Rapport d'information n° 403 (2017-2018) de Mme Sophie PRIMAS et M. Alain MILON , fait au nom de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales, déposé le 5 avril 2018

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N° 403

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 avril 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) et de la commission des affaires sociales (2) sur les procédures de retrait et de rappel des produits alimentaires présentant un risque sanitaire ,

Par Mme Sophie PRIMAS et M. Alain MILON,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Robert Navarro, Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, MM. Dominique Théophile, Jean-Claude Tissot .

(2) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Mizzon, Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Jean Sol, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe, M. Dominique Watrin .

Mesdames, Messieurs,

Notre pays peut se prévaloir d'un ensemble de normes et d'acteurs qui lui permettent sans conteste d'assurer une sécurité sanitaire poussée de ses produits alimentaires.

Pourtant, nous ne sommes pas à l'abri d'une contamination ponctuelle d'un produit alimentaire qui, compte tenu des processus de fabrication à grande échelle ainsi que de la rapidité et des modalités de commercialisation que nous connaissons aujourd'hui, peut toucher un nombre potentiellement élevé de consommateurs, tant en France qu'à l'étranger. Ce que les médias ont, dès le début du mois de décembre 2017, qualifié d' « affaire Lactalis » le démontre pleinement.

Le déroulé des faits de cette « affaire », en deux phases, peut s'énoncer de manière relativement simple.

L'entreprise Lactalis a mis sur le marché des laits infantiles fabriqués dans son usine de Craon, en Mayenne, qui se sont révélés être contaminés par la salmonelle. Ces produits ont été livrés et distribués dans les réseaux de la grande distribution mais aussi dans le réseau des officines de pharmacie - ainsi que dans des établissements de santé ou relevant du secteur médico-social. Ces produits ont ensuite été consommés par des nourrissons qui ont contracté des infections entraînant pour certains une hospitalisation, suscitant ainsi l'angoisse des familles.

Dans un second temps, le système de veille sanitaire ayant démontré l'existence d'une contamination et déterminé son origine, plusieurs mesures de retrait et de rappel de certains lots de laits infantiles produits par le groupe Lactalis ont été mises en oeuvre à compter du 2 décembre 2017, qui ont petit à petit élargi le périmètre des produits concernés. Malgré cela, des produits relevant de lots potentiellement contaminés ont continué à être offerts à la vente dans certaines surfaces des réseaux de la grande distribution ainsi que dans certaines officines de pharmacie.

*

Si, compte tenu de la nature de la contamination et du nombre resté limité de nourrissons touchés, il n'y a sans doute pas lieu de parler de crise sanitaire, les faits ainsi brièvement rappelés mettent néanmoins en lumière des dysfonctionnements préoccupants dans la protection sanitaire offerte aux consommateurs . Or, il n'est pas acceptable qu'en France, en 2018, une contamination qui concerne des produits en principe particulièrement surveillés - puisque destinés à de très jeunes enfants - puisse ainsi survenir .

C'est la raison pour laquelle votre commission des affaires économiques et votre commission des affaires sociales ont, très rapidement après les faits, lancé un cycle d'auditions publiques 1 ( * ) afin de faire toute la lumière sur ces dysfonctionnements.

Cette démarche n'a pas eu pour volonté de déterminer des responsabilités individuelles. Le juge pénal a en effet été saisi de plaintes de la part d'associations de consommateurs (pour tromperie aggravée, mise en danger de la vie d'autrui et manquement aux obligations légales de sécurité) ou de parents de nourrissons victimes de cette contamination (pour négligence et administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente sur mineur de moins de 15 ans). Il lui reviendra, en conséquence, de se prononcer sur ce point, selon les éléments de preuves qui lui seront apportés dans le cadre de la procédure pénale, et de fixer, le cas échéant, les sanctions applicables.

Si vos commissions ont souhaité appréhender de façon globale l'ensemble des faits, qui jusqu'alors n'avaient été relatés que par la presse au jour le jour, c'est avant tout pour mener une réflexion prospective sur une évolution des pratiques, voire des cadres législatif et réglementaire applicables. L'objectif poursuivi est de faire en sorte que les dysfonctionnements constatés ne se reproduisent pas et qu'ainsi soient évitées des situations de même nature pouvant entraîner des conséquences sanitaires potentiellement encore plus graves.

Pour ce faire, les auditions menées au Sénat du 23 janvier au 21 février 2018 ont eu pour but d'entendre et d'échanger avec toute la chaîne des acteurs qui interviennent dans la « vie » d'un produit agroalimentaire , depuis sa production jusqu'à sa consommation : le producteur, les distributeurs, les services chargés de la sécurité alimentaire et, enfin, les consommateurs. 2 ( * ) Ainsi, 28 personnes ont été entendues au cours des six réunions conduites par les présidents des deux commissions.

Ces auditions ont permis de retracer clairement les étapes de la dissémination des produits contaminés jusqu'aux consommateurs et de pointer des défaillances à plusieurs endroits : dans la production, d'abord, mais aussi au stade du contrôle administratif et de la distribution des produits. Elles ont donné lieu à des propositions nombreuses formulées par les acteurs, que vos commissions ont souhaité prendre le temps d'examiner pour en apprécier pleinement la pertinence et l'effectivité.

*

Si les auditions ont permis de confirmer l'efficacité du dispositif de veille et d'alerte sanitaire, elles ont dans le même temps mis en lumière des dysfonctionnements ou des difficultés à trois étapes-clés : lors de la réalisation des contrôles portant sur la qualité sanitaire des produits ; lors de la phase d' information sur la procédure de retrait-rappel mise en oeuvre ; et lors de l' exécution matérielle de cette procédure par les acteurs concernés.

Vos commissions ont donc souhaité formuler des propositions d'évolution à ces différents niveaux, tout en constatant que les dysfonctionnements ou les difficultés révélés trouvent moins leur origine dans la législation et la réglementation que dans leur mise en oeuvre concrète. Ce sont donc, d'abord, des mesures concrètes et immédiatement opérationnelles que, pour la plupart, elles ont décidé de formuler à l'adresse de l'ensemble des acteurs.

En outre, la question de l'adéquation des sanctions actuellement prévues a aussi été posée au cours des échanges avec les personnes entendues par vos commissions. Celles-ci ont également entendu y répondre par certaines préconisations qui revêtent un caractère législatif ou réglementaire.

*

Votre commission des affaires économiques et votre commission des affaires sociales sont conscientes que, quand bien même ces mesures seraient adoptées par les acteurs, elles ne seraient pas à même de garantir un « risque zéro » en matière sanitaire. Celles-ci devraient néanmoins permettre de consolider et de rendre plus efficace la mise en oeuvre des règles de protection des consommateurs.

Elles appellent donc les acteurs concernés - producteurs, distributeurs, administrations - à appliquer au plus vite les actions proposées afin de ne pas laisser prospérer le climat de défiance envers les industriels, les distributeurs et les pouvoirs publics que de tels dysfonctionnements peuvent contribuer à installer chez les consommateurs.

LES 17 PROPOSITIONS FORMULÉES À LA SUITE DES AUDITIONS

I. AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES CONTRÔLES

Il ressort des auditions tenues par vos commissions des affaires économiques et des affaires sociales que la contamination des laits infantiles produits par Lactalis, d'une part, et leur commercialisation, d'autre part, auraient pu être évitées en présence de mécanismes d'autocontrôles ou de contrôles externes plus efficaces.

Selon les intervenants, le traitement thermique auquel est soumis le lait avant sa déshydratation laisse à penser que la contamination des produits a eu lieu lors des étapes ultérieures de la production, comme le conditionnement des poudres ou le mélange à sec avec d'autres ingrédients, en raison de la présence de salmonella agona dans l'environnement où ont été effectuées ces opérations. À l'heure actuelle, la réglementation 3 ( * ) prévoit que les informations concernant les denrées alimentaires susceptibles d'être préjudiciables à la santé doivent être communiquées sans délai par les propriétaires ou détenteurs de ces produits auprès de l'autorité administrative. Cette obligation concerne tout produit mis sur le marché, y compris les matières premières, mais ne porte pas sur les autocontrôles réalisés dans l'environnement de production.

Il est apparu au cours des auditions que l'entreprise Lactalis a constaté, à plusieurs reprises, la présence de salmonella agona dans l'environnement de production de son usine de Craon entre 2005 - date à laquelle elle avait déjà dû rappeler des laits infantiles qui y étaient produits - et 2017. N'ayant pas l'obligation d'en informer l'autorité administrative, l'entreprise s'est abstenue de communiquer ces données factuelles, alors même que cette infection environnementale semble avoir été la cause de l'infection des produits. Une mesure d'information aurait pourtant pu permettre, en concertation avec les autorités concernées, d'adopter des mesures préventives immédiates afin d'éviter une contamination des produits.

Pour vos commissions, il y a donc lieu de rendre obligatoire l'information de l'autorité administrative sur les autocontrôles positifs qui concernent l'environnement de production, lorsqu'ils révèlent, après contre-analyse, une situation présentant un risque pour la santé humaine. Cette information devra inclure les éléments correctifs envisagés ou apportés par le fabricant. Ainsi, très rapidement après la mise au jour de cet élément, des échanges pourraient avoir lieu avec les autorités administratives sur le degré de risque sanitaire associé à ces résultats et les mesures correctives adoptées ou envisagées afin d'en évaluer la pleine pertinence. À cet égard, vos commissions soulignent que les fabricants ne doivent s'interdire aucun type de mesure ; en particulier, la suspension provisoire immédiate de la production du produit alimentaire concerné peut, dans certains cas extrêmes, constituer une mesure adaptée.

Vos commissions ne peuvent que souhaiter que ces exigences, de nature à renforcer la sécurité sanitaire des aliments, soient également appliquées à l'occasion de la fabrication de produits alimentaires à l'étranger qui peuvent être offerts à la consommation en France.

Proposition n° 1 : Rendre obligatoire l'information de l'autorité administrative sur les autocontrôles positifs réalisés par le fabricant qui concernent des prélèvements dans l'environnement de production, lorsque ceux-ci font apparaître, après contre-analyse, une situation présentant un risque pour la santé humaine, ainsi que sur les éléments correctifs envisagés ou apportés.

Vos commissions estiment également que le dispositif de signalement devrait être élargi et intervenir le cas échéant plus en amont , ce qui serait de nature à limiter le risque d'apparition d'une crise sanitaire . Il semble donc pertinent de prévoir un contrôle périodique par l'autorité administrative des informations contenues dans les registres que chaque fabricant doit tenir à la disposition de l'administration en vertu du droit européen. Le règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires impose en effet aux fabricants de tenir un registre qui répertorie différents éléments en lien avec le produit, et notamment les données qui présentent un « intérêt pour la santé humaine ».

Dans le même esprit, il pourrait être envisagé d'imposer aux laboratoires indépendants chargés de réaliser des autocontrôles de signaler à l'autorité administrative les résultats non conformes à la réglementation applicables au produit, dès lors que ces derniers sont confirmés par une contre-analyse.

Proposition n° 2 : Prévoir un contrôle par l'autorité administrative, selon une périodicité à déterminer, des informations figurant dans les registres que doivent tenir les fabricants en application du règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires.

Proposition n° 3 : Imposer aux laboratoires indépendants mandatés pour réaliser des analyses pour le compte des producteurs de signaler à l'autorité administrative les résultats non conformes à la réglementation applicable au produit, confirmés par une contre-analyse.

La répartition des compétences entre autorités administratives est aujourd'hui complexe , peu lisible et peut rendre difficile la coordination des équipes concernées. Le cas de l'usine de Craon, évoqué au cours des auditions, l'a parfaitement mis en lumière.

La direction générale de l'alimentation (DGAL), relevant du ministère de l'agriculture, est compétente pour la délivrance de l'agrément aux établissements ainsi que pour les contrôles d'hygiène qui lui sont liés. Elle est également compétente pour le suivi et les retraits et rappels des produits alimentaires d'origine animale, à l'exception des « denrées destinées à une alimentation particulière » qui relèvent, au même titre que les denrées d'origine végétale, de la compétence de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), relevant du ministère de l'économie.

Certains raffinements ajoutent encore plus de complexité à cette répartition des compétences. Par exemple, pour les produits d'origine mixte (animale et végétale), la DGAL est compétente si l'établissement est agréé ou si la partie d'origine animale est « caractéristique du produit ». Dans le cas contraire, la DGCCRF est compétente. La direction générale de la Santé (DGS) est quant à elle en charge de ce suivi pour les seules eaux embouteillées jusqu'à l'embouteillage, le suivi des eaux une fois embouteillées incombant ensuite à la DGCCRF.

En outre, la DGCCRF réalise des contrôles des premiers metteurs sur le marché (dits « CP2M ») dans l'usine qui, s'ils portent principalement sur l'étiquetage, le respect des règles de facturation, de traçabilité et de maîtrise des risques, peuvent également porter incidemment sur l'hygiène de l'entreprise.

Ainsi, l'usine de Craon, fabriquant des laits infantiles mais également d'autres produits lactés comme des fromages, connaît des interlocuteurs administratifs différents selon la nature des produits. Cet enchevêtrement de compétences apparaît préjudiciable à l'efficacité des contrôles et peut créer des difficultés de communication à l'occasion de la mise en oeuvre des procédures de retrait et de rappel des produits.

S'il existe d'ores et déjà un protocole de coopération entre la DGCCRF, la DGS et la DGAL datant de 2006, il semble souhaitable, à tout le moins d'en clarifier encore les termes, voire d'unifier la responsabilité de l'exercice des contrôles sur un site déterminé de production autour d'un même service ministériel.

Proposition n° 4 : Clarifier la répartition des compétences entre les administrations centrales en matière de contrôles et étudier la possibilité d'unifier la responsabilité de l'exercice des contrôles sur un site déterminé de production autour d'un même service ministériel.

La confiance des consommateurs à l'égard de la sécurité alimentaire des produits qu'ils achètent repose en grande partie sur l'indépendance des contrôles réalisés par l'administration . Or ceux-ci restent peu nombreux et ne font l'objet que d'une communication limitée qui serait pourtant, si elle était rendue plus systématique, de nature à rassurer les consommateurs puisque ces contrôles ne révèlent, dans l'immense majorité des cas, aucune anomalie. En outre, la réduction continue depuis plusieurs années des budgets de la DGAL comme de la DGCCRF, évoquée au cours des auditions, est, selon de nombreux rapports 4 ( * ) , à l'origine de certaines fragilités du dispositif de sécurité sanitaire. Ainsi, d'après la DGAL, le Royaume-Uni disposait en 2016 d'un inspecteur pour 74 établissements de remise directe (restaurants, commerces de bouche, distributeurs) alors qu'en France un inspecteur est en moyenne responsable de la surveillance de 3 284 établissements.

Vos commissions estiment donc indispensable d'augmenter les moyens dédiés aux inspections et d'accroître la fréquence des contrôles, tout en valorisant publiquement ces contrôles.

Proposition n° 5 : Augmenter les moyens dédiés aux inspections et accroître la fréquence des contrôles CP2M de la DGCCRF et des contrôles sanitaires de la DGAL.

Proposition n° 6 : Mieux communiquer sur les contrôles réalisés par l'administration afin d'améliorer la confiance des consommateurs dans la sécurité sanitaire des aliments.

II. FIABILISER L'INFORMATION DANS LE CADRE DES PROCÉDURES DE RETRAIT ET DE RAPPEL

Les auditions ont révélé des difficultés majeures dans la circulation de l'information , une fois la contamination mise au jour.

D'une part, l'information donnée par le producteur sur les produits infectés par salmonella agona est intervenue de manière parcellaire , à l'occasion de plusieurs annonces successives, nuisant ainsi à l'intelligibilité du champ d'application de la procédure de retrait et de rappel.

Pas moins de quatre vagues d'informations sur la nature des lots devant faire l'objet de mesures de retrait et de rappel ont été adressées par Lactalis ou par communiqué de presse du ministère de l'économie et des finances aux distributeurs pour opérer les retraits et les rappels de lots considérés à risque. L'identification des lots concernés s'en est trouvée fortement réduite.

Cette situation semble provenir d'un défaut d'identification et de traçabilité des produits par le fabricant lui-même. Lactalis a, par exemple, identifié le 13 décembre cinq lots qui auraient dû être couverts par l'arrêté du ministre de l'économie et des finances pris quatre jours auparavant, le 9 décembre, ordonnant le retrait et le rappel des produits ayant transité par l'une des tours de séchage du site depuis le 15 février 2017. De plus, certains distributeurs ont reçu livraison de lots concernés par les mesures de retrait, après leur mise en oeuvre.

Vos commissions estiment donc nécessaire que les industriels du secteur de l'agroalimentaire se dotent d'outils et de référentiels internes permettant d'assurer la traçabilité effective de leurs produits, y compris les échantillons, afin de favoriser notamment une identification rapide des lots à risque, ce qui favoriserait la bonne mise en oeuvre des procédures de retrait ou de rappel.

Proposition n° 7 : Renforcer la traçabilité des produits afin de favoriser une identification rapide des lots à risque par le fabricant pour éviter une succession de mesures de retrait ou rappel concernant un même produit.

D'autre part, il s'avère que les moyens mis en oeuvre afin de rendre publique la liste des produits concernés par la procédure de rappel ont été partiellement inefficaces . Plusieurs listes ont figuré et demeurent disponibles sur Internet, souvent peu ou pas actualisées en temps réel.

Il est pourtant essentiel que les consommateurs disposent d'un accès simple, clair et lisible aux produits concernés par ces procédures. Vos commissions estiment en conséquence qu'il convient de privilégier la diffusion d'une liste unique et mise à jour de produits faisant l'objet du rappel et d'imposer aux sites hébergeant ces listes d'en publier la dernière version actualisée.

Proposition n° 8 : Faire figurer sur une liste unique l'intégralité des informations relatives aux produits d'alimentation faisant l'objet d'une procédure de rappel, les sites hébergeant cette liste devant en publier la dernière version actualisée.

L'utilisation des technologies les plus récentes est indispensable pour informer tous les consommateurs de l'existence d'une procédure de rappel. La communication ne saurait se réaliser uniquement par voie d'affichage en rayon mais devrait se diversifier et se matérialiser, notamment, par des messages sur les réseaux sociaux ou des applications internet spécifiques.

Néanmoins, pour renforcer l'efficacité de cette communication de crise, vos commissions estiment qu'une hiérarchisation des moyens déployés doit être mise en place pour qu'aux crises les plus graves répondent les moyens de communication les plus efficaces. À ce titre, en cas de risque de crise sanitaire majeure, des messages audiovisuels sur le modèle du dispositif « Alerte enlèvement » pourraient être diffusés pour informer les consommateurs.

Proposition n° 9 : Diversifier les canaux de communication pour mieux diffuser l'information sur la procédure de rappel.

Proposition n° 10 : Mettre en place une procédure standardisée d'alerte sanitaire dédiée aux rappels, modulée en fonction de la gravité des risques pesant sur la santé des consommateurs.

III. RENDRE PLUS EFFECTIVE L'EXÉCUTION MATÉRIELLE DU RETRAIT ET DU RAPPEL DES PRODUITS

Enfin, au cours des auditions, des défaillances sont apparues dans l'exécution matérielle des mesures de retrait et de rappel des produits. Elles mettent en cause très directement les processus d'organisation dans les surfaces de vente.

Certes, un guide de gestion des alertes alimentaires, établi entre les exploitants de la chaîne alimentaire et l'administration, existe déjà et vise à faciliter la coopération entre toutes les parties prenantes face à une situation de retrait ou de rappel des produits. Mais ce document n'a pas été révisé depuis 2009 alors même que les modes de distribution ont évolué fortement depuis lors.

Il conviendrait donc que les acteurs concernés mettent à jour rapidement ce guide en y intégrant les meilleures pratiques d'organisation afin de faire face dans des conditions optimales aux obligations liées à la mise en oeuvre de procédures de retrait ou de rappel.

Au-delà, la qualité de l'organisation et des procédures internes pourrait faire l'objet d'une certification ad hoc , à partir d'un référentiel reprenant les spécifications de ce guide ou des spécifications particulières, notamment s'agissant des officines de pharmacie.

Proposition n° 11 : Mettre à jour le guide de gestion des alertes alimentaires et envisager la mise en place de certifications ad hoc des surfaces de vente.

Les auditions ont également montré que des consommateurs ont pu acheter dans certains points de ventes, y compris des officines de pharmacie, des produits concernés par la procédure de retrait malgré l'interdiction de vente qui en découle. En outre, dans plusieurs grandes surfaces, des produits retournés par les clients aux distributeurs à la suite de la mesure de rappel ont été remis dans le circuit de vente. L'erreur humaine est souvent à l'origine de ces dysfonctionnements.

Pour réduire le risque de défaillance humaine , il convient donc d'utiliser pleinement les nouvelles technologies. À cet égard, une évolution de la structure du code-barres EAN ( European Article Numbering ) ou de tout autre élément d'identification, afin d'y inclure le numéro de lot du produit, doit être envisagée, les spécifications techniques actuelles n'autorisant pas un blocage par lot. Par ailleurs, un scannage obligatoire d'un produit restitué à l'accueil avant toute remise en rayon pourrait être mis en place afin d'éviter sa remise en vente.

En outre, un effort de formation des personnels (notamment à l'adresse des agents de caisses et d'accueils des surfaces de vente) doit être accompli afin de sécuriser les procédures de retrait et de rappel.

Proposition n° 12 : Bloquer en caisse, grâce à une évolution du code-barres EAN ou de tout autre identifiant, tout produit relevant d'un lot concerné par une procédure de retrait.

Proposition n° 13 : Instituer une procédure de scannage du produit à l'accueil avant toute remise en rayon pour éviter qu'un produit retourné concerné par la procédure de rappel ne soit remis en vente.

Proposition n° 14 : Renforcer la formation des personnels de vente et d'accueil aux procédures de retrait et de rappel.

Il s'avère également que, malgré la procédure de retrait, des sites marchands en ligne ont maintenu les références des produits faisant l'objet de cette mesure, les laissant ainsi offerts à la vente.

Il convient donc que ce canal de distribution soit pleinement couvert par la procédure. Pour ce faire, il importe que les distributeurs bloquent dès l'ouverture de la procédure la possibilité d'acheter les références concernées sur leurs sites de vente en ligne, dans l'attente que l'inventaire des lots dans les surfaces de stockage soit effectué et permette d'écarter ceux qui font l'objet de la mesure de retrait.

Proposition n° 15 : En cas de procédure de retrait, imposer le blocage automatique des références concernées sur les sites internet de vente en ligne.

Une fois que le produit a été acheté, l'enjeu est de pouvoir informer le consommateur de sa dangerosité, en l'invitant à restituer le produit.

Le distributeur doit parvenir à contacter les consommateurs concernés par le rappel pour leur demander de détruire ou de restituer au point de vente le produit contaminé. Aujourd'hui, il peut déjà utiliser les données liées aux cartes de fidélité si elles ont été utilisées lors des achats, mais cela ne couvre pas l'ensemble des clients concernés.

À l'occasion des mesures de rappel intervenues en décembre 2017, les établissements bancaires ont été sollicités, en dehors de toute base juridique, afin d'identifier les acheteurs des produits concernés grâce à leur carte bancaire. Cette démarche a effectivement permis de contacter des consommateurs et s'est révélée utile à ce titre. Néanmoins, elle met en cause le secret bancaire . C'est pourquoi vos commissions, sans s'opposer à cette mesure, estiment qu'il est indispensable qu'elle soit mieux encadrée juridiquement et réservée, en tout état de cause, aux cas de risque sanitaire les plus graves.

Proposition n° 16 : Mieux encadrer juridiquement l'identification des consommateurs par leurs données de cartes bancaires et réserver le recours à cette mesure aux cas de risque sanitaire les plus graves.

IV. RENDRE LES SANCTIONS APPLICABLES PLUS DISSUASIVES

Au cours des auditions, des interrogations ont été soulevées quant au caractère réellement dissuasif des sanctions aujourd'hui applicables en cas de manquement des acteurs - fabricants et distributeurs - à leurs obligations.

De fait, actuellement, les sanctions applicables divergent en cas de mise sur le marché ou de commercialisation de produits retirés ou rappelés. En outre, il résulte des auditions que, faute d'être toujours adéquates, les sanctions actuelles ne sont pas appliquées.

Vos commissions appellent donc à une clarification des sanctions applicables, et surtout à un renforcement de leur caractère dissuasif afin d'inciter les opérateurs à s'acquitter avec constance et sérieux des obligations qui sont mises à leur charge. À cet égard, un renforcement des mécanismes de sanction devrait être envisagé, en prévoyant notamment des sanctions administratives efficaces et la mise en place d'un quantum d'amende éventuellement proportionné à la valeur marchande ou au volume de produits indûment mis sur le marché ou non retirés des circuits de vente.

Proposition n° 17 : Harmoniser et renforcer les mécanismes de sanction, en prévoyant notamment des sanctions administratives efficaces et en envisageant de proportionner le quantum de la sanction à la valeur marchande ou au volume de produits indûment mis sur le marché ou non retirés des circuits de vente.

LISTE DES PROPOSITIONS

AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES CONTRÔLES

Proposition n° 1 : Rendre obligatoire l'information de l'autorité administrative sur les autocontrôles positifs réalisés par le fabricant qui concernent des prélèvements dans l'environnement de production, lorsque ceux-ci font apparaître, après contre-analyse, une situation présentant un risque pour la santé humaine, ainsi que sur les éléments correctifs envisagés ou apportés.

Proposition n° 2 : Prévoir un contrôle par l'autorité administrative, selon une périodicité à déterminer, des informations figurant dans les registres que doivent tenir les fabricants en application du règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires.

Proposition n° 3 : Imposer aux laboratoires indépendants mandatés pour réaliser des analyses pour le compte des producteurs de signaler à l'autorité administrative les résultats non conformes à la réglementation applicable au produit, confirmés par une contre-analyse.

Proposition n° 4 : Clarifier la répartition des compétences entre les administrations centrales en matière de contrôles et étudier la possibilité d'unifier la responsabilité de l'exercice des contrôles sur un site déterminé de production autour d'un même service ministériel.

Proposition n° 5 : Augmenter les moyens dédiés aux inspections et accroître la fréquence des contrôles CP2M de la DGCCRF et des contrôles sanitaires de la DGAL.

Proposition n° 6 : Mieux communiquer sur les contrôles réalisés par l'administration afin d'améliorer la confiance des consommateurs dans la sécurité sanitaire des aliments.

FIABILISER L'INFORMATION DANS LE CADRE DES PROCÉDURES DE RETRAIT ET DE RAPPEL

Proposition n° 7 : Renforcer la traçabilité des produits afin de favoriser une identification rapide des lots à risque par le fabricant pour éviter une succession de mesures de retrait ou rappel concernant un même produit.

Proposition n° 8 : Faire figurer sur une liste unique l'intégralité des informations relatives aux produits d'alimentation faisant l'objet d'une procédure de rappel, les sites hébergeant cette liste devant en publier la dernière version actualisée.

Proposition n° 9 : Diversifier les canaux de communication pour mieux diffuser l'information sur la procédure de rappel.

Proposition n° 10 : Mettre en place une procédure standardisée d'alerte sanitaire dédiée aux rappels, modulée en fonction de la gravité des risques pesant sur la santé des consommateurs.

RENDRE PLUS EFFECTIVE L'EXÉCUTION MATÉRIELLE
DU RETRAIT ET DU RAPPEL DES PRODUITS

Proposition n° 11 : Mettre à jour le guide de gestion des alertes alimentaires et envisager la mise en place de certifications ad hoc des surfaces de vente.

Proposition n° 12 : Bloquer en caisse, grâce à une évolution du code-barres EAN ou de tout autre identifiant, tout produit relevant d'un lot concerné par une procédure de retrait.

Proposition n° 13 : Instituer une procédure de scannage du produit à l'accueil avant toute remise en rayon pour éviter qu'un produit retourné concerné par la procédure de rappel ne soit remis en vente.

Proposition n° 14 : Renforcer la formation des personnels de vente et d'accueil aux procédures de retrait et de rappel.

Proposition n° 15 : En cas de procédure de retrait, imposer le blocage automatique des références concernées sur les sites internet de vente en ligne.

Proposition n° 16 : Mieux encadrer juridiquement l'identification des consommateurs par leurs données de cartes bancaires et réserver le recours à cette mesure aux cas de risque sanitaire les plus graves.

