Audition de M. Patrick
MINDU,
président du tribunal administratif de
Paris
(15 mars 2006)
Présidence de M. Bernard FRIMAT, vice-président
M. Bernard Frimat, président .- Monsieur le président, vous allez être entendu par notre commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine.
Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Patrick Mindu prête serment.
M. Bernard Frimat, président .- Acte est pris de votre serment. Je vais vous demander de commencer par un exposé liminaire, à l'issue duquel le rapporteur et mes collègues vous poseront quelques questions.
M. Patrick Mindu .- Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que l'ensemble de la commission, d'avoir songé à auditionner un représentant de la juridiction administrative. Soyez sûr que j'y suis tout à fait sensible. Puisque vous me demandez de me livrer à un exposé préliminaire, je vais le faire bien volontiers en espérant ne pas être trop long.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, dans l'esprit du juge administratif, l'immigration clandestine est essentiellement synonyme de contentieux de la reconduite à la frontière. Sans doute le juge administratif connaît-il, au titre de l'immigration, d'un contentieux bien plus vaste, qui englobe notamment d'autres litiges, en masse très importante, qui touchent aux refus de titres de séjour ou, à un moindre titre, à des mesures d'expulsion, mais c'est bien sous la forme des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF), qui ont d'ailleurs un lien étroit avec les refus de titre de séjour (RTS), que la répression de l'immigration clandestine fait débat devant le juge administratif. C'est donc, si vous me le permettez, l'impact de ce contentieux sur l'activité des juridictions que je me propose d'aborder dans ce propos liminaire avant de répondre aux questions plus précises que vous souhaiterez sans doute me poser.
La réflexion première qui me vient à l'esprit (je sais qu'elle est partagée par nombre de mes collègues, du moins par tous ceux qui, comme moi, affichent une certaine ancienneté dans le corps des tribunaux administratifs), c'est que l'immigration clandestine a profondément affecté l'office du juge administratif au cours des dernières années. Je devrais sans doute dire qu'elle a même profondément affecté la vie des juridictions, à telle enseigne sans doute que ceux qui, au sein de la juridiction administrative, à la fin des années 1980, revendiquaient la compétence de cette dernière pour connaître du contentieux des APRF alors que le législateur venait de décider de confier l'examen de ces recours au président du tribunal de grande instance, ne manifesteraient sans doute pas aujourd'hui la même détermination.
Quoi qu'il en soit, le juge administratif est aujourd'hui devenu, de par la volonté du législateur, un acteur essentiel de la politique de lutte contre l'immigration clandestine. Il est, avec d'ailleurs le juge judiciaire, placé au coeur du dispositif législatif et réglementaire qui a été mis en place depuis plusieurs années.
Cette fonction, relativement discrète dans les années qui ont suivi le vote de la loi de juillet 1989, est aujourd'hui on ne peut plus visible. La politique volontariste de lutte contre l'immigration clandestine qui a été mise en oeuvre depuis la fin de l'année 2003 s'est en effet traduite par une très forte augmentation des arrêtés de reconduite et, mécaniquement, par une multiplication des recours devant les tribunaux administratifs.
Le contentieux des reconduites à la frontière a désormais toutes les caractéristiques d'un contentieux de masse auxquelles les juridictions du premier degré, mais aussi les cours administratives d'appel depuis le 1 er janvier 2005, sont cependant très inégalement exposées.
Quelques chiffres permettent de mesurer l'ampleur du phénomène. En 2004, pour ne pas remonter plus loin, ce sont 16.952 requêtes qui ont été enregistrées devant les tribunaux métropolitains et, en 2005, 17.921. Cependant, il n'y a bien sûr rien de commun entre l'impact de ce contentieux sur l'activité des tribunaux administratifs tels que celui de Bastia ou de Limoges, qui ont enregistré à peine quelques dizaines de recours durant ces mêmes années, et le tribunal administratif de Paris ou celui de Cergy-Pontoise auxquels ont été soumises 6.000 et 1.975 requêtes concernant des APRF en 2004 et 4.826 et 2.412 en 2005. Ces deux dernières juridictions totalisent à elle deux près de la moitié des affaires dont les juridictions métropolitaines ont été saisies à ce titre en 2004 et 40 % en 2005.
Les cours administratives d'appel ont elles-mêmes dû faire face, depuis le 1 er janvier 2005, date à laquelle ce contentieux leur a été transféré par le Conseil d'Etat, à 5.002 requêtes (ce sont des chiffres que je tiens du Conseil d'Etat qui me les a livrés hier), le tout correspondant à un taux d'appel de l'ordre de 25 %. Je précise que 20.401 affaires ont été jugées en métropole en 2005.
