2. Des atouts non négligeables

La France peut s'appuyer sur le précédent polynésien et sur des organismes de référence en géosciences et en océanographie pour contribuer à la mise en place de systèmes internationaux d'alerte aux tsunamis.

a) Le précédent polynésien

La France a acquis une expérience précieuse en Polynésie française à travers la gestion du centre polynésien de prévention des tsunamis. Elle a su mettre en place un dispositif national d'alerte opérationnel et autonome capable de gérer toute la chaîne de l'alerte de la détection du séisme à l'évacuation de la population. Ce dispositif a été peu à peu perfectionné pour tenir compte des insuffisances observées lors de la survenue de tsunamis et des avancées de la science.

Cette expérience pourrait donc être mise à profit pour l'instauration de systèmes d'alertes dans les autres bassins. Ainsi, les matrices de décision 46 ( * ) et les plans de secours spécialisés sont deux outils fondamentaux qui pourraient être repris en étant adaptés aux caractéristiques de chaque bassin et de chaque Etat membre.

b) Des organismes de référence en géosciences et en océanographie de qualité

Par ailleurs, la France dispose d'organismes d'excellente qualité qui peuvent contribuer activement à l'efficacité des systèmes d'alerte aux tsunamis, à condition de leur en donner les moyens.

Votre rapporteur se gardera d'essayer de dresser une liste exhaustive des instituts de recherche et des universités sur lesquels la France peut s'appuyer, mais il s'arrêtera sur cinq organismes qui lui paraissent fondamentaux pour la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis : le CEA, l'IPGP, le SHOM, l'IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploration de la mer) et le BRGM.

Le CEA à travers le département, analyse, surveillance et environnement (DASE) joue déjà un rôle central dans la prévention des tsunamis en Polynésie française et a vocation à devenir le centre national d'alerte aux tsunamis dans le cadre des systèmes d'alerte aux tsunamis dans la Méditerranée/Atlantique Nord, dans l'océan Indien et dans les Caraïbes.

Outre la gestion de 6 stations sismiques dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, Le CEA assure une surveillance sismique nationale et doit informer la protection civile dès qu'un séisme d'une magnitude supérieure ou égale à 4 est détecté sur le territoire national. Pour remplir cette mission, le CEA dispose d'un réseau sismique numérique, constitué de 40 stations dont les données sont transmises en temps réel au centre national de données de Bruyères-le-Châtel. Ce réseau fait l'objet d'une surveillance automatique susceptible de diffuser des alertes techniques en cas de défaillance des logiciels ou du système de transmission. Le CEA a également à sa disposition une équipe d'ingénieurs d'astreinte 24h/24, 365 jours/an composé d'une douzaine de sismologues, de trois ingénieurs informaticiens et d'une dizaine d'ingénieurs chargés du suivi et de la maintenance des réseaux. Ces personnels disposent de tous les moyens nécessaires à la maintenance des réseaux et au traitement des données (ordinateurs portables, liaisons télématiques numériques, véhicules, etc.).

Le CEA abrite également dans ses locaux le centre sismologique euro-méditerranéen (CSEM). Ce dernier collecte en temps réel les bulletins sismiques en provenance de 59 organismes et réseaux différents utilisant des données de 1700 stations, les archive et les diffuse aussitôt sur son site internet. Sont accessibles non seulement la liste des séismes avec leur localisation, leur profondeur et leur magnitude, mais également des cartes permettant de visualiser la localisation des séismes. En outre, selon la magnitude observée, le CSEM est chargé de la diffusion de messages d'alerte en direction du Conseil de l'Europe et de centres de protection civile dont la liste est prédéfinie.

Par ailleurs, le CEA s'est spécialisé dans la modélisation des tsunamis et a réalisé de nombreuses études pour le compte de la Polynésie française, dont l'élaboration de la carte des zones d'exposition aux tsunamis et une étude historique sur les tsunamis survenus en Polynésie française de 1837 à nos jours.

Enfin, le CEA compte parmi ses salariés l'un des rares experts en tsunamis reconnus internationalement. Ce dernier a participé pendant plusieurs années à l'amélioration du système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique, notamment en tant que président du GIC/Pacifique et participe actuellement en tant qu'expert à la mise en place des systèmes d'alerte dans les trois autres bassins.

L'IPGP est également un interlocuteur incontournable pour la mise en place d'un système d'alerte dans les Caraïbes et dans l'océan Indien 47 ( * ) car il y est chargé de l'observation de deux types de source tsunamigène : les volcans et les séismes.

D'abord, l'IPGP par le biais de ses observatoires, est responsable de la surveillance de l'activité volcanique de la Soufrière en Guadeloupe, de la Montagne pelée en Martinique et du Piton de la fournaise à La Réunion.

