D. L'IMPLANTATION ET LE FORMAT DE LIEUX DE RÉTENTION

1- Le bilan global

Le dispositif actuel est résumé dans le tableau ci-après. La Cour avait critiqué, dans son insertion au rapport public, le renforcement tardif des capacités d'accueil et les conditions matérielles déplorables de certains centres. Comme l'a montré l'enquête, la situation s'est améliorée depuis, à quelques exceptions près.

Tableau n° 34 :   RA permanents et CRA par régions au 31/12/2008

Nombre de CRA

Places en CRA

Nombre de LRA

Places en LRA

Total places

Alsace

1

36

1

10

46

Aquitaine

2

54

0

0

54

Auvergne

0

0

1

2

2

Bourgogne

0

0

3

6

6

Bretagne

1

70

3

13

83

Centre

0

0

7

17

17

Champagne-Ardennes

0

0

3

12

12

Corse

0

0

2

13

13

Franche Comté

0

0

2

6

6

Ile-de-France (1)

6

367

4

58

425

Languedoc-Roussillon

3

202

1

6

208

Limousin

0

0

1

4

4

Lorraine

1

30

6

32

62

Nord Pas-de-Calais

2

171

1

8

179

Basse-Normandie

0

0

1

18

18

Haute-Normandie

1

72

2

6

78

Midi-Pyrénées

1

126

1

2

128

Pays de Loire

1

-

4

13

13

PACA

2

176

0

0

176

Picardie

0

0

3

8

8

Poitou-Charentes

0

0

2

4

4

Rhônes-Alpes

1

120

2

12

132

Total métropole

22

1424

50

250

1674

DOM-TOM, dont

4

144

6

40

184

- Réunion

1

6

0

0

6

- Mayotte

1

60

0

0

60

- Nlle calédonie

0

0

1

1

1

- Polynésie fr.

0

0

1

8

8

- Guadeloupe

1

40

1

10

50

- Guyane

1

38

1

6

44

- Martinique

0

0

2

15

15

Total général

26

1568

56

290

1858

CRA livrables 2009-2010

4

360

Extensions livrables 2009-2010

205

Total prévu fin 2010

30

2113

56

290

2423

Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de l'immigration

(1) En dehors du premier centre de Vincennes réouvert en décembre 2008, les deux autres centres de Vincennes (120 places au total) ne réouvriront qu'à l'été 2010. Ils n'ont donc pas été comptabilisés comme des centre ouverts, mais comme de nouveaux CRA à livrer (2 lignes avant la fin du tableau)

Le nombre de places devrait encore augmenter dans les prochaines années et être suffisant au total. Les implantations sont souvent logiquement situées prés des lieux de flux migratoires et des vecteurs de reconduites (ports, aéroports).

La carte des lieux de rétention et de leurs caractéristiques fait cependant apparaître certaines incohérences présentées infra.

2- La question du format des CRA

Il est admis par la plupart des intervenants que la taille des CRA doit être réduite, afin de diminuer les difficultés et d'avoir une démarche plus personnalisée favorisant la reconduite.

Ce n'est pourtant pas ce qui est prévu dans plusieurs cas :

- l'extension du CRA de Coquelles est maintenue, malgré l'extension de celui de Lesquin (Lille), qui peut en outre, contrairement à Coquelles, accueillir des familles. Le transfert des rétentionnaires est certes coûteux (598 transferts à Lille au cours de l'année 2008), mais il n'est pas sûr qu'il soit optimal d'opérer une concentration des retenus dans un seul endroit compte tenu du contexte général existant dans la région ;

- l'extension du CRA de Cayenne n'est pas à l'évidence la priorité par rapport à la construction d'un LRA à St Laurent du Maroni ;

- le nouveau projet de Mesnil-Amelot va entraîner une concentration massive de retenus dans le secteur, avec de grands risques d'effets néfastes.

En outre, le projet initial ne prend pas en compte le transfert de gestion à la PAF, décidé il est vrai postérieurement à la passation des marchés. Il comporte ainsi un bâtiment réservé au logement de l'escadron de gendarmerie mobile de garde et d'escorte, dont il conviendra de prévoir la réaffectation avec les aménagements correspondants.

Il n'est pas de la compétence de la Cour de déterminer le « bon » format d'un centre de rétention mais les constats opérés sur place, les différents incidents à Vincennes conduisent au moins à l'observation selon laquelle 140 places est un format trop important.

D'ailleurs, le ministère de l'immigration et la préfecture de police se sont entendus sur la création de « satellites de zones vie» de 60 places autour d'une structure commune (greffe, salles loisir, réfectoire..) pour le futur CRA de Vincennes.