RENDRE LES SANCTIONS APPLICABLES PLUS DISSUASIVES

Proposition n° 17 : Harmoniser et renforcer les mécanismes de sanction, en prévoyant notamment des sanctions administratives efficaces et en envisageant de proportionner le quantum de la sanction à la valeur marchande ou au volume de produits indûment mis sur le marché ou non retirés des circuits de vente.

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

A. AUDITION DE MME VIRGINIE BEAUMEUNIER, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES (DGCCRF), ACCOMPAGNÉE DE M. LOÏC TANGUY, DIRECTEUR DE CABINET - MARDI 23 JANVIER 2018

Mme Sophie Primas , présidente . - En préambule, je souhaite la bienvenue à Yves Bouloux, élu le 17 décembre sénateur de la Vienne, en remplacement de M. Jean-Pierre Raffarin. Notre commission est désormais au complet et compte 51 membres.

Madame la directrice générale, la commission des affaires économiques, en commun avec la commission des affaires sociales, a souhaité lancer un cycle d'auditions afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce que les medias appellent désormais « l'affaire Lactalis », c'est-à-dire la commercialisation de laits infantiles infectés par des salmonelles.

Il ne s'agit pas, ce faisant, de transformer le Sénat en tribunal. Des actions devant les juridictions pénales ont d'ores et déjà été initiées par les parents de nouveau-nés et nourrissons contaminés. Notre démarche vise à mieux cerner la nature des dysfonctionnements qui seraient intervenus dans la gestion de ce dossier. Il s'agira ensuite d'envisager des mesures qui permettront, à l'avenir, d'éviter de telles situations. En France, en 2018, les consommateurs sont en effet en droit d'attendre une sécurité alimentaire effective, notamment pour les produits industriels destinés à des publics fragiles comme les très jeunes enfants.

Notre cycle d'auditions nous conduira ainsi à entendre non seulement l'entreprise Lactalis, mais également les grands acteurs de la distribution, les représentants des consommateurs, ainsi que différents services de l'État. Ceux-ci, en effet, ont été très vite mis en cause aux côtés du producteur, notamment dans la presse, pour n'avoir d'abord pas procédé aux contrôles suffisants du site de production de Craon, à l'origine de la contamination, puis pour n'avoir pas engagé la procédure de suspension de commercialisation et de retrait des produits dans des conditions de nature à endiguer totalement la dissémination des produits contaminés.

C'est donc naturellement que nous vous avons sollicitée, madame la directrice générale. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, est chargée, parmi ses nombreuses missions, de la protection de la sécurité des consommateurs, mission qui se décline, s'agissant des produits alimentaires, d'une part en l'établissement d'une réglementation, d'autre part en la mise en place de contrôles relatifs à la composition, à l'étiquetage général et nutritionnel, aux allégations, à l'hygiène et au respect de la chaîne du froid.

Aux termes du code de la consommation, la responsabilité première en matière de sécurité des produits repose sur les producteurs, mais l'autorité administrative, lorsqu'elle a connaissance d'un danger de santé publique, a compétence pour suspendre leur mise sur le marché et ordonner le retrait, le rappel, voire la destruction d'un produit. L'autorité administrative peut également ordonner la diffusion de mises en garde aux consommateurs.

La chronologie des faits, telle qu'elle a été présentée par la presse notamment, indique que l'autorité administrative a certes agi, mais la question se pose de savoir si elle a pris les bonnes mesures au bon moment.

Madame la directrice générale, pourriez-vous nous rappeler comment s'exercent, sur le terrain, les contrôles de sécurité des produits alimentaires, à partir de quel moment l'autorité décide de prononcer une mesure de protection des consommateurs et, en pratique, comment est mise en oeuvre une mesure de retrait une fois qu'elle a été prononcée ?

Ensuite, pourrez-vous nous indiquer précisément les actions menées par la DGCCRF à l'égard des produits Lactalis incriminés et justifier le choix fait par le ministre de retirer certains lots seulement de la commercialisation ?

Enfin, selon vous, à quoi sont dues les défaillances constatées et quelles actions entreprendre pour qu'elles ne se reproduisent à l'avenir ?

Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF. - Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me permettre de vous présenter le rôle de la DGCCRF et de répondre à vos questions.

En réponse aux questions de Mme la présidente, mon intervention portera sur trois points : les responsabilités des différents acteurs dans ce type de crise, la chronologie des faits et la procédure de retrait-rappel.

En matière de sécurité sanitaire, la responsabilité première revient aux producteurs et aux distributeurs des produits. Le fabricant a l'obligation de mettre sur le marché des produits sûrs. Par ailleurs, lorsqu'il sait qu'il a mis sur le marché des produits qui ne respectent pas cette obligation de sécurité, il est de sa responsabilité d'engager l'ensemble des actions nécessaires pour protéger les consommateurs, conformément à un règlement européen et à différents textes d'application.

Les distributeurs ont une obligation semblable. Lorsqu'ils sont informés, en général par le fabricant, que l'un des produits qu'ils commercialisent est dangereux, ils doivent engager l'ensemble des actions nécessaires pour protéger leurs clients. Le fabricant informe les distributeurs, qui, eux, informent les consommateurs directs.

De son côté, l'État contrôle que ces différents acteurs respectent leurs obligations.

La DGCCRF est chargée de la régulation et du bon fonctionnement des marchés. Elle veille au respect et à la loyauté de la concurrence, à la protection économique des consommateurs, ainsi qu'à la sécurité et à la conformité des produits de consommation et des services. Son action de contrôle est menée au bénéfice des consommateurs, mais aussi, on l'oublie souvent, des entreprises vertueuses, celles qui respectent la totalité de leurs obligations.

La DGCCRF fait partie du ministère de l'économie. Elle est représentée à l'échelon régional dans les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et à l'échelon départemental par les DDPP, les directions départementales de la protection des populations, ou, dans les départements de plus petite taille, par les DDCSPP, les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations. Les DDPP regroupent des agents des services de la DGCCRF et des services vétérinaires. Les DDCSPP comprennent également les services du ministère de la solidarité et de la santé, de la jeunesse et des sports. Pour ce qui concerne la sécurité sanitaire de l'alimentation, la compétence des services de l'État est partagée avec les ministères de la santé et de l'agriculture. Les missions de contrôle sont exercées en articulation avec le ministère de l'agriculture.

Habituellement, les produits alimentaires d'origine animale relèvent plutôt de la compétence des services vétérinaires. Pour ce qui concerne les laits de nutrition infantile, s'agissant d'une denrée d'origine animale, le ministère de l'agriculture est en charge du suivi des usines de fabrication qui disposent d'agréments sanitaires délivrés par ses services. C'était le cas de l'usine de Craon. Cet agrément vise à encadrer la production de denrées animales ou d'origine animale, denrées considérées comme sensibles, notamment sur le plan de l'hygiène. Les entreprises qui transforment de tels produits doivent être agréées.

La gestion des alertes sur les denrées alimentaires est une compétence partagée entre la DGCCRF et la direction générale de l'alimentation, la DGAL, qui relève du ministère de l'agriculture. La répartition des notifications initiales des alertes alimentaires est définie dans un protocole de coopération, de coordination et de gestion applicable à la direction générale de la santé du ministère de la santé, la DGAL, et à la DGCCRF. La gestion des alertes concernant les aliments destinés à une alimentation particulière, comme les laits infantiles et les compléments alimentaires, relève de la DGCCRF, ce qui explique qu'elle ait été en première ligne dans la gestion de cette crise.

En complément, la DGCCRF réalise des contrôles dit « contrôles des premiers metteurs sur le marché », ou CP2M, dans ces usines. Ces contrôles diffèrent selon qu'il s'agit d'entreprises dans le secteur de l'alimentation animale, qui relèvent d'un agrément sanitaire, ou d'entreprises du secteur industriel. Les CP2M sont des contrôles sur le fonctionnement général de l'entreprise. Ils visent à s'assurer du respect par cette dernière de l'ensemble des réglementations auxquelles elle est soumise en matière de protection du consommateur et dont la DGCCRF pilote les contrôles. Cela porte notamment sur les règles d'étiquetage, la composition des denrées alimentaires, ainsi que le respect des règles de facturation, de traçabilité ou de maîtrise de risques. Lorsque l'établissement contrôlé dispose d'agréments sanitaires, comme c'est le cas de l'usine de Craon, ce contrôle ne porte a priori pas sur la partie hygiène de l'entreprise pour éviter des redondances de compétences et de contrôle. Les moyens de l'État sont précieux, nous essayons donc de bien nous répartir les rôles. Des protocoles de contrôles pluriannuels sont définis à cette fin entre la DGCCRF et le ministère de l'agriculture.

Toutefois, il est évident que si des manquements aux règles d'hygiène sont mis en évidence au cours d'un contrôle, les agents de la DGCCRF prennent les mesures conservatoires nécessaires pour les faire cesser ou signalent les manquements à leurs collègues des services vétérinaires.

Dans le cas de l'usine Lactalis de Craon, qui est soumise à agrément sanitaire, les CP2M sont réalisés tous les trois ans. Un contrôle avait eu lieu en 2014, un nouveau contrôle était prévu le 5 décembre 2017.

Je vais maintenant vous décrire la chronologie des faits.

Le 1 er décembre 2017, les services de la DGCCRF sont alertés par Santé publique France, établissement public en charge de missions de veille sanitaire, d'un nombre anormalement élevé de cas de salmonelloses, dont le sérotype est Salmonella agona , chez des enfants en bas-âge. Des questionnaires adressés par Santé publique France aux parents d'une vingtaine de nourrissons malades signalés à cette date ont permis de mettre en évidence que ces enfants avaient en commun la consommation exclusive de lait infantile des marques Picot et Milumel du groupe Lactalis. Les premiers cas ayant été isolés dès la mi-août, on pouvait craindre que des lots contaminés aient été mis sur le marché dès la mi-juillet 2017 et qu'ils soient encore sur le marché. Nous n'avons été informés de ces cas que le 1 er décembre, le temps qu'une anomalie statistique soit constatée.

Les services de la DGCCRF ont immédiatement contacté la DDCSPP de la Mayenne, où est situé le siège de Lactalis Nutrition Santé, l'entreprise qui a fabriqué ces produits. Les premiers contacts sont pris le soir même avec l'entreprise et permettent d'identifier que les trois références impliquées sont fabriquées sur un même site, à Craon.

Le 2 décembre 2017, des investigations complémentaires sont réalisées sur ce site. Il est demandé à l'entreprise de mettre en place des mesures conservatoires, comme le blocage à la commercialisation de tous ses stocks.

Lactalis annonce enfin retirer de la commercialisation et rappeler 12 lots de produits de nutrition infantile. Il s'agit des lots de trois références mis sur le marché à partir de la mi-juillet. Cette information est relayée par un communiqué de presse des ministères de l'économie et de la santé. Environ vingt-quatre heures se seront écoulées entre l'information de la DGCCRF par Santé publique France et la première mesure de gestion décidée par Lactalis.

À partir du 4 décembre 2017, des investigations complémentaires sont menées sur site par la DDCSPP de Mayenne, puis par le service national des enquêtes de la DGCCRF, le SNE, service spécialisé dans les enquêtes lourdes. Ces contrôles visaient à vérifier que Lactalis avait mis en oeuvre des mesures appropriées de gestion du risque afin de garantir que les produits encore sur le marché étaient sûrs. Le fabricant a décidé de mesures. Il revient aux services de l'État de contrôler leur suffisance. Ces contrôles de l'administration ont consisté en une soixantaine de prélèvements pour analyse, en des contrôles documentaires et à l'audition de responsables de l'entreprise.

Le 8 décembre, la DGCCRF a été informée de cinq nouveaux cas de salmonellose, dont celui d'un enfant ayant consommé un produit du groupe Lactalis autre que ceux ayant déjà été identifiés au début du mois de décembre. Par ailleurs, les résultats des prélèvements réalisés par Lactalis et par les autorités de contrôle à proximité de la chaîne de production, concrètement dans l'environnement de la tour de séchage n° 1, ont montré la présence dans l'usine de Craon de salmonelles du même sérotype que celles ayant conduit à la contamination des nourrissons. À ce stade, les premières conclusions de l'enquête menée par les agents du SNE sur site conduisent la DGCCRF à considérer que les mesures prises par l'entreprise le 4 décembre ne sont pas de nature à maîtriser le risque de contamination. Lactalis est informé de ces conclusions.

Le 9 décembre 2017, après un contact direct entre les dirigeants de l'entreprise et le cabinet du ministre de l'économie et des finances, faute d'une démarche volontaire de l'entreprise permettant une gestion satisfaisante du risque de contamination des produits, Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, compétent en matière de sécurité des produits infantiles, a décidé d'ordonner la suspension de la commercialisation et de l'exportation, ainsi que le retrait et le rappel des fabrications ayant transité par la tour de séchage n° 1 du site de Craon depuis le 15 février 2017. Cela représente plus de 600 lots de produits de nutrition infantile, soit plus de 11 000 tonnes de produits, dont environ 7 000 tonnes destinées au marché national.

La date retenue du 15 février correspond, moyennant une période de sécurité d'un mois liée à un possible stockage par les parents, à la date de fabrication du lot de lait le plus ancien suspecté d'avoir conduit à la contamination d'un nourrisson parmi les cas connus à cette date.

Le 13 décembre 2017, cinq nouveaux lots issus de la tour de séchage n° 1 qui auraient dû être couverts par l'arrêté, mais qui n'apparaissaient pas dans les documents de traçabilité transmis par Lactalis au moment de la rédaction de celui-ci, sont rappelés par le fabricant, qui a constaté une erreur dans les informations qu'il nous a données.

Le 20 décembre 2017 ont été organisées deux réunions pour informer les parties prenantes des mesures prises par l'administration : l'une avec les organisations de consommateurs agréées, l'autre avec les professionnels de la filière. Une telle mesure s'impose en cas d'arrêté de retrait-rappel. Ces réunions permettent la mise à disposition de produits alternatifs.

Le 21 décembre 2017, suite à la détection de la bactérie dans l'environnement de la tour n° 2, le groupe Lactalis annonce généraliser le retrait-rappel à l'ensemble des produits fabriqués ou conditionnés sur la partie du site Lactalis Nutrition Santé depuis le 15 février 2017. Il s'agit de laits et céréales infantiles, ainsi que de produits de nutrition spécialisés. Le ministère de l'économie publie un communiqué de presse pour prendre acte de cette décision.

Le 22 décembre 2017, le SNE est saisi par le pôle santé publique du parquet de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire, notamment sur le fondement du rapport d'enquête du SNE et à la suite de plaintes de parents de nourrissons victimes de cette contamination. De ce fait, de nombreux sujets ne peuvent plus être évoqués.

J'évoquerai maintenant les procédures de retrait et de rappel.

Le 2 décembre, le 10 décembre, le 13 décembre puis le 21 décembre, des mesures de retrait-rappel ont ainsi été annoncées. Ces différentes procédures ont concerné un nombre très important de produits : ce sont des dizaines de millions de boîtes de produits infantiles, commercialisées dans des dizaines de milliers de points de vente - supermarchés, hypermarchés, pharmacies - ou diffusées dans des crèches, des hôpitaux, des maternités, en France et dans une soixantaine de pays, qui ont dû être rappelées.

Comme je l'ai indiqué en introduction, lors d'une opération de retrait-rappel de produits, menée de manière volontaire ou en application d'une décision du ministre, le fabricant est responsable de sa mise en oeuvre. Il lui revient de déterminer les moyens nécessaires pour assurer l'efficacité des opérations - information directe de ses clients, communiqués de presse. Tout au long de la chaîne de distribution, chaque maillon est responsable, d'une part, de cesser la commercialisation des produits concernés et, d'autre part, d'informer ses clients de la procédure de retrait-rappel. Le distributeur final a une obligation d'information des consommateurs de l'existence d'une procédure de rappel pour les produits qu'il a déjà commercialisés. Tous ces opérateurs ont une obligation de résultat. Ils doivent utiliser tous les moyens à leur disposition : affichage, information directe chaque fois qu'ils ont les coordonnées des consommateurs - grâce aux cartes de fidélité ou en cas de paiement par chèque. Les pouvoirs publics accompagnent ces opérateurs avec des communiqués de presse, afin que l'information soit la plus large possible et qu'elle soit reprise par les medias.

Pour contrôler l'effectivité des mesures de retrait-rappel, la DGCCRF a demandé à l'ensemble de ses services départementaux d'intervenir à tous les maillons de la chaîne de distribution afin de vérifier que les produits concernés n'étaient plus commercialisés. Des contrôles par sondage dans les différents points de vente, mais également auprès des sièges des centrales d'achat des grandes enseignes de distribution, chez les grossistes, dans les hôpitaux et les crèches, mais aussi sur les sites internet de vente de produits alimentaires ont été réalisés sur la base des listings clients obtenus auprès de Lactalis.

Entre le 26 décembre et le 5 janvier, environ 2 500 contrôles ont été effectués. Au cours de ces contrôles, s'il était avéré que des produits rappelés continuaient à être commercialisés, les agents de la DGCCRF demandaient le retrait immédiat des rayons des produits incriminés. Par ailleurs, au-delà de cette mesure d'urgence, des constatations ont été établies et les suites appropriées pourront être données ultérieurement. Elles dépendront des causes et des conditions dans lesquelles ces manquements ont été commis. En tout état de cause, le fait de poursuivre la vente de produits concernés par une opération de retrait-rappel est susceptible de constituer une tromperie aggravée, qui est un délit pénal.

Ces contrôles, dont les conclusions ont été annoncées le 11 janvier 2018 par Bruno Le Maire, ont mis en évidence des non-conformités dans environ 5 % des établissements contrôlés. Ce chiffre est bien trop élevé compte tenu du danger que peuvent présenter ces produits. Ces contrôles ont notamment concerné 1 300 pharmacies, 600 grandes et moyennes surfaces et 300 hôpitaux et crèches. Dans 91 établissements, des produits couverts par l'opération de retrait-rappel étaient encore commercialisés. La présence de plus de 500 boîtes de produits de nutrition infantiles a été mise en évidence dans 30 grandes et moyennes surfaces. Pour faire cesser le risque, les agents ont demandé que les produits concernés soient immédiatement retirés des rayons. Par ailleurs, des produits rappelés étaient encore en vente dans 44 pharmacies. Dans de nombreuses pharmacies, enfin, les clients n'étaient pas informés de l'opération de retrait par un affichage adapté.

Une nouvelle opération de contrôle a été engagée lorsque ces résultats ont été connus. À la demande du ministre, plus de 2 500 contrôles supplémentaires étaient prévus, dont les résultats, en cours de consolidation, seront annoncés d'ici à la fin de la semaine.

Comme vous le voyez, il s'agit d'une opération très lourde, dans laquelle la DGCCRF s'est fortement impliquée. Je tiens à cet égard à rendre un hommage public aux agents qui se sont mobilisés, y compris pendant les fêtes.

Évidemment, un retour d'expérience, impliquant l'ensemble des acteurs, sera nécessaire. Il faudra également réfléchir à la manière de fiabiliser la procédure de retrait-rappel, car il y aura évidemment d'autres crises sanitaires, le risque zéro n'existant pas. Les industriels seront eux aussi amenés à tirer les conséquences de cette crise.

Il est à noter que le retrait-rappel de Lactalis est probablement l'un des plus importants effectués ces dix dernières années, compte tenu des volumes que j'ai évoqués.

Lorsqu'une procédure de retrait et de rappel est décidée, deux objectifs sont visés. Il convient tout d'abord de faire en sorte que plus aucun produit susceptible d'être dangereux ne soit commercialisé. Il faut aussi informer les consommateurs le plus tôt, le plus rapidement et le plus précisément possible pour les produits déjà vendus ; s'ils ont été consommés, il faut les alerter pour qu'ils puissent éventuellement consulter un médecin. Nous travaillons activement sur ces alertes.

Il est impératif que des avancées concrètes soient proposées par la grande distribution et les fabricants en termes d'information et pour fiabiliser les procédures de traçabilité internes aux entreprises comme entre fournisseurs et clients.

Mme Annie Guillemot . - Et il faut que des sanctions soient prises !

Mme Virginie Beaumeunier . - Le 11 janvier 2018, convoqués par le ministre Bruno Le Maire, les acteurs de la grande distribution ont indiqué pouvoir mettre en oeuvre des méthodes de blocage en caisse en cas de rappel des produits. Cela a commencé à être réalisé dans certaines enseignes : toutes se sont engagées, mais elles devront résoudre quelques problèmes techniques mineurs. Cette piste est très sérieuse pour l'avenir.

Le 16 janvier dernier, le ministre a présidé une réunion plénière du Conseil national de la consommation, réunissant à la fois des représentants des professionnels et des associations de consommateurs. Il a demandé au Conseil de mettre en place très vite un groupe de travail pour proposer des pistes d'amélioration de l'information des consommateurs.

Il faudrait étudier les canaux de communication susceptibles d'être mis à profit par les entreprises pour contacter leurs clients : carte de fidélité ou carte bancaire, car les affichettes dans les magasins ne suffisent pas pour de tels produits.

Une autre piste est celle des réseaux sociaux. Le ministre a demandé au groupe de travail de remettre ses conclusions dans un délai assez bref de trois mois, c'est-à-dire pour la fin avril.

Autre piste évoquée par le ministre pour une communication plus large, à côté des sites internet des enseignes et des fabricants, un site internet unique recenserait l'ensemble des produits concernés par une procédure de retrait-rappel. Il a aussi envisagé une application interactive pour que les consommateurs signalent aux autorités compétentes, par exemple avec une photo à l'appui, les anomalies constatées sur un produit qui serait encore en rayon alors qu'il aurait dû être retiré. Il ne s'agit pas de décharger les uns ou les autres de leurs responsabilités ; il s'agit de démultiplier les possibilités d'action rapide.

Par ailleurs, le ministre a demandé à la DGCCRF de formuler des propositions pour améliorer le contrôle des procédures de retrait et de rappel, notamment par une harmonisation et un renforcement des sanctions en cas de mise sur le marché ou de commercialisation de produits retirés ou rappelés. Cela rendrait les sanctions plus efficaces et plus systématiques en cas de manquement, étant toutefois entendu que celles-ci ne sont pas toujours adéquates et, sont de ce fait, inappliquées. Nous réfléchirons à cette question avec la Chancellerie.

D'autres mesures visent à renforcer la traçabilité des opérations mises en oeuvre aux différents maillons de la chaine. Toutefois, ces propositions doivent plutôt émaner des opérateurs eux-mêmes.

Le 12 janvier, à la suite d'une rencontre entre le ministre Bruno Le Maire et le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, l'entreprise a annoncé, dans un objectif de simplification des mesures de retrait-rappel et de précaution, qu'elle rappelait l'intégralité des laits infantiles en poudre, des céréales infantiles et des produits nutritionnels fabriqués sur le site de Craon. C'est la dernière mesure qui a clôturé cette opération.

Mme Sophie Primas , présidente . - Vos propos nous ont fourni beaucoup d'informations, mais j'espère que la procédure judiciaire en cours ne sera pas un prétexte pour que d'autres interlocuteurs ne s'expriment pas. Pour notre part, nous espérons maintenir au maximum la transparence.

De nombreuses interrogations portent sur l'information en elle-même, qui contient de nombreuses pistes de progrès. Mais soyons attentifs à ne pas incriminer directement la grande distribution, où la traçabilité via les cartes de fidélité est plus simple à réaliser, car si j'ai bien compris vos propos, beaucoup de défaillances ne lui sont pas imputables.

M. Fabien Gay . - Madame, je vous remercie de cet exposé, mais il ne me satisfait pas complètement. Dans la chronologie, on a oublié l'épisode de 2005, où 141 nourrissons ont été malades de salmonellose à cause de produits issus de cette usine. Comment se fait-il que, de 2005 à 2017, les contrôles n'y aient pas été renforcés, alors que la situation était déjà préoccupante ? Je rappelle de surcroît que, selon l'Institut Pasteur, c'est la même souche de salmonellose qui a été retrouvée en 2017.

Je suis d'accord avec vous, madame la présidente : il est hors de question de faire le procès de la DGCCRF et de ses agents, qui ont été extraordinaires, malgré une situation de sous-effectifs pendant les fêtes. Néanmoins, six semaines se sont écoulées après l'alerte, qui a d'ailleurs été donnée, non pas lors d'un contrôle, mais par une consommatrice ayant acheté le produit chez Leclerc - cette enseigne a diligenté un audit sur cette affaire - avant une autre alerte à Intermarché.

Il faut entrer dans le vif du sujet : je m'interroge sur les effectifs dont vous disposez. À la suite de la RGPP, entre 700 et 1 000 emplois ont été supprimés, empêchant les inspecteurs de réaliser les contrôles dans les meilleures conditions et les obligeant à tailler à coups de serpe... Aujourd'hui, ce sont les autocontrôles des entreprises que l'on contrôle. J'ai lu dans la presse que Lactalis avait trouvé des souches de salmonellose dès le mois d'août, puis au mois de novembre. L'entreprise était-elle au courant à ce moment-là ? La justice va faire son travail, mais il faudra que la vérité sorte un jour.

Cette affaire est le procès d'un système : elle scandalise, car il s'agit de nourrissons. La rentabilité financière prime-t-elle sur tout ? Pour un certain nombre de syndicalistes, le lean management mis en avant depuis cinq ans a cette conséquence que les salariés font eux-mêmes le travail de nettoyage, alors qu'ils ne sont pas formés pour cela. L'hygiène se dégrade sur de nombreux sites. Comment pouvons-nous agir ?

M. Martial Bourquin . - La loi Consommation a ajouté beaucoup de missions à la DGCCRF. Des 3 700 agents présents en 2005, il ne reste plus que 3 000. Cela gêne obligatoirement votre travail de contrôle, d'autant que 48 suppressions de postes sont confirmées dans la loi de finances pour 2018. L'affaire Lactalis est très grave, et la justice est saisie. Mais l'Allemagne a connu une situation plus dramatique encore, puisque les graines de fenugrec importées d'Égypte ont fait onze morts.

De telles difficultés sanitaires se reproduiront à l'avenir, avec pour conséquence des crises majeures. Comme l'a dit M. Gay, on savait que les problèmes étaient récurrents dans cette entreprise. Ne fallait-il pas mettre en place une prévention pour empêcher le pire ? Comment pouvez-vous gérer vos missions avec quatre agents sur place entre Noël et le Nouvel An ?

M. Alain Duran . - La DGCCRF, bras armé de l'État dans la protection des consommateurs, veille à la sécurité des produits, mais il est également des aspects économiques et juridiques sur lesquels vous avez insisté. Après les lasagnes à la viande de cheval et les oeufs au fipronil, nous voilà confrontés à l'affaire Lactalis. Pourquoi ces fraudes ne sont-elles pas mieux identifiées en amont, afin d'éviter ces crises majeures ? En l'espèce, on a retrouvé des produits, pourtant retirés à la vente, en promotion à moins 40 % !

La DGCCRF dispose-t-elle aujourd'hui des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, notamment en termes de personnels - 3 000 agents et 1 000 contrôleurs - et de réglementation, pour fiabiliser ces retraits-rappels ? Sur ce sujet, votre explication est d'un autre temps, car, vous l'avez dit vous-même, il existe aujourd'hui des applications informatiques qui permettraient une traçabilité sanitaire beaucoup plus fine et le blocage direct de ces produits, afin que de telles opérations ne soient pas laissées au bon vouloir de la grande distribution.

La DGCCRF doit apporter une vraie garantie sanitaire. Mais force est de constater que la confiance a été altérée, pour ne pas dire plus...

M. Roland Courteau . - Je rends hommage, tout d'abord, aux agents des organismes de contrôle. Quelles leçons tirez-vous personnellement, madame la directrice, de la situation actuelle ? Il est peut-être un peu tôt pour avoir un retour d'expérience, mais, comme l'a dit M. Gay, depuis 2005, on aurait dû tenir compte des expériences passées. Bref, comment éviter, en intervenant le plus en amont possible, que de telles situations ne se reproduisent ? Enfin, au-delà de la responsabilité, pleine et entière, de Lactalis, pensez-vous que les effectifs des organismes de contrôle soient suffisants ?