Enfin, il n'est pas sans intérêt de noter que, contrairement, à une idée reçue, le taux d'annulation des APRF reste assez faible, de l'ordre de 15 %, au tribunal administratif de Paris. J'ignore quelle est la moyenne au plan national, mais au tribunal administratif de Paris, qui est, encore une fois, celui qui gère le contentieux le plus volumineux à ce titre, ce sont environ 15 % des décisions préfectorales, c'est-à-dire du préfet de police en l'occurrence, qui tombent sous le coup d'une annulation.
On observe aussi de manière plus générale que le contentieux des étrangers, dans son ensemble cette fois, représente désormais plus du quart des affaires qui entrent chaque année dans les tribunaux administratifs. En gros, ce sont les APRF et les refus de titre de séjour, trois tribunaux (Paris, Cergy-Pontoise et Marseille) totalisant à eux seuls la moitié des affaires jugées.
Le tribunal administratif de Paris, quant à lui, a enregistré 10.312 requêtes concernant les étrangers en 2005 sur un volume global d'entrées d'à peine plus de 20.000 requêtes. Autrement dit, 51 % des affaires nouvelles qui sont entrées devant le tribunal administratif de Paris l'an dernier sont des requêtes émanant d'étrangers qui, soit ont fait l'objet d'un APRF, soit se sont vu refuser un titre de séjour. La création par la loi du 30 juin 2000 du référé suspension et du référé liberté n'a d'ailleurs fait qu'amplifier le phénomène.
C'est donc à une véritable explosion du contentieux des étrangers que l'on assiste aujourd'hui. S'agissant plus spécialement du contentieux de la reconduite, cette situation est pour une large part imputable à la pratique de la notification des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière par voie postale. On sait qu'à côté de la notification par voie administrative, qui concerne généralement des étrangers qui sont en rétention administrative (cela peut être au dépôt qui se trouve non loin d'ici ou au centre de rétention de Vincennes), lesquels disposent d'un délai de 48 heures pour contester devant le juge l'arrêté qui les concerne, il existe en effet une notification par voie postale.
L'administration qui retient un étranger en situation irrégulière peut, sous réserve des obstacles d'ordre pratique auxquels elle peut se heurter, mettre immédiatement à exécution l'arrêté de reconduite qui le frappe si le recours dirigé contre cette décision est rejeté, le jugement intervenant en principe dans un délai de 48 ou de 72 heures. Elle dispose bien évidemment du même pouvoir pour donner son plein effet à un APRF notifié par voie postale et contesté sans succès devant le juge. En pratique, elle s'abstient, sauf cas exceptionnel (1 % des APRF en cause), de prendre toute mesure d'exécution de la mesure d'éloignement qui supposerait en règle générale une interpellation de l'étranger à son domicile. Par conséquent, environ 80 % des APRF étant notifiés par voie postale, ce sont autant de décisions qui demeurent inexécutées.
Outre que la gestion de ce contentieux des reconduites obère gravement l'organisation et le fonctionnement sinon de toutes les juridictions, du moins de celles d'entre elles qui sont les plus exposées, on peut aisément comprendre dans ces conditions que le juge administratif (pour ne parler que de lui, mais on pourrait évoquer également les services des préfectures et, à Paris, de la préfecture de police) nourrisse parfois de légitimes interrogations sur l'utilité du travail accompli au regard des réels enjeux en cause. A tout le moins conviendrait-il sans doute que, pour assurer le traitement d'un tel contentieux de masse, soient mis en place de nouveaux outils procéduraux mieux adaptés que ceux qui existent actuellement, permettant, bien sûr dans le respect des garanties fondamentales qui sont dues aux justiciables, d'alléger la charge des juridictions et à ces dernières de retrouver leur entière capacité de mobilisation sur les autres contentieux dont elles sont saisies.
Le projet de loi qui sera bientôt débattu devant le Parlement tente d'apporter, semble-t-il, une réponse à cette problématique en couplant les refus de titres de séjour avec l'obligation -et non plus l'invitation- faite à l'étranger concerné de quitter le territoire national en principe dans un délai d'un mois, comme tel est déjà le cas aujourd'hui.
Au-delà des politiques publiques qui sont mises en oeuvre pour lutter contre l'immigration clandestine, ce sont aussi l'extrême complexité du droit applicable, qui relève du maquis juridique, et la richesse des potentialités qu'il renferme et dont les étrangers ont souvent une connaissance approfondie qui alimentent le contentieux. Tel est en particulier le cas, très fréquent en pratique, lorsqu'un APRF fait suite à un refus de titre de séjour et qu'à l'occasion du recours dirigé contre l'APRF, l'étranger invoque, par voie d'exception (pardonnez-moi ce langage un peu technique, mais il est juridique), l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a servi de fondement.