3- Le maillage territorial et la place des LRA

La présentation des CRA et des LRA par région administrative (cf. supra) appelle deux remarques :

- l'existence et l'utilisation de LRA ne sont pas justifiées lorsqu'il existe un CRA géographiquement peu éloigné.

C'est le cas, par exemple, en Lorraine, qui a pour caractéristique originale de compter six LRA en plus de son CRA à Metz, ou à Cercottes alors qu'il existe deux CRA proches en région parisienne. Dans ce dernier cas, le préfet du Loiret privilégie le placement en LRA, comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau n° 35 :  Mesures administratives d'éloignement de la préfecture du Loiret

2008

Nombre procédures

Reconduites exécutées

Reconduites non exécutées

Placement LRA Cercottes

179

78,17%

80

44,69%

99

55,31%

Placement direct CRA

25

10,92%

10

40,00%

15

60,00%

Placement LRA Montargis

10

4,37%

6

60,00%

4

40,00%

sans placement

15

6,55%

11

73,33%

4

26,67%

Total

229

100%

107

45,85%

122

53,28%

Source : préfecture 45

Le raisons de la politique du préfet du Loiret sont multiples : éviter dans l'immédiat des recherches fastidieuses pour trouver des places en CRA, difficulté de mobiliser des escortes pour accompagner le retenu, meilleure préparation des mémoires en défense des dossiers complexes ou sensibles, présentation obligatoire des ressortissants marocains au consulat territorialement compétent d'Orléans. Il reste que cette pratique n'est pas satisfaisante car elle oblige au maintien d'un équipement peu utilisé et dont le coût n'est pas négligeable.

- dans certains cas, l'absence de CRA est non seulement source d'inconvénients multiples, en particulier pour les retenus, mais aussi au bout du compte coûteux. C'est le cas à Bastia où des personnes sont libérées sans que l'administration soit sûre qu'elles n'auraient pas pu être reconduites ; à l'inverse, des personnes sont transférées en CRA sur le continent, à un coût non négligeable, et sans finalement être reconduites (cf. supra). Une alternative consisterait dans le recours aux moyens aéronautiques de la DCPAF. En effet, depuis environ un an un avion est basé à Marseille, mais les conditions d'emploi (obligation de transfert de trois ou quatre étrangers en même temps et pour un même lieu où est implanté le CRA réceptionnaire) rendent son utilisation difficile par le service de la PAF en Corse.

De façon plus générale, il serait souhaitable que s'établisse un vrai pilotage de la carte des LRA, et d'éviter leur maintien dans des régions bien pourvues en places en CRA.

4- Les LRA temporaires

Les préfets ont la possibilité d'établir un LRA temporaire en cas de manque de place, si une femme doit être retenue alors qu'il y a déjà un homme dans le local ou encore pour les familles.

A Poitiers , jusqu'à la fin 2007, et en particulier dans la période de janvier à juin 2007 où le LRA s'est de fait limité à une place (cf. supra), des hôtels ont été ponctuellement réquisitionnés pour servir de LRA. Le nombre d'étrangers placés dans ces conditions s'est élevé à 17, pour une durée moyenne de 43 heures. Depuis début 2008, cette formule n'est plus utilisée, la priorité en cas de besoin étant de conduire le retenu dans un CRA.

L'utilisation d'un hôtel ne présente pas toutes les garanties de sécurité. A Poitiers, un détenu d'ailleurs s'en est évadé en 2007.

Son coût est constitué de celui des chambres (à Poitiers, 1367 € en 2006, 1137 € en 2007 et 935 € en 2008 correspondant à des nuitées de 2007) et surtout de la présence 24h/24 de deux fonctionnaires de police (près de 1200 € par jour, avec six ETPT pour deux agents 24/24 et sur la base d'un coût moyen salarial de 46 000 €). Par rapport au LRA classique, le surcoût de cette formule est donc très important.

Son utilisation a cependant au plan national tendance à augmenter. Les frais d'hôtellerie de la police nationale dans ce domaine - qui correspondent aux frais directs d'hôtel hors personnel - se sont nettement accrus en 2008 (60 740 €, contre 17 769 € en 2006 et 10 983 € en 2007).

Il serait donc souhaitable de mieux définir les conditions d'ouverture d'un LRA temporaire. Une telle décision est justifiée quand il n'y a pas de CRA disponible par exemple pour accueillir une famille. Cette solution est à l'évidence davantage acceptable que de mettre ponctuellement une famille dans un CRA non habilité, comme cela a été le cas à une occasion à Cayenne en 2008.

En revanche, une telle décision ne devrait pas être autorisé, compte tenu de son coût et de ses inconvénients, à partir du moment où des places existent dans un CRA pouvant accueillir les étrangers concernés et situé à une distance raisonnable.

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