M. Jackie Pierre . - Ayant travaillé vingt-cinq ans dans une entreprise de l'industrie laitière, et compte tenu des contrôles journaliers réguliers, je ne crois absolument pas que Lactalis pouvait ignorer le problème, pas plus que la DDCSPP. Sinon, il ne sert à rien du tout de procéder à des contrôles ! Le souci d'un fabricant est de garantir sa marchandise ; en cas de problème, il doit en rechercher aussitôt la source. C'est pourquoi j'ai tendance à accuser plus sévèrement le fabricant que les contrôleurs. Lorsque des cas de listériose ont été mis au jour, la fabrication de munster a été stoppée. Pourquoi, alors que le problème a déjà été soulevé en 2016, vos services n'ont-ils pas imposé au fabricant un dispositif de contrôle plus important qu'avant ? Heureusement qu'aucun décès n'est à déplorer !

Mme Annie Guillemot . - Comment en arrive-t-on à ce que des produits, dont on sait qu'ils sont nocifs pour des nourrissons, ne soient pas retirés de la vente, et même mis en promotion ! Je pense à l'affaire des prothèses mammaires contenant de l'huile de vidange et posées, entre autres, sur des femmes ayant recours à la reconstruction après un cancer du sein. Aujourd'hui, le problème se pose à nouveau, car les contrôles ne sont pas suffisants. En outre, je ne comprends pas pourquoi les fabricants ne sont pas astreints aux mêmes obligations que tout un chacun. Il devrait être possible d'imposer le retrait de ces produits à la vente, y compris dans les pharmacies, et de prendre des sanctions beaucoup plus en amont. Ces aberrations risquent d'avoir des conséquences majeures sur la population, qui se méfiera de tout.

M. Laurent Duplomb . - Pourriez-vous établir le bilan des victimes et le diagnostic pour chacune d'entre elles ? Je m'interroge, comme mes collègues, sur la connaissance qu'avait ou non l'entreprise du problème avant qu'il ne vienne sur la place publique. Connaissant bien l'industrie agroalimentaire, je partage l'avis de Jackie Pierre : la taille d'un établissement comme celui de Lactalis à Craon implique obligatoirement un nombre journalier de mesures, d'études et de points de contrôle, qui sont ensuite notifiés et archivés électroniquement, avec un historique remontant très loin en cas de problème antérieur. Quels sont les enseignements de cet historique, que vous devez connaître ? Enfin, nous devrons régler le problème légal. Quelle est la peine encourue par la grande distribution quand elle continue de vendre un produit qui devrait normalement être retiré ?

M. Jackie Pierre . - N'oublions pas non plus les pharmaciens !

Mme Annie Guillemot . - Et les crèches, et les hôpitaux !

M. Laurent Duplomb . - Ne peut-on soupçonner, derrière certaines pratiques de la grande distribution, l'opportunité de continuer à vendre un produit tout en réclamant le remboursement au fabricant ? En l'occurrence, Lactalis s'est engagée à indemniser non seulement les victimes, mais aussi les magasins revendeurs. On peut s'interroger, car les sanctions attachées à l'incrimination ne sont pas très lourdes.

M. Marc Daunis . - Ce sujet interpelle le législateur que nous sommes. Qui ne serait ému par ces affaires qui touchent des enfants et sont également très traumatisantes pour les parents ? On pourrait être tenté de légiférer pour mettre en place de nouveaux dispositifs, tout en reconnaissant que l'inflation des normes devient ingérable, entraînant parfois de réelles contradictions. Je ne vous ai pas entendue sur les effectifs, mais je me doute qu'il vous sera compliqué de répondre franchement. Voter une loi de circonstance serait à mes yeux la pire des choses. En revanche, nous devons mettre chaque acteur devant ses responsabilités. Pensez-vous, en tant que praticienne, que les sanctions prévues par la loi sont à la hauteur des risques encourus et de pratiques, hélas trop fréquentes ?

M. Henri Cabanel . - Madame la directrice, vous avez proposé quelques pistes de travail concernant le retrait des produits. C'est une bonne chose, mais je me tourne plutôt vers ce qui se passe en amont. Comment une entreprise comme Lactalis peut-elle avoir des stocks contaminés aussi importants ? Sachant que 11 000 tonnes ont été retirées, il faut croire que l'entreprise a produit ce volume énorme sans contrôle ; ou alors, si des vérifications ont été effectuées, un manquement est à déplorer ailleurs.

M. Franck Montaugé . - Je rebondis sur l'interrogation de Marc Daunis concernant les normes. La DGCCRF est chargée du contrôle du résultat. Or ce qui y conduit, c'est aussi la manière dont on s'organise et dont l'entreprise alloue ses ressources internes, notamment dans les processus de fabrication. Tout cela concourt à une qualité dont bénéficie le client final. Les événements qui se sont produits témoignent de défaillances que les enquêtes mettront, je l'espère, en évidence. N'aurions-nous pas intérêt à réfléchir à la manière dont l'État peut non seulement inciter, mais obliger à utiliser les normes ISO, qui ne sont pas obligatoires aujourd'hui et relèvent des politiques délibérées des entreprises ? Toutes ces grandes entreprises travaillent à l'aune de certifications comme ISO 9001 ou autres normes alimentaires. Une réflexion pourrait nous permettre, au lieu de légiférer, de nous appuyer sur des référentiels qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Mme Sophie Primas , présidente . - De nombreuses questions vous ont été posées, madame la directrice, sur les moyens dont dispose la DGCCRF, sur le rôle de Lactalis - que savait l'entreprise au regard des contrôles réalisés par ses soins ? - mais également sur le renforcement, probablement nécessaire, du contrôle des outils industriels sensibles, en particulier lorsqu'ils ont, par le passé, connu des incidents. À mon sens, les difficultés rencontrées en matière de communication proviennent davantage de l'absence d'exhaustivité des numéros de lots fournis par l'industriel que des informations diffusées par les circuits de distribution. J'insiste également pour rappeler que la grande distribution n'est pas seule concernée par le maintien en rayons de produits qui auraient dû en être retirés - quoique les campagnes de promotion, si elles sont avérées, aggravent néanmoins leur faute : les crèches, les hôpitaux et les pharmacies ont également leur part de responsabilité.

Mme Virginie Beaumeunier . - S'agissant des mesures prises en matière de prévention qui auraient pu être mises en oeuvre après les incidents observés en 2005, je suis au regret de ne pouvoir vous apporter les précisions souhaitées. Les contrôles des sites de production relèvent, en effet, des services vétérinaires de la direction générale de l'alimentation, qui travaillent en lien avec la DGCCRF au sein des directions départementales de la protection des populations. Nous avons en charge, pour notre part, la gestion des alertes et la réalisation des contrôles préalables à la mise sur le marché, lesquels demeurent très généraux puisqu'ils concernent la loyauté de l'information fournie, en particulier par l'étiquetage. Dans ce cadre, certains éléments peuvent évidemment être relatifs à la sécurité sanitaire, mais cela n'est a priori pas le cas des produits distribués par les entreprises titulaires de l'agrément sanitaire, qui font l'objet de contrôles spécifiques et réguliers. Lactalis pouvait-il ignorer l'existence d'une contamination ? Avait-il réalisé les autocontrôles nécessaires et, dans ce cas, quel usage a-t-il fait de leurs conclusions ? L'industriel est contraint à une obligation de résultat : celle de mettre sur le marché des produits sûrs pour les populations, obligation au titre de laquelle il se doit de vérifier régulièrement la qualité de sa production. L'enquête judiciaire précisera les responsabilités de Lactalis dans ce dossier, notamment en matière de respect de l'obligation d'information des services compétents de l'État si un autocontrôle a fait apparaître un risque sanitaire.

Mme Sophie Primas , présidente . - Sans préjuger de leurs résultats, qui relèvent de l'enquête en cours, nous aimerions savoir si les contrôles obligatoires ont été effectivement réalisés par l'industriel. Disposez-vous de cette information ?

M. Jackie Pierre . - L'entreprise décide en réalité elle-même de mener ces contrôles, afin de garantir la qualité des produits distribués, et en définit les outils.

Mme Virginie Beaumeunier . - Effectivement, monsieur Pierre, il s'agit là d'autocontrôles. En cas d'anomalie constatée sur un produit, l'entreprise a alors l'obligation d'en informer l'administration.

M. Marc Daunis . - Vous avez indiqué précédemment avoir eu accès aux résultats de ces contrôles.

Mme Virginie Beaumenier . - La DGCCRF a effectivement eu connaissance de ces données, monsieur Daunis, mais uniquement parce qu'une enquête a été ouverte. Le service national d'enquête est intervenu dans l'entreprise à partir du 2 décembre et son rapport a été transmis à la justice.

Mme Annie Guillemot . - Dois-je comprendre qu'en l'absence d'enquête, le résultat des autocontrôles ne vous parvient pas ?

Mme Virginie Beaumeunier . - Le résultat des contrôles menés en interne ne nous est effectivement transmis qu'en cas d'anomalie. Je le répète : il n'existe une obligation d'informer les services de l'État qu'en cas de contamination observée sur un produit. Nous n'avons, en conséquence, pas accès en temps normal à l'ensemble des données.

M. Laurent Duplomb . - Les lots contaminés ont été découverts fin décembre, avez-vous dit.

Mme Virginie Beaumeunier . - Non, monsieur Duplomp, j'ai mentionné le 2 décembre et les dates sont importantes dans ce type de dossier.

M. Laurent Duplomb . - Au mois de décembre, dirons-nous alors. Quoi qu'il en soit, les lots de produits incriminés ont, pour certains, été produits au mois d'août, ce qui explique que 11 000 tonnes de boîtes aient dû être rappelées. Pendant un temps non négligeable, l'usine a donc fonctionné en fabriquant des produits potentiellement contaminés. Or, j'imagine qu'en interne des contrôles ont été réalisés pendant ce délai de quatre mois. En connaît-on les résultats ?

Mme Virginie Beaumeunier . - Je vous rappelle qu'à ce stade, nous ignorons toujours l'origine de la contamination. La salmonelle n'a d'abord pas été détectée directement dans les laits en poudre. Provient-elle alors de l'environnement ou uniquement de la tour de séchage ? Si l'enquête montre qu'une anomalie a été détectée sur un produit lors d'un autocontrôle mais que les autorités compétentes n'en ont pas été informées, l'entreprise sera dans son tort. S'il apparait, en revanche, que la contamination provient de l'environnement, au sens large, du produit, il n'existait pour Lactalis aucune obligation d'information. La seule certitude que nous ayons à ce jour est que des enfants ont été contaminés par une souche identique provenant de boîtes de lait infantile contaminées. Ce n'est cependant pas parce que, par précaution, nous avons exigé le retrait de 11 000 tonnes de ces laits que l'ensemble des boîtes était contaminé.

M. Laurent Duplomb . - Si des analyses sont réalisées chaque fois qu'une certaine quantité de lait est produite, la salmonelle aurait dû être détectée, compte tenu des tonnages incriminés.

Mme Virginie Beaumeunier . - En réalité, les contrôles sont aléatoires. En conséquence, rien ne permet d'affirmer que Lactalis ait eu connaissance, en amont, d'une contamination de certains de ses laits en poudre. Peut-être les produits en cause n'ont-ils jamais été contrôlés. Il vous faudrait sur ce point interroger directement l'entreprise.

Certains d'entre vous m'ont également interpellée sur le nombre de victimes. Si cette information relève du ministère de la santé, je puis néanmoins vous indiquer qu'à ma connaissance, trente-sept nourrissons ont été contaminés après avoir consommé un lait produit par Lactalis et que tous sont désormais sortis de l'hôpital.

S'agissant de l'attitude de la grande distribution lors de cette crise, je rejoins Mme Primas : elle est loin d'être seule responsable des manquements constatés en matière de retrait des laits infantiles Lactalis de la vente. Pour autant, des sanctions existent en cas de faute avérée, que le retrait des produits ait été imposé par un arrêté ministériel ou qu'il soit le fait du fabricant. Elles varient d'une situation à l'autre - nous travaillons d'ailleurs, à la demande du ministre, à les harmoniser - mais, dans tous les cas, lorsque qu'un délit de tromperie aggravée est constitué, il est passible d'une peine maximale de 3,75 millions d'euros d'amende, de sept ans de prison ou 10 % du chiffre d'affaires.

M. Laurent Duplomb . - Ces sanctions sont-elles fréquemment appliquées ?

Mme Virginie Beaumeunier . - Nous réfléchissons avec la Chancellerie à des sanctions moins lourdes, qui pourraient plus souvent être mises en oeuvre. Parfois, une contravention peut d'ailleurs se révéler plus dissuasive car elle peut s'appliquer par produit. Imaginez l'effet multiplicateur, même d'une contravention de cinquième classe, au regard du nombre de boîtes en rayons ! Vous entendez prochainement, je crois, les représentants de la grande distribution. Ils ont fait amende honorable dans l'affaire des laits contaminés Lactalis et vont certainement mettre en oeuvre des mesures pour que cela ne se reproduise pas. L'ensemble des grandes enseignes ont été contrôlées, sur ce dossier, par la DGCCRF.

M. Martial Bourquin . - Des sanctions seront-elles prises en conséquence ?

Mme Virginie Beaumeunier . - Nous transmettons les procès-verbaux de nos contrôles à la justice, à qui revient la responsabilité de prononcer des sanctions. Les représentants de la grande distribution arguent toutefois qu'une erreur humaine est possible, même avec les procédures de traçabilité les plus efficaces. Est-ce pour autant acceptable ? Les salariés étaient-ils suffisamment formés ?

M. Jackie Pierre . - La DGCCRF contrôle-t-elle également les pharmacies ?

Mme Virginie Beaumeunier . - Parfaitement. Le ministre a été en contact avec la présidente de l'Ordre des pharmaciens, qui a annoncé que des mesures disciplinaires seraient très probablement prises à l'encontre des pharmaciens mis en cause. En tout état de cause, nos procès-verbaux de contrôle sont valables de la même manière pour les pharmacies, puisque les laits infantiles sont vendus sans prescription médicale.

Vous avez également évoqué la nécessaire amélioration de l'information des consommateurs : c'est l'un des objectifs du Conseil national de la consommation, qui réfléchit aux moyens à mettre en oeuvre à cet effet.

Vous m'avez enfin interrogée sur les moyens dont dispose la DGCCRF. Nous faisons au mieux avec les agents mis à notre disposition et, du reste, jamais il ne sera possible, même en renforçant les effectifs, d'être présents dans chaque usine ou chaque magasin. La mise en oeuvre du projet Action publique 2022 contribuera, dans un contexte budgétaire néanmoins contraint, à mieux hiérarchiser les objectifs de notre direction et, partant, à renforcer la présence des agents sur le terrain grâce à des gains de productivité sur les fonctions support.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je vous remercie, madame la directrice, pour les précisions que vous nous avez apportées sur ce dossier complexe. Nous poursuivrons nos travaux en entendant demain matin M. Michel Nalet, directeur de la communication et des relations extérieures du groupe Lactalis, auquel nous aurons certainement de nombreuses questions à poser.

B. AUDITION DE M. MICHEL NALET, DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION DE LACTALIS - MERCREDI 24 JANVIER 2018

Mme Sophie Primas . - Nous recevons M. Michel Nalet, directeur de la communication de Lactalis, qui a bien voulu répondre à notre invitation. Qu'il en soit remercié. Notre commission des affaires économiques, en commun avec la commission des affaires sociales, a lancé un cycle d'auditions afin de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce que les médias appellent l'affaire Lactalis, c'est-à-dire la commercialisation de laits infantiles infectés par des salmonelles. Cela nous conduit très naturellement à vous entendre aujourd'hui, en tant que producteur des produits contaminés, mais d'autres acteurs seront également auditionnés : les grands acteurs de la distribution, les représentants des consommateurs - parents groupés en association - ainsi que les services de l'État.

Cette audition était très attendue et sera certainement très suivie. Elle sera retransmise en léger différé, à partir de 10 heures.

M. Besnier, le président du groupe, a annoncé dans la presse qu'il ne se soustrairait pas à ses responsabilités dans cette affaire. Dont acte. C'est la moindre des choses. Notre démarche aujourd'hui n'est certes pas de transformer le Sénat en tribunal ; néanmoins, en France, en 2018, les consommateurs sont en droit d'attendre une sécurité alimentaire effective, notamment pour les produits industriels destinés à des publics fragiles comme les très jeunes enfants... et particulièrement de la part d'un acteur aussi puissant et mondial que votre groupe !

Aussi, nous souhaiterions d'abord que vous reveniez sur la chronologie des faits. Il semblerait que l'usine de Craon ait connu le même problème en 2005. Quelles actions avez-vous menées, à la fois pour garantir de façon générale la sécurité alimentaire de vos produits, mais aussi pour mettre fin aux dangers de santé publique lorsqu'ils ont été constatés ?

Depuis quand saviez-vous ? La presse s'est fait l'écho du fait que Lactalis n'aurait pas souhaité, dans un premier temps, procéder à un retrait total de ses produits, alors que l'entreprise savait son centre de production à l'origine de la contamination, obligeant alors l'autorité administrative à prendre un arrêté de retrait, qui s'est révélé partiel. Est-ce bien cela, et pourquoi cette opposition ? Les acteurs de la distribution, les associations de parents vous reprochent de ne pas avoir communiqué une liste complète et aisément consultable des lots contaminés. Quelles actions de communication avez-vous menées ?

Au regard de ces événements, au plan opérationnel, quelles actions entendez-vous mener pour que cette situation ne se reproduise pas à l'avenir ?

Au-delà de la question de santé publique, cette contamination conduit à s'interroger sur ses incidences, non seulement sur votre groupe, mais aussi sur l'ensemble de la filière laitière, dont vous êtes un acteur essentiel. Elle vous vaut aujourd'hui un préjudice d'image important - en France comme à l'étranger, puisque des produits infectés ont été commercialisés dans plusieurs autres pays - qui risque d'affaiblir durablement vos ventes et pas seulement celles du lait infantile, et peut-être, par ricochet, de fragiliser encore davantage la situation des éleveurs.

Si votre site de production de Craon cesse durablement son activité, ce sont plusieurs centaines d'élevages qui seront touchés, sans parler des emplois directs. D'ailleurs, certains craignent même que, dans le cadre des négociations qui s'annoncent, vous ne revoyez vos prix d'achat à la baisse afin de préserver vos marges... Est-ce une crainte infondée ? Ou considérez-vous cela comme une conséquence naturelle ? De façon plus générale, comment aidez-vous vos producteurs à passer cette période qui s'annonce extrêmement difficile pour eux ?

La question des marges m'amène assez naturellement à revenir sur un aspect de gouvernance de votre groupe qui vous est souvent reproché : l'absence de publication de vos comptes sociaux ; la loi Sapin 2 a renforcé cette obligation en prévoyant un mécanisme d'astreinte en cas de défaut de publication, qui n'a pas encore pu recevoir d'application concrète, mais qui conduira, le cas échéant, à des pénalités financières très lourdes. Pourquoi persister à adopter une attitude aussi contraire à la loi ? Vous comprendrez que les législateurs que nous sommes vous demandent des explications.

Je vous laisse la parole, après quoi les membres de la commission vous adresseront leurs questions. Je souhaite que règne un esprit d'investigation, mais aussi de compréhension mutuelle. Nous ne sommes pas au tribunal. Je ne souhaite pas que les dérives survenues hier à l'Assemblée nationale se répètent au sein de cette commission, qui cherche avant tout à comprendre.

M. Michel Nalet, directeur de la communication du groupe Lactalis . - Merci pour cette invitation, qui nous donne l'occasion d'échanger sur ce qui a été appelé l'affaire Lactalis, voire le scandale Lactalis - mots qui nous meurtrissent, mais donnent la mesure de la situation.

Je souhaiterais commencer par un mot à l'attention des parents. Nous avons été critiqués sur notre communication car nous n'aurions pas suffisamment exprimé nos regrets. Nous l'avons pourtant fait à de nombreuses reprises. Je veux donc le redire au nom de tous les collaborateurs du groupe et de son président : nous regrettons profondément les difficultés et l'inquiétude que tout cela a provoqué. Avant d'être des collaborateurs de Lactalis, nous sommes tous des parents ou des grands parents. C'est une vague terrible qui nous secoue tous.

Venons-en à la chronologie. J'ai entendu hier l'audition de la directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : je confirme que les autorités locales en Mayenne nous ont informés, le 1 er décembre 2017 à 19h30, de vingt cas de salmonellose chez des nourrissons ayant consommé des produits issus de notre site de Craon. Grâce à notre traçabilité, nous avons pu effectuer un premier retrait en accord avec les autorités : dès le samedi soir, les premières actions ont été menées vis-à-vis de nos clients et des parents et, dès le dimanche matin, nous avons mis en place un numéro vert.

La semaine suivante, nous avons renforcé nos contrôles et nous avons décidé le jeudi 7 décembre de fermer le site le soir même pour mener nos investigations. Cela a été confirmé par un arrêté de la préfecture de la Mayenne, le 9 au matin ; mais c'est bien antérieurement que l'entreprise avait pris cette décision dans le seul but de mener des investigations.

Le 9 au matin, nous avons eu des discussions avec les autorités concernant l'ampleur du retrait, compte tenu de nouveaux cas dont nous avions été informés, entre le 1 er décembre au soir et le 8 décembre. Le ministère proposait de rappeler les produits depuis le 15 février, date qui a été finalement retenue. Nous n'avons jamais contesté cette date, nous avons juste essayé de faire valoir des propositions résultant de ce dont nous avions connaissance au moment où cette décision a été prise. Le président Besnier l'a dit dans le Journal du dimanche , il est apparu ensuite que c'était une bonne idée de faire un retrait plus large que celui que nous avions imaginé - à partir du mois de mai ; mais à l'époque, nous n'avions pas suffisamment de résultats probants. Ce fut le cas à partir du dimanche 10 décembre, et nous avons ordonné un retrait de 620 lots. En lisant le décret signé par M. le ministre de l'économie et des finances à cette date, nous nous sommes rendu compte le lendemain que cinq lots avaient été oubliés. Nous avons de nouveau communiqué autour de Saint-Cloud, commune concernée par ces lots. Comme l'a dit hier la directrice générale de la DGCCRF, cela concernait une partie seulement du site, la tour de séchage n° 1.

Nous avons continué les investigations après le 10 décembre. De nouveaux cas sont apparus et nous avons pris la décision, en interne, de faire un retrait plus important, alors même qu'aucune analyse n'avait été positive. C'est vraiment le principe de précaution qui nous a guidés dans ce troisième retrait de 720 lots, sur lequel nous avons fait une communication très large, le 21 décembre au matin. Nous avons poursuivi nos investigations. Certains consommateurs ont trouvé dans la distribution des produits encore en libre circulation et après la rencontre entre M. Besnier et M. Le Maire, nous avons décidé, le vendredi 12 décembre, de rappeler tous les lots produits à Craon, quelle que soit la date, pour éviter la confusion. Des distributeurs avaient eu des difficultés, compte tenu du volume concerné. C'est donc aussi le principe de précaution qui a guidé ce dernier rappel.

Le groupe le savait-il ? Le lundi matin, le directeur général de la santé a déclaré dans le Parisien que nous avions trouvé le 23 août et le 2 novembre 2017 des traces de cette salmonella agona dans notre environnement. Nous avons mis en place la procédure prévue dans ce cas : nettoyage approfondi et analyses, mais aucune n'a donné de résultats positifs. Nous avons donc redémarré. Avant les signalements de nourrissons malades du 1 er décembre au soir, nous n'avions pas d'information, pas plus des services de l'État que de nos consommateurs, qui aurait pu nous alerter. Nous avons vérifié tous nos appels.

Nous n'avons jamais caché ces deux traces. Je l'ai dit dans les journaux de manière très claire. Notre rôle à nous, producteurs, est de mettre sur le marché des produits sains ; il est donc important de comprendre pourquoi il y a eu une dissémination de cette bactérie. C'est le sens de tout le travail que nous menons depuis début décembre. L'emballement médiatique est compréhensible puisqu'il s'agit de nourrissons, mais je ne souhaite à personne ce qui nous arrive.

Cette recherche du fait générateur nous a menés à faire de nombreuses analyses. Notre conclusion est que des travaux de modernisation de la tour de Craon entrepris durant le premier semestre auraient pu mener à une résurgence de cette bactérie. Nous avons échangé avec les autorités sur ce sujet pas plus tard qu'hier. Nous sommes en train de vérifier, par un contrôle très renforcé, à quel moment a pu avoir lieu la contamination. Compte tenu de l'action en justice, je ne peux pas aller plus avant. Cela sera vu avec les autorités. Nous avons la ferme intention de ne redémarrer l'usine que lorsque toutes les conditions sanitaires seront réunies. C'est important pour nos collaborateurs, pour les producteurs, pour l'image de notre groupe. Il faut faire toute la transparence sur le sujet pour être sûr que cela ne se reproduira jamais.

Vous avez mentionné le cas de 2005 ; c'est exact. D'après les tests menés par l'Institut Pasteur, il s'agissait de la même souche agona que celle affectant les nourrissons malades. Nous essayons de comprendre comment elle a pu survivre entre 2005 et 2017, période pendant laquelle nous n'avons pas eu de bébé malade, ni de trace de salmonelle dans nos produits ou notre environnement. Nous devons mettre en avant tout ce qui a été fait. Notre président l'a dit dans le JDD , nous ne pourrons pas nous soustraire à nos responsabilités. Nous ne pouvons pas ne pas aller au fond du dossier. Nous le devons aux 38 bébés touchés par cette salmonelle, mais aussi à nos collaborateurs, très affectés - 800 personnes sont concernées par cette activité dans le groupe. C'est important pour pérenniser l'emploi. Pour l'instant, nous avons redéployé une centaine de nos collaborateurs vers d'autres usines, en Mayenne et en Ille-et-Vilaine.

Le social est majeur pour nous, mais aussi le monde agricole. Nous avons rencontré tous les échelons des syndicats agricoles, à commencer par les représentants locaux des 600 producteurs organisés autour du site de Craon. Tous ne fournissent pas, cependant, l'unité concernée, car le site est très grand. Un peu plus de la moitié va dans la fromagerie qui y est aussi présente et 150 millions de litres sont renvoyés vers d'autres sites du groupe. Il n'y a eu aucune rupture de collecte à Craon, nous l'avons redit et nous sommes exprimés clairement là-dessus. Nous avons reçu une délégation de la fédération départementale de la Mayenne sur le site de Craon ; M. Besnier et le directeur général ont reçu les représentants des syndicats au niveau national. Nous avons donné toutes les garanties sur la pérennité de la collecte ; je tiens à votre disposition tous les communiqués.

En ce qui concerne le prix du lait, la collecte concernée représente un faible pourcentage de la collecte nationale du groupe. Le prix ne se calcule pas à partir du delta d'un si faible pourcentage, mais à partir de l'environnement national et international. Notre prix du lait ne sera pas affecté par des pertes éventuelles. Je serai à votre disposition sur le sujet. Nous nous sommes exprimés très clairement vis-à-vis des représentants des agriculteurs ou du ministre de l'agriculture.

Concernant la publication de nos comptes, je ne reviendrai pas sur les déclarations d'hier à l'Assemblée nationale. Simplement, sachez que je devais rencontrer, il y a une dizaine de jours, le député qui s'est exprimé, mais j'ai dû décaler le rendez-vous à début février. J'aurai donc une occasion de parler avec lui du qualificatif qu'il a employé, mais sur lequel je ne veux pas polémiquer.

L'administration fiscale connait très bien nos comptes ; notre groupe paie ses impôts en France et n'a jamais eu le moindre problème. Nous ne contestons pas la nécessité pour une entreprise de déposer ses comptes au tribunal de commerce, afin que celui-ci puisse agir en cas de défaillance, mais nous contestons leur publication, leur publicité. Nous ne sommes pas un cas isolé. Il y a une réflexion à mener sur ce sujet. Nous sommes un groupe familial, très attaché à son indépendance.

Dans le cadre de la loi Sapin 2, la publication a été demandée par l'observatoire des prix et des marges. J'en ai parlé avec son président. Nous devons avancer pour que cet observatoire dispose de données claires et précises sur les marges de notre profession, mais il faudra traiter les problèmes de confidentialité sur certains produits - heureusement, peu de transformateurs sont concernés. Tout cela n'est pas un problème pour nous, nous travaillerons, comme nous le faisons déjà, en parfaite collaboration avec l'ensemble des acteurs de la filière. Mais nous souhaitons aussi pouvoir protéger le secret des affaires. Il existe une dérogation pour les PME. Pourquoi certains groupes familiaux français ne pourraient-il pas en profiter ? Il est très important de garder ce patrimoine. En tant que collaborateur du groupe depuis 28 ans, j'en suis très fier. Sachez cependant que la publication des comptes de X ou Y ne résoudra en rien la crise laitière.