Il y a là, vous l'aurez compris, une source inépuisable de contentieux qui, généralement, s'organise autour de quelques dispositions phares de l'ordonnance du 2 novembre 1945, aujourd'hui intégrée dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sont ici plus spécialement visés les alinéas 3, 7 et 11 de l'ex-article 12 bis de l'ordonnance de 1945 (devenu l'article L. 313-11 du CESEDA) qui consacrent le droit pour les étrangers entrant dans le champ d'application de ces textes d'obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils se trouvent en situation irrégulière. Peuvent ainsi se prévaloir de ces dispositions les étrangers qui justifient de résider en France habituellement depuis plus de dix ans (c'est l'alinéa 3 de cet article 12 bis, cette disposition -soit dit en passant- consacrant une véritable prime à la clandestinité, comme nous en sommes les témoins quotidiens en tant que juges administratifs) ; ceux en second lieu qui justifient en France de liens familiaux et personnels tels qu'un refus de séjour porterait atteinte de manière excessive à leur droit à une vie familiale normale (c'est l'alinéa 7), cette disposition étant reprise de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; et, enfin, ceux dont l'état de santé appelle des soins indispensables qu'ils ne pourraient en principe recevoir dans leur pays d'origine (c'est l'alinéa 11).
La jurisprudence a déduit de ces dispositions protectrices qu'un étranger en situation irrégulière qui répond à l'une de ces situations ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Dès lors, c'est à un véritable marathon, d'ordre administratif d'abord, d'ordre judiciaire ensuite, que se livrent nombre d'étrangers qui présentent successivement plusieurs demandes de titre de séjour sur ces différents fondements pour tenter de régulariser leur situation et d'échapper ainsi à une mesure de reconduite.
En particulier, il est devenu de plus en plus fréquent qu'un étranger n'ayant pu faire reconnaître ses droits au titre de l'article 8 de la convention européenne (article 12 bis de l'ordonnance) tente pour ultime recours de se prévaloir de son état de santé pour demeurer en France. Sans m'étendre, je dirai simplement que, dans ce dernier cas, l'administration offre actuellement une vulnérabilité toute particulière à laquelle, fort heureusement sans doute, la création récente d'une commission médicale, chargée le cas échéant d'examiner le demandeur, tente de remédier. C'est un décret qui est paru au Journal Officiel le 27 ou le 28 février dernier.
C'est principalement au travers de ces quelques dispositions que le juge administratif participe à la gestion de l'immigration clandestine. En pratique, son rôle ne s'arrête pas au contrôle de la légalité des décisions d'éloignement qui lui sont soumises. Sa mission s'étend encore, lorsque, du moins, il prononce l'annulation d'un APRF, au suivi de l'exécution de son jugement, quand il est saisi par un étranger qui se heurte à l'inertie, voire au mauvais vouloir de l'administration d'une demande en ce sens. La préfecture de police, malheureusement, probablement débordée par ses tâches quotidiennes, n'offre pas toujours l'exemple d'une administration parfaitement respectueuse de la chose jugée.
Important en volume au point d'occuper une part essentielle de l'activité de certaines juridictions, le contentieux de la reconduite à la frontière reste afin perçu par le juge administratif comme étant particulièrement exigeant en termes de gestion et de traitement. C'est par quelques brèves observations sur ce point que je voudrais terminer.
Délicat, ce contentieux l'est d'abord parce que le juge de la reconduite statue dans l'urgence (72 heures), et parfois même dans l'extrême urgence, du moins pour les arrêtés qui frappent des étrangers en rétention administrative sur des affaires qui touchent très directement aux libertés individuelles.
Difficile, l'exercice de juger l'est encore, dans la mesure où ce contentieux réserve à l'oralité une part prépondérante et que les enjeux juridiques du litige n'apparaissent réellement qu'au cours des débats à l'audience, les requêtes introductives se caractérisant très fréquemment par leur inconsistance, pour ne pas dire par leur indigence ou un caractère parfaitement stéréotypé. Il s'ajoute la circonstance que l'administration elle-même s'abstient parfois de défendre ou, lorsqu'elle le fait, se contente de défendre à l'audience par quelques observations orales.
Inconfortable, enfin, la situation du magistrat statuant seul l'est encore puisqu'il statue sans même le double examen d'un commissaire du Gouvernement. Elle l'est aussi en raison du climat souvent tendu dans lequel se déroulent les audiences de reconduite, en présence d'associations ou de comités de soutien très actifs, parfois virulents, d'avocats très spécialisés et pertinents dans leurs démonstrations, le tout sous le regard souvent attentif des médias. Je n'évoque même pas ici les drames humains auxquels le juge administratif, bien malgré lui, contribue en cas de rejet des recours qui ont été portés devant lui.
Tel est l'aperçu très général et, par conséquent, nécessairement incomplet, du rôle qui est aujourd'hui dévolu au juge administratif en matière d'immigration clandestine et du contrôle qu'il exerce sur les mesures d'éloignement qui sont soumises à son appréciation. Ce sont ces quelques éléments très concrets que je souhaitais porter à votre connaissance et ce panorama que je souhaitais dresser devant vous avant de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
M. Bernard Frimat, président .- Merci, monsieur le président.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- J'ai trois questions à vous poser, monsieur le président.
