III. LA RÉFORME DE 2014, UNE OCCASION MANQUÉE

A. L'AUGMENTATION DES DÉPENSES LIÉES À L'ÉLARGISSEMENT EXCESSIF DU DISPOSITIF CARRIÈRE LONGUE

Alors que notre système de retraite était confronté à des déficits importants et que la courageuse réforme des retraites de 2010 commençait tout juste sa montée en charge, le Gouvernement a fait le choix de faciliter considérablement les possibilités de départ à la retraite anticipé pour carrières longues .

Nombre de départs en retraite anticipée pour carrière longue
selon la législation entre 2008 et 2020

Source : Cnav

Le décret n° 2012-247 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse a permis à plusieurs dizaines de milliers d'assurés d'avancer la date de leur départ à la retraite en assouplissant les conditions pour un départ anticipé à 60 ans :

- la durée d'assurance cotisée requise est maintenant celle du taux plein , alors qu'elle était auparavant majorée de deux ans ;

- le dispositif est ouvert aux personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans , contre 18 ans auparavant ;

- les aléas de carrière sont davantage pris en considération car le nouveau dispositif ajoute aux quatre trimestres de service national et quatre trimestres de maladie, maternité, accidents du travail précédemment retenus deux trimestres de périodes de chômage indemnisé et deux trimestres supplémentaires liés à la maternité .

Au 1 er juillet 2014, le ministère des affaires sociales estimait que 115 000 personnes avaient pu bénéficier d'un départ anticipé à la retraite grâce à ce décret depuis le 1 er novembre 2012, date de son entrée en vigueur.

Le surplus pour la seule Cnav de dépenses liées au décret du 2 juillet 2012 a été de 25 millions d'euros en 2012, 355 millions d'euros en 2013 et serait de 631 millions d'euros en 2014. Il atteindrait 838 millions d'euros en 2015 puis 1,017 milliard d'euros en 2016 et 1,277 milliard d'euros en 2017.

La loi du 20 janvier 2014 et le décret du 19 mars 2014 ont prévu, à compter du 1 er avril 2014, un nouvel élargissement du champ des trimestres pouvant être pris en compte dans la période cotisée, ce qui a de facto encore élargi l'accès au dispositif de départ anticipé pour carrière longue.

B. DES MESURES VISANT À AMÉLIORER LA SOUTENABILITÉ DU SYSTÈME DE RETRAITE QUI NE SUFFIRONT PAS À GARANTIR LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE

La loi du 20 janvier 2014 a prévu des mesures de court terme , dont les effets se sont fait sentir, tant en recettes qu'en dépenses, dès 2014 et 2015 et des mesures de moyen et long termes -via la hausse de la durée de cotisation-, dont les effets ne seront perceptibles qu'à compter de 2020.

1. Des recettes nouvelles qui pèsent sur le coût du travail
a) Des hausses de cotisations qui se poursuivront jusqu'en 2017

Après les hausses de cotisations prévues par le décret du 2 juillet 2012 pour financer l'élargissement du dispositif de départs à la retraite anticipés pour carrière longue, le décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013 a également prévu des hausses de cotisations vieillesse à partir du 1 er janvier 2014 pour un total de 0,3 point pour les salariés et de 0,3 point pour les employeurs sur la période 2014-2017 .

Dans la fonction publique, la hausse de cotisation a été de 0,06 point en 2014 et sera de 0,08 point chaque année entre 2015 et 2017.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2015, ces hausses de taux ont rapporté 2 milliards d'euros supplémentaires à la branche vieillesse en 2014.

Les hausses de cotisations vieillesse prévues
par le décret de 2012 et par la loi de 2014

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux de cotisation salariale

6,75 %

6,85 %

7,05 %

7,15 %

7,25 %

7,30 %

Dont effet décret de juillet 2012

-

0,10 %

0,05 %

0,05 %

0,05 %

-

Dont effet réforme 2014

-

-

0,15 %

0,05 %

0,05 %

0,05 %

Taux de cotisation patronale

9,90 %

10,00 %

10,20 %

10,30 %

10,40 %

10,45 %

Dont effet décret de juillet 2012

-

0,10 %

0,05 %

0,05 %

0,05 %

-

Dont effet réforme 2014

-

-

0,15 %

0,05 %

0,05 %

0,05 %

Impact hausses de taux en Md€

-

0,9

2,0

1,0

1,0

0,6

Dont effet décret de juillet 2012

-

0,9

0,5

0,5

0,5

-

Dont effet réforme 2014

-

-

1,5

0,5

0,5

0,6

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, rapport de septembre 2014

b) La fiscalisation de la majoration de pension

Les retraités, hommes ou femmes, qui ont élevé au moins trois enfants bénéficient d'une pension majorée de 10 %.

Jusqu'en 2014, cette majoration était exonérée de l'impôt sur le revenu. La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a décidé de la soumettre pour la première fois à l'impôt sur le revenu .

En 2014, cette mesure a rapporté 1,2 milliard d'euros à l'Etat .

Depuis 2015, son produit est affecté au FSV, via une hausse du taux de la taxe sur les salaires.

2. Le décalage de six mois dans le temps de la revalorisation de la pension de base

Conformément aux dispositions de l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale, les pensions de retraite servies par les régimes de retraite de base sont revalorisées chaque année pour tenir compte de l'inflation et préserver le pouvoir d'achat des retraités .

Alors que cette revalorisation intervenait jusqu'en 2013 au 1 er avril de chaque année, la loi du 20 janvier 2014 a décalé la date de revalorisation au 1 er octobre, soit un décalage de six mois 3 ( * ) . Cette mesure a représenté 500 millions d'euros d'économies en 2014 et pourrait représenter 600 millions d'euros en 2015.


* 3 Restent revalorisées au 1 er avril les pensions d'invalidité, l'allocation supplémentaire d'invalidité, les rentes d'accidents du travail et de maladies professionnelles et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

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