M. Jean-Pierre Decool . - Tout en respectant votre fonction et le caractère sensible de votre tâche, je ne peux que vous poser la question : pourquoi le PDG de votre société familiale, fondée par son grand-père, ne vient-il pas la défendre devant les élus de la République ?

Quant au Parquet, il lui reviendra de déterminer si les lots contaminés ont été sciemment mis sur le marché.

M. Martial Bourquin . - Devant un cas aussi grave, suscitant une émotion légitime car il s'agit de nourrissons, pourquoi votre PDG ne se présente-t-il devant la représentation nationale ? Cela aurait été sa place. Est-ce par manque de courage ? Il y a eu des défaillances de l'entreprise, et de l'État. Hier, nous avons entendu la directrice générale de la DGCCRF, direction qui a perdu 700 postes en quelques années. Or les contrôles, surtout dans des secteurs aussi sensibles, devraient se multiplier. On parle beaucoup d'alléger les normes - mais il ne s'agit pas de supprimer n'importe lesquelles !

La distribution des lots concernés s'est poursuivie, bien sûr dans des grandes surfaces, mais aussi dans des pharmacies ! Sur ces questions, nous avons besoin d'un discours très clair. Le Parquet est saisi. Mais nous souhaitons plus de précisions.

Il ne faudrait pas que les agriculteurs fassent les frais de cette situation, comme c'est souvent le cas. Vous avez été montrés du doigt en 2016 parce que vous achetiez le lait à trop bas prix. Le ministère devra veiller à l'avenir aux problèmes sanitaires, mais aussi aux prix et aux marges.

Vous êtes une entreprise familiale, très bien ! Mais pour connaitre vos marges, vos comptes sont indispensables. Il faut une harmonie entre les grands groupes de la distribution et les agriculteurs.

M. Fabien Gay . - Avant d'être parlementaire, je suis le papa d'un enfant de trois ans, à qui j'ai donné votre lait Celia pendant une année... Mais nous ne sommes pas au tribunal.

En 2005, il y a eu 140 cas de salmonelle. Entre 2005 et 2007, quelles mesures précises avez-vous prises pour que cela ne se reproduise pas ? Quelles défaillances dans ces mesures ont-elles causé ces nouveaux cas ?

Il y a eu des révélations dans la presse sur les traces de salmonelles d'août et de novembre sur le sol et sur un balai. Hier, la directrice générale de la DGCCRF nous a indiqué qu'elle n'avait pas à être saisie en cas de traces de contagion dans l'environnement, qu'elle ne devait l'être que si le produit était infecté. Peut-être faut-il faire évoluer la loi pour appliquer dans ce domaine le principe de précaution : dans le cas d'espèce, c'est bien une contamination de l'environnement qui a causé une contamination du produit.

Des salariés nous ont indiqué que, depuis que le lean management avait été mis en place il y a cinq ans, c'étaient eux qui devait faire le nettoyage et que les conditions d'hygiène s'étaient dégradées. Quel est le process du nettoyage ?

Nous sommes tous d'accord, les agriculteurs n'ont pas à payer pour cette crise. Enfin, quelle est votre marge ? La non-publication de vos comptes est gênante.

M. Franck Montaugé . - Votre grand groupe s'est doté de normes internationales pour maîtriser la qualité : ISO 9 000, ISO 22 000 et ISO 14 000. Appliquez-vous les préconisations du HCSP, le Haut Conseil de la santé publique ?

Êtes-vous en mesure de prouver que vous vous inscrivez réellement dans une démarche d'amélioration et de gestion des risques ? Quels enseignements, quelles mesures correctives et préventives mettez-vous en oeuvre contre vos défaillances ?

M. Roland Courteau . - Il y a eu une défaillance de l'entreprise et de l'État, c'est vrai. Après 2005 et 2017, on ne pourra plus se contenter de dire « le risque zéro n'existe pas » ou « c'est la faute à pas de chance ». Êtes-vous prêts à tirer toutes les leçons de cette expérience ?

Les profits de Lactalis n'ont jamais été aussi élevés. Et pourtant, de nombreux éleveurs ont mis la clé sous la porte. Quelles conséquences y aura-t-il pour les agriculteurs ? Il n'est pas possible qu'ils subissent la double peine. Quels engagements prenez-vous dans ce domaine ?

Je regrette moi aussi l'absence de M. Besnier, qui aurait dû rendre des comptes devant la représentation nationale.

M. Laurent Duplomb . - Nous pouvons être fiers de l'entreprise Lactalis même si elle rencontre des difficultés ; toutes les entreprises agroalimentaires, à un moment ou un autre, peuvent connaître exactement les mêmes, croyez-en mon expérience d'agriculteur. Jeter la pierre, c'est facile. Mais tenir l'objectif d'avoir une alimentation aussi saine qu'aujourd'hui, c'est très exigeant.

À travers la condamnation de cette entreprise, c'est toute l'agriculture française qui pourrait être touchée. Je préfère cent fois une entreprise familiale comme celle-ci à des actionnaires étrangers qui feraient ce qu'ils voudraient. Vous avez raison : plus on communique ses résultats dans un contexte mondial où les autres ne sont pas forcés de le faire, plus on s'affaiblit. Attention à ne pas mettre en place des règles dont pourraient profiter nos concurrents.

Ce qui aurait été déplorable, c'est que personne ne soit venu ce matin. Mais si M. Besnier ne veut pas venir, c'est son droit. Un directeur de la communication a pour rôle de porter la communication de l'entreprise.

Il faut sortir du passionnel. Il ne s'agit pas de minimiser la situation des 37 enfants touchés. Mais quel est le coût global pour l'entreprise de cette difficulté ? Pouvez-vous nous donner une date de redémarrage ? Je parle dans l'intérêt des agriculteurs français et de la Mayenne.

M. Alain Duran . - Vous dites que dès le 1 er décembre, date où vous êtes informés des cas, vous effectuez le premier retrait, puis vous parlez de discussions avec le ministre le 9 ; mais lui nous dit que, faute d'une démarche volontaire de l'entreprise, c'est lui qui a dû prendre l'arrêté pour le deuxième retrait. Vous attendez le 21, c'est-à-dire 20 jours après le 1 er décembre, pour appliquer enfin le principe de précaution et retirer tous les lots. N'aurait-on pas pu écourter ce cauchemar ? Il y a eu 37 bébés malades, mais beaucoup de parents ont vécu de très mauvais moment pendant cette fin d'année.

M. Henri Cabanel . - Vous avez parlé de principe de précaution. Or les premières traces ont été trouvées le 23 août. Pourquoi ne l'avez-vous pas appliqué à ce moment-là ? Les quantités rappelées sont importantes. Mais comment une entreprise comme la vôtre a pu ne pas se rendre compte en amont des difficultés, au point de devoir rappeler 11 000 tonnes ? Ce n'est pas rien !

Vous avez dit que les producteurs ne subiraient pas de conséquences. Quels gages pouvez-vous nous apporter ?

Sur la publication de vos comptes, j'entends vos arguments. Je salue l'entreprise familiale que vous êtes, mais la publication des comptes, c'est la loi. Que vous soyez d'accord ou non, il faut l'appliquer.

M. Serge Babary . - Ce que vous nous dites m'inquiète : vous avez trouvé des traces de salmonelle les 23 août et 2 novembre mais comme vos contrôles étaient négatifs, vous avez redémarré, ouvrant la voie à ce que vous appelez une résurgence - terme inquiétant en soi. Ce n'est que par les consommateurs que le sujet réapparait ? Aux dires mêmes de M. Besnier dans le JDD , le contrôle de la salmonelle et de la listeria sont votre quotidien. Pourquoi n'avez-vous rien vu ? Vos tests sont-ils encore crédibles dans ces conditions ?

La publication des comptes, c'est la loi, et elle s'applique aux plus petits avec beaucoup de rigueur. Dans votre processus d'achat, n'utilisez-vous pas ceux de vos fournisseurs PME ? Les grands groupes, c'est bien connu, demandent aux PME qui affichent des bénéfices de baisser leurs prix. Je ne vois pas pourquoi vous ne seriez pas logés à la même enseigne que nos PME.

M. Joël Labbé . - Il est absolument anormal que ce soit le directeur de la communication qui vienne devant nous, d'autant plus, monsieur, que vous êtes président d'Euromilk, le principal lobby du lait. Cette audition n'est pas le lieu pour une opération de communication !

Bien des éleveurs ont dû mettre la clé sous la porte, sans compter ceux qui ont disparu, ne pouvant plus vivre. Tout cela pose aussi la question de l'hyper-concentration et des germes qui développent des résistances dans des milieux extrêmement contrôlés.

Nous devrons prendre des mesures. Mes chers collègues, attention à ne pas pénaliser les petits qui sont dans une démarche de relocalisation. Vous devez connaître la coopérative Biolait, qui fait bien son travail et rémunère plus que correctement ses éleveurs ; elle ne doit pas plus que d'autres subir un abus de normes à cause des manquements d'un gros industriel.

Mme Sophie Primas . - Ce débat sera important entre nous.

M. Jean-Claude Tissot . - Vous dites que vous ne cachez rien. C'est la moindre des choses ! Ici, on fabrique la loi - une seule loi, qu'on soit riche ou pauvre. Je suis étonné que notre collègue accepte l'idée que l'on puisse interpréter la loi chacun à sa manière...

Vous travaillez avec des producteurs de lait qui sont inondés de contrôles et doivent rendre des comptes tous les matins. Et vous, collecteurs, vous vous arrogez le droit de ne pas en rendre ? Je souhaite que votre engagement soit très clair, que vos propos soient accessibles et disponibles. Je ne suis pas dans le passionnel. Mais vous avez un discours nébuleux ; vous devez vous engager devant nous, devant ceux qui travaillent avec vous. Vous devez respecter la loi, même si vous êtes plus riches que les autres.

Mme Annie Guillemot . - Au-delà du côté passionnel du sujet, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné eu égard aux lois et aux contrôles existants ? Voyez l'impact sur l'opinion publique et sur les familles touchées. Une mère de famille a alerté la presse : elle est tombée, dans un supermarché, sur une boîte de lait contaminée, qui plus est en promotion ! C'est scandaleux.

L'absence de votre président est choquante. L'opinion publique s'interroge, dans un contexte où les scandales se multiplient, comme celui des prothèses mammaires - même s'il s'agissait de fraude dans ce cas... Cela témoigne d'un manque de contrôles. Vous faisiez des autocontrôles, mais quand avez-vous été contrôlés par l'État ?

Maire, j'ai dû gérer trois mois de fermeture de ma piscine municipale en raison d'une contamination aux légionnelles. Je n'avais pas le choix, tant que les analyses transmises aux services de l'État n'étaient pas bonnes. Pourquoi n'êtes-vous pas astreints aux mêmes contrôles ? Comment en est-on arrivé là ? Le principe de précaution, ce n'est pas cela. Nous ne sommes pas parvenus à résoudre ce problème, des pharmacies ont continué à distribuer les produits contaminés...

M. Laurent Duplomb . - Ce n'est pas la faute de Lactalis.

M. Daniel Gremillet . - Dans ce contexte très particulier, je partage votre appel à dépassionner le débat. Je parlerai également au nom de Patricia Morhet-Richaud.

Monsieur Nalet, vous devriez transmettre aux membres de notre commission les types et la fréquence des contrôles que vous réalisez au moment de la collecte, lors de la transformation, de la vente et de la distribution.

Il y a plus de dix ans, la réglementation, tant européenne que nationale, a modifié la responsabilité de la mise en marché. Auparavant, l'administration libérait le producteur de sa responsabilité. Désormais, celui-ci est responsable de la mise en marché. Faisons évoluer cette réglementation.

Globalement, la traçabilité mise en place à l'échelle des entreprises a été satisfaisante, et je souhaiterais que tous les autres pays qui vendent chez nous des produits alimentaires, y compris pour les bébés, respectent ce même niveau de traçabilité. Faut-il améliorer le système de traçabilité au niveau de la revente ? Tout est-il vraiment sécurisé ? Lorsque vous décidez le retrait d'un produit, qui informera celui à qui il a été revendu ? Faut-il imaginer un système de garanties ? Sinon, le moindre problème pourrait conduire à la fermeture d'une entreprise...

J'ai été rapporteur de la loi Sapin 2. Oui, il ne faut pas qu'une entreprise se déshabille devant la concurrence. Mais êtes-vous prêts à travailler avec la commission des affaires économiques du Sénat et avec l'Observatoire des prix et des marges sur la publication de vos comptes ?

M. Marc Daunis . - En tant que législateur, nous ne pouvons pas à la fois nous plaindre de l'accumulation de lois de circonstance prises sous le coup de l'émotion, et déplorer qu'en dépit de tous les dispositifs, il y ait soit des trous dans la raquette, soit des contournements particulièrement dommageables. Comment justifiez-vous que 11 000 tonnes de produits puissent partir sans avoir la certitude qu'ils soient sains ?

Dans votre communiqué de presse du 11 janvier dernier, vous affirmez que jusqu'au 1 er décembre au soir, vous n'aviez eu « aucune analyse positive de présence de salmonelle » dans vos produits, que vos analyses sont « régulières, systématiques » sur tous vos lots et « libératoires ». Comment expliquer une telle dispersion, et sur un si large spectre ? Soit vous souffrez d'un défaut dans votre processus, soit il y a mensonge. L'enquête le déterminera. Je refuse de rajouter une couche supplémentaire de législation si la clarté n'est pas faite sur ces points.

Mme Élisabeth Lamure . - Tout le monde n'a pas voté les dispositions de la loi Sapin 2 sur la publication des comptes... Je ne les ai pas votées. Respectons le secret des affaires, au risque, sinon, d'affecter la compétitivité des entreprises. Pour autant, ne créons pas de confusion ni d'amalgame avec la rémunération que vous devez à vos fournisseurs. Cela mérite débat.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je précise que Mme Lamure préside la délégation sénatoriale aux entreprises.

M. Franck Menonville . - Beaucoup a été dit. Évitons que ces incidents, qui auraient pu être graves, se renouvellent. Quelles procédures correctives internes comptez-vous instaurer pour éviter de nouveaux problèmes ? Comment peut-on mieux organiser la traçabilité dans les réseaux de distribution pour que les rappels soient beaucoup plus efficaces ? Nous travaillons avec du vivant. Un problème est toujours possible mais si nécessaire, il faut obtenir le retour rapide de tous les produits. Or, il y a eu un certain nombre de lacunes.

M. Alain Chatillon . - La protection totale est impossible. Il existe une grosse différence entre les produits secs et les produits humides : il est plus difficile de garantir la sécurité des produits humides - j'ai géré onze usines de produits agroalimentaires en Europe.

Depuis trente ans, le fond du problème est la course aux antibiotiques, de plus en plus forts, contre des souches de plus en plus résistantes. Les médecins font monter l'échelle. C'est de plus en plus grave pour notre alimentation et pour la santé du patient. La Sécurité sociale ferait bien de ne pas réduire le nombre de médecins. Les médicaments sont de plus en plus chers, de plus en plus forts et de plus en plus dangereux.

La DGCCRF doit arrêter d'embêter les petits commerçants lorsqu'ils n'ont pas affiché un numéro ou un prix dans leur boutique. À Revel, un commerçant a reçu une amende de 8 000 euros, alors que dans les grandes boutiques, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, les prix ne sont pas affichés... Il vaudrait mieux s'occuper davantage de sécurité sanitaire. J'ai dirigé deux usines de produits frais ; il est très difficile de localiser des souches bactériennes, qui peuvent être présentes sur un centimètre carré dans une usine de trois hectares... Le risque zéro n'existe pas.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci cher collègue d'avoir partagé votre expérience d'industriel de l'agroalimentaire.

Monsieur Nalet, quels outils de communication avez-vous mis en place en dehors de la procédure de retrait et du numéro vert ? C'est assez facile à gérer avec la grande distribution, plus compliqué avec les revendeurs, et surtout avec la distribution spécialisée, les crèches et les hôpitaux. Comment éviter ces trous dans la raquette ?

M. Michel Nalet. - Nous répondrons à chacun d'entre vous si nous ne l'avons pas fait aujourd'hui, j'en prends l'engagement. Si vous le souhaitez, ces réponses seront publiques.

À chaque procédure de rappel, immédiatement, nous avons informé l'ensemble de nos clients grâce à notre fichier clients, en France et à l'étranger. Comme nous avions conscience de la difficulté à atteindre tous les revendeurs et de l'impact de ce retrait, nous avons demandé à nos commerciaux d'aller sur le terrain. Ils ont effectué 7 500 visites pour accompagner le retrait - du jamais vu. L'ensemble des collaborateurs du groupe se sont également mobilisés. Nous avons utilisé tous les moyens possibles pour accompagner la grande distribution et les réseaux spécialisés - comme les pharmacies - ainsi que les crèches et les hôpitaux. Grâce au numéro vert largement diffusé dans nos communiqués de presse, nous avons reçu 70 000 appels depuis début décembre, et moi-même, sur mon portable, dès le dimanche. Les distributeurs ont été accompagnés, pour répondre à l'inquiétude naturelle des parents.

Je ne suis pas seulement directeur de la communication, j'ai exercé de nombreuses fonctions dans le groupe Lactalis depuis 28 ans. M. Besnier aurait pu être présent mais il n'a pas souhaité venir dans le contexte actuel, ce qui ne veut pas dire qu'il ne viendra pas devant vous ultérieurement - il n'y voit aucune objection. Il veut exercer un droit de réserve. En juillet, il a rencontré le nouveau ministre de l'agriculture dès son arrivée et n'a aucun problème pour rencontrer des élus nationaux.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous en prenons acte.

M. Michel Nalet. - Nous sommes une entreprise familiale, nous travaillons dans la durée. Nous ne pouvons laisser planer le doute sur le fait que nous aurions laissé circuler des produits sans contrôle. Tous nos contrôles étaient négatifs sur les salmonelles. Il est inimaginable, irréaliste que nous ayons sciemment commercialisé des produits contaminés.

Certains déclarent que l'hygiène serait défaillante. Je m'inscris en faux. Ce n'est absolument pas le cas, et je laisse nos anciens collaborateurs libres de leurs propos. L'hygiène est notre première préoccupation, pour tous nos produits. C'est notre enjeu quotidien : fournir des produits sains - et vous avez rappelé les propos de M. Besnier.

Nous devons tirer de ces événements, le plus rapidement possible, des conclusions pour que cela ne se reproduise plus. L'usine est fermée depuis le 8 décembre au matin. Je vous le certifie : nous ne reprendrons pas l'activité tant que nous n'aurons pas la certitude qu'il n'y a plus aucun problème sanitaire, et tant que les services de l'État ne nous auront pas donné toutes les autorisations nécessaires. Il n'y aura aucune dérogation.

Le risque zéro n'existe pas. Il ne m'appartient pas de commenter le sujet. Notre devoir, c'est de tout faire pour que cela ne se reproduise pas. Je ne peux laisser mettre en cause la probité de nos collaborateurs, alors que nous sommes traités d'irresponsables. Nous sommes mobilisés et continuerons à l'être pour tirer les leçons de ces événements. La semaine dernière, nous avons réfléchi avec le ministère de l'agriculture aux pistes d'autocontrôle sur les agents pathogènes, notamment pour la nutrition infantile, afin de prévoir des signalements qui ne sont pas encore pris en compte par la réglementation. Lorsque nous avons eu connaissance du premier cas, en août, et du deuxième cas, en novembre, nous avons appliqué la procédure. La justice tranchera. Cela me blesse personnellement d'entendre que nous aurions mis sur le marché des produits contaminés. Ce n'est ni le cas, ni notre éthique.

En relation avec l'Observatoire des prix et des marges, nous travaillerons avec votre commission. Nous n'avons aucune difficulté à dévoiler nos marges sur les produits suivis par l'Observatoire des prix et des marges. Les producteurs le savent, nous les rencontrons régulièrement via leurs organisations professionnelles. Ce travail ne permettra pas pour autant de s'extraire à 100 % du marché, qui est très volatil. Il faut assurer aux producteurs un revenu établi. Nous ne pouvons pas continuer à les voir en difficulté, ce n'est pas dans notre intérêt : moins de lait signifie moins de production, moins d'usines et donc moins de collaborateurs. En 2016, nous n'avons pas payé un prix du lait inférieur à celui payé par nos concurrents, de même en 2017. En 2017, ce prix a bondi de 15 % - après, certes, un niveau très bas en 2016. Nous continuerons en 2018. Nous négocions également avec la grande distribution, afin de maintenir un revenu au monde agricole dans un contexte de fluctuation des prix. Prenons en compte tous les maillons, y compris le distributeur et le consommateur - même si je ne parlerai pas de ce que font les autres. Nous sommes engagés dans le bio et dans les filières agricoles, et souhaitons créer de la valeur à chaque échelon de la chaîne.

Nous effectuons de très nombreux contrôles entre la collecte et la distribution. Nous avons également des processus contrôlés de pasteurisation avant séchage du lait. Toutes ces procédures font l'objet d'investigations. Je ne sais pas si nous pourrons vous donner tous les détails, mais ils seront donnés aux enquêteurs.

Je ne reviendrai pas sur mes déclarations concernant la grande distribution. C'est pour cela que nous avons lancé notre dernier rappel. Oui, nous savons que ces rappels multiples créent des doutes dans l'esprit de nos clients. Nous rencontrerons les distributeurs pour améliorer la traçabilité future de nos produits et pour plus de sécurité tout au long de la chaine du producteur au consommateur. C'est un engagement de notre président, vous avez lu le Journal du dimanche . Nous en tirerons toutes les conclusions.

Je pense avoir répondu à toutes les questions sur le prix du lait et l'engagement sur les volumes. C'est indispensable d'aller au-delà. Ces enseignements nous serviront et cela rassurera nos consommateurs.

Je suis très fier de travailler pour cette filière d'excellence, qui vend des produits reconnus à travers le monde. Nous devons continuer. Nous ne voulons pas laver plus blanc que blanc mais travailler dans cette direction, et je m'engage à vous apporter des réponses.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci de vos propos exprimés avec force, engagement et parfois émotion. Mais la culture du secret de votre entreprise - le refus de M. Besnier de venir devant nous fin 2016 au plus fort de la crise laitière, vos réserves sur la publication des comptes, malgré la loi, même si nous sommes conscients des difficultés commerciales - exacerbent un peu les réactions des uns et des autres, dans ce contexte de crise. Je note votre proposition de recevoir M. Besnier dans quelques semaines, lorsque le contexte sera un peu moins passionné, et votre volonté de travailler avec l'Observatoire des prix et des marges ainsi qu'avec notre commission, comme l'a proposé notre collègue Daniel Gremillet.

C. AUDITION DE M. FRANÇOIS BOURDILLON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SANTÉ PUBLIQUE FRANCE, ET DU PROFESSEUR JÉRÔME SALOMON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SANTÉ - MERCREDI 7 FÉVRIER 2018

M. Alain Milon , président . - Nous poursuivons le cycle d'auditions menées conjointement par nos deux commissions sur la crise sanitaire consécutive à la commercialisation de produits de nutrition infantile contaminés par la salmonelle, qui a conduit à l'hospitalisation de plusieurs dizaines de nourrissons.

Indépendamment du retentissement médiatique de cette affaire et de ses probables suites judiciaires, nous avons souhaité entendre les acteurs en présence, en particulier les représentants des ministères concernés, ceux de l'économie et de la santé. Notre objectif est de mieux comprendre le rôle de chacun, d'identifier les éventuels dysfonctionnements et de déterminer si nous sommes suffisamment bien outillés en matière de sécurité sanitaire.

Dans cet esprit, nous recevons ce matin les autorités sanitaires de l'État à travers le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé depuis un mois et que la commission des affaires sociales n'a pas encore eu l'occasion d'entendre, et M. François Bourdillon, directeur général de l'Agence nationale de santé publique, ou Santé publique France, l'opérateur sanitaire de l'État qui regroupe les compétences de veille, d'alerte et de réponse aux crises sanitaires.

Messieurs les directeurs généraux, il nous a paru indispensable de recueillir auprès de vous un premier bilan du déroulement des faits et de votre mobilisation pour gérer la crise.

Pouvez-vous nous décrire l'articulation de vos rôles dans la chaîne allant du recueil des premiers signalements aux réponses apportées et à l'information communiquée à la population ? Comment vos actions se coordonnent-elles avec celles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ?

Quelle est votre appréciation des outils dont vous disposez pour faire face à ce type de crise ? Permettent-ils une bonne réactivité ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Pouvez-vous évoquer la situation particulière des pharmacies et des hôpitaux, dont certains auraient utilisé des produits visés par un rappel ? D'un point de vue épidémiologique, comment la situation se présente-elle aujourd'hui ? Enfin, quelles améliorations devraient être apportées, selon vous, afin d'éviter de nouveaux dysfonctionnements ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Je tiens à excuser ceux de nos collègues que les conditions climatiques empêchent de se joindre à nos travaux.

L'affaire Lactalis fait apparaître la complexité des procédures de contrôle et de décision en cas de crise sanitaire. Les acteurs impliqués sont nombreux : le producteur, l'administration chargée de la consommation, les services relevant du ministère de l'agriculture, l'administration et les opérateurs chargés de la santé publique. Messieurs les directeurs généraux, l'imbrication des compétences et des responsabilités ne serait-elle pas l'une des explications des difficultés rencontrées pour gérer cette contamination ? Peut-être pourrez-vous nous suggérer quelques voies d'évolution à cet égard.

M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France . - Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer sur le rôle de Santé publique France, dont les missions sont centrées sur la veille, l'alerte et la surveillance. Je suis accompagné de Mmes Deval, responsable de l'unité intoxication alimentaire, et Jourdan, la cheville ouvrière de l'alerte et des investigations dans l'affaire qui nous intéresse. Pour travailler quotidiennement sur le sujet depuis deux mois, elles pourront vous donner des explications précises, mais permettez-moi d'abord de vous décrire notre système de façon générale.

Lorsqu'un laboratoire identifie une salmonelle dans le cadre d'une coproculture, il saisit le Centre national de référence (CNR) Salmonellose, à l'Institut Pasteur. Le CNR reçoit environ 10 000 salmonelles par an, dont 600 chez des nourrissons.

La difficulté est d'avoir un système d'alerte qui ne sonne pas trop souvent, mais garantisse de ne pas passer à côté d'une épidémie. Des algorithmes ont été mis au point pour donner l'alerte au bon moment.

Quand l'alerte sonne, les investigateurs épidémiologiques de Santé publique France prennent contact par téléphone avec les personnes contaminées pour déterminer s'il y a une source commune. C'est ainsi que, fin novembre et début décembre, en présence de huit cas anormaux de salmonellose, nous avons mené des investigations et identifié comme source commune l'usine de Craon.

Mme Nathalie Jourdan, Santé publique France . - Le dispositif de surveillance des infections à la salmonelle repose sur le Centre national de référence Salmonellose, qui recense environ 10 000 souches chaque année, transmises par 1 200 laboratoires volontaires, hospitaliers et privés, et en détermine le sérotype. Ce travail permet de suivre l'évolution de près de 2 000 sérotypes de salmonelle et de détecter les cas groupés - les clusters - et les épidémies.

Des algorithmes de détection des dépassements de seuils ont été établis, pour les différents sérotypes, à partir des données historiques du centre : ils permettent de repérer les augmentations inhabituelles et les cas groupés. Par ailleurs, les médecins et biologistes peuvent signaler spontanément tout phénomène inhabituel, en particulier des cas groupés.

La surveillance des salmonelles chez l'animal, dans les aliments et dans l'environnement de la chaîne alimentaire est, quant à elle, assurée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Chaque semaine, le CNR Salmonellose adresse à Santé publique France la distribution par sérotype des souches reçues pour les quatre dernières semaines. Il nous transmet également une analyse par sérotype et unité géographique, issue de trois algorithmes de détection. Si le nombre de souches observé pour un sérotype est supérieur à celui attendu à cette période, un signal apparaît sur le relevé hebdomadaire.

Santé publique France vérifie ces signaux et réalise au besoin des investigations exploratoires. Une courbe épidémique est construite, afin de visualiser les cas à l'origine du signal, ainsi que les cas du même sérotype observés les semaines précédentes. Des hypothèses sur les modes de transmission et de contamination sont envisagées.