Premièrement, on a suggéré à la commission de supprimer purement et simplement la notification par voie postale compte tenu du peu d'efficacité de celle-ci. Votre point de vue sur ce sujet nous intéresse.
Deuxièmement, d'autres ont suggéré de supprimer le partage actuel du contentieux entre le juge administratif et le juge judiciaire afin que le juge judiciaire soit compétent sur l'intégralité de la procédure. J'ai cru comprendre que c'était pertinent pour un certain nombre de vos collègues, mais votre avis sur ce point est également sollicité.
Je constate par ailleurs que les tribunaux administratifs les plus concernés restent les tribunaux parisiens et ceux des régions Rhône-Alpes et de Marseille.
M. Patrick Mindu .- Tout à fait. On peut y ajouter ceux de Cergy-Pontoise, Melun et Versailles, c'est-à-dire quelques grosses juridictions.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Ma dernière question porte sur le recours de plus en plus fréquent aux dispositions de l'article L. 313-11-11° du CESEDA sur l'état de santé. Comment faire pour rendre compatibles les délais qu'imposent la procédure et la connaissance réelle de la situation médicale du requérant ? C'est sur ce point que je souhaite avoir des éclaircissements.
M. Patrick Mindu .- Je vais essayer de vous les apporter. Si vous me le permettez, je vais tenter de répondre d'abord à votre deuxième question parce qu'elle me semble appeler une réponse d'ores et déjà connue.
A la fin des années 1980, le législateur a effectivement souhaité confier au juge judiciaire la connaissance du contentieux des APRF. Cette disposition de la loi de juillet 1989 a été contestée devant le Conseil constitutionnel qui y a vu une atteinte au principe de séparation des pouvoirs, de sorte qu'aujourd'hui, on peut penser que ce qu'avait décidé le Conseil constitutionnel il y a une quinzaine d'années serait à nouveau consacré. Nous sommes là en présence de mesures et d'actes administratifs qui sont l'expression de prérogatives de puissance publique et qui échappent par nature au contrôle du juge judiciaire. Je crains donc que le débat ne puisse rebondir sur ce terrain.
Maintenant, quand je dis que les juges administratifs qui, en 1989, ont revendiqué ce droit à contrôler les APRF seraient sans doute aujourd'hui moins enclins à le faire, c'est parce que nous nous rendons bien compte que le volume des affaires qui nous sont soumises aujourd'hui nous accapare et nous mobilise parfois au-delà de ce qui est raisonnable, au détriment de l'ensemble du contentieux que, par ailleurs, nous devons traiter.
C'est une remarque que je fais en termes d'opportunité, mais, sur le terrain juridique, je pense que la question est probablement définitivement résolue.
S'agissant des APRF qui sont notifiés par voie postale, il est vrai que la juridiction administrative a, depuis plusieurs mois maintenant, tenté de convaincre le ministère de l'intérieur, ces formes de notification débouchant sur des décisions dont l'effectivité n'est pas assurée, qu'il serait peut-être opportun d'abandonner cette pratique. Le ministère de l'intérieur, sans avoir d'objection de principe à proprement parler, a souhaité malgré tout conserver la possibilité de garder dans un fichier national l'identité des étrangers dont on savait qu'ils étaient en situation irrégulière.
Il fallait réaliser le compromis entre le souhait de la juridiction administrative et les intérêts du ministère de l'intérieur. Je pense que le projet de loi qui a été élaboré par le ministère de l'intérieur tente de répondre assez intelligemment à cette problématique. En effet, le texte dont nous avons aujourd'hui connaissance tente, me semble-t-il, de prononcer la suppression des voies postales en couplant le refus de titre de séjour avec une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et, au surplus, avec l'indication du pays de renvoi. En d'autres termes, nous aurions désormais des refus de séjour et des décisions qui seraient à triple objet : refus du titre, obligation de quitter le territoire et identification du pays de destination.
L'étranger qui souhaite contester cette décision peut le faire à différents titres. Il peut simplement contester le refus de titre. Il peut surtout contester l'obligation de quitter le territoire qui est une espèce de succédané d'arrêté de reconduite, comme on le comprend bien : ce qui était autrefois une invitation qui ne pouvait pas être contestée devant le juge peut désormais l'être au terme de ce projet de texte.
La contestation de l'obligation de quitter le territoire sera généralement accompagnée d'une contestation du refus de titre lui-même, de sorte que cette disposition globale permettrait, grâce à une simplification des textes, de conduire le juge à statuer simultanément sur le refus de titre et sur l'obligation de quitter le territoire.
