2. Permettre à l'Etat d'accueil de contrôler effectivement le respect de la directive

L'un des éléments essentiels de la lutte contre la concurrence déloyale réside dans la capacité des services de contrôle du pays d'accueil à contrôler le respect des garanties reconnues par le droit communautaire aux travailleurs détachés, à commencer par le respect du salaire minimal et du temps de travail.

Or, de ce point de vue, la jurisprudence de la CJCE, interprétée par la Commission européenne, place dans une certaine insécurité juridique les conditions d'accès des Etats d'accueil aux informations. D'une part, si la Commission indique que les possibilités de demande de documents relatifs aux travailleurs détachés doivent être strictement limitées aux besoins du contrôle du respect de la directive -ce qui est normal-, elle les encadre de surcroît par le « principe de proportionnalité », dont on voit mal ici la portée concrète.

D'autre part, s'agissant de la personne chargée de conserver les documents, si la CJCE a posé deux bornes. La première est qu'elle n'autorise qu'au cas par cas les Etats d'accueil à exiger que les documents soient conservés par un représentant domicilié sur leur territoire 69 ( * ) . La seconde consiste en l'acceptation d'un système dans lequel un contremaître de l'entreprise prestataire servirait de lien entre celle-ci et les autorités de l'Etat de détachement, sans autre précision. Entre ces deux situations, sur lesquelles la Cour s'est prononcée, un certain flou demeure.

Afin de sécuriser juridiquement les opérations de contrôle, tant pour les autorités que pour les prestataires, il apparaît nécessaire de préciser le texte de la directive sur ces sujets. En effet, les questions du contrôle des documents relatifs aux travailleurs détachés et de l'identité de la personne chargée de rendre compte aux autorités du pays d'accueil sont des aspects cruciaux de la lutte contre les fraudes et il convient de les abstraire des incertitudes de la jurisprudence.

PROPOSITION N° 3

Valider au niveau européen 70 ( * ) :

- que les documents sociaux à tenir dans l'Etat de détachement doivent permettre de s'assurer de l'application des conditions de travail et d'emploi dont la directive sur le détachement impose le respect, en particulier celles relatives au salaire minimum ;

- que la « personne de contact » de l'entreprise dans l'Etat de détachement doit être dûment mandatée de façon à pouvoir réaliser des actes officiels dans ce pays.

3. Elargir le périmètre de l'évaluation européenne en cours

La démarche d'évaluation du dispositif du détachement engagée par la Commission européenne doit être regardée comme une réelle opportunité. Pour être pleinement profitable, elle ne saurait toutefois se limiter au seul périmètre de la directive 96/71 et devrait aussi porter sur le statut de travailleurs indépendants , dont on sait qu'il peut constituer un moyen de contourner les règles de détachement.

A ce titre, il convient de mentionner la proposition intéressante et ambitieuse formulée dans le récent rapport de la députée européenne allemande Mme Elisabeth Schroedter 71 ( * ) : celle-ci invite la Commission à engager un dialogue avec les Etats membres pour parvenir à une certaine uniformité dans les critères déterminant le statut de travailleur indépendant .

Dans le même esprit, et sans attendre une telle uniformisation, votre commission des affaires économiques estime que la réflexion européenne actuelle sur le système du détachement ne peut faire l'économie d'une évaluation de la question des « faux indépendants ».

PROPOSITION N° 4

Intégrer aux travaux actuellement menés par la Commission européenne :

- une analyse de la façon dont s'effectue le passage du statut de salarié à celui d'indépendant dans les différents Etats-membres ;

- la recherche des critères constitutifs d'abus au statut de travailleurs indépendants ;

- une étude de la possibilité éventuelle de soumettre, dans certains cas 72 ( * ) , des travailleurs indépendants aux dispositions de la directive 96/71.

* 69 CJCE, Ministère public c. Jean-Claude Arblade et autres, affaires jointes C-369/96 et 376/96, arrêt du 23 novembre 1999.

* 70 Au besoin par une modification de la directive 96/71.

* 71 Rapport adopté le 11 septembre 2006 par la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée plénière le 24 octobre.

* 72 Notamment en cas d'abus.

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