Les épidémiologistes de Santé publique France interrogent alors par téléphone les personnes contaminées, dont les coordonnées nous sont fournies par les laboratoires.

Le 30 novembre 2017, le CNR Salmonellose a identifié huit cas de salmonelle agona en huit jours chez des nourrissons. Ce nombre inhabituel de cas a conduit au lancement immédiat d'investigations.

Dès le vendredi 1 er décembre au matin, les premières familles ont été contactées par téléphone par nos épidémiologistes ; rapidement, trois laits produits par Lactalis ont été identifiés. Nous avons demandé à la direction générale de la santé d'organiser une réunion téléphonique dans l'après-midi du 1 er décembre avec la DGCCRF, l'Anses et le CNR. Le premier retrait-rappel de ces trois laits a eu lieu dès le lendemain.

Au fur et à mesure des entretiens avec les parents, Santé publique France a informé ses partenaires des dates de survenue des symptômes, ce qui a permis d'estimer les périodes d'achat des boîtes de lait. Nous leur avons également communiqué les numéros de lots et des dates de fabrication des boîtes encore détenues par les familles, ainsi que les coordonnées de celles-ci pour d'éventuels prélèvements par la DGCCRF.

Les épidémiologistes de Santé publique France ont continué à interroger les parents des bébés durant tout le week-end du 1 er au 3 décembre. Dès l'identification d'un quatrième, puis d'un cinquième lait, nous avons informé nos partenaires pour que le retrait soit étendu.

Parallèlement à ces investigations épidémiologiques, des investigations microbiologiques ont été menées par le CNR, qui a établi que toutes les souches isolées chez les bébés ayant consommé du lait de Lactalis appartenaient à un même clone épidémique.

À l'attention de la population, Santé publique France a communiqué des informations sur le bilan sanitaire, notamment via son site internet, à partir du 5 décembre. Nous avons également répondu aux journalistes et assuré une communication aux professionnels de santé, à travers la revue médicale Eurosurveillance .

M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, ministère des solidarités et de la santé . - Je suis honoré de m'exprimer pour la première fois devant la Haute Assemblée en tant que directeur général de la santé. Nommé dans ces fonctions le 8 janvier, j'ai de cette affaire une vision empreinte d'un certain recul, ce qui peut être intéressant pour la mise en perspective.

Du point de vue du clinicien, il est important de rappeler la complexité du quotidien : les diarrhées infectieuses sont extrêmement fréquentes, en particulier chez les enfants. Les médecins ont la responsabilité, s'ils suspectent une infection bactérienne, de prescrire une coproculture, qui n'est pas un examen facile. En effet, il est réalisé dans un laboratoire spécialisé, qui doit identifier une souche pathogène parmi un très grand nombre de souches - il y a plusieurs milliers de sérotypes de salmonelle chez l'homme - et utiliser des techniques de biologie moléculaire pour s'assurer de l'unicité de cette souche.

D'où l'importance de notre réseau de centres nationaux de référence, qui est un atout pour l'identification et la recherche. Pour les salmonelles, le centre de référence est dirigé par le professeur François-Xavier Weill, qui a une réputation mondiale dans ce domaine.

L'investigation épidémiologique, consistant à identifier une exposition et une source communes, n'est pas moins complexe que l'identification microbiologique.

La direction générale de la santé est en lien quotidien avec Santé publique France, notamment via un bulletin quotidien des alertes. Des réunions de tous les partenaires, directions administratives et opérateurs, sont organisées chaque semaine. Le dispositif est donc très fluide et cohérent.

Je laisse M. Thierry Paux, sous-directeur chargé de la veille et de la sécurité sanitaires, qui a suivi l'alerte Lactalis au quotidien, vous présenter la chronologie de la réaction de la direction générale de la santé.

M. Thierry Paux, sous-directeur, direction générale de la santé . - Dès réception de l'alerte, le 1 er décembre dans l'après-midi, nous avons organisé une conférence téléphonique avec l'ensemble des acteurs, administrations et opérateurs, afin de partager nos informations, d'organiser les mesures d'investigation et de commencer à identifier les mesures de gestion nécessaires. Nous avons décidé de mettre en place sans attendre un retrait-rappel des lots concernés. Nous avons alors saisi en urgence la Société française de pédiatrie pour qu'elle émette des recommandations de substitution et commencé à informer le grand public et les professionnels de santé.

S'agissant de ces derniers, nous leur avons demandé de cesser la distribution des produits rappelés et de signaler tout cas suspect de salmonellose. Cette information est passée par des messages d'alerte rapide sanitaire envoyés aux établissements de santé et des messages de type « DGS Urgent » adressés aux professionnels libéraux et relayés par les ordres des médecins et des pharmaciens.

Ces mesures s'inscrivent parfaitement dans les missions de la DGS, chargée de la protection des populations ; notre responsabilité est de définir les mesures de gestion nécessaires à cette protection. Les investigations sur les produits relèvent, quant à elles, de la compétence de la DGAL ou de la DGCCRF.

Au fur et à mesure des progrès des investigations, de nouvelles conférences téléphoniques ont été organisées avec l'ensemble des services pour adapter les mesures de gestion et d'information. Au total, nous avons organisé neuf conférences téléphoniques en décembre. Parallèlement, nous avons entretenu avec la DGCCRF et Santé publique France des échanges quasiment quotidiens.

S'agissant de l'information du grand public, nous avons tenu à jour notre site internet, notamment en ce qui concerne les recommandations de substitution. Nous y avons inséré des renvois vers les sites de Santé publique France et de la DGCCRF, afin de fournir aux consommateurs une vision globale de la situation. En outre, nous avons publié différents communiqués de presse, notre ancien directeur général, Benoît Vallet, a donné plusieurs interviews télévisées et radiophoniques et nous avons diffusé des messages sur les réseaux sociaux. Enfin, nous avons tenu les associations de familles de victimes informées de la situation.

M. François Bourdillon . - En réponse à la question sur notre appréciation des outils, je puis témoigner que notre articulation avec les centres nationaux de référence est de grande qualité. En particulier, nous finançons à hauteur de 1 million d'euros par an le CNR Salmonellose pour qu'il nous fournisse les prestations qui vous ont été décrites, et qui nous sont précieuses.

Entre le système de soins cliniques, les laboratoires, les centres nationaux de référence et Santé publique France, nous disposons aujourd'hui d'un dispositif bien articulé qui nous permet d'informer la direction générale de la santé de manière extrêmement réactive. Construit par Santé publique France d'après des modèles anglo-saxons, ce dispositif est très performant, et nous n'avons qu'à nous en féliciter.

M. Jérôme Salomon . - Les différentes phases doivent être bien distinguées. La surveillance au quotidien repose sur le dispositif de notification obligatoire par les médecins et les laboratoires. Pour ce qui est du lancement d'alerte, il n'est pas aisé de définir des seuils. Toute fluctuation n'est pas un début d'épidémie...

La gestion de crise s'accompagne d'enjeux de communication et de coordination interservices. La direction générale de la santé doit adresser au grand public les messages les plus précis possible, s'agissant notamment des consignes sanitaires, des recommandations de substitution, surtout quand les produits rappelés sont très spécifiques, et de la conduite à adopter vis-à-vis de la maladie elle-même.

À la lumière de cette affaire, nous avons des réflexions à mener en matière de surveillance, de gestion d'alerte et de communication de crise, ainsi que sur les outils permettant de cibler les consommateurs concernés.

M. Alain Milon , président . - Plusieurs alertes à la salmonelle avaient déjà visé le site de Craon, en 2005, août et novembre 2017. Comment assurer efficacement la surveillance des sites visés par une alerte ?

Par ailleurs, après la décision de retrait, certains hypermarchés, et malheureusement aussi des pharmacies, ont continué à vendre des boîtes contaminées. Comment est-ce possible ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Chaque acteur de la chaîne que nous auditionnons nous explique sa manière de communiquer vis-à-vis du grand public et des professionnels. Trop d'informations ne tuent-elles pas l'information ? Comment améliorer la coordination en la matière ?

M. Martial Bourquin . - Le PDG de Lactalis a fait rebondir l'affaire en mettant en cause la fiabilité des contrôles. Contrôlez-vous, au-delà des produits, l'environnement du process de fabrication ? Et y a-t-il des contrôles sur les contrôles ?

On annonce la suppression de plus de quarante emplois au sein de la DGCCRF, alors que cette administration ne cesse de se voir confier de nouvelles responsabilités, notamment en application de la loi de 2014 relative à la consommation. Comment pourra-t-elle assumer toutes ses missions sans personnels en nombre suffisant et bien formés ?

Enfin, quelles informations sont-elles adressées aux professionnels et, quand certains continuent volontairement à vendre des produits contaminés, quelles sanctions sont-elles prises ?

Messieurs les directeurs généraux, vos interventions étaient solides, mais, tout de même, il y a eu un trou dans la raquette ! D'aucuns se demandent même si la raquette avait un cordage...

M. Bernard Jomier . - Le dispositif d'alerte que vous avez décrit me paraît assez efficient, nonobstant les réserves sur des détections antérieures qui seraient restées sans effet. À ce propos, je souhaite vous interroger sur les contrôles internes : ces contrôles vous ont-ils été notifiés, et pourquoi n'auraient-ils pas permis de détecter la salmonelle ? Au fond, quand le dispositif de santé publique intervient, il est déjà trop tard...

Nous sommes nettement moins convaincus en ce qui concerne la gestion de crise. À vrai dire, nous sommes mêmes inquiets de constater que les mesures prises ont été appliquées de façon tout à fait insuffisante, faute, notamment, d'une bonne coordination entre les acteurs de l'État. Pouvez-vous nous donner des explications sur la longueur de la chronologie, qui est tout à fait préoccupante ?

M. Pierre Louault . - Après un certain nombre d'auditions, j'ai le sentiment que, sur les plans sanitaire et alimentaire, notre système fonctionne plutôt bien. On voudrait faire croire aux Français qu'on peut tout contrôler, mais c'est impossible !

La concentration industrielle est aujourd'hui telle que, quand il y a une contamination, tout le monde est affecté. Reste que, dans cette affaire, le dispositif de détection s'est révélé fiable et réactif.

Je constate tout de même une faille, s'agissant du retrait-rappel des produits : un mois après la décision, il restait des produits contaminés dans les rayons... Notre rôle est de veiller à ce que les choses ne se reproduisent pas de la même manière, mais elles se produiront autrement. Du reste, un monde aseptisé n'est pas sans dangers. Méfions-nous de cet état d'esprit, assez français, qui laisse croire qu'on peut tout prévenir et conduit à tout attendre de la haute administration.

Sur le plan de la sécurité sanitaire, je trouve que notre système est très bon. Tant pis pour ceux qui trouvent que les choses vont mal !

Mme Patricia Schillinger . - Depuis 2005, lit-on dans la presse, d'autres produits auraient été concernés. Quelle est l'étendue réelle de la contamination ? Les chiffres officiels sur le nombre d'enfants infectés reflètent-ils vraiment la réalité ? Les médecins ne détectent pas toujours la salmonellose... Enfin, comment les produits contaminés ont-ils été retirés des marchés d'exportation ?

Mme Florence Lassarade . - En Gironde, les pédiatres ont été alertés le 7 décembre pour cesser la distribution de lots d'échantillons. Seulement, quand nous remettons ces échantillons à des patients, nous ne notons pas toujours les numéros de lot, de sorte qu'il n'y a pas de traçabilité.

Nous sommes, il est vrai, dans un pays sûr, où les produits sont suivis. Par ailleurs, la salmonellose n'est pas une pathologie très grave. Mais lorsqu'une épidémie d'entérocolite ulcéro-hémorragique s'est déclarée voilà quelques années, on a eu du mal à retrouver le concombre bio en cause... Améliorer la traçabilité des produits est donc essentiel pour renforcer la sécurité.

M. Daniel Gremillet . - Les explications que nous avons entendues me rassurent : nous avons un système dont, je pense, nombre de pays peuvent nous envier l'efficacité. Reste qu'il faut tirer les enseignements de ce qui s'est passé.

Entre le producteur et l'acheteur, la traçabilité des lots est assurée. La vraie question est celle de la traçabilité finale : au niveau des revendeurs, certains phénomènes de cascade empêchent parfois les familles d'obtenir les informations aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Comment améliorer la diffusion de l'information jusqu'à ceux qui sont exposés ?

Enfin, comment contrôle-t-on les produits alimentaires d'importation ?

Mme Michelle Meunier . - La coordination, nécessaire sur ces questions, n'a peut-être pas été suffisante. D'autres cas ont été observés en Espagne : comment la question peut-elle être traitée au niveau européen ?

Mme Denise Saint-Pé . - Des études sont réalisées par unité géographique, avez-vous expliqué. Combien d'unités retient-on et quels sont leurs périmètres ?

M. Yves Daudigny . - Le plus invraisemblable et le plus inacceptable, c'est qu'on ait continué à vendre des produits contaminés, dans la grande distribution mais aussi dans les pharmacies, dont personne ne doute une seconde qu'on s'y soucie de la santé publique. Comment éviter que de tels phénomènes ne se reproduisent ?

M. Laurent Duplomb . - Pouvez-vous évaluer, sur une échelle de 1 à 10, la gravité de la situation actuelle, par rapport à d'autres références historiques ou aux cas que vous traitez habituellement ?

En 1950, il y avait 15 000 cas mortels d'intoxication alimentaire. Qu'en est-il ces cinq dernières années ? Interrogeons-nous et améliorons la communication sans entrer dans un déchaînement médiatique clouant au pilori l'industrie française, et qui relaie des messages parfois sans rapport avec la crise et qui cristallisent certaines positions. Cela fait croire que tout ce qui vient de l'extérieur serait moins dangereux que ce qui est produit en France, et amplifie un phénomène regrettable : il y a de moins en moins d'industrie, d'emploi et de filières en France.

Pouvez-vous donner des exemples de pays où la sécurité alimentaire est moins importante qu'en France - avec quels risques pour la population ? A-t-on moins de chances d'être intoxiqué avec des produits français qu'avec des produits étrangers, qui n'ont pas les mêmes règles de production et ne sont pas soumis aux mêmes contraintes ni aux mêmes contrôles ?

M. Alain Milon , président . - Je rappelle que l'épidémie de grippe a déjà fait près de 3 000 morts...

Mme Corinne Imbert . - J'ai été contrariée d'apprendre que des lots de laits avaient été distribués dans les officines après le rappel. Le retrait des lots s'est effectué en deux temps : le 2 décembre, douze lots de lait premier âge, pour des nourrissons de 0 à 4 mois, ont été retirés ; le 10 décembre, 620 lots de lait premier et deuxième âge, de croissance et relais ont été retirés à la suite de six nouveaux cas. La procédure de retrait des lots a-t-elle suivi strictement la procédure de retrait d'un médicament ? Celle-ci est rapide et exhaustive en cas d'incident. En 2016, l'Ordre des pharmaciens a publié une brochure retraçant la quarantaine de retraits de médicaments effectués durant l'année 2015.

M. Jérôme Salomon . - Merci pour ces questions, dans lesquelles nous retrouvons l'ensemble des préoccupations de nos concitoyens. Nous devons faire preuve de pédagogie sur notre système de sécurité sanitaire. Je rappellerai la répartition des rôles : la santé est totalement en aval du dispositif, puisque nous ne disposons que de prélèvements humains, et n'avons pas d'autorité de police sanitaire sur l'environnement. Cela relève des douanes, de la DGCCRF pour les produits finis et de la direction générale de l'alimentation (DGAL) pour les produits agricoles... Plus en amont, les industriels réalisent des autocontrôles de qualité et de sécurité de leurs produits, avant des contrôles réguliers des services de l'État. Enfin, la surveillance de l'état sanitaire de la population relève de ma responsabilité en tant que directeur général de la santé. Nous voulons réduire au maximum l'impact sanitaire de toutes les maladies en France.

La France, après une épidémie majeure de listeria, a créé en 1992 le réseau national de santé publique, alors que cette épidémie avait touché plusieurs centaines de personnes et que l'investigation avait duré plusieurs mois. Depuis, nous avons considérablement progressé sur les capacités de détection microbiologique : nous avons créé l'Institut de veille sanitaire (InVS), devenu l'agence Santé publique France, opérateur qui a fusionné l'investigation épidémiologique de l'InVS, la réaction avec l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), et la communication et l'éducation à la santé avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes). Cette agence cherche à réduire l'impact sanitaire des épidémies et surveille spécifiquement les populations fragiles - ici les nourrissons -, mais le ressenti de la population est des parents est très fort. Par ailleurs, le lait est un produit à risque. Une approche quantitative a peu de sens face au ressenti des parents, sur un produit censé être sûr.

L'approche géographique est intéressante. L'hygiène alimentaire et la sécurité sanitaire sont de bon niveau en France, alors que les États-Unis connaissent, chaque année, des épidémies de salmonellose de grande ampleur, notamment en raison de la très forte consommation de steaks hachés. Les produits pasteurisés peuvent aussi être contaminés : dans un fromage non pasteurisé, il y a une compétition bactérienne entre les bonnes bactéries et les pathogènes. La stérilisation ou la pasteurisation de tous les produits n'est donc pas forcément une solution. Vous avez cité l'alerte venant d'Allemagne. Le concombre bio espagnol était un faux coupable, les responsables étaient des germes de soja...

M. Laurent Duplomb . - Des germes de soja bio allemands !

M. Jérôme Salomon. - Il peut y avoir des erreurs d'interprétation. La situation était d'autant plus complexe que l'Allemagne est un pays fédéral, dans lequel chaque Land a des capacités d'investigation.

Le ministère de la santé dispose de plusieurs outils de communication vis-à-vis des professionnels de santé, notamment une adresse courriel « DGS urgent », envoyée à 60 000 destinataires, et qui touche en un clic les Agences régionales de santé (ARS) et les accueils d'urgence du territoire.

Nous avons une excellente collaboration avec les pharmaciens, à travers le Conseil national de l'Ordre. Ce dispositif est peut-être l'un des plus efficaces au monde puisque toutes les pharmacies d'officine en France disposent d'un « dossier pharmaceutique », qui permet d'envoyer des messages à l'ensemble des pharmacies de France, obligatoirement reçus puisque l'ordinateur est bloqué tant que le pharmacien n'a pas accusé réception. Ce dispositif extrêmement performant nous est envié en dehors de France.

Pour une meilleure coopération entre les administrations, je préside, tous les mercredis matin à 9 heures, une réunion de sécurité sanitaire avec l'ensemble des directions d'administrations concernées : la DGCCRF, la DGAL, la Haute Autorité de santé, des opérateurs de la santé, la sécurité sociale... Nous avons une approche très collaborative et groupée de la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

La politique de sécurité sanitaire européenne est plus compliquée : les mécanismes d'entraide ne s'appliquent qu'à la sécurité civile. La France plaide pour davantage de coopération sanitaire en Europe, même si la santé reste un domaine régalien, porté par les États plus que par la dynamique européenne.

M. François Bourdillon. - Merci pour ces questions pertinentes. Les rôles sont répartis entre la santé humaine et la sécurité alimentaire, avec d'un côté le ministère de la Santé, de l'autre les contrôles industriels, la DGAL, les douanes et la DGCCRF.

Nous intervenons à la base : le signal humain permet de tirer la sonnette d'alarme et de remonter la chaîne. L'Anses et la DGAL sont présents à la réunion du mercredi matin, où l'on débat notamment des retraits de lots.

En cas d'intoxications alimentaires avec des produits importés d'autres pays européens, le système d'alerte fonctionne. Certes, la sécurité industrielle en dehors de France n'est pas de notre ressort, mais nous nous étions beaucoup interrogés sur l'épidémie de 2005, et sur certains cas survenus en amont de l'alerte du 1 er décembre. Nous avons pu relier les cas survenus en août et au mois de décembre 2017 à l'épidémie de 2005 grâce au nouvel outil de séquençage du CNR, qui a pu relier ces souches de Salmonella Agona - ce n'était pas possible il y a encore six mois...

Selon les parents des 38 enfants touchés, 18 ont été hospitalisés, avec une amélioration de leur état sanitaire. L'éparpillement a été important : 18 régions métropolitaines sont concernées, ce qui témoigne de l'importance d'un système national d'alerte, qui en plus transmet ses informations au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC, European Centre for Disease Prevention and Control ). Trois cas ont été détectés en Europe, deux en Espagne et un en Grèce.

Mme Sophie Primas , présidente . - Néanmoins, des produits contaminés continuaient à être vendus après l'alerte...

M. Martial Bourquin . - Quelles sanctions pour ces contrevenants ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Les produits étaient distribués dans la grande distribution, dans les circuits spécialisés, et je m'interroge, peut-être dans les hôpitaux et les crèches... Où le bât blesse-t-il dans la formation ? Faut-il améliorer le système actuel, qui est cependant plutôt rassurant ? Quelles sanctions sont prévues ?

M. Jérôme Salomon. - Le nombre de rappels est considérable. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) procède à des rappels quasi quotidiens, en lien avec les pharmaciens, pour des raisons multiples : non-conformité d'un produit, des notices, défaut dans l'aspect du produit, problème de qualité ou d'emballage...

Les retraits successifs et l'extension des lots rappelés obéissaient à une approche pragmatique, affinée chaque jour en fonction des informations reçues des épidémiologistes. Il n'y a pas eu de nouveaux cas depuis le retrait : ce sont des cas confirmés par le CNR, mais les cas cliniques sont intervenus deux à trois semaines avant. Les rappels ont concerné la grande distribution et les circuits pharmaceutiques.

La DGS n'a pas d'informations détaillées sur la non-application du retrait : une enquête judiciaire est en cours, le Parquet conserve ces informations. La présidente du Conseil de l'Ordre des pharmaciens a été très claire : elle sera très ferme pour les sanctions en cas de non retrait. Le ministère de la santé a envoyé des messages aux services pédiatriques et aux maternités des hôpitaux, où le retrait a été massivement appliqué. Trouver des produits incriminés sur un site ne signifie pas qu'ils ont été distribués ; ils ont pu être conservés en attente de renvoi. Nous sommes également attentifs à ce que l'ensemble du circuit retire les lots, car le lait infantile est souvent distribué par le circuit de distribution alimentaire interne et non par les pharmacies à usage intérieur des hôpitaux.

Faut-il pérenniser ou renforcer le dispositif ? Les laboratoires de microbiologie ont accès à des tests de biologie moléculaire identifiant les souches mais qui les détruisent. Or auparavant les contrôles de microbiologie conservaient la souche, et la cultivaient avant de l'envoyer à un laboratoire expert. Le progrès n'est pas forcément source de sécurité, et il est nécessaire de conserver une souche pour l'identification, comme le font les CNR... Les CNR sont des réseaux très importants, animés par Santé publique France. Préservons ce dispositif fondamental de sécurité.

Nous sommes attentifs au retour d'expérience inter administrations pour améliorer la communication. Des protocoles sont révisés régulièrement ; le dernier date de 2013. Soyons certains que les consommateurs disposent de la bonne information, validée par les autorités nationales, plutôt que d'être noyés par de multiples signaux d'alerte.

Mme Victoire Jasmin . - Cadre dans un laboratoire de microbiologie, je vous assure qu'en milieu hospitalier, des contrôles sont régulièrement effectués sur les nouveaux lots de lait, et notamment par la vérification de trois souches de référence, pour une surveillance de la qualité et une bonne traçabilité. Ce sont surtout les achats à l'extérieur des hôpitaux qui posent problème. De même, l'eau utilisée est surveillée. À chaque reprise, une liste de germes est vérifiée, et l'alerte est donnée si besoin. C'est obligatoire. Certes, tous les laboratoires ne sont pas en mesure de le faire. Une telle surveillance devrait être réalisée dans tous les circuits. Cette traçabilité permet de réagir immédiatement et de retirer les lots. Tout est informatisé. Une telle réactivité est plus difficile à mettre en place dans les grandes surfaces.

Mme Michelle Gréaume . - Dix-huit enfants ont été hospitalisés, et le 1 er février, l'institut Pasteur liait les deux épidémies de 2005 et 2017 causées par du lait de l'usine Lactalis de Craon, et annonçait qu'entre 2006 et 2016, 25 autres enfants avaient été contaminés... Les salmonelles sont la première cause de mortalité due à des infections alimentaires, provoquant chaque année, en moyenne, 67 décès, selon Santé publique France. Des enfants sont-ils dans un état critique ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Vous gérez l'aval, mais revenons aux faits. D'expérience, le zéro défaut n'existe pas dans l'industrie. Mais j'ai l'impression que la réaction de Lactalis est confuse, et qu'il y a des problèmes de traçabilité en interne. De quels moyens de traçabilité disposez-vous pour intervenir au sein des entreprises ? Souvent, on procède à partir des données de fabrication, or le système était défaillant...

M. Michel Raison . - Merci pour ce que vous et vos prédécesseurs avez fait pour la sécurité sanitaire. La communication pose problème. En économie, lorsque les entreprises vont mieux, les citoyens ont aussi besoin de reprendre confiance. Le zéro défaut n'existe pas, mais là il y a eu des dysfonctionnements. L'inquiétude a été très forte car des enfants ont été touchés. Trouvons une solution pour communiquer sur la réalité de la sécurité sanitaire : la France est quasiment la meilleure, et cela commence dès le stade de l'élevage, par l'épidémio-surveillance et la sécurité sanitaire.

J'ai été marqué par une image à la télévision, montrant un rayon bio pour illustrer que nos concitoyens se dirigeaient de plus en plus vers des produits de qualité. Mais les salmonelles sont bio, la peste et le choléra, l'amanite phalloïde sont bio ! Ce n'est pas parce que les gens vont manger bio qu'ils ne seront plus malades... Communiquons : nous sommes les meilleurs en Europe, voire dans le monde... Les États-Unis ont un système alimentaire plus aseptisé, mais ils sont moins immunisés.

Michel-Édouard Leclerc raconte n'importe quoi sur le fonctionnement technique et sanitaire des produits. C'est grave : ces contre-vérités deviennent la pensée unique. Les gens sérieux doivent s'unir pour communiquer sur la réalité scientifique des choses.

M. Jérôme Salomon . - Merci, madame Jasmin, pour votre intervention. Les établissements de santé qui accueillent des populations fragiles comme des enfants ou des personnes gravement malades ont un impératif de surveillance et de traçabilité. Les pharmacies internes tracent individuellement les produits, mais la surveillance dépend aussi de l'environnement intérieur : l'eau, l'air, les aliments distribués... C'est le rôle des équipes opérationnelles d'hygiène et des comités locaux de lutte contre les infections nosocomiales, qui travaillent quotidiennement pour réduire le risque bactérien. Les familles ne disposent pas d'une telle surveillance à la maison.

Je vous conseille de consulter les sites officiels, très bien faits, comme ceux de l'ECDC ou de Santé publique France, qui fournissent l'ensemble des données des maladies soumises à déclaration obligatoire, comme la grippe, les salmonelloses, la tuberculose, en toute transparence, et avec l'historique. Les maladies infectieuses sont en très forte baisse, même si un effort reste à réaliser pour prévenir les maladies dues à un défaut de couverture vaccinale, comme la rougeole.

M. François Bourdillon. - Le site de Santé publique France contient la description des principales maladies infectieuses, en particulier les toxines alimentaires. Nous publions également un bulletin hebdomadaire retraçant les épidémies dues à des infections alimentaires. Nous travaillons très étroitement avec l'ECDC de Stockholm, qui compare avec d'autres pays. Madame Gréaume, à ce jour nous n'avons pas connaissance d'un enfant dans un état critique.

M. Alain Milon , président . - Merci de vos interventions. J'ajouterai quelques observations personnelles : la loi de modernisation du système de santé de 2016 impose une obligation vaccinale pour les personnels hospitaliers, qui a été, pour ce qui concerne la grippe, suspendue par décret. Or il y a eu 3 000 cas mortels de grippe cette année, 15 000 l'année dernière. La presse devrait s'en saisir plutôt que de s'occuper toujours du même sujet et de lancer des polémiques. Le zéro défaut n'existe pas. Si certains avaient des doutes en 2016 sur l'efficacité de la nouvelle agence Santé publique France, qui regroupait trois établissements, ces doutes sont désormais levés. Demain, le président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, présentera son rapport public annuel devant le Sénat, avant les interventions des présidents des commissions des finances et des affaires sociales. Je reviendrai à cette occasion sur l'obligation vaccinale.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci de vos interventions conjointes, qui ont rassuré les membres de nos deux commissions sur la sécurité sanitaire et le système d'alerte, très performant, qui en découle. Quelques interrogations perdurent sur les responsabilités et la qualité des analyses in situ , et sur la coordination de la communication, non pas entre services mais auprès du grand public. Il faudrait travailler conjointement avec les médias pour éviter ce genre de traumatisme. Certaines anomalies, qui ne sont pas totalement évitables, sont du ressort de quelques producteurs agroalimentaires ; elles font oublier qu'en général, la qualité des produits alimentaires français est bien meilleure qu'aux États-Unis et dans d'autres pays.