Dans les Antilles, l'IPGP a également pour mission la surveillance de la sismicité régionale (Martinique, Guadeloupe et leurs îles proches) liée à l'activité tectonique de l'arc des Petites Antilles par le biais de l'enregistrement continu de la sismicité. Les buts recherchés sont d'une part, avertir les autorités des caractéristiques d'un séisme ressenti et des répliques qui peuvent y être associées et, d'autre part, établir sur des longues durées les caractéristiques spatio-temporelles de la sismicité régionale et locale pour contribuer à l'élaboration de cartes de l'aléa sismique.

Par ailleurs, l'IPGP est responsable du programme GEOSCOPE, à savoir la composante française des réseaux de mesure sismique dite « large bande ». GEOSCOPE est composé de 28 stations opérationnelles 48 ( * ) dont 13 transmettent leurs données en temps réel 49 ( * ) (notamment une à La Réunion, une en Martinique, une à Hawaï, une à Djibouti 50 ( * ) , une à l'île de Kerguelen, une en Algérie, une en Australie et une dans les îles Marquises). Les données de la station sismique en Nouvelle Calédonie sont transmises en moins de deux heures. Ce réseau participe à la localisation des séismes sur le globe entier. En outre, compte tenu de la qualité de ses stations et de leur distribution géographique, il est étroitement associé à la mise en place des systèmes internationaux d'alerte aux tsunamis, notamment dans l'océan Indien et dans les Antilles.

L'IFREMER est également un institut essentiel dans la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis. Etablissement public à caractère industriel et commercial créé en 1984, l'Ifremer contribue, par ses travaux et ses expertises, à la connaissance des océans et de leurs ressources, à la surveillance du milieu marin et littoral et au développement durable des activités maritimes.

A ces fins, il conçoit et met en oeuvre des outils d'observation, d'expérimentation et de surveillance, et gère la flotte océanographique française pour l'ensemble de la communauté scientifique. En conséquence, il est étroitement associé à tous les projets ayant un lien avec la mer et nécessitant une instrumentation spécifique comme par exemple le projet ANTARES (fixation d'un millier de photodétecteurs dont les données sont transmises par câble), l'installation d'un sismomètre au fond de la mer en collaboration avec Géo-Azur ou encore les campagnes de bathymétrie.

Ses compétences sont d'ailleurs reconnues internationalement. Ainsi, il a été chargé de tester les tsunamimètres développés par les Allemands pour le système d'alerte en Indonésie.

Son expertise en matière de risques géophysiques alliée à ses capacités d'exploration en fait un partenaire incontournable pour la mise en place des systèmes d'alerte aux tsunamis en Méditerranée, dans les Caraïbes et dans l'océan Indien.

LE SHOM, transformé en établissement public en mai dernier, a également un rôle fondamental à jouer dans le cadre de sa mission de soutien aux politiques publiques maritimes. Son réseau de marégraphes, ses données en matière de cartographie et de bathymétrie sont autant d'outils indispensables pour l'instauration d'un dispositif d'alerte aux tsunamis efficace.

Enfin, le BRGM constitue un partenaire important. Établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche et du ministère de l'environnement, du développement et de l'aménagement durables, ses activités en matière de risques naturels portent sur la connaissance des phénomènes et leur modélisation, l'évaluation des dangers correspondants, la surveillance, l'étude de la vulnérabilité des sites exposés, l'évaluation du risque et sa prévention, la préparation aux crises, les actions d'information et de formation. A travers les études de synthèse qu'il réalise, le BRGM fournit donc aux autorités nationales et locales les outils nécessaires à la prévention des risques naturels et à l'aménagement en conséquence du territoire.

* 46 Il s'agit des critères définis à l'avance pour déclencher une alarme. En Polynésie, 4 niveaux d'alarme ont été retenus en fonction de la magnitude du séisme, de l'éloignement de la source et des zones susceptibles d'être touchées en distinguant les îles Marquises du reste de la Polynésie française.

* 47 L'IPGP participe également au système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique et en Méditerranée par le biais des stations GEOSCOPE installées dans ces régions.

* 48 Parmi les 28 stations sismiques, 18 relèvent de la responsabilité de L'IPGP, 6 sont sous la responsabilité de l'EOST (Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre de Strasbourg), 2 sont sous la responsabilité du CEA/DASE et 2 sont gérées en partenariat avec l'USGS (United States Geological Survey). Le maintien des stations se fait également en collaboration avec plusieurs instituts (l'EOST, l'IRD (Institut de Recherche et de Développement), le CEA/DASE, le CTBTO (Comprehensive Test-Ban Treaty Organization), le CNES (Centre national d'Etudes Spatiales), l'USGS et les universités locales qui abritent les stations).

* 49 Le délai de transmission des données est de moins d'une minute.

* 50 La station de Djibouti a été mise en temps réel dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Toutefois, les données ne sont pas transmises directement à l'IPGP mais au centre international des données à Vienne.

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