2. Un programme de stabilité qui devra être révisé en cas de changement de majorité présidentielle lors des prochaines échéances électorales

Lors de son audition précitée par la commission des finances 29 ( * ) , Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a également déclaré que le présent projet de programme de stabilité constituerait « l'engagement de la France ».

Ce point de vue est inexact . Un programme de stabilité ne constitue pas, en tant que tel, un engagement de l'Etat concerné. Ce qui est « liant » pour les Etats, c'est le pacte de stabilité, et les décisions du Conseil.

On a vu que concrètement, la France doit respecter trois critères essentiels :

- dans le cadre du volet « correctif », ramener le déficit public sous le seuil de 3 points de PIB en 2013, puis, à compter de 2017, réduire l'excédent de son ratio dette /PIB par rapport au seuil de 60 points de PIB d'au moins un vingtième par an ;

- dans le cadre du volet « préventif », se rapprocher d'au moins 0,5 point de PIB par an de son « objectif à moyen terme » (en l'occurrence, l'équilibre de ses finances publiques), défini en termes de solde structurel .

Retarder d'une année la date du retour à l'équilibre devrait également, on l'a vu, décaler d'une année la réalisation de l'objectif à moyen terme, l'équilibre structurel étant atteint en 2016 au lieu de 2015. Un tel report se ferait sans drame, contrairement à ce que Nicolas Sarkozy indique dans son programme 30 ( * ) . Il serait même économiquement préférable, une politique de réduction trop rapide du déficit risquant de nuire à la croissance.

Aussi, le présent programme de stabilité en tant que tel - c'est-à-dire en particulier la répartition de l'effort entre dépenses et recettes - ne saurait engager la France. Sa fonction est de permettre au Conseil de connaître la trajectoire programmée pour les finances publiques, et de pouvoir juger de l'adéquation des moyens devant être mis en oeuvre.

En cas d'alternance en mai 2012, le présent programme de stabilité ne remplirait pas sa fonction, puisqu'il ne correspondrait pas à la politique que la nouvelle majorité entendrait mener. Pour que le Conseil ne se prononce pas en juillet sur un texte dépourvu de signification, la France devrait donc alors rendre publique une nouvelle programmation 31 ( * ) .

Ainsi, François Hollande a indiqué son intention, s'il était élu, de réunir le Parlement en session extraordinaire, du 3 juillet au 2 août 2012, et d'effectuer une « présentation au Parlement du programme de stabilité (avant transmission à Bruxelles) et du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, fixant la trajectoire de retour à l'équilibre budgétaire en 2017 ».

De ce point de vue, on peut s'étonner de ce que le présent projet de programme de stabilité ne se réfère aux prochaines échéances électorales que pour indiquer un point de procédure relativement mineur 32 ( * ) , comme si elles n'avaient aucune importance pour la politique de finances publiques de la France.

Comme exemple d'un plus grand respect des électeurs, on peut mentionner le précédent de la Finlande. Le programme de stabilité transmis le 6 avril 2011 précisait en effet que « le gouvernement qui entrera en fonctions après les élections parlementaires devant se tenir en avril 2011 déterminera les politiques économique et budgétaire pour la prochaine législature » 33 ( * ) .

Comme on le verra ci-après, le sujet de débat entre les deux principaux candidats ne concerne pas l'objectif à atteindre, mais les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. Il convient donc d'insérer à la page 58 du programme de stabilité, à la fin de la rubrique « Statut du présent programme de stabilité dans la procédure interne », un alinéa ainsi rédigé :

« La France ramènera son déficit public sous le seuil de 3 points de PIB en 2013 et se conformera les années suivantes à ses engagements européens. Il appartiendra au gouvernement qui entrera en fonctions après les élections présidentielle et législatives devant se tenir en mai et juin 2012 de déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs. »


* 29 Le 11 avril 2012.

* 30 « Décaler ce calendrier ne serait-ce que d'un an à 2017, comme le propose le candidat du parti socialiste, n'est pas possible : cela conduirait à augmenter la dette publique de la France de 35  Md€ » (« Propositions de Nicolas Sarkozy pour une France forte », 5 avril 2012). On rappelle que la dette publique a été en 2011 de 1 717,3 milliards d'euros. Une augmentation de 35 milliards d'euros ne correspondrait donc qu'à environ 2 % de ce montant, ce qui n'est pas significatif.

* 31 Certes, le règlement n° 1175/2011 précité a modifié l'article 4 précité du règlement n° 1466/97, qui prévoit désormais que « les programmes de stabilité sont présentés tous les ans au mois d'avril, de préférence pour la mi-avril et au plus tard le 30 de ce mois ». Toutefois, cette disposition doit être conciliée avec les deux tours de l'élection présidentielle, qui doivent quant à eux se tenir les 22 avril et 6 mai, et ceux des élections législatives, les 10 et 17 juin 2012. En 2011, la Commission et le Conseil ont adopté leurs recommandations pour l'ensemble des Etats les 7 juin et 12 juillet. Le Conseil pourra donc se prononcer, le cas échéant, sur un document transmis début juillet. On observe qu'en 2011, six Etats - dont trois membres de la zone euro (Grèce, Chypre, France) et trois Etats n'appartenant pas à la zone euro (Danemark, République tchèque, Roumanie) ont transmis leur programme de stabilité avec retard (cependant si la Grèce n'a transmis son programme de stabilité que le 10 août, tous les autres Etats l'ont transmis avant le 10 mai). Il existe par ailleurs de nombreux autres précédents de retard (par exemple, dans le cas de la France, le programme de stabilité 2007-2009, qui aurait dû être adressé en décembre 2005, l'a été le 13 janvier 2006, pour prendre en compte les préconisations du « rapport Pébereau » de décembre 2005).

* 32 « En 2012, du fait de la tenue de l'élection présidentielle (22 avril et 6 mai) et des élections législatives (10 et 17 juin), l'Assemblée nationale et le Sénat ont suspendu leurs travaux le 7 mars 2012. Le présent programme de stabilité a été examiné par les commissions des finances des deux assemblées. »

* 33 « The Government that takes office after the parliamentary elections to be held in April 2011 will determine the economic and fiscal policies for the next parliamentary term ».

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