D. AUDITION DE M. PATRICK DEHAUMONT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ALIMENTATION DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION - MARDI 13 FÉVRIER 2018

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - La commission des affaires économiques, en commun avec la commission des affaires sociales, a lancé un cycle d'auditions dans le but d'éclairer ce que les médias appellent désormais l'affaire Lactalis, c'est-à-dire la commercialisation de laits infantiles infectés par des salmonelles.

Ce cycle n'a pas vocation à faire du Sénat un tribunal alors que des actions devant les juridictions pénales ont été initiées par les parents des nourrissons contaminés. Notre démarche vise davantage à comprendre les dysfonctionnements intervenus dans ce dossier afin d'éviter qu'ils ne se reproduisent. En 2018, les consommateurs français attendent une sécurité alimentaire sans faille, qui se doit d'être d'autant plus stricte pour les produits industriels destinés à des publics fragiles comme les très jeunes enfants.

Dans le cadre de ce cycle, nous entendons toute la chaîne des acteurs, depuis le producteur, l'entreprise Lactalis, que nous avons déjà reçue, jusqu'aux distributeurs, que nous recevrons demain, et aux représentants des consommateurs.

Si les entreprises sont les premières responsables de la sécurité des produits qu'elles mettent sur le marché, l'État a lui aussi un rôle de contrôle à jouer. Après avoir reçu la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Santé publique France ainsi que la Direction générale de la Santé, c'est tout naturellement à ce titre que nous vous recevons, monsieur le directeur général.

La Direction générale de l'alimentation (DGAL) est chargée notamment de vérifier la qualité et la sécurité des aliments à tous les maillons de la chaîne du producteur au consommateur. Cette mission se traduit par l'élaboration, d'une part, de la réglementation relative à la sécurité sanitaire des aliments et, d'autre part, à la définition de la politique de contrôle des installations concernées au regard de l'agrément sanitaire qu'elles ont reçu. Ces inspections sont conduites par les agents des directions départementales interministérielles en charge de la protection des populations ainsi que par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, sur une fréquence qu'elles déterminent en fonction de leur analyse des risques.

Mme Virginie Beaumeunier nous a expliqué que vos missions et celles de la DGCCRF sont complémentaires. Aussi vais-je vous poser des questions similaires.

La chronologie des faits, présentée par la presse, indique que l'autorité administrative a agi une fois la crise sanitaire déclenchée. Mais la question centrale s'énonce différemment : l'autorité administrative a-t-elle agi suffisamment en amont ?

La première contamination du site de Craon à la salmonelle en 2005 aurait dû en faire un site à risque particulièrement inspecté par les services compétents. Aussi, souhaiterions-nous que vous nous rappeliez quelles actions mènent vos services sur le terrain dans le but d'assurer la sécurité sanitaire des denrées alimentaires. Vous nous préciserez comment s'articulent ces actions avec la procédure d'autocontrôle, par les producteurs, de la conformité de leur lieu de fabrication aux normes d'hygiène sanitaire.

Au cas d'espèce, quelles ont été les actions menées par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation depuis le premier épisode d'infection à la salmonelle du site de Craon en 2005 ?

Enfin, selon vous, comment s'expliquent les défaillances constatées et quelles voies d'évolution pourraient être mises en place pour qu'elles puissent être évitées à l'avenir ?

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales . - Quelques mots complémentaires pour souligner l'importance de ce cycle d'auditions que nos deux commissions ont décidé de mener conjointement.

Après avoir entendu, la semaine dernière, les autorités sanitaires de l'État, j'ai la conviction que le dispositif mis en place pour agir en cas d'alerte sanitaire a montré son efficacité : dans le cas qui nous intéresse, la chaîne allant de la transmission des premiers signalements à la mobilisation des opérateurs sanitaires a fonctionné. En revanche, vous l'avez dit madame la Présidente, s'agissant des contrôles opérés en amont, en particulier des autocontrôles, des marges de progrès existent pour mieux garantir la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

Aussi, souhaiterions-nous connaître votre appréciation, Monsieur Dehaumont, sur cette question. Quelles sont les améliorations que vous jugeriez utiles d'apporter au dispositif de contrôles afin d'éviter de nouveaux dysfonctionnements ?

M. Patrick Dehaumont, directeur général de l'Alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation . - Merci pour votre invitation.

La DGAL au sein du ministère de l'agriculture est une direction régalienne, en charge de missions de sécurité sanitaire dans le domaine des aliments mais aussi des productions végétales et animales. La DGAL négocie et élabore les règlementations qui sont souvent d'origine communautaire. Ensuite, elle demande aux services de l'État de réaliser les inspections et les contrôles pour s'assurer que les professionnels satisfont bien à leurs obligations. Ce dispositif repose sur des agents de l'administration centrale, qui travaillent avec d'autres départements ministériels comme la Direction générale de la santé, la DGCCRF, Santé publique France. Nous sommes également sur le terrain, puisque l'intervention de l'État implique d'avoir des agents formés et compétents. En outre, une chaîne de commande est nécessaire pour agir et donner des instructions. Dans le domaine des denrées animales, les directions départementales de protection des populations (DDPP) sont sous l'autorité des préfets de département. Dans le domaine végétal, nous travaillons avec les directions générales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (Draaf), sous l'autorité des préfets de région.

Nous élaborons les plans de surveillance et de contrôle (PSPC) afin de prélever des échantillonnages de différentes productions sur tout le territoire pour estimer le niveau des contaminations microbiologiques, chimiques et physiques. Au sein de la DGAL, nous avons une unité spécifique de gestion des urgences sanitaires : il y a certes l'affaire Lactalis, mais on a aussi beaucoup parlé de la contamination d'oeuf au fipronil en août dernier.

La DGAL compte aussi en son sein la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) qui lance des investigations de nature administrative à ma demande, et de nature judiciaire dans le cadre de fraudes organisées. Cette brigade est intervenue à l'occasion de l'affaire Lactalis.

Pour effectuer ces différentes missions, nous disposons d'un peu plus de 200 agents au niveau de l'administration centrale. Sur le terrain, au sein des Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), le programme 206 permet d'allouer environ 4 600 ETP pour assurer l'ensemble des missions de contrôle et d'inspection. Le Sénat, la Cour des comptes et la Commission européenne se penchent régulièrement sur la capacité d'intervention de nos services. De manière constante, les deux derniers gouvernements ont donné la priorité à la sécurité sanitaire. Les trois années passées, nous avons enregistré une augmentation des effectifs qui avaient fondu durant une dizaine d'années. Nous avons bénéficié de 60 postes supplémentaires par an pendant trois ans. M. Travert a défendu le maintien des effectifs tout en soulignant qu'il conviendrait de les augmenter à moyen et long termes. Compte tenu des crises que nous avons traversées, notre budget d'intervention a augmenté de 12 % afin de renforcer la prévention et la surveillance.

Nous avons aussi réalisé des benchmarking pour comparer nos moyens à ceux de différents États membres.

Pour la DGAL, la santé publique est le premier enjeu. Mais n'oublions pas qu'il en va aussi de la compétitivité des entreprises qui doivent toutes répondre aux mêmes normes. En outre, nos contrôles permettent une certification reconnue dans le monde entier. L'affaire Lactalis nous pose donc quelques problèmes, notamment sur le marché chinois, car les autorités de ce pays veulent comprendre ce qui s'est passé. Leur confiance est écornée, d'autant que ce pays a connu une crise majeure avec la mélanine. Notre filière d'excellence est ainsi mise à mal.

En raison du Paquet hygiène - ensemble de règlements communautaires pour rationaliser les textes des différents pays membres - publié le 1 er janvier 2006, le professionnel est devenu le premier responsable de la sécurité sanitaire de ses produits. Il existe sept types de règlements, à commencer par celui qui pose le principe de la sécurité alimentaire, puis viennent ceux qui ont trait aux obligations des exploitants et ceux qui définissent les contrôles exercés par les autorités, notamment celui qui pose les règles d'indépendance et d'impartialité de l'intervention de l'État. Enfin, des règlements spécifiques ont trait aux denrées animales et d'origine animale, avec le principe de l'agrément. Pour disposer de cet agrément, un établissement doit posséder des installations conformes, respecter des règles de fonctionnement et de procédure, disposer de personnels compétents. Enfin, le professionnel doit mettre en oeuvre un plan de maîtrise sanitaire (PMS) qui définit les règles de sécurité et les autocontrôles, qu'il faut bien distinguer des contrôles officiels. Les autocontrôles comprennent notamment des analyses de produits et d'environnement. Le PMS définit également des mesures d'intervention lorsque des anomalies sont identifiées. Les services d'inspection vérifient l'état de l'établissement, son fonctionnement au quotidien, sa documentation et doivent constater que le PMS est bien appliqué.

J'en arrive à l'intervention des services de l'État. Pour définir les fréquences d'inspection, nous procédons à une analyse des risques de chaque établissement ce qui permet de déterminer une pression de contrôle, tout en tenant compte des moyens disponibles. Les établissements les plus contrôlés sont les abattoirs d'animaux de boucherie : chaque carcasse fait l'objet d'une inspection spécifique et d'un estampillage, ce qui mobilise environ 1 400 agents. La fréquence d'inspection varie de six mois à deux ans en fonction du niveau de risque d'un établissement sous agrément. Nous procédons à des audits internes pour nous assurer du respect de nos procédures. Nous faisons aussi l'objet d'audits externes par les services d'inspection de la Commission européenne et par les services d'inspection des pays tiers, comme la Chine. Notre dispositif est réputé conforme au niveau européen, ce qui permet d'exporter en toute confiance.

Les résultats de nos contrôles sont transparents et accessibles à tous les Français.

Dans le domaine alimentaire, nous devons inspecter 400 000 établissements dont 22 000 agréés. Nous effectuons 55 000 inspections par an. En matière de PSPC, 62 000 prélèvements sont réalisés donnant lieu à 800 000 données analytiques par an.

J'en arrive à l'usine de Craon. Je ne suis pas tenu par le secret de l'instruction puisque ma direction n'est pas impliquée dans la procédure judiciaire en cours. Cette usine a connu en 2005 un accident important avec 146 cas de contamination humaine. La première tour de séchage datait de 1963. L'épisode de 2005 a été géré par la DGCCRF. Les agréments sont pilotés par la DGAL mais les produits infantiles relèvent de la DGCCRF en ce qui concerne leur suivi, les retraits et rappels par exemple. Aucun dysfonctionnement n'avait été mis en évidence à l'époque et les autocontrôles s'étaient révélés négatifs. Des prélèvements avaient néanmoins permis de révéler la présence de salmonelles dans l'environnement. Une boîte fabriquée en 2004 avait été retrouvée contaminée. Diverses inspections ont ensuite eu lieu et l'usine a redémarré en octobre 2005. Le 1 er janvier 2006, le Paquet hygiène est entré en application. En 2006 et 2007, deux contrôles par an ont été effectués, sans compter les contrôles de première mise sur le marché réalisés par la DGCCRF. La conformité de fonctionnement de la salle blanche a été notifiée à l'entreprise en 2007. Un contrôle a été fait en 2009 et un autre en 2011, puis quatre en 2013. De nouveaux contrôles ont eu lieu en 2014, en 2015 et en 2017. Au total, seize interventions ont eu lieu en dix ans, soit un nombre d'inspections supérieur finalement à une fois tous les deux ans tel que prévu dans les textes. Des autocontrôles non conformes n'ont jamais été portés à notre connaissance lors de ces inspections.

En septembre, une inspection a été réalisée dans le nouvel atelier réservé aux céréales pour valider les processus et certifier les exportations. Dans la mesure où les autocontrôles qui nous étaient présentés étaient conformes, nous estimions que l'entreprise ne présentait pas de risques.

Nous constatons un décalage entre les éléments dont nous disposons au niveau de l'inspection et les autocontrôles que nous avons récupérés, à la suite de la crise. Des salmonella agona avaient été trouvées en 2009 et en 2014. Une salmonelle avait été retrouvée sur des produits en 2011 et d'autres sérotypes en 2013 et 2014.

Nous devons donc nous assurer de la transmission de tous les autocontrôles par l'entreprise, ce qui est d'ailleurs une obligation règlementaire si des résultats défavorables sont constatés sur un produit fini mis sur le marché. Nous devrions aussi disposer des autocontrôles d'environnement positifs. Il est regrettable que l'entreprise ne se soit pas interrogée sur la présence de salmonella agona pendant plusieurs années alors qu'on en avait trouvé en 2005.

Mme Sophie Primas , présidente . - Pendant toutes ces années, il y a eu des autocontrôles d'environnement positifs aux salmonelles qui ne vous ont pas été transmis alors que vous les aviez demandés ?

M. Patrick Dehaumont . - C'est bien cela. Lors de l'inspection des établissements, la remise des autocontrôles est un des éléments de vérification du PMS.

Les services ont fait leur travail par rapport aux instructions données, car les fréquences d'inspection ont été respectées. Lorsque la crise est survenue, l'alerte de Santé publique France a été lancée le vendredi 1 er décembre. Dès la fin de l'après-midi, les services du préfet demandaient des informations sur les données de contrôles. Il y a une réactivité forte à mon avis des services du préfet à ce moment-là. Une investigation judicaire a été lancée, une perquisition a eu lieu, et j'ai dépêché la BNEVP pour m'assurer que toutes les mesures de sécurisation étaient prises. Dans la mesure où le préfet avait signé un arrêté pour suspendre l'activité de l'entreprise, j'ai considéré que la sécurité était assurée. Il y a quelques semaines, j'ai dépêché une inspection de la BNEVP avec l'Anses : je ne peux imaginer donner le feu vert à la reprise de l'activité de l'usine si le déroulé des faits n'est pas clairement établi et si je ne dispose pas de toutes les mesures décidées pour éviter la réitération de ces événements. La complexité du dossier fait que M. Besnier a déclaré que la tour n° 1 ne redémarrerait pas. J'ai un questionnement sur la tour n° 2... Lactalis devrait nous fournir un dossier détaillé très prochainement.

Lors de l'inspection que nous avons faite avec l'Anses, nous avons constaté que le lait qui entre dans l'usine fait l'objet de trois pasteurisations assez fortes, une atomisation est ensuite réalisée pour produire la poudre. Il est a priori établi que la poudre qui sort de la tour d'atomisation est exempte de salmonelles. Elle est donc contaminée dans les salles de réception ou de conditionnement, d'où l'importance des contrôles environnementaux. Des prélèvements sur les personnels ont été réalisés et ils sont tous revenus négatifs. Il n'est donc pas impossible que l'origine de la souche soit restée dans l'usine durant toutes ces années et qu'elle se soit développée à l'occasion de nettoyages et de désinfections, puisque les salmonelles se multiplient au contact de l'eau.

Je tire de cette crise cinq enseignements. D'abord, nous devons revisiter le dispositif de maîtrise du danger salmonelle dans les poudres de lait, notamment infantiles. Le traitement thermique donne un sentiment de sécurité mais la contamination ultérieure est possible. Nous avons lancé un processus d'inspection d'ici fin mai de toutes les usines françaises qui fabriquent des poudres de lait, infantiles ou non. J'ai d'ailleurs réuni les directeurs départementaux concernés il y a une dizaine de jours. Nous allons revérifier l'ensemble des installations et des PMS. L'Anses nous aidera à modifier, si nécessaire, certains processus de production afin de protéger les salles en sortie de poudre. Ainsi, il faudra s'interroger sur d'éventuels locaux en surpression.

Deuxième enseignement : il convient de renforcer l'obligation d'information des autorités lorsque des anomalies sont constatées, y compris lorsqu'il s'agit d'autocontrôles d'environnement. M. le ministre a souhaité qu'à l'occasion du prochain projet de loi, cette transmission soit obligatoire alors que tel n'est pas le cas aujourd'hui pour des produits qui ne sont pas mis sur le marché ou pour les autocontrôles d'environnement positifs.

Troisième enseignement : nous nous sommes rendu compte que la traçabilité des produits devait être améliorée, car nous avons constaté des déficiences lors du rappel des produits dans la grande distribution.

Mme Sophie Primas , présidente . - Pas que...

M. Patrick Dehaumont . - Vous avez raison.

Quatrième point : nous devrons améliorer l'information des consommateurs. Nous devrons aussi procéder à un retour d'expérience. Le ministre a souhaité que le Conseil national de l'alimentation soit mis à contribution.

Dernier point : la répartition des compétences doit être clarifiée entre les administrations. La DGAL devrait s'assurer du suivi de la qualité sanitaire des produits au moins au niveau microbiologique. Avec la DGCCRF, nous sommes bien conscients que nous pouvons encore améliorer le dispositif.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci pour cette présentation.

M. Marc Daunis . - Il est toujours difficile pour des parlementaires d'intervenir dans ce type de dossier en sachant que la santé est en jeu, mais aussi qu'il en va de la compétitivité d'entreprises qui subissent une concurrence effrénée.

En outre, vous devez assurer des contrôles rigoureux alors que vos effectifs ont diminué.

En dix ans, vous avez réalisé seize contrôles qui se sont révélés négatifs. Des autocontrôles ont en revanche révélé la présence de salmonelles, mais ces résultats n'ont pas été communiqués à vos services. Avez-vous demandé ces autocontrôles ? Ne vous ont-ils pas été transmis sciemment ?

Le partage de compétences entre la DGCCRF et la DGAL nous apparaît abscons. Est-il pertinent ?

En 2014, la Cour des comptes avait pointé le conflit d'intérêt de votre administration à la fois chargée du développement et du contrôle. Vos contrôles ne risquent-ils pas d'être trop bienveillants ?

Le service des enquêtes de la DGCCRF et celui de la DGAL ne mériteraient-ils pas d'être mutualisés ?

M. Jean-Pierre Moga . - Merci pour la clarté de votre exposé qui permet, même aux néophytes, de comprendre les enjeux de ce débat. Il est surprenant que l'entreprise n'ait pas pris de mesures énergiques alors que ses autocontrôles démontraient la présence de salmonelles. Cette entreprise était Iso9000, Iso14000, Iso22000 : elle aurait dû tendre vers l'excellence et la transparence. Vous trouverez certainement les causes de cet incident qui aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves.

Comment faire pour retirer les lots dans la grande distribution ? Allez-vous vérifier si les procédures ont été bien appliquées et s'il ne faut pas les renforcer ?

M. Jean-Marie Janssens . - Le CETA, accord commercial entre l'Union européenne et le Canada, est entré en vigueur à titre provisoire le 21 septembre dernier : un contingent annuel de 65 000 tonnes de viande bovine sera importé en Europe. Au-delà de l'aspect concurrentiel, c'est bien la qualité de la viande qui est menacée. Les bêtes françaises sont nourries à 85 % d'herbe tandis que les bêtes canadiennes et brésiliennes sont nourries dans des parcs industriels à 80 % de maïs OGM, souvent assortis de farines animales, sans compter les compléments hormonaux. Pas moins de six stimulateurs de croissance hormonaux sont homologués au Canada. Comment la DGAL compte-t-elle protéger les consommateurs, les éleveurs et la qualité de la viande dans un tel contexte de libéralisation du marché européen ?

M. Serge Babary . - Vous avez évoqué un travail de benchmarking . Pourriez-vous donner des éléments de comparaison avec d'autres États, notamment en matière de contrôle ?

M. Daniel Gremillet . - Merci pour votre intervention. Je voudrais rendre hommage aux équipes sur le terrain qui assurent la sécurité sanitaire des aliments que consomment nos compatriotes. Beaucoup de pays envient notre système. Comment contrôlez-vous les produits que nos concitoyens consomment et qui viennent de l'Union européenne et du reste du monde ?

Vous voulez renforcer la surveillance des autocontrôles d'ambiance : jusqu'où voulez-vous aller ? Jusqu'aux manches à balais ?

La traçabilité entre l'usine et le premier client ne pose pas de problème. Mais le produit peut connaître jusqu'à quatre clients successifs avant d'arriver au consommateur : il conviendrait d'assurer la traçabilité de toute la chaîne.

Mme Catherine Procaccia . - Vous avez annoncé que toutes les usines de poudre de lait allaient être contrôlées. Cela signifie-t-il que l'affaire Lactalis pourrait se reproduire dans d'autres établissements ? Savez-vous si les autres fabricants ont renforcé leurs contrôles ?

Mme Victoire Jasmin . - Combien de contrôles avez-vous effectué auprès du personnel et s'agit-il de contrôles réguliers ? Les contaminations sont sans doute manu-portées, d'autant que les sérotypes retrouvés chez Lactalis sont plutôt rares. Plusieurs lots ayant été contaminés, la contamination a certainement eu lieu à différentes reprises, ce qui pourrait signifier que des personnes sont porteuses de ces salmonelles.

M. Daniel Gremillet . - Renforcer les contrôles d'ambiance, certes, mais alors il faut aller jusque chez les consommateurs, n'est-ce pas ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Toutes les personnes que nous avons reçues déclarent avoir fait correctement leur travail, y compris le directeur de Lactalis, qui affirme avoir prévenu tous ses clients, les distributeurs, la DGCCRF et la DGAL.

Les difficultés rencontrées lors du retrait des lots dans la grande distribution mais aussi chez les pharmaciens viennent aussi du fait que les consommateurs ne savaient pas exactement où trouver les informations complètes. Le dispositif « Alerte enlèvement » est efficace : ne conviendrait-il pas de créer une « Alerte sanitaire » avec un seul numéro, un seul site Internet où les consommateurs trouveraient toutes les informations ?

M. Patrick Dehaumont . - Je n'ai pas dit que nous avions fait correctement notre travail, j'ai simplement expliqué ce que nous faisions et j'ai indiqué qu'à mon avis, la DDPP avait rempli ses obligations. Je vous ai exposé notre méthode et décrit les contrôles auxquels nous sommes soumis.

La vérification des autocontrôles fait partie des points d'inspection. Nous avons repris l'ensemble des rapports d'inspection, qui concluaient tous à la conformité. Je n'irai pas jusqu'à dire que l'entreprise a enlevé de la pile d'autocontrôles les résultats positifs. En fait, il est difficile pour un inspecteur de contrôler des centaines, voire des milliers d'analyses : quand l'entreprise, à la demande de la DDPP, a commencé à transmettre par voie informatique l'ensemble des données, il a fallu que la DDPP lui demande de ne transmettre que ce qui n'était pas conforme, sans quoi il aurait été impossible de faire le tri.

M. Marc Daunis . - C'est une question extrêmement importante. Nous confirmez-vous que tous les autocontrôles avaient été transmis par l'entreprise ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Ce n'est pas ce qui a été dit.

M. Patrick Dehaumont . - Les rapports d'inspection indiquent que tous les autocontrôles transmis étaient conformes. Tous les autocontrôles ont-ils été fournis ? Je l'ignore. L'investigation judiciaire le dira. En 2017, non, ils n'ont pas été fournis puisqu'il a fallu les réclamer.

M. Marc Daunis . - C'est bien ce que j'avais compris.

M. Patrick Dehaumont . - Le partage des compétences, que vous avez qualifié d'abscons, reste-t-il pertinent ? Nous en discutons, et il est question de réviser le dispositif et le protocole de 2006.

Vous avez parlé de conflit d'intérêts potentiel.

M. Marc Daunis . - C'est la Cour des Comptes qui le dit.

M. Patrick Dehaumont . - Je lui avais écrit, et je rappelle, que la DGAL ne fait pas du développement. Direction régalienne, elle conduit en toute indépendance des missions d'inspection et de contrôle : nous ne sommes pas là pour faire du conseil ! Je demande avec force aux préfets d'être très attentifs à la suite donnée à nos inspections. Et la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires nous amène à travailler beaucoup avec la Justice.

Mutualiser ? Les champs ne sont pas exactement les mêmes. Les services de la DGCCRF se préoccupent de concurrence, de loyauté de la transaction et effectuent les contrôles de première mise sur le marché ; nous nous focalisons plutôt sur l'aspect sanitaire. Dans l'investigation initiale, la DGCCRF était en charge du rappel des produits, et l'enquête judiciaire a été ouverte car des anomalies ont été identifiées par Santé publique France. En revanche, l'agrément sanitaire en tant que tel dépend de nous, comme la capacité à conduire les inspections correspondantes. Sans doute faut-il revisiter cette ligne de partage pour rendre plus cohérente la répartition des compétences. Nous n'avons pas de compétences liées au code du commerce ou aux règles de concurrence, et la DGCCRF n'en a pas sur l'aspect sanitaire - comme elle l'a rappelé à plusieurs reprises.

Oui, il est choquant que l'entreprise n'ait pas pris de mesures de transparence. Quant à la grande distribution, elle s'est montrée fortement défaillante : un rappel avait été exigé à la suite d'un problème de santé publique ! Certes, c'était à une période de boom commercial, quelques jours avant Noël, mais cela n'excuse pas que le tri n'ait pas été fait dans les rayons. Vu le nombre limité de boîtes qui y étaient et compte tenu du risque, il suffisait, quitte à enlever trop, d'enlever tout. Cette incompréhensible défaillance ne doit pas se reproduire. Un retrait de produits est quelque chose d'assez courant ! Et la liste des lots avait été mise sur Internet.

Comment protéger le consommateur dans le cadre des accords internationaux ? Ces accords sont négociés par les États membres et par la Commission européenne. Les règles sanitaires sont européennes et il nous appartiendra de vérifier par des contrôles à l'importation, selon des règles européennes, que les produits respectent bien les standards que l'on impose aux pays concernés.

M. Laurent Duplomb . - Bonjour l'ambiance !

M. Patrick Dehaumont . - Un cabinet privé a étudié pour le compte des autorités néerlandaises les moyens consacrés à l'inspection dans les différents États-membres pour les contrôles en remise directe. La France y consacre 0,3 euro par habitant et par an ; les Pays-Bas, 1,5 euro par habitant et par an ; la Belgique, 1,7 euro et le Danemark, 2,4 euros.

Des contrôles aux frontières sont réalisés sur les points d'entrée des produits ou des animaux vivants sur le territoire de l'Union européenne. Il s'agit des postes d'inspection aux frontières (PIF). C'est là qu'un produit est contrôlé et dédouané, avant d'être mis en libre circulation - mais le Brexit nous amènera peut-être à remettre en place des contrôles aux frontières avec le Royaume-Uni.

Les autocontrôles d'ambiance ou d'environnement sont très intéressants : en sortie de tour, le produit est généralement stérile. C'est après qu'il est contaminé, dans la salle de conditionnement, pour peu que de la poudre tombe de la tour d'atomisation. On a donc beaucoup plus de chances de trouver des salmonelles en faisant des contrôles d'environnement : sur des manches à balai, par des prélèvements en surface, etc. Par exemple, on a trouvé des salmonelles sur les roues d'un Fenwick ! Même, il serait intéressant d'effectuer des contrôles dans les élevages : on trouve des salmonelles dans les élevages de bovins comme dans les élevages de volailles. Les salmonelles sont des entérobactéries, et si du lait est contaminé, les produits de transformation le seront aussi. En fait, moins de 3 % des élevages sont porteurs de salmonelles, et il y a peu de vaches contaminées. Il s'agit d'identifier ces vaches pour les éliminer de la chaîne de production. Il faut aussi mettre en place des procédures : le chauffeur ne doit pas pouvoir accéder à la salle où la poudre est conditionnée, etc. Il en va de la maîtrise de la qualité sanitaire des produits ; à cet égard, nous avons besoin de l'expertise scientifique de l'Anses.

Contrôlons-nous l'ensemble des établissements ? Pas question d'attendre un deuxième accident ! Une grosse trentaine d'usines fabriquent de la poudre, soit un maximum de trois ou quatre dans un département donné. Il importe que nous vérifiions chacune, et que nous nous assurions que les autocontrôles y sont bien effectués - mais je suis sûr que les industriels ont déjà renforcé leurs dispositifs. Nous devons enfin collecter des données pour améliorer notre évaluation scientifique.

