LE PILOTAGE DE L'ONF : UN EXERCICE SOUS CONTRAINTE

I. LE COÛT ÉLEVÉ DES RESSOURCES HUMAINES ET LA RECHERCHE DE RÉPONSES ORGANISATIONNELLES

A. UNE GESTION PARTICULIÈREMENT LOURDE, MARQUÉE PAR LE POIDS DE L'HISTOIRE

1. La coexistence d'une majorité de fonctionnaires et d'agents de statut privé

a) Un personnel hétérogène

En 2008, les personnels de l'office sont au nombre de 9 987 ETP. La répartition des effectifs fait ressortir une majorité (64 %) d'agents fonctionnaires, ainsi que 30 % d'ouvriers forestiers. Le recours aux contractuels et à d'autres catégories de personnels reste marginal.

(1) Les personnels fonctionnaires

Le législateur (article L.122-3 du code forestier) a en effet prévu que les personnels de l'office relèvent principalement du statut de la fonction publique, contrairement aux règles de droit commun relatives aux établissements publics à caractère industriel et commercial. La majorité des agents de l'office est donc régie par des statuts particuliers pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

Les agents fonctionnaires de l'office appartiennent à neuf corps de toutes catégories (A, B, C), à dominante technique ou administrative. Les personnels techniques représentent plus des trois quarts des effectifs de fonctionnaires. Les corps techniques représentés au sein de l'ONF sont les suivants : les ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts (IGREF), les ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement 46 ( * ) (IAE), les cadres techniques (CATE), les techniciens supérieurs forestiers (TSF), les techniciens opérationnels (TO), les chefs de district forestier (CDF). Les corps des TO et des CDF regroupent les agents patrimoniaux, agents forestiers de terrain implantés dans l'ensemble des territoires au sein d'unités territoriales, qui constituent les plus petits échelons géographiques de l'office. A titre d'illustration, à la direction territoriale Franche-Comté, sur 575 ETP fonctionnaires, on compte 317 agents patrimoniaux composant les unités territoriales et 40 responsables d'unités territoriales.

(2) Les autres agents de l'office et les positions particulières

L'article L. 122-4 du Code forestier dispose que : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles l'office peut faire appel à des personnels temporaires, contractuels, occasionnels ou saisonniers ». Un tel décret a été pris en 2005 seulement : il s'agit du décret n°2005-1779 du 30 décembre 2005.

En vertu de ces dispositions, l'office emploie, outre des fonctionnaires, des personnels contractuels, de droit privé ou public.

Les ouvriers forestiers, chargés de l'ensemble des travaux menés en forêt domaniale, en forêt communale ou dans le cadre d'activités concurrentielles, en représentent l'essentiel. Des contractuels sont également recrutés sur des postes de spécialistes ou lorsque les services rencontrent des difficultés pour pourvoir les postes de fonctionnaires. Diverses autres catégories de personnels, représentant très peu d'agents, travaillent enfin au sein de l'office : il s'agit d'emplois aidés, d'apprentis, de personnels d'entretien, de volontaires civils à l'aide technique et de contrats d'avenir (source : bilans sociaux de l'ONF de 1999 à 2007).

b) Une gestion lourde et coûteuse

La gestion des ressources humaines constitue un domaine-clef pour l'établissement compte tenu de sa taille et du fait que les dépenses de personnel représentent à elles seules, en 2008, 63 % des charges d'exploitation de l'office.

Plusieurs facteurs propres à l'office concourent à rendre la gestion de ses ressources humaines lourde et coûteuse :

- la distinction entre fonctionnaires et ouvriers forestiers se retrouve à tous les niveaux d'organisation et de gestion ; elle est considérée par les responsables de l'office comme un facteur majeur de complexité et de lourdeur ;

- de nombreux statuts coexistent et l'organisation de la gestion des ressources humaines à l'office suit largement une approche par statut et corps ;

- le fonctionnement de l'office repose sur de larges délégations de pouvoir aux directeurs territoriaux et est de ce fait très déconcentré, ce qui conduit par exemple à la présence de gestionnaires des ressources humaines pour les différentes catégories de personnels dans chaque direction territoriale  ou encore à la déclinaison au niveau territorial des instances paritaires de concertation.

Les gestionnaires locaux et nationaux des ressources humaines sont évalués par la direction des ressources humaines (DRH) à respectivement 221 et 130 ETP, ce qui représente un ratio personnel gestionnaire / personnels gérés de 3,5 %. Dans le secteur privé, ce ratio varie entre 1,5 et 2 % 47 ( * ) , mais ceci n'est qu'indicatif, compte tenu de la variété des modes de calcul de ce ratio et des degrés d'externalisation divers de la fonction RH selon les organismes. Une étude sur les métiers de soutien à l'ONF menée par la DRH en 2008 a en tout cas amené l'office à viser une réduction de près d'un quart des effectifs consacrés à la gestion des ressources humaines, des gains de productivité étant attendus notamment du fait de l'amélioration des systèmes d'information. L'enjeu financier n'est pas négligeable : l'application de la rémunération mensuelle moyenne pour 2008 aux effectifs de gestionnaires des ressources humaines conduisant à une évaluation du coût de cette fonction à 17,6 M€.

c) Un dialogue social difficile

Le dialogue social se caractérise régulièrement par de fortes tensions. Celles-ci se sont particulièrement manifestées en 2001-2002 et en 2008 à l'occasion de la mise en oeuvre de réformes de l'office. Certains modes d'action peuvent porter atteinte de façon appréciable à l'activité de l'office : refus de marteler les bois en vue de leur coupe, blocage des ventes de bois, boycott de l'élaboration des programmes de travaux pour les communes.

d) Un système d'information insuffisant

La complexité et l'éclatement de la gestion des ressources humaines de l'office ainsi que l'enjeu que représentent les dépenses de personnel nécessiteraient un suivi plus rigoureux des effectifs et des flux financiers associés. Des incohérences de chiffres ont été relevées par la Cour au cours de son enquête.

Outre les changements de périmètre affectant, à la marge, les catégories des personnels, l'absence d'un système d'information unique (SIRH), géré par la DRH, peut expliquer cette situation. Cette lacune est aussi un facteur de coût. Un tel système, encore au stade de projet, est indispensable pour assurer le pilotage fin des effectifs et de la masse salariale nécessaire dans le respect les objectifs de performance financière assignés à l'office. Les premiers éléments opérationnels de refonte du système d'information sont annoncés pour 2009.

Les larges délégations dont jouissent les directeurs territoriaux de l'office en matière de gestion ressources peuvent s'accompagner sur certains points de difficultés pour le siège à connaître les pratiques locales (par exemple en matière de concession de logement ou de frais de mission), les encadrer si nécessaire et maîtriser les dysfonctionnements et dépenses indues éventuels. Cette déconcentration peut aussi être source de disparités dans le traitement des personnels au regard de certains avantages que ne justifie pas le rattachement à un territoire donné.

* 46 Les statuts particuliers de ces deux premiers corps définissent les modalités selon lesquelles les ingénieurs concernés peuvent être placés sous l'autorité du directeur général de l'ONF

* 47 source : « Coût et organisation de la gestion des ressources humaines dans l'administration », rapport d'enquête et conclusions du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, janvier 2006 ; dans le secteur public, ce ratio, moins fiable et aux résultats beaucoup plus dispersés, varierait entre 2 et 8%

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