On conçoit bien qu'il y a là, du point de vue du juge administratif, une économie d'échelle particulièrement intéressante. Dès lors que les voies postales font en général suite à un refus de titre de séjour, nous aurions apparemment -on le comprend- résolu le problème puisque l'obligation de quitter le territoire se substituerait fort logiquement à la voie postale, l'objectif étant aujourd'hui de réunir plusieurs contentieux en un seul.
Le juge de la reconduite sera désormais celui de l'obligation de quitter le territoire en même temps que le juge du refus de titre de séjour. Il y a là, semble-t-il, un effort de simplification qui, encore une fois, devrait à l'avenir permettre de faire l'économie des notifications par voie postale. Par conséquent, les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière stricto sensu ne devraient plus guère concerner en principe que les étrangers qui sont en rétention administrative. Tel est, du moins, ce que j'ai cru comprendre de la philosophie du texte.
Je pense donc que le texte répond de manière assez pertinente à la fois à nos préoccupations et, bien entendu, à celles du ministère de l'intérieur qui pourra, grâce à ces refus de titre assortis d'une notification de quitter le territoire, continuer à disposer de l'identité des étrangers en situation irrégulière dans son fichier national.
Concernant votre question sur les juridictions les plus exposées, comme je vous l'ai dit à l'instant, on peut citer en premier lieu les juridictions parisiennes : le tribunal de Paris et le tribunal de Cergy-Pontoise, qui a dans son ressort la Seine-Saint-Denis et aussi les aéroports, avec tous les contentieux qui peuvent naître des étrangers qui se trouvent en zone d'attente. Le tribunal administratif de Paris n'en connaît pas parce que l'aéroport Charles de Gaulle n'est pas de son ressort. Le tribunal de Paris est le seul tribunal départemental à n'avoir dans son ressort qu'un département : celui de Paris.
Ces deux juridictions sont donc principalement exposées. Au-delà, ce que vous disiez est tout à fait juste : on peut citer les tribunaux des grandes métropoles : Marseille, Lyon et également Lille, qui est relativement exposé du fait de la proximité des frontières. Ce sont ces juridictions qui sont les plus exposées quant au flux des entrées et qui consacrent par conséquent une activité essentielle au jugement de ces recours, en particulier depuis 2003, même si, avant 2003, le phénomène, bien qu'étant de moindre ampleur, conduisait déjà ces mêmes juridictions à consacrer un temps non négligeable aux contentieux des reconduites à la frontière et aux contentieux des étrangers de façon plus générale.
Il me reste, monsieur le sénateur, à répondre à la question que vous m'avez posée sur l'application de l'alinéa 11 de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 qui est aujourd'hui codifiée sous l'article L. 313-11-11° du CESEDA. Comme je l'ai indiqué à l'instant, l'administration, lorsqu'elle fait application de ce texte, se trouve bien souvent dans une position très vulnérable et je vais vous décrire la situation en deux mots.
Lorsqu'un étranger sollicite un titre de séjour sur le fondement de ce texte, souvent en dernier recours (il n'a pas pu faire reconnaître les liens familiaux et personnels qu'il avait en France ni sa présence habituelle et permanente en France durant dix ans), il tente de s'emparer des dispositions de l'alinéa 11, en faisant valoir que, d'une part, son état de santé exige des soins sans lesquels celui-ci pourrait se dégrader de manière grave (c'est l'une des premières conditions contenues dans le texte à l'octroi d'un titre de séjour) et, d'autre part, ces soins qui lui sont indispensables ne pourront pas lui être dispensés dans son pays d'origine. Ce sont les deux conditions qui doivent être réunies cumulativement. Dès lors qu'elles le sont, le préfet est tenu de délivrer de plein droit un titre de séjour à l'étranger qui se prévaut de ces dispositions.
En pratique, quelle est la situation très concrète ? Lorsque l'étranger qui se prévaut de ces textes se présente devant les services de la préfecture, lesdits services vont, avant que le préfet se prononce, interroger le médecin inspecteur de la préfecture ou, ici, à Paris, le médecin-chef de la préfecture de police. Celui-ci, très généralement, reconnaît, compte tenu des certificats médicaux que produit l'intéressé, que son état exige des soins d'une certaine lourdeur sans lesquels cet état de santé se dégraderait de façon probablement définitive.
En revanche, de manière assez générale -telle est du moins la politique du médecin chef de la préfecture de police-, celui-ci considère que l'étranger, compte tenu de l'affection qui le touche, pourra bénéficier normalement dans son pays d'origine vers lequel il va être normalement renvoyé des soins qui lui sont indispensables. Tout le débat porte à l'heure actuelle sur ce sujet. Il porte moins sur les soins qu'appelle l'état de santé de l'intéressé que sur les soins dont il pourrait bénéficier dans son pays d'origine.