Le contrôle du personnel est toujours un peu traumatisant, car les personnes contrôlées se sentent peu ou prou mises en cause. Tous les résultats étaient négatifs. Je ne crois pas que de tels contrôles doivent être systématisés : l'enjeu est plutôt de maîtriser les procédures d'hygiène.

Dans les salles, ce sont les surfaces qui sont contrôlées. Il n'est pas très utile de réaliser des contrôles de poudre à la sortie de la tour d'atomisation. Mieux vaut faire ces contrôles après conditionnement.

Oui, il faut renforcer le dispositif de traçabilité vis-à-vis du consommateur. Les numéros de lots ne permettent pas de retracer suffisamment l'origine. Nous pourrions sans doute, à l'avenir, exploiter les données des tickets de caisse et des codes-barres.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci pour ces propos très clairs et très enrichissants.

E. TABLE RONDE RASSEMBLANT DES ACTEURS DE LA DISTRIBUTION - MERCREDI 14 FÉVRIER 2018

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Merci à l ' ensemble des intervenants d ' avoir accepté de participer à cette audition conjointe de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales du Sénat, dans le cadre du cycle d'auditions lancé après la commercialisation de lait infantile infecté par des salmonelles, fabriqué par l ' entreprise Lactalis. Nous cherchons à comprendre comment, en France, en 2018, malgré toutes les procédures de contrôle prévues par la législation ou la réglementation, une contamination de ce type a pu advenir alors qu ' elle concerne des produits en principe particulièrement surveillés puisque destinés à de très jeunes enfants. La vie d ' un produit agroalimentaire est longue, depuis la récolte de la matière première jusqu ' à la consommation du produit transformé. Elle implique de très nombreux acteurs. C ' est toute la chaîne d ' acteurs que nous avons souhaité entendre. Aujourd ' hui, nous recevons les distributeurs. Je précise que vous représentez la grande distribution -tous les groupes sont venus ce matin- mais aussi la distribution spécialisée, avec la présence de la présidente du Conseil national de l ' Ordre des pharmaciens.

Des produits contaminés ont été mis sur le marché. Alors même qu ' ils faisaient l ' objet de procédures de retrait, ils ont continué à être disponibles dans les rayons de la grande distribution et dans les officines et à être vendus à des clients. Comment est-ce possible ? Nous ne cherchons pas, ici au Sénat, à déterminer les responsabilités individuelles -la justice en est saisie- mais à comprendre quels mécanismes n ' ont pas fonctionné.

Nous attendons donc que chacun d'entre vous puisse, dans le cadre d'une courte intervention, répondre à nos questions. Par quels canaux d ' information avez-vous été prévenus du rappel des produits concernés et quelles sont vos procédures internes de mise en oeuvre d'une telle mesure ? Quels éléments expliquent, selon vous, que des produits rappelés ont continué à être offerts à la consommation dans votre réseau de distribution, voire fait l ' objet de promotions ? Quelles pistes d ' évolution réglementaire ou organisationnelle, tant en interne que pour l ' ensemble de la procédure administrative, suggérez-vous afin d ' améliorer l ' efficacité du système sans le rendre complètement impotent ?

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales . - Je joins ma parole à celle de la présidente de la commission des affaires économiques pour souhaiter la bienvenue aux représentants de la grande distribution et à la présidente du Conseil national de l ' Ordre des pharmaciens, que notre commission a régulièrement l ' occasion d ' auditionner. En tant que distributeurs de produits d ' alimentation destinés à des publics fragiles, en particulier les laits infantiles, les pharmacies doivent évidemment respecter les procédures mises en place pour garantir la sécurité sanitaire. Nous serons particulièrement attentifs au retour d ' expérience que l ' Ordre des pharmaciens pourra nous livrer sur le cas d ' espèce qui nous réunit aujourd ' hui.

Mme Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens . - Dès les premiers retraits-rappels de lait infantile par la société Lactalis, début décembre, l ' Ordre national des pharmaciens a travaillé avec les autorités - la direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - et s ' est mobilisée pour transmettre les informations aux pharmaciens, au fur et à mesure de leur diffusion. Entre le 4 décembre et le 13 janvier, les pharmaciens d ' officine, les pharmaciens hospitaliers et les grossistes répartiteurs ont été destinataires de neuf alertes leur précisant la liste des produits à retirer et les modalités de rappel, par le biais du dossier pharmaceutique, y compris le week-end. Ces alertes apparaissent en temps réel sur les écrans des ordinateurs de toutes les officines et bloquent leur fonctionnement jusqu ' à la prise en compte du message. Aucun opérateur ne peut manquer de voir l ' alerte ni d ' en accuser réception.

Nous déplorons l ' absence de contact direct et régulier avec les autorités. L ' Ordre s ' est montré très réactif durant le fameux week-end des 9 et 10 décembre. Les pharmacies ont été informées à l ' initiative du Conseil de l ' Ordre dès le samedi, en l ' absence de consigne stabilisée, afin que, dès le dimanche - jour de garde -, les pharmaciens puissent retirer tous les laits de la vente, répondre aux familles sur les conséquences sur la santé des enfants et les mesures à prendre et, surtout, proposer des laits de substitution aux familles touchées. Le réseau des grossistes répartiteurs a été en alerte dès le samedi pour alimenter les pharmacies en produits de substitution. Le dimanche matin, j ' ai pris la responsabilité d ' envoyer aux pharmaciens un message de mise en quarantaine de tous les produits Lactalis.

À la suite des constats de la DGCCRF, je suis entrée en contact avec les deux éditeurs de nos logiciels métiers afin qu ' un message d ' alerte s ' affiche lors de la lecture du code-barres des produits incriminés. Dans les 72 heures, ce message était effectif dans les pharmacies. L ' Ordre a également relayé auprès des officines la demande de la DGCCRF d ' afficher visiblement le rappel auprès du public.

Les informations ont été mises en ligne sur le site internet et sur l ' application mobile de l ' Ordre ainsi que tous les documents officiels de la DGCCRF, de la DGS et de Lactalis. Nous avons diffusé trois communiqués de presse et sept actualités dont cinq par l'application. Les conseils régionaux de l ' Ordre ont relayé ces informations par e-mail à tous les pharmaciens. Ils ont également pris l ' initiative de contacter les pharmacies disposant de sites de vente en ligne pour qu ' ils retirent les produits incriminés de la vente.

Permettez-moi de réaffirmer ici l ' efficacité et le sérieux de la chaîne pharmaceutique. Pour preuve, sur une centaine de sites de répartition inspectés, aucun manquement n ' a été constaté dans la filière d ' approvisionnement des officines. La filière pharmaceutique s ' est immédiatement organisée pour gérer le retrait des produits infantiles et nutritionnels et approvisionner les pharmacies en produits de substitution. Les grossistes répartiteurs ont procédé sans délai au retrait des lots incriminés de leurs stocks et ont reçu des pharmacies les produits retirés.

Malgré toutes ces mesures, certaines pharmacies ont malheureusement continué à mettre à disposition du public des produits potentiellement contaminés. J ' ai exprimé mon indignation et des sanctions disciplinaires seront prises à l ' encontre de ces pharmaciens. À ce jour, je ne dispose toujours pas d ' information précise sur les 44 plus 13 pharmacies en question, n'ayant pas de détails sur les procès-verbaux et les fautes qui leur sont reprochées. Il m ' est donc difficile de mettre en place des actions de correction.

Pour renforcer la chaîne de sécurité, je propose trois mesures : pérenniser le système d ' alerte par les logiciels d ' information ; renforcer les systèmes de certification et re-certification des professionnels de santé pour les encourager à suivre davantage les procédures de qualité ; mettre en place à la DGCCRF un interlocuteur dédié à l ' Ordre en cas de mesures de rappel, afin de sécuriser la chaîne de distribution en pharmacie et ce, pour le bénéfice des Français.

M. Stéphane Dufort, directeur qualité du groupe Carrefour . - Je vous exposerai la façon dont Carrefour a géré l ' affaire Lactalis en interne ; il a également été convenu que je m ' exprime au nom de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) pour vous proposer des recommandations.

Nous avons été prévenus par quatre vagues d ' information, soit quinze messages au total. Le samedi 2 décembre, nous avons été informés par Lactalis par téléphone et e-mail. Le 10 décembre, nous l ' avons été par le communiqué de presse de Bercy, puis par Lactalis. Le mercredi 20 décembre, par un nouveau communiqué de presse de Bercy, puis par Lactalis. Enfin, le samedi 23 décembre, nous avons reçu les derniers messages de Lactalis.

Chez Carrefour, grâce à une astreinte 24 heures sur 24, sept jours sur sept, nous pouvons diffuser des messages à l ' ensemble des magasins sur les retraits et les rappels et éventuellement déclencher une cellule de crise. Cela a été fait.

Madame la présidente, vous demandez pourquoi des produits rappelés ont continué à être offerts à la consommation. C ' est la question centrale chez Carrefour. La défaillance a été identifiée. Elle provient d ' une mauvaise gestion des produits retournés en magasin par nos clients. Plus de 9 000 produits l ' ont été. Malheureusement, certains ont été réinjectés par mégarde dans le circuit de distribution. Nous déplorons néanmoins des facteurs aggravants de la part de Lactalis. L ' information a été morcelée, peu transparente - nous n ' avons été informés que le 10 décembre, par communiqué de presse, de la fermeture de l ' usine de Craon, intervenue le vendredi 8 décembre. Nous avons également été livrés, le 14 décembre, de produits Lactalis, après les mesures de rappel du 10 décembre.

La FCD a identifié cinq préconisations. Premièrement, nous demandons la révision et l ' amélioration du guide de gestion des alertes alimentaires. Ce travail, que la FCD demande depuis deux ans, doit être débuté immédiatement avec les pouvoirs publics afin de moderniser et sécuriser les procédures de rappel. Il est essentiel pour clarifier le rôle des différentes entités et appréhender la gradation des niveaux de rappel. Le guide devra également intégrer les nouveaux modes d ' achat, notamment sur internet. Enfin, l ' ensemble des acteurs de la distribution alimentaire, notamment les pharmaciens et les hôpitaux, devront être intégrés dans les travaux de révision.

Deuxièmement, nous souhaitons la création d ' un site internet unique national pour la diffusion des rappels et des informations associées. Nous avons formulé cette proposition lors des États généraux de l ' alimentation.

Troisièmement, nous appelons à une formation aux procédures de rappel, qui doivent être intensifiées dans nos magasins.

Quatrièmement, quand le niveau de risque le justifie, nous demandons la suppression de la mention des références concernées sur les sites internet afin qu ' il ne soit plus possible de les commander, ainsi que le blocage en caisse. Celui-ci ne fonctionne que pour un rappel sur l ' ensemble d ' une référence et non pour des numéros de lots - qui constituent la quasi-totalité des rappels.

Cinquièmement, nous souhaitons la mise en place de procédures harmonisées avec les opérateurs du système bancaire pour identifier au plus vite tous les acheteurs des produits concernés ayant payé par carte bancaire. Cela nécessite la levée du secret bancaire par l ' administration.

Mme Sophie Primas , présidente . - Ce dernier point ne manquera pas de faire débat.

M. Sébastien Chellet, directeur général du Galec, société coopérative des groupements d'achats des centres E. Leclerc . - Je souhaite d ' abord réitérer nos excuses à l ' égard de nos clients quant à la poursuite de la vente de produits rappelés après le 21 décembre. Cette crise a profondément marqué l ' ensemble des adhérents Leclerc et des collaborateurs. Au cours de cette crise, la mobilisation des équipes a été totale. Dès que nous avons eu connaissance, à l ' échelon national, d ' une défaillance en magasin, nous avons mis en oeuvre des vérifications au-delà des procédures existantes et pris la décision de communiquer largement, auprès de l ' administration puis par voie de presse. Notre enseigne a été la première à déclencher cette démarche afin de répondre à l ' alerte et d ' être transparente vis-à-vis de nos clients.

Leclerc est un groupe coopératif de commerçants indépendants qui exploitent leurs magasins sous enseigne Leclerc ; ils sont coopérateurs du groupement d ' achats Leclerc qui est la centrale nationale de référencement des produits à marque nationale. Une fois référencés, ces produits sont livrés par des plateformes logistiques régionales, qui sont des coopératives régionales approvisionnant les magasins et les drives , soit 1 300 points de vente en France.

Notre système de gestion de la qualité est documenté et décrit pour chaque entité. Les rôles et les responsabilités de chacun, notamment dans le cas de retraits-rappels, sont détaillés. De façon très classique, nos procédures se déclenchent à la demande de l ' administration ou des fournisseurs. Le Galec déclenche environ 250 procédures par an au moyen d ' un outil informatique totalement dédié. Chaque responsable qualité de coopérative d ' approvisionnement régionale et chaque responsable qualité de magasin doit exécuter les opérations qui lui incombent, c ' est-à-dire retirer les produits de la vente, les isoler lorsqu ' il s ' agit d ' un rappel et afficher une information auprès du consommateur. Cette procédure doit être exécutée dans un délai maximum de quatre heures.

Dans le cas spécifique de l ' affaire Lactalis, nous avons eu à faire face à trois rappels, les 2, 10 et 21 décembre. À chaque fois, nous avons eu confirmation de la mise en oeuvre de la procédure par toutes les entités. Je rappelle que les 2 et 10 décembre, le rappel ne portait que sur certains numéros de lots. Le 21 décembre, enfin, la totalité des produits Milumel a fait l ' objet d ' un rappel. Pour l ' enseigne Leclerc, cela représente 1 % des cas de retrait-rappel. Nous avons retiré près de 195 000 produits de nos magasins.

Le vendredi 5 janvier au soir, un magasin de l ' enseigne nous a informés d ' une difficulté avec une cliente qui a pu acheter un produit Milumel. Le dimanche 7 janvier, nous avons décidé de procéder à des vérifications complémentaires auprès des magasins pour vérifier s ' il s ' agissait d ' un cas isolé. Le lundi 8 janvier au matin, nous avons constaté qu ' un certain nombre de magasins avaient vendu des produits après le 22 décembre - nous avons recensé 999 produits vendus. Nous avons immédiatement installé une cellule de crise et pris des mesures : nous avons informé la DGCCRF, envoyé un communiqué de presse aux médias, demandé le blocage des systèmes de caisse de tous les points de vente - ce qui n ' était possible qu ' à partir du 21 décembre puisque le rappel concernait une référence dans sa totalité -, créé un numéro vert et lancé des opérations d ' identification de nos clients, notamment grâce au système bancaire, pour prendre contact avec eux et s ' assurer de l ' état de santé de leurs enfants. La cellule de crise a été maintenue jusqu ' au 26 janvier.

Sur les 750 tickets de caisse que nous avions à identifier, nous n ' avons pas pu contacter 74 clients, par exemple parce qu ' ils avaient payé en espèces. Nous avons pris contact avec toutes les directions des banques, qui ont parfaitement coopéré.

Les procédures ont bien été mises en oeuvre. L ' exécution a été défaillante dans certains magasins. Les principales causes identifiées aujourd ' hui sont des défaillances humaines, amplifiées par la succession des messages de retraits-rappels et par la période de fin d ' année, particulièrement chargée dans le commerce.

Afin d ' identifier toute éventuelle action corrective à mettre en oeuvre, nous allons procéder dans les semaines qui viennent à des audits pour repérer les failles opérationnelles en point de vente et sécuriser l ' ensemble du dispositif.

Compte tenu de l ' ampleur de cette crise qui dépasse le périmètre de notre enseigne, nous sommes bien évidemment très favorables à participer à tout groupe de travail sur ce sujet, pour éviter que d ' autres situations de ce type se reproduisent et pour améliorer l ' efficacité du système sanitaire en France.

Mme Caroline Dassié, directrice générale d'Intermarché . - Nous avons à gérer en moyenne un retrait par jour et un retrait-rappel par semaine. Mes confrères et moi-même y faisons face avec des dispositifs relativement robustes. Notre processus de retrait-rappel est piloté par la direction générale de la qualité. Tous les fournisseurs sont informés chaque année de leur interlocuteur en interne. Nos équipes sont disponibles en semaine, le week-end et les jours fériés. Les informations sont centralisées au sein de la direction qualité du groupement. Ensuite, des messages sont envoyés à l ' ensemble des entrepôts et des points de vente pour que chaque entité puisse procéder par contrôle visuel au retrait des lots.

Dans le cas de Lactalis, nous avons fait face à une situation inédite et complexe en raison de la succession de rappels pendant un mois. Le 2 décembre, Lactalis nous a transmis une première demande de retrait-rappel pour douze lots. Nous avons immédiatement mis en place nos procédures. Le 9 décembre, l ' État a publié un arrêté de suspension de l ' exportation et de la mise sur le marché des 620 lots de produits fabriqués depuis le 15 février 2017 sur l ' une des tours de séchage de l ' usine de Craon. Le 10 décembre, Lactalis a étendu la demande de retrait-rappel à l ' ensemble des 620 lots visés par l ' arrêté, avant d'ajouter, le 13 décembre, cinq lots supplémentaires répondant aux critères de l ' arrêté. Le 21 décembre, l ' ensemble des produits fabriqués dans l ' usine de Craon depuis le 15 février ont finalement fait l ' objet d ' un retrait-rappel. Nous avons dû affronter une complexité et une confusion jamais rencontrées auparavant.

L ' identification des numéros de lots ne peut aujourd'hui se faire que par contrôle visuel humain. Cette façon de procéder n ' est plus acceptable à l ' ère du numérique. Il nous faudra renforcer la gestion et l ' identification des lots.

Lors de la crise Lactalis, nous avons mis en place des dispositions exceptionnelles en raison de l ' ampleur sans précédent du retrait, qui a concerné plus de douze millions de boîtes sur le marché français.

Nous avons mis en place un numéro vert à destination des consommateurs, avons rappelé ceux que nous avions pu identifier grâce à notre carte de fidélité, avons mis en place une plateforme médicalisée et avons décidé de bloquer le code-barres EAN ( European Article Numbering ) en caisse. Ce processus n ' est pas sans conséquences économiques sur l ' ensemble de la filière. Nous avons aussi mis en place un bandeau d ' alerte sur l ' ensemble des ordinateurs du groupement. Tant que ce message n ' a pas été validé comme consulté, l ' ordinateur est bloqué.

Je suis favorable à un travail collectif pour resserrer les mailles du filet. Le sujet concerne toute la chaîne, de l ' industriel aux distributeurs. L ' une de nos pistes est le blocage de l ' EAN. Toutefois, celle-ci n ' est pas sans conséquence puisque l ' intégralité d ' un produit est bloqué et non pas uniquement les numéros de lots concernés. Nous cherchons à renforcer la formation de nos équipes, l ' humain étant la clé lorsqu ' il n ' existe pas de moyen informatique pour bloquer les numéros de lots. Nous travaillerons plus étroitement avec le monde industriel pour faire face à ces difficultés.

Je voudrais vous donner un exemple : aujourd ' hui, nous devons gérer un retrait-rappel portant sur des fruits de mer. Il n ' y a qu ' un EAN pour les productions de quatre industriels, or le retrait-rappel ne concerne qu ' un seul de ces industriels.

Nous sommes très conscients, à l ' heure des nouvelles technologies, que nous devons parvenir à nous rassembler pour trouver une solution, la vraie barrière étant le blocage informatique.

M. Laurent Francony, directeur qualité, santé, sécurité, environnement du groupe Système U . - Dans notre groupement de distribution, nous utilisons des dispositifs techniques s ' appuyant sur l ' intranet, l ' e-mail, le fax, le téléphone et le SMS pour alerter nos magasins dans les plus brefs délais et leur demander d ' agir conformément aux procédures.

Bien sûr, quels que soient ces dispositifs techniques actuels et futurs, il y a toujours une action humaine, que ce soit celle d ' une caissière ou d ' un responsable de rayon. Quelqu ' un doit agir pour enlever un produit, l ' empêcher de passer la ligne de caisse.

La question centrale est celle de la communication. On a constaté une succession de demandes, d ' élargissements du nombre de lots puis de références à rappeler qui ont engendré une multiplication des communications vers les magasins, auxquelles se sont ajoutées les actions de communication de Lactalis, de la DGCCRF et du ministère de l ' économie et des finances. Notre enjeu a été de faire en sorte que nos clients aient la même compréhension du phénomène à travers ces différents canaux.

Le matin même de l ' intervention de M. Le Maire, nous avions envoyé une nouvelle affichette en magasin -la quatrième. Au total, en trois semaines, nous avons exposé cinq affichettes distinctes contenant cinq explications pas toujours cohérentes entre elles. Elles sont toujours en rayon, vous pourrez le constater.

Le but d ' un rappel est d ' informer les clients. Lors de cette crise, les médias les ont informés très rapidement, si bien que notre numéro vert n ' a reçu que 27 appels. Les clients ont parfaitement compris la nature de la crise, où se trouvait le problème et ce qu ' ils devaient faire. Aujourd ' hui, le premier canal de communication est internet.

En moyenne, chaque année, Système U gère 300 procédures de retrait-rappel. Le risque, c ' est la saturation du dispositif. Ainsi, ces dernières 72 heures, nous avons eu quatre retraits-rappels. Avec les élargissements du nombre de lots ou de références, les équipes en magasin ont reçu une quinzaine de messages. Le dispositif est éprouvé, il est efficace au jour le jour, mais son utilisation fait qu ' il est impossible d ' exclure une erreur de manipulation en magasin ou un retour dans les rayons de produits qui ont été rapportés par les clients.

M. Franck Geretzhuber, secrétaire général du groupe Auchan . - Je laisserai ensuite la parole à M. Olivier Louis, qui a piloté la gestion de la crise dite Lactalis chez Auchan. Nous avons réuni l ' ensemble des équipes concernées et mis au point un certain nombre d ' actions supplémentaires à engager.

Cette crise a été particulière. Nous avons appris le rappel du 10 décembre par la presse. Lorsque nous avons contacté nos interlocuteurs habituels chez le fournisseur, ils nous ont répondu qu ' ils ne nous avaient pas appelés parce que c ' était le week-end. Je rappelle que nous sommes ouverts tous les samedis et souvent les dimanches. En outre, nous avons une ligne téléphonique dédiée. Quelqu ' un est toujours joignable pour gérer ce type de situation.

Autre élément particulier, nous avons reçu une livraison de produits incriminés après le 21 décembre, date de rappel de tous les produits. Même si ce n ' est évidemment pas satisfaisant, ces particularités expliquent que, sur 42 000 produits retirés des rayons, 52 aient été remis dans le circuit de vente. Le problème vient surtout d ' une exécution humaine imparfaite. Les clients rapportent des produits à l ' accueil et des employés les remettent en rayon.

Attention à la multiplication des procédures qui bloquerait totalement le système. Enfin, veillons à la gradation des alertes.

M. Olivier Louis, directeur de la communication du groupe Auchan . - À la suite de la réunion des acteurs de la distribution à Bercy avec les ministres Bruno Le Maire et Stéphane Travert, plusieurs décisions ont été prises immédiatement. La première, le blocage de l ' encaissement des produits dans la totalité des hypermarchés et des supermarchés intégrés et franchisés, a été d ' une efficacité réelle. Une solution est en cours de finalisation pour les commerces d ' ultra-proximité. Nous avons également sensibilisé et rappelé les process de retour des produits aux équipes d ' accueil. Les dirigeants de tous les points de vente et entrepôts ont été mobilisés dès le lendemain de la réunion : nous leur avons demandé de rendre compte de la situation, photographie à l ' appui, sur les linéaires, dans les réserves et au sein des entrepôts, afin de vérifier que tous les produits Milumel de la marque Lactalis avaient été écartés.

Auchan s ' est montré transparent vis-à-vis des médias en intervenant dans les émissions matinales de France Inter, France Info et Radio Classique ainsi que sur France 2. Nous avons organisé une réunion à froid avec les représentants de l ' ensemble des formats de magasins. L ' audit prendra en charge ce dossier. Une agence extérieure spécialisée dans la gestion de ce type de crise sanitaire interviendra également pour revoir l ' ensemble de nos process internes.

En outre, l ' outil de messagerie dédiée en interne sera généralisé à la totalité des formats et des entrepôts à compter du 1 er mars. Nous avons également décidé de renforcer le plan d ' inspection pour les supermarchés et les magasins de proximité, notamment nos franchisés. Nous travaillons par ailleurs sur un blocage de l ' EAN sur les commandes et les flux logistiques pour éviter toute livraison.

Nous partageons les préconisations de la FCD. Je souhaite juste insister sur l ' importance de redonner une véritable dimension aux procédures de rappel en commençant par une analyse des risques réels afin de les hiérarchiser. Enfin, nous souhaitons conserver le système d ' alertes sur un téléphone de permanence, qui facilite les échanges avec le fournisseur. Au-delà des outils informatiques, l ' échange entre le fournisseur et le distributeur est absolument majeur.

M. Gérard Pachoud, directeur général de Provera France, centrale d'achats de Cora France . - Cette crise nous a beaucoup préoccupés en décembre et en janvier.

En 2017, nous avons géré 333 alertes, dont 220 retraits et 70 rappels. Les messages sont diffusés par un outil interne qui fonctionne sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Les magasins sont informés puis relancés 24 heures après les messages de rappel et ensuite toutes les deux heures tant qu ' ils n ' ont pas saisi informatiquement les quantités retirées des rayons ou des réserves.

Le dossier Lactalis a donné lieu à quatre vagues de rappel et cinq messages -puisqu ' il y a même eu un correctif- entre le 2 décembre et le 13 janvier. Il est dommage que la deuxième vague de rappel, le 10 décembre, soit arrivée après que les médias en ont fait état.

Globalement, ces rappels ont concerné plus de 170 000 produits livrés dans nos enseignes dont plus 12 000 ont été retirés. Nous avons réalisé 67 ventes entre le 22 décembre et le 10 janvier. Il a pu y avoir des erreurs dans certains magasins, des produits déplacés ont pu être rangés par inadvertance dans le rayon, par exemple par des employés d ' autres secteurs, ou alors après une mauvaise gestion de retours en magasin. Il est également possible que des produits livrés ou fabriqués avant le 15 février 2017 aient été vendus entre le 21 décembre et le 10 janvier. On parle alors de vente suspecte. Il n ' est toutefois pas possible d ' affirmer que tous les produits vendus entre le 21 décembre le 10 janvier étaient des produits devant être retirés, ces produits ayant entre un et trois ans de durée de vie.

Durant cette même période, un quart de nos magasins ont été contrôlés par l ' administration. Aucun dysfonctionnement ni aucune anomalie n ' ont été constatés, alors même qu ' un tiers de ces magasins contrôlés a réalisé des ventes suspectes pendant la période. Cela nous a un peu étonnés.

Nous partageons les préconisations émises. Nos équipes qualité travaillent avec celles de nos confrères pour bâtir des plans d ' action encore plus efficaces.

M. Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino . - Merci de ce temps d ' échange destiné à faire progresser les pratiques pour une sécurité accrue des consommateurs.

Notre direction qualité a été prévenue par des appels puis des e-mails de la société Lactalis le 2 décembre. L'information concernait le retrait-rappel de douze lots. Le 10 décembre, une deuxième information portait cette fois sur 620 lots. Enfin, le 21 décembre, l'ensemble des références sorties de l ' usine de Craon étaient interdites à la vente. Entre temps, nous avons reçu une quinzaine de communications par téléphone ou e-mail plus ou moins contradictoires.

Casino et Monoprix ont une procédure interne et un système d ' alerte des retraits-rappels sur le portail web des magasins qui est consulté quotidiennement par les responsables de sites. Pour les magasins Franprix, l'alerte se fait par e-mail. Les procédures de retrait-rappel sont classiques : retrait des lots, pose d ' affichettes bien visibles, confirmation des lots retirés au niveau de l ' enseigne... L'information du retrait est parallèlement effectuée dans nos entrepôts.

Compte tenu des conséquences pour la santé des nourrissons, nous avons assorti cette procédure habituelle d ' un blocage en caisse des références concernées. Cela a nécessité de paramétrer nos caisses, ce qui a été entrepris le 21 décembre. Le 28 décembre, 80 % des sites l'étaient et courant janvier, 100 %.

Nous procédons tous les ans à de nombreux retraits et retraits-rappels pour des motifs divers. Heureusement, il s'agit très rarement d'un danger grave pour la santé humaine.

