune, et c'est surtout cela qui nous pose problème.

Je ne parle même pas des moyens de financement que nous devons trouver pour entretenir les écoles. Aujourd'hui, nous n'avons plus de moyens pour entretenir les écoles que nous avons construites il y a cinq ou six ans. Pour l'instant, nous utilisons au maximum tous les dispositifs aidés, c'est-à-dire les CES, les CEC et les contrats d'avenir, mais nous sentons bien que cela n'est pas suffisant.

J'ai eu une grève il y a un mois à la mairie de Saint-Laurent du Maroni organisée par des personnes qui arrivaient à la fin d'un contrat CEC, ce qu'elles ne peuvent pas comprendre alors qu'elles sont là depuis cinq ans. Nous en arrivons vraiment à des impasses qui nous empêchent de gérer correctement une ville. Quand tous les financements partent pour le personnel ou la construction d'une école, il est clair que la ville finit par dépérir parce que d'autres secteurs tout aussi prioritaires ne peuvent pas obtenir les réponses qu'il faudrait.

M. Bernard Frimat.- On voit bien qu'il y a un problème structurel de ressources financières pour les différentes communes de Guyane qui est posé de manière très nette en raison du décalage entre population officielle et population réelle.

Cela dit, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur votre sentiment concernant l'accroissement de reconduite à la frontière, qui est un objectif qu'avance souvent le ministre de l'intérieur. Ne pensez-vous pas que, comme le disait Philippe Dallier sur l'exemple guyanais, si on demandait aux gendarmes d'atteindre des objectifs supérieurs de reconduite à la frontière, ils pourraient les obtenir relativement facilement ? On nous a indiqué qu'en France, une reconduite à la frontière sur cinq se passe dans le secteur de Saint-Laurent du Maroni. Cela pose un autre problème depuis 1993 : l'existence du caractère non suspensif au recours contre cet acte administratif.

Ne pensez-vous pas que, treize ans après, à la fois le caractère non suspensif de la reconduite et la facilité de réintroduction sur le territoire national montrent que cela ne constitue pas du tout un élément de solution et que, même si on peut tenir tous les discours du monde sur l'augmentation du nombre de reconduites à la frontière en mobilisant des moyens énormes sur cet aspect, nous sommes en droit de nous demander si on ne pourrait pas mettre ces moyens sur d'autres idées pour régler le problème ?

Je ne vous dis pas qu'il faut laisser l'immigration se développer de manière clandestine : là n'est pas mon propos. Pour autant, nous constatons un certain décalage entre les efforts et la mobilisation des personnes auxquelles on demande, si vous me permettez cette image, de vider la mer avec une petite cuiller, et le résultat qu'elles obtiennent. Il leur faudra beaucoup de temps et on peut être relativement sceptique sur le résultat.

M. Léon Bertrand.- Nous sentons bien que nous transportons de l'eau avec un panier percé. En même temps, si cela ne se faisait pas, nous ressentirions immédiatement un regain d'insécurité. Ce n'est évidemment pas la bonne réponse, mais, pour l'instant, c'est la seule. C'est pourquoi j'évoquais tout à l'heure tout un panel de possibilités entre la coopération et les moyens touchant aux allocations familiales. Il y a tout un panel de mesures à mettre en place ensemble, mais, pour l'instant, on ne fait que des reconduites qui, à mon avis, n'ont pas de pertinence. En général, ce sont les mêmes personnes que l'on reconduit et, souvent, celui qui est reconduit revient beaucoup plus vite en Guyane que ses accompagnateurs.

M. Georges Othily, président.- Monsieur le maire, quelle organisation préconisiez-vous à l'ouest de la Guyane pour essayer de réguler le flux migratoire ? Faut-il créer un centre de rétention administrative à Saint-Laurent ? Faut-il créer un tribunal de grande instance ou une chambre détachée ? Faut-il un commissariat de police, puisque vous avez plus de 30.000 habitants, ce qui me semblerait répondre au droit et à la pratique ? Enfin, faut-il avoir la possibilité de détruire le matériel de celui qui transporte un immigré qui serait en situation irrégulière ? Ces dispositifs ne pourraient-ils pas convenir à Saint-Laurent ?

M. Léon Bertrand.- Nous sommes dans une telle situation que toutes ces mesures paraissent nécessaires. Il faut en effet renforcer les effectifs de la police nationale, notamment avec la création d'un commissariat, mais il faut voir cela dans le détail, parce que je crois savoir que, lorsqu'un commissariat est implanté, on n'a pas en même temps, sur le même périmètre, l'action de la gendarmerie. Cela dit, les gendarmes sont sur le terrain, un peu partout et à toute heure, ce qui n'est pas forcément le cas de la police nationale. C'est la raison pour laquelle, jusqu'à présent, j'ai toujours opté pour la présence de la gendarmerie sur le terrain.

Quant aux autres propositions, il serait bon en effet d'avoir un centre de rétention administrative à Saint-Laurent du Maroni, de même qu'un tribunal de grande instance, pour pouvoir sentir une manifestation de l'autorité de l'Etat sur le terrain même.

M. Georges Othily, président.- Je n'ai pas parlé de la construction d'une prison.

M. Léon Bertrand.- Cela va de soi. Toutes ces propositions me conviennent si on arrive véritablement à les mettre en pratique. En l'occurrence, nous raisonnons sur les étrangers en situation irrégulière déjà présents sur le terrain. Pour ma part, j'ai envie d'aller plus loin, c'est-à-dire à la source, pour voir comment juguler les flux. C'est pourquoi je disais qu'il valait mieux travailler de toutes les façons possibles en luttant contre l'attractivité de la Guyane par rapport au public que nous attirons. C'est pourquoi j'évoquais la possibilité de l'extraterritorialité ou de trouver des moyens pour que les allocations familiales ne soient pas données aussi facilement, ce qui suppose des contrôles beaucoup plus sérieux avec les caisses d'allocations familiales.

Il faut vraiment aller à la source pour combattre cela et mettre en place de véritables conditions de coopération avec des pays comme le Surinam, le Guyana et le Brésil, en jouant donnant-donnant avec eux. Beaucoup de pays comme le Surinam bénéficient aussi des fonds européens en tant que pays tiers. Il faudrait peut-être trouver des passerelles pour négocier des aides dans le cadre d'une politique qu'ils auraient enfin vis-à-vis de leurs propres ressortissants au lieu de s'en débarrasser.

M. Georges Othily, président.- Monsieur le ministre, nous vous remercions. Nous allons tenir compte des propositions que vous nous faites et essayer de proposer des solutions ou des pistes d'évolution qui permettront au gouvernement ou aux parlementaires eux-mêmes de présenter des dispositifs législatifs.

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