C'est ainsi que nous voyons, depuis quelques mois, une multiplication des recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux qui, dans un premier temps, refusent le titre, puis qui, dans un deuxième temps reconduisent l'étranger à la frontière en se fondant sur le fait que l'état de santé de l'intéressé, pour autant qu'il exige des soins, ne nécessite pas que l'étranger en question demeure sur le territoire national.
J'ai dit que l'administration est dans une grande vulnérabilité parce qu'elle est prisonnière d'un certain nombre de principes fondamentaux au respect desquels elle est tenue, notamment au respect du secret médical. L'administration affirme devant le juge que, dans quelques hypothèses, l'état de l'intéressé n'exige pas de soins particuliers ou que, lorsque cet état de santé exige des soins, ceux-ci doivent être dispensés dans le pays d'origine. L'administration n'est pas en droit de divulguer les éléments dont elle dispose pour fonder son appréciation, de sorte que l'étranger qui se présente devant le juge administratif à l'effet de contester cette appréciation du médecin-chef n'a guère de difficulté à affirmer que le médecin-chef n'apporte, à l'appui de son appréciation, qui a fondé l'arrêté préfectoral, aucun élément particulier. Le juge en tire fort normalement la conséquence en prononçant l'annulation de la décision.
Devant cette situation qui a donné lieu et qui donne encore lieu à des abus, un décret vient d'être récemment publié au Journal Officiel dans le but de créer une commission médicale dont le médecin inspecteur ou le médecin-chef auprès de la préfecture de police peut demander à recueillir l'avis préalablement à l'opinion qu'il émet lui-même en vue d'éclairer le préfet sur la décision qu'il convient de prendre.
Au travers de cette consultation de la commission médicale, qui pourra entendre et examiner l'étranger qui se prévaut de ces dispositions (le médecin inspecteur peut déjà le faire, mais en pratique, il en va différemment), on peut espérer de l'application de ces dispositions une application plus éclairée et plus éclairante pour le juge des dispositions de l'ex-alinéa 11 de l'article de justice.
J'ajouterai qu'il y a presque des modes dans les tribunaux administratifs. Au cours de l'année 2005, nous avons vu, par exemple, nombre d'étrangers, souvent d'origine maghrébine, algérienne plus encore, qui, s'étant vu opposer un refus de titre de séjour suivi d'un APRF, faisaient état devant le juge de leur état de transsexuel sous traitement et ne pouvant bien évidemment ni interrompre ce traitement, ni le recevoir dans leur pays d'origine. Vous concevez bien que l'administration, en pareille situation, se trouve placée dans une situation tout à fait inconfortable.
Je dis que c'est une mode, parce que ce sont des requêtes que nous avons enregistrées pendant quelques mois et que nous n'en avons plus aujourd'hui.
Pardonnez-moi d'avoir été aussi long.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Je voudrais simplement réagir à ce que vous avez dit en allant dans le même sens. Vous avez en effet parlé de la reconnaissance de la maladie en disant qu'il y avait un besoin de soins et que ces soins pouvaient être donnés dans le pays d'origine. Je me pose donc la question suivante : les conditions dont lesquelles ces soins peuvent être pris sont-elles prises en compte ?
J'ai eu affaire à une situation à peu près similaire avec les dialyses qui coûtent horriblement cher au Maghreb, sachant qu'il n'existe parfois qu'un centre et qu'il faut donc faire 800 ou 900 kilomètres pour le rejoindre. Les personnes qui habitent par exemple à Agadir doivent monter à Casablanca ou celles qui habitent à Oran doivent aller à Alger, et je répète que cela coûte horriblement cher : une séance de dialyse coûte 1 million de dinars en Algérie, ce qui doit faire environ 10.000 euros. Alors qu'il n'y a pas de sécurité sociale, il faut s'imaginer ce que représentent 10.000 euros.
Le juge prend-il cela en considération, dans la mesure où, certes, il existe une possibilité de se soigner, mais où les conditions d'accéder aux soins sont difficiles ?
M. Patrick Mindu .- Vous touchez du doigt l'une des difficultés majeures auxquelles le juge administratif est confronté au titre du contrôle qu'il exerce sur l'application de cet alinéa 11. En effet, le texte de cet alinéa 11 que nous appliquons n'est pas exempt d'ambiguïté. Il dit très précisément que l'étranger est en droit d'obtenir un titre de séjour si, d'une part, il a besoin de soins adaptés et si, d'autre part, il ne peut pas effectivement recevoir ces soins dans son pays d'origine. Le terme « effectivement », renvoie à deux types d'arguments que vous venez d'évoquer : l'argument financier et l'argument géographique.
Très souvent, nous avons, plutôt de la part de ressortissants d'Afrique noire, un argument qui consiste à dire : « Non seulement, je n'ai pas les moyens financiers de m'offrir les soins que requiert mon état, mais, au surplus, l'hôpital le plus proche est situé à 400 km. »
A l'heure actuelle, il n'y a aucune jurisprudence claire sur le sujet parce que le juge est parvenu à répondre jusqu'à présent aux recours déposés par les étrangers qui se prévalent de cet article 11 sans qu'il ait été nécessaire de définir très exactement la portée de cet « effectivement ». Je ne suis pas en mesure de vous offrir d'autre réponse que celle-là, mais nous sommes véritablement au coeur du sujet.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- On pourrait penser qu'il s'agit d'un abus, mais ce n'est pas le cas du fait d'un manque de moyens.
M. Patrick Mindu .- Bien sûr.
Mme Gisèle Gautier .- Je souhaite vous poser quelques questions, monsieur le président.
Tout d'abord, pouvez-vous me confirmer le pourcentage de 15 % d'annulations d'APRF que vous nous avez indiqué ?
M. Patrick Mindu .- C'est le pourcentage qui correspond au tribunal de Paris, mais je pense qu'il correspond à la moyenne nationale.
Mme Gisèle Gautier .- Vous avez également évoqué la difficulté du magistrat que vous êtes, qui est souvent seul...
M. Patrick Mindu .- Il est toujours seul.
Mme Gisèle Gautier .- ...et dont l'environnement n'est pas toujours favorable, avec des formes de pression qui se manifestent d'une façon ou d'une autre, ce qui est encore un frein à ses possibilités et ses capacités de discernement. J'ajoute que vous disposez finalement de peu de temps pour vous prononcer.
On a vu que le motif invoqué est souvent l'état de santé de la personne, mais, en dehors de ce motif, lorsque vous êtes amené à vous prononcer, quels sont les motifs les plus importants et les plus souvent invoqués et de quels moyens disposez-vous pour juger avec discernement, justesse et justice ?
M. Patrick Mindu .- Pour juger avec discernement, il faudrait pouvoir s'appuyer sur des dossiers suffisamment complets et argumentés tant de la part du requérant que de la part de l'administration défenderesse.
De la part du requérant, c'est très variable. Nous avons des requérants qui sont assistés d'un avocat dans le cadre des commissions d'office auxquelles ils peuvent prétendre, mais nous avons aussi affaire parfois à des avocats spécialisés qui maîtrisent remarquablement la matière, qui sont capables de défendre leurs clients de manière pertinente et efficace et qui, par là même, sont en mesure d'éclairer le juge sur le contexte factuel et juridique de l'affaire.
De l'autre côté, nous avons une administration qui, dans sa défense, est souvent défaillante tout simplement parce qu'elle ne dispose pas des moyens humains lui permettant d'assurer une défense efficace.
Il m'est arrivé de lire récemment que, devant le tribunal de Paris, la préfecture de police ne défendait pas. Ce n'est pas exact. En effet, la préfecture de police défend en recourant souvent aux services d'avocats spécialisés. C'est ainsi que, lorsqu'il est en présence d'avocats compétents, le juge est correctement éclairé. Cela ne permet pas de dire pour autant qu'il statue dans des conditions parfaitement confortables, parce que le contexte dans lequel il statue peut être tout à fait hostile. Il est d'autres hypothèses dans lesquelles la requête est totalement indigente et la défense inexistante.
C'est au cours de l'audience que l'étranger et éventuellement son avocat vont tenter d'apporter au juge quelques éclairages sur l'affaire qui lui est soumise, et c'est à partir de ces éléments, parce que la procédure est ainsi faite, sans complément d'instruction aucun, que le juge va devoir se déterminer.
Dans ces conditions, il n'est pas rare que l'administration, qui, en première instance, a été peu ou prou défaillante dans sa défense et dont la décision a été annulée parce que l'étranger ou son avocat a été plus convaincant et plus persuasif, attende l'appel pour divulguer son argumentation juridique, mais tout cela a un coût dont les deniers publics se passeraient bien.
En toute hypothèse, c'est un contentieux qui est humainement difficile à gérer et qui reste juridiquement délicat parce que, comme vous l'avez dit fort justement, nous statuons dans l'urgence : en 72 heures. Cependant, il faut bien statuer rapidement, l'étranger étant souvent en rétention administrative et ne pouvant pas y être maintenu pendant des semaines. La législation s'y opposerait, la durée maximum étant de 32 jours.
Quand l'étranger est en rétention, il faut qu'au surplus, le juge de la reconduite rende sa décision sur le siège. En d'autres termes, concrètement, le juge de la reconduite tient son audience, il se retire durant le temps qui lui est nécessaire pour arrêter définitivement sa position et, une demi-heure ou trois quarts d'heure après, il revient devant les parties pour leur annoncer le sens du jugement, la décision elle-même étant généralement notifiée 24 ou 48 heures plus tard parce que le magistrat doit quand même se réserver le temps de la rédaction.