Notre procédure est robuste, mais force est de constater qu ' elle a été déstabilisée par une série de facteurs, dans une période d ' intense activité du personnel des magasins à la fin de l ' année. Tout d'abord, nous avons pâti de la communication erratique de notre fournisseur qui a multiplié les messages et les consignes peu claires, alors que la multiplicité des points de vente conjuguée à l ' importance du facteur humain dans l ' exécution des retraits exige une communication succincte, simple et claire. Sur les quelque 300 retraits effectués chaque année, celui du lait infantile Lactalis est le seul, en 2017, à avoir fait l ' objet de demandes successives générant la confusion et multipliant les risques d ' erreurs.

Nous ne savons pas si la société Lactalis a mis en oeuvre ce mode opératoire de son propre chef ou avec l ' aval des autorités de contrôle. Il sera sans doute nécessaire d'éclaircir ce point afin de tirer des leçons pour sécuriser nos process de retrait-rappel.

J'insiste sur l ' intégration du numéro de lot au code-barres EAN, qui est le code de la référence scanné au passage en caisse, afin de rendre plus efficiente la procédure de blocage en caisse. Cela demandera un temps d ' études et de mise au point assez important ainsi que de gros investissements qu ' il conviendra de faire, compte tenu des enjeux de santé publique.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci à tous. Je vais désormais laisser la parole à nos collègues.

M. Martial Bourquin . - Les interventions des uns et des autres ont fait état d'anomalies. Le ministre a déclaré que les dysfonctionnements étaient inacceptables. Après avoir examiné les défaillances de l'entreprise Lactalis, nous examinons celles de la chaîne de distribution. Quelque 30 grandes surfaces, 44 pharmacies, 12 hôpitaux, 2 crèches, 3 grossistes ont continué à fournir les produits rappelés. Comment cela est-il possible ? Il s'agit de la sécurité alimentaire des Français et surtout de nourrissons, dont la vulnérabilité est extrême.

Les pistes préconisées sont tout à fait intéressantes, mais il faut avant tout une mobilisation, autant que lors d'une campagne commerciale. Pas un seul point de vente ne devait poursuivre la vente alors que l'on ne parlait que de Lactalis dans les médias. C'est profondément inacceptable. Les Français se sentent floués, ils ne se sentent plus en sécurité.

Certains interlocuteurs ont évoqué la DGCCRF : des emplois y sont supprimés chaque année. Cela suffit ! Nous avons besoin d'une sécurité renouvelée. J'appelle à la mobilisation, et la vôtre doit être aussi forte que celle que vous savez engager dans une campagne de publicité.

M. Michel Forissier . -Je ne crois pas qu'il faille, en cette matière, en passer par des normes nouvelles. Vous avez une obligation de résultat. Quand on vend un produit alimentaire à des publics fragiles, on est tenu à la qualité. Vous incriminez des défaillances dans la chaîne ? Cela doit vous appeler à investir - comme vous n'hésitez pas à le faire pour la publicité et la vente - dans la communication de crise, à répondre à l'obligation de transparence et à mettre sur pied un plan prévisionnel en cas de crise, qui fait encore défaut dans l'ensemble des réseaux.

Mme Dominique Estrosi Sassone . - Vous parlez d'intensifier la formation aux procédures de rappel. Comment vous y prendrez-vous, concrètement ? Cette formation concernera-t-elle les équipes dans leur ensemble ou les seuls chefs de magasin, qui devront répercuter sur leurs équipes ? Quel est le sentiment des équipes ?

Vous évoquez la systématisation d'un système électronique, dont vous dites cependant qu'il est efficient par référence mais pas par lot. Le ministre de l'économie et des finances juge cependant qu'il est aussi efficace et aussi sûr que possible : ce système est-il déjà opérationnel dans vos magasins ? Ce contrôle électronique est-il préprogrammé par la direction centrale, ou revient-il à chaque magasin de l'alimenter une fois alerté sur un rappel ?

Mme Victoire Jasmin . - Les procédures retenues comptent pour beaucoup. En passer par les données bancaires, par exemple, laisse de côté toutes les personnes qui ont payé en espèces. Pourquoi ne pas associer aux références les numéros de lots et les dates de fabrication, ce qui permettrait de neutraliser la vente à tout moment et d'identifier les produits déficients en stock ? Il serait bon, enfin, que le processus d'identification des acheteurs décrit pour les pharmacies soit adopté par la grande distribution.

M. Alain Chatillon . - Pour avoir dirigé une entreprise agro-alimentaire répartie sur onze usines, je connais la distribution, et me félicite que la profession dans son ensemble ait répondu à notre invitation.

Je m'interroge sur le lien entre les agences de contrôle et la distribution. Car vous avez posé une question que l'on ne met pas assez en avant : la pollution est-elle imputable à l'ingrédient ou à la propreté du site ? Dans le deuxième cas, il faut s'interroger sur le fait que l'on cherche, depuis des années, à réduire la puissance des produits sanitaires. Et dans le premier cas, il faut aussi s'interroger sur les produits venus de l'étranger, qui ne répondent pas aux mêmes normes que les nôtres, et organiser leur contrôle.

J'ajoute que la consommation d'antibiotiques, qui a été multipliée par dix, rend nos organismes de plus en plus sensibles. Dans le domaine de la nutrition, on préfère travailler avec des vétérinaires, qui y sont formés tout au long de leurs études, quand les médecins ne l'abordent que deux heures par semaine au cours des deux dernières années. Pourtant, on sait que des produits de nutrition pourraient se substituer à 30 % des produits vendus en pharmacie. Voilà qui aiderait nos tubes digestifs à être plus réactifs.

M. Guillaume Arnell. - La défaillance de la formation dans l'Hexagone a été pointée du doigt. Vous avez tous des succursales outre-mer. Comment s'est effectuée l'alerte ? Quels ont été les délais de réaction ? Avez-vous eu des retours de vos succursales sur le retrait des produits ?

M. Robert Navarro . - Je suis effaré par ce que j'ai entendu. Certes, Lactalis porte une grande responsabilité, mais vous nous expliquez que pour le reste, c'est la faute aux employés ou aux clients ! Oubliez-vous qu'il s'agit de la vie de nourrissons, et de produits dont vous êtes responsables ? Sur un bateau, c'est le capitaine qui est responsable, pas le mousse ! Quels moyens humains et financiers allez-vous mettre sur la table pour qu'une telle chose ne se reproduise pas ?

Mme Patricia Schillinger . - Vous avez des succursales en Europe et dans le monde. Les produits incriminés ont-ils été rapatriés ? Comment a-t-on travaillé à l'étranger ? Beaucoup d'acteurs font aussi des dons à des associations caritatives ou des centres communaux d'action sociale ; comment avez-vous travaillé avec ces structures ?

M. Laurent Duplomb . - Il faut s'appliquer à soi-même ce que l'on applique aux autres. Je suis étonné de me trouver face à 14 interlocuteurs de la distribution, alors que 88,5 % des achats passent par quatre centrales d'achat, qui appliquent des principes stricts à l'égard de leurs fournisseurs. Que ne les appliquez-vous à vous-mêmes !

L'enseigne Leclerc aurait vendu 999 produits. Combien de magasins sont concernés ? La DGCCRF nous dit que c'est trente, mais ne nous disait-elle pas, pour les pharmacies, que c'était 44, alors que l'on apprend que c'est 44 plus 13...

Il est arrivé, dites-vous, que des produits rapportés par le consommateur soient remis en rayon par les vendeurs ? Vous arrivez bien à filmer vos vendeurs pour vous assurer qu'ils ne volent pas, mais vous êtes en revanche incapable de prévenir de telles erreurs ? Il y a bien des questions à se poser sur les pratiques de la distribution - on l'a vu dans leurs pratiques commerciales - qui ne se sont pas améliorées, loin de là, après la signature de la charte issue des États généraux de l'alimentation.

M. Bernard Jomier . - Les conséquences de cette affaire n'ont heureusement pas été jusqu'au drame. Elle nous aura du moins permis de repérer ce qui ne va pas, et de prévenir une prochaine crise, qui pourrait être bien plus grave pour peu qu'une souche dangereuse soit en cause. La défaillance a été générale. Ma première question s'adresse à la présidente du Conseil de l'ordre des pharmaciens, qui nous a dit que l'information ne pouvait avoir échappé à aucun pharmacien. Comment expliquer, alors, que des produits soient restés en vente ? Dilettantisme, surcharge d'information ou acte répréhensible ?

Deux groupes ont parmi vous signalé que des produits rapportés par les acheteurs avaient été remis en rayon. Cela laisse penser qu'il s'agit d'une pratique courante. N'y a-t-il pas là un problème de culture d'entreprise ? Qu'il y ait eu défaillance humaine ne conduit pas à vous dédouaner, mais à s'interroger sur les valeurs de l'entreprise et la manière dont vous les partagez avec vos salariés.

M. Daniel Gremillet . - Vous avez évoqué des livraisons intervenues après la décision de retrait. Ont-elles été le fait d'entreprises ou de plateformes ?

Vous dites que les procédures d'alerte et de rappel fonctionnent globalement bien. Sont-elles identiques selon que le rappel ne concerne que l'aspect du produit ou que des conséquences sanitaires sont en jeu ?

Vous dites que vous entendez travailler sur la traçabilité : aurez-vous les mêmes exigences pour les produits en provenance de l'Union européenne ou de pays tiers ? Car la traçabilité ne peut être effective sans une normalisation internationale.

Pour assurer les retours, n'y a-t-il pas d'autre moyen électronique que la carte bancaire, qui pose aux banques des difficultés au regard des obligations qui sont les leurs ?

Mme Martine Berthet . - Il est clair que, sauf pour ce qui concerne les officines de pharmacie, le circuit de l'information mérite d'être amélioré. Où en sont les certifications de qualité attachées à chaque magasin ? Je m'inquiète d'entendre que certains lots auraient été remis en rayon par erreur, y compris, semble-t-il, dans quelques pharmacies.

M. Michel Raison . - Le « zéro défaut » est-il possible ? La crise montre que l'on n'y est pas, bien que l'on tende à s'en approcher. L'erreur, hélas, est humaine, et peut provoquer partout - on le voit à l'hôpital comme sur la route - le drame. Autant je n'ai guère confiance dans la grande distribution pour ce qui concerne les négociations commerciales, autant je suis persuadé que sur ce volet sanitaire, elle s'emploiera à progresser. Ce qui ne garantit pas, même si l'on s'approche du « zéro défaut », que des crises de ce genre n'arriveront plus. Comme l'a dit Alain Chatillon, plus on éliminera de produits de traitement, plus il y aura de risques.

Il serait intéressant de dresser la courbe des accidents sanitaires arrivés dans le pays depuis vingt ans. L'avez-vous fait ? Peut-être s'apercevrait-on que l'on se rapproche du « zéro défaut », avec ce corollaire que l'on accepte de moins en moins qu'il puisse encore y en avoir.

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales . - Je rebondis sur votre propos. Autant il est excessif de parler de crise sanitaire dans le cas présent, car il n'y a pas eu de mort, autant on peut éviter certaines crises sanitaires par le vaccin et pourtant, on ne le fait pas : on a encore eu à déplorer, récemment, une mort par rougeole...

M. Olivier Henno . - La gestion de crise est chose complexe, elle est faite de procédures mais aussi d'un art de l'exécution. Comment expliquer les défaillances intervenues, notamment la remise en rayon ? Faut-il les imputer à une banalisation de l'alerte ou mettre en cause la culture d'entreprise ? Qu'avez-vous engagé pour y remédier ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - La procédure de rappel est efficace quand elle est rapide. Pourquoi n'existe-t-il pas d'accord entre les chaînes de distribution et la télévision, pour que soient diffusés, à l'image de ce qui se fait lorsqu'un enfant disparaît, des flashes d'information à destination de la ménagère ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Cette question de l'efficacité de la communication est récurrente dans nos auditions.

M. Joël Labbé . - Il importe de tirer la leçon de telles crises, qui se reproduiront du fait de la massification de l'alimentation. Dans le monde agro-industriel, on ne parle plus de viande mais de « minerai » ! Songeons qu'aux États-Unis, McDonald mélange dans ses steaks des viandes de toutes provenances : Nouvelle-Zélande, Amérique du Sud... De telles dérives alimentent le procès d'un système de grande distribution qui contribue au mal être agricole.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je rappelle que nous ne sommes pas au tribunal, mais que nous sommes réunis pour parler de l'affaire Lactalis et de la sécurisation des procédures... La parole est donc aux acteurs de la distribution.

M. Stéphane Dufort . - La sécurité alimentaire, dans la grande distribution, est une priorité absolue. Nous faisons tout pour nous rapprocher du « zéro défaut ». Vous vous interrogez sur la transparence : au cas présent, elle aurait pu être améliorée si la communication de Lactalis avait été plus claire, moins dispersée.

Comment expliquer les anomalies, les dysfonctionnements, les défaillances constatés ? J'ai dit ce qu'il en était pour Carrefour. Dans la procédure des retours, quelques produits ont, en effet, échappé à la vigilance. Nous allons y travailler, pour éviter que cela se reproduise.

La banalisation des retraits a-t-elle joué un rôle ? Je rappelle qu'en 2017, chez Carrefour, nous avons eu à traiter plus de 1 000 demandes de retrait et plus de 170 messages de rappel. C'est dire que nous travaillons au « zéro défaut » sur des masses très importantes.

Le blocage en caisse à l'EAN est possible mais ne permet pas, à l'heure actuelle, de repérer des lots : ce serait une amélioration majeure.

La formation existe, depuis des années. Nous allons la renforcer, en particulier au bénéfice des hôtesses de caisse et de l'accueil - lieux où nous avons identifié une non-conformité.

Nous avons fonctionné outre-mer comme en métropole. De même à l'étranger. Quant aux associations ayant reçu des dons, elles ont été identifiées et informées par les magasins.

Je confirme qu'il y a bien eu livraison de produits Lactalis, le 14 décembre, soit après le rappel du 10 décembre, ce qui n'a pas facilité notre démarche.

La traçabilité ? Nous souhaitons de nos fournisseurs qu'elle soit maximale, tant en France qu'à l'étranger.

Vous vous interrogez sur l'efficacité de la communication. Le rappel, qui s'accompagne d'un affichage, diffère du simple retrait. Je propose une graduation des rappels, qui peut améliorer la rapidité d'exécution.

Mme Carine Wolf-Thal. - Outre-mer, toutes les pharmacies ont reçu la même information et les mêmes outils qu'en métropole. J'ai pu le vérifier lors d'un déplacement en Guyane en janvier.

S'agissant des procédures qualité, nous avons voulu aller plus loin, en proposant à la ministre de la santé que les pharmacies s'engagent dans une démarche de certification. Je me suis engagée à proposer une démarche avant la fin de l'été. Nous irons ainsi plus loin encore que la procédure qualité sur le retrait des lots qui existe déjà.

Je partage votre indignation, votre colère. Mes communiqués de presse en témoignent. Des pharmaciens ont manqué à leurs obligations, entachant le sérieux de la profession et la sécurité de la chaîne pharmaceutique. Comme présidente de l'Ordre, je mettrai tout en oeuvre, depuis des sanctions jusqu'à la participation à des groupes de travail, pour que cela ne se reproduise plus. Ma responsabilité est aussi de mettre à disposition tous les outils technologiques pour éviter que de tels événements se reproduisent.

Je m'engage à tout faire pour tendre vers le « zéro défaut ». L'avantage des pharmacies est qu'il existe un point d'entrée, la présidence de l'Ordre. Je peux être appelée à tout moment pour que toute la chaîne pharmaceutique soit informée sous 24 heures. Le système fonctionne, mais les outils technologiques peuvent être améliorés : je m'y engage.

M. Sébastien Chellet. - Dans les points de vente Leclerc, les responsables qualité sont directement rattachés au directeur de magasin ; en charge de l'ensemble du point de vente, ils ont un rôle de formation ; 40 % des points de vente de notre parc sont certifiés, et nous irons encore plus loin.

Outre-mer et à l'étranger, le même système de gestion de la qualité prévaut.

En ce qui concerne les blocages en caisse, des pistes intéressantes ont été ouvertes, qui supposent une évolution des systèmes d'information mais aussi un travail conjoint avec les industriels, avec lesquels nous travaillons régulièrement pour améliorer la traçabilité et la sécurité, dans un cadre tout autre que celui des négociations commerciales.

Sur nos 1 300 points de vente, 275 ont vendu de un à quatre produits rappelés après le 21 décembre. Je plaide, moi aussi, pour une graduation des messages : la multiplication des retraits et des rappels crée de la confusion, il faut donner priorité à la dangerosité.

Les banques ont joué le jeu, mais se heurtent, en effet, à une réglementation contraignante.

Au-delà des dons aux associations caritatives, se pose, également, la question des échantillons, porteurs des mêmes risques. Nous avons, par précaution, rappelé 130 000 consommateurs pour vérification. Il y a là un vrai sujet, qui dépasse la seule distribution.

Mme Caroline Dassié. - Quels moyens, quels investissements sont nécessaires, nous demandez-vous ? Nous avons lancé un outil digital de e-learning , auquel ont accès l'ensemble des collaborateurs du point de vente. Nous travaillons à déployer deux responsables qualité par point de vente, parce qu'il nous paraît important de disposer de personnes dédiées.

Le blocage en caisse par l'EAN est piloté au niveau national, et bloque tous nos points de vente. Dans tous les systèmes de caisse d'Intermarché, un bandeau d'alerte se déclenche qui interdit de passer le produit concerné, assorti d'un message de sensibilisation. Et nous dispensons une information à l'ensemble du personnel. Il faudra, en revanche, travailler avec les industriels sur les évolutions technologiques. Je vous rejoins sur la nécessaire collaboration entre industrie et commerce. Pour avoir travaillé 21 ans dans un groupe agro-alimentaire, je mesure l'importance de l'enjeu. La technologie peut améliorer la traçabilité et le blocage en caisse passe par un travail commun.

La communication est centrale : nous devons toucher 100 % des salariés des points de vente, car c'est sur l'information de l'ensemble des salariés que repose l'efficacité de la procédure. Une radio nous permet de diffuser des messages à l'ensemble du personnel avant ouverture du point de vente, et un bandeau d'alerte apparaît sur tous les ordinateurs.

Il faut tendre vers le « zéro défaut », c'est une question de santé publique qui appelle une collaboration de toute la chaîne.

M. Franck Geretzhuber. - Le groupe Auchan a 28 sites à La Réunion qui, du fait de son éloignement, a bénéficié d'un dispositif particulier : nous avons appelé chaque patron de site.

Nous avons besoin de collaborateurs formés au « zéro défaut », mais aussi à la microbiologie. La vigilance importe aussi plus que tout, pour éviter toute routine. C'est pourquoi nous prévoyons de dispenser un rappel de formation tous les six mois aux salariés concernés, soit ceux des caisses et de l'accueil.

Lorsque je dis que le défaut d'exécution est d'origine humaine, ce n'est pas un moyen de me disculper, mais d'expliquer ce qui s'est passé. Moyennant quoi nous avons ajouté au blocage en caisse une procédure de re-scannage à l'accueil, qui déclenche une procédure d'alerte pour éviter la remise en rayons.

Vous nous interpellez sur nos valeurs d'entreprise. Auchan est une entreprise intégrée, qui n'est pas cotée, et dont 92 % des salariés sont associés au capital, dont ils détiennent ensemble 10 %. Ils se sentent copropriétaires de l'entreprise, et responsables de ce qui s'y passe.

Pour diminuer les risques sur les produits venus de l'étranger, le plus sûr est de s'approvisionner de plus en plus en France. Nous serons présents au Salon de l'agriculture la semaine prochaine, et serions heureux de vous y expliquer comment nous essayons de privilégier l'approvisionnement français, et de protéger la rémunération des agriculteurs.

M. Claude Risac. - Je précise que la centralisation du blocage en caisse est effective, ce qui explique, précisément, que nous ayons du paramétrer chaque appareil.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je vous remercie de vos explications et des perspectives que vous nous présentez. Nous aurons, avec les États généraux de l'alimentation, d'autres occasions de nous retrouver.

F. TABLE RONDE RASSEMBLANT DES REPRÉSENTANTS DE CONSOMMATEURS - MERCREDI 21 FÉVRIER 2018

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Nous arrivons au terme du cycle d'auditions que, conjointement, nos commissions des affaires économiques et des affaires sociales ont décidé de mettre en place très rapidement à la suite de la commercialisation de laits infantiles fabriqués par l'entreprise Lactalis et infectés par des salmonelles. Nous cherchons à comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire, ce qui nous a conduits à entendre tous les acteurs qui interviennent dans la vie d'un produit agroalimentaire, depuis sa production jusqu'à sa consommation.

Nous avons donc remonté au cours des cinq dernières semaines toute la chaine des acteurs : le producteur, les distributeurs, les services chargés de la sécurité alimentaire. Les auditions l'ont mis en lumière : la sophistication des dispositifs de contrôle dans notre pays n'empêche pas la survenance de problèmes sanitaires ; et à plusieurs reprises, les auditions ont permis de pointer des dysfonctionnements à divers endroits : dans la production, d'abord et avant tout, mais aussi au stade du contrôle administratif et de la distribution des produits.

Restait la dernière étape : entendre ceux qui éventuellement subissent ces dysfonctionnements, c'est-à-dire les consommateurs. C'est donc à ce titre que nous vous recevons aujourd'hui, en vos qualités de représentants des consommateurs, voire plus précisément pour certains, de parents d'enfants victimes directes de cette contamination.

Je précise pour mes collègues que si vous représentez tous les consommateurs, vous le faites d'un point de vue et selon des structures qui diffèrent puisque nous accueillons l'Institut national de la consommation, établissement public chargé de l'information des consommateurs et d'apporter une aide aux associations de consommateurs, deux associations de consommateurs agréées généralistes - UFC-Que Choisir et Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) - ainsi qu'une association qui s'est créée pour la défense spécifique des familles victimes dans cette affaire : l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles.

Nos commissions ont lancé ce cycle d'auditions pour comprendre ce qui s'est passé, et déterminer ce qui doit être fait pour qu'une contamination de ce type n'advienne plus, d'autant plus qu'elle concerne des produits en principe particulièrement surveillés car destinés à de très jeunes enfants.

Nous ne cherchons pas ici au Sénat à déterminer des responsabilités individuelles, à faire le procès de tel ou tel acteur. Certains d'entre vous ont déposé des plaintes devant le juge pénal, et il reviendra donc à ce dernier de trancher. Pour autant, votre éclairage sur ce qui s'est passé, et sur ce qui devrait se faire pour l'avenir, nous a semblé essentiel.

C'est pourquoi j'adresse à chacun d'entre vous les questions suivantes, auxquelles je vous remercie de répondre globalement pour une durée n'excédant pas cinq minutes par intervenant.

De quoi, selon vous, les dysfonctionnements constatés sont-ils le symptôme ?

Comment garantir plus efficacement la sécurité alimentaire des produits transformés, notamment ceux qui visent les publics les plus fragiles ? Au cours des auditions menées au Sénat, certaines pistes d'évolution, parfois très pratiques, ont été suggérées, soit par les administrations, soit par les distributeurs. Que vous inspirent-elles ?

Enfin, puisque certains parmi vous ont choisi la voie de l'action pénale, le réflexe pénal vous semble-t-il vraiment efficace pour mettre un terme à de tels dysfonctionnements ? Des sanctions civiles ou administratives nouvelles ou renforcées devraient-elles être envisagées ?

Le président Milon va compléter ce bref propos introductif, puis vous aurez la parole. Dans un dernier temps, nos collègues des deux commissions réunies vous poseront leurs questions.

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales . - Au nom de la commission des affaires sociales, je souhaite également la bienvenue aux représentants des consommateurs - institutionnels et associatifs - que nous recevons aujourd'hui.

Il nous a effectivement paru indispensable de clore ce cycle d'auditions par le recueil de vos témoignages et de vos observations sur les difficultés et les défaillances révélées à l'occasion de l'affaire Lactalis. Notre objectif commun est de dégager des pistes d'amélioration pour tendre, encore davantage, vers le respect de la sécurité sanitaire de notre alimentation, en particulier pour nos concitoyens les plus fragiles. Votre retour d'expérience nous sera donc particulièrement précieux.

Je vous propose d'entrer dans le vif du sujet pour répondre aux interrogations qui viennent d'être énoncées.

M. Quentin Guillemain, président de l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles . - Je vous remercie pour votre invitation.

Notre association a été créée le 19 décembre 2017 et compte à ce jour plus de 700 familles adhérentes dont les enfants ont été malades ou ont consommé un ou plusieurs produits incriminés. Cette association a été constituée, suite à l'absence de réponses aux questions que se posaient les familles et à la nécessité d'organisation et de soutien mutuel, y compris sur les questions juridiques. Nombre de ces familles sont traumatisées d'avoir donné, de leur propre main, du lait empoisonné à leurs enfants. Certaines ont eu des enfants dont la salmonellose a été diagnostiquée et d'autres non, car pour certaines d'entre elles, les coprocultures indispensables au diagnostic leur ont été refusées. Elles ont passé des semaines dans les hôpitaux sans savoir de quoi souffraient leurs nourrissons. Elles ont fini par apprendre, grâce à la médiatisation de cette affaire, la cause de ces troubles. La plupart du temps, on leur a dit qu'ils manquaient d'hygiène. On a culpabilisé les familles et l'on découvre aujourd'hui qu'il s'agissait d'une contamination dans l'usine de fabrication. Le doute s'est installé sur toute la nourriture infantile.

Les familles espèrent que cette audition permettra de prendre conscience de l'importance de ce scandale et des enjeux qui en découlent. Nous voulons savoir comment cette contamination a été possible, identifier les responsabilités des uns et des autres, et en tirer les conséquences. Vous écrivez la loi : vous avez la responsabilité de faire en sorte que cela ne se reproduise plus et que la sécurité sanitaire soit garantie au moment même où vous allez examiner la loi issue des États généraux de l'alimentation. J'espère que vous saurez relever ce défi.

À ce jour, 30 à 40 de nos adhérents ont déposé plainte auprès du pôle santé publique du procureur de la République contre Lactalis et pour certaines d'entre elles, contre des grandes enseignes de distribution et des pharmacies. Toutes ces plaintes sont déposées pour mise en danger de la vie d'autrui ou pour blessures involontaires. Une enquête préliminaire est ouverte et nous attendons encore la nomination d'un juge d'instruction permettant à toutes les parties d'accéder au dossier. Aucune information judiciaire n'a été ouverte dans le dossier Lactalis qui en est toujours au stade d'une enquête préliminaire près Mme la procureure de la République de Paris. Le juge Van Ruymbeke, cité dans certains médias ce matin, n'a été saisi que d'une seule plainte déposée il y a quelques semaines contre l'État pour complicité de crime. Pour ce type de plainte, un juge d'instruction est obligatoirement nommé. Il dira si elle doit prospérer ou pas. Nous espérons qu'un juge d'instruction sera nommé : au cours de vos auditions, certains ont utilisé l'argument du secret de l'instruction mais, comme il n'y a pas d'instruction, il ne peut y avoir de secret...

Nous n'en pouvons plus d'apprendre chaque jour dans la presse ou par les auditions des uns et des autres, y compris au Sénat, des bribes d'informations. Nous avons ainsi été surpris d'entendre M. Dehaumont et Mme la directrice de la DGCCRF évoquer des éléments devant vous qui ne nous avaient pas été communiqués malgré nos récentes questions.

M. le ministre nous avait promis une totale transparence et des réponses écrites à nos interrogations. Cette promesse est restée lettre morte comme celle des sanctions évoquées par le président de la République. Il est temps que les victimes puissent être actrices de cette enquête, mais la loi ne permet pas à l'association d'agir en leur nom car, pour être considérée, une association doit être agréée et avoir plusieurs années d'existence. C'est pour cette raison que les plaintes individuelles se multiplient. En outre, il s'agit dans ce cas d'une procédure civile, ce qui exclut une responsabilité pénale. Il est surprenant de devoir créer une association de victimes avant même d'être victime.

Un numéro vert a été mis à disposition des parents le 2 décembre par Lactalis, puis le 10 décembre par la direction générale de la santé. Lorsqu'on les appelait, ces numéros donnaient des informations sur les produits retirés. Mais on a menti aux familles car, pendant un long moment, on leur a dit que les laits qu'ils donnaient à leurs enfants n'étaient pas concernés alors qu'elles ont ensuite découvert dans la presse que tel n'était pas le cas. Or, aucune famille n'a été recontactée alors qu'elles avaient laissé leurs coordonnées.

Les listