EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le mardi 20 février 2018 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. André Gattolin et Mme Colette Mélot, le débat suivant s'est engagé :

M. Jacques Bigot . - Merci pour ce rapport très technique. Le niveau de protection des consommateurs français est très élevé depuis des années, bien supérieur à celui qui est en vigueur en Allemagne. Mais les consommateurs sont de plus en plus sollicités par des entreprises qui viennent de toute l'Europe et ils ne savent pas toujours de quelles protections ils bénéficient, ce qui peut les inciter à ne consommer que français. Cela prendra des années pour harmoniser les niveaux de protection dans l'Union.

Il existe un organisme créé il y a fort longtemps par la chambre de consommation d'Alsace, le Centre européen des consommateurs, basé à Kiel, et soutenu par l'Union européenne, qui travaille sur l'information des consommateurs, mais aussi sur les règlements des litiges. Il serait sans doute utile d'entendre la directrice de cet établissement, qui pourrait nous dire quelles sont les difficultés rencontrées par les consommateurs.

Je souscris à votre proposition de résolution, mais prenons garde à ne pas freiner la consommation au niveau européen.

M. Jean-Pierre Leleux . - Vous nous proposez de repousser une directive d'harmonisation maximale alors que nous luttons contre la sur-transposition. En acceptant une harmonisation maximale, ne risque-t-on pas de mettre en péril le système concurrentiel entre les pays européens, surtout pour les ventes en ligne ?

M. Claude Kern . - Je souscris à cette proposition de résolution.

M. Jean-François Rapin . - Nous sommes en présence de quatre inconnues : l'habitude de consommation des États, l'intégration des données de surveillance dont les coûts vont augmenter, l'intégration fiscale des ventes et le rôle des autorités de contrôle. Ces dernières seront-elles européennes ou propres à chaque pays ?

M. Michel Raison . - En matière de délais de paiement, nous avons des règles strictes en France. Mais les entreprises ont plus de mal à se faire payer en temps et en heure lorsqu'elles exportent dans les pays de l'Union. À l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'alimentation, nous devrons harmoniser les règles et mettre fin à des incohérences : les délais de paiement pour la charcuterie sont de 20 jours, contre 30 jours pour la filière viande. Ces délais de paiement difficiles à faire respecter entre pays européens ont des effets économiques majeurs sur la trésorerie des entreprises et provoquent des distorsions de concurrence. Notre commission pourrait se saisir de ce sujet.

M. André Gattolin . - Les deux derniers points qui ont été évoqués ne sont pas du ressort de ce projet de directive. Mais l'intégration fiscale et les délais de paiement n'en sont pas moins importants dans le cadre du marché unique.

La France est parvenue à un accord quasi total sur la question des contenus numériques. Les experts nous ont bien dit que les DVD étaient considérés comme des contenus numériques, alors que ces objets ont une apparence physique. Les problèmes surgissent lorsqu'il est question d'automobiles intelligentes : lors des ouragans en Floride, Tesla a accordé à toutes ses voitures 60 kilomètres d'autonomie supplémentaire. Aujourd'hui, cette entreprise est considérée non pas comme un constructeur automobile, mais ce qu'elle vend est en réalité un agrégat de logiciels. L'acheteur du véhicule s'engage à l'entretien du véhicule et de ses logiciels. Demain, s'il ne paye pas son crédit, la porte de la voiture ne s'ouvrira pas.

Il est important et bénéfique que les contenus numériques dématérialisés qui sont achetés d'un pays à l'autre soient soumis à un cadre global. Pour les biens physiques, il en va tout autrement, puisque 80 % d'entre eux sont distribués par quatre grandes centrales d'achat. Ce niveau de concentration est rare dans un pays démocratique. En contrepartie, les consommateurs ont bénéficié de droits spécifiques. Pourtant, en France, il est plus difficile d'obtenir la reprise d'un produit en magasin que dans les pays anglo-saxons.

Globalement, les pays entrants sont favorables à ce projet de directive qui renforce la protection de leurs consommateurs, mais ce sont surtout les petits pays qui y sont favorables, car ils auraient ainsi accès à un large marché européen aux normes peu contraignantes.

Mme Colette Mélot . - La Commission européenne souhaite harmoniser les règles pour ne pas freiner la consommation. En dépit de l'accroissement de la vente en ligne, les consommateurs hésitent encore à acheter dans un autre pays européen, car ils ignorent les garanties dont ils peuvent bénéficier. Pour notre part, nous souhaitons instaurer des garde-fous pour protéger les consommateurs français.

Nous vous proposons donc cette proposition de résolution, afin que la future directive soit d'harmonisation minimale.

M. André Gattolin . - Aux termes de l'article 169 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'Europe ne vient qu'en complément du droit national en ce qui concerne la protection des consommateurs. Ne confondons pas avec la sur-transposition qui, au moment du vote de la loi nationale, va au-delà de la directive en imposant plus d'obligations ou de normes.

La Commission invoque l'article 114 qui s'applique au fonctionnement du marché intérieur pour défendre son projet de directive, mais elle oublie de mentionner l'article 169. La protection des consommateurs français n'empêche nullement nos entreprises de développer leurs ventes sur le territoire national. En outre, n'oublions pas les spécificités de notre pays : la densité de la population y étant faible, nous devons éviter la disparition des commerces de centre-bourg. Une harmonisation globale ne créera pas les conditions du développement économique. Ainsi, le marché unique du numérique n'a pas créé d'industrie du numérique européenne. Pour y parvenir, il faudrait une politique d'investissements que l'Union ne privilégie guère.

M. Jean Bizet , président . - La référence à l'article 169 du traité est essentielle.

M. André Gattolin . - Certains, au Parlement européen, se félicitent de la position de la France, et il est probable que certains articles feront l'objet d'une harmonisation minimale. Mais le rapport de force n'en existe pas moins.

*

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

Puis la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, dans la rédaction suivante, la proposition de résolution européenne qui fera également l'objet d'un avis politique, rédigé dans les mêmes termes, qui sera adressé à la Commission européenne.

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