Voilà, très concrètement, la pression quotidienne à laquelle sont soumis les juges de la reconduite.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- J'ai encore deux questions à vous poser, monsieur le président, l'une de procédure et l'autre d'analyse.
Tout d'abord, avez-vous de nombreux contentieux portant sur les refus pris par les maires en matière de certificats d'hébergement ? Cela donne-t-il lieu à un contentieux ?
M. Patrick Mindu .- La réponse est clairement non. Nous en avons très peu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Ensuite, à l'exception de la Guyane, où l'appel n'a pas de caractère suspensif, un certain nombre de personnes outre-mer se sont demandées pourquoi cet aspect ne serait pas généralisé sur l'ensemble des juridictions nationales et administratives, en particulier à Mayotte. La question est de savoir si cette suppression ne génèrerait pas un contentieux devant le juge des référés.
M. Patrick Mindu .- La situation est juridiquement assez simple dans ce domaine. Il existe, dans le code de la justice administrative, des dispositions qui reprennent pour partie celles de l'ordonnance de 1945 modifiée et qui concernent les conditions dans lesquelles les arrêtés de reconduite peuvent être contestés devant le juge administratif. Ce texte dispose, comme vous venez de le rappeler, que les recours dirigés contre un APRF sont suspensifs de toute exécution. Autrement dit, l'administration qui passerait outre à ce caractère suspensif commettrait bien entendu une voie de fait.
La jurisprudence en a déduit, qu'il s'agisse du référé-liberté, du référé-injonction ou du référé-suspension, qu'un étranger qui fait l'objet d'un APRF n'était pas recevable à saisir le juge des référés d'une demande de suspension d'un APRF qui était par ailleurs susceptible d'être contesté par la voie d'un recours spécifique. Autrement dit, la procédure prévue par le code de justice administratif en ce qui concerne les APRF est exclusive de toute autre procédure.
M. Bernard Frimat, président .- L'hypothèse dont parlait à l'instant le rapporteur concerne très précisément la Guyane et Saint-Martin, où le recours contre l'APRF n'est pas suspensif. Dans ces conditions, la voie du référé liberté est-elle ouverte et, si c'est le cas, quel est l'intérêt de la mesure dérogatoire ?
M. Patrick Mindu .- Je vous avouerai mon ignorance sur le sujet, mais en raisonnant un peu, je dirai que la procédure est recevable. A partir du moment où le recours contre l'APRF n'est pas suspensif, il me paraîtrait assez logique que le juge des référés puisse être saisi d'une demande de suspension.
L'objection qui est faite à l'heure actuelle par la jurisprudence, c'est qu'on ne peut pas disposer de deux voies de droit pour parvenir au même résultat. Dès lors que, dans les territoires d'outre-mer, la possibilité qui est offerte en métropole d'introduire un recours suspensif n'existe pas, je verrais pour ma part assez bien que cette procédure du référé-suspension soit ouverte aux étrangers, mais, encore une fois, je le dis avec beaucoup de prudence. La question a sûrement été réglée en jurisprudence, mais je n'ai pas beaucoup l'occasion de m'en inquiéter à Paris. En tout cas, ce serait assez logique.
M. Bernard Frimat, président .- Nous profitons de votre éclairage en tant que spécialiste. En effet, si on pousse le raisonnement au bout, comme le recours n'est pas suspensif, si le référé-liberté est un recours qui peut être pratiqué, cela confère un intérêt limité à la mesure dérogatoire qui consiste à rendre le recours non suspensif.
M. Patrick Mindu .- C'est vrai, sauf à aligner le droit applicable à l'outre-mer sur le droit métropolitain.
M. Bernard Frimat, président .- Certes, mais j'ai l'impression que les tentations vont plutôt dans l'autre sens.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- A Mayotte, il n'y a quasiment pas de recours.
M. Patrick Mindu .- Ce n'est pas suspensif.
M. Bernard Frimat, président .- Quand ce n'est pas suspensif, on comprend que cela limite l'intérêt du recours.
M. Patrick Mindu .- Bien sûr.
M. Bernard Frimat, président .- Si l'étranger en situation irrégulière a été reconduit à la frontière et se retrouve au Surinam, l'intérêt du recours est limité, d'autant plus qu'il lui suffit de retraverser le Maroni pour revenir dans la demi-journée qui suit.
M. Patrick Mindu .- L'intérêt du recours est limité à ceci près que, s'il obtient finalement l'annulation dudit arrêté ne fût-ce que quatre ou six mois après son exécution, il peut revenir en toute légalité. Ce n'est donc pas neutre.
La législation est très complexe. La réglementation est faite de strates successives qui sont liées à des évolutions au fil des ans, de sorte que tous les praticiens appelés à l'appliquer aujourd'hui ont parfois quelques difficultés à s'y retrouver.
M. Bernard Frimat, président .- Monsieur le président, il me reste à vous remercier de nous avoir consacré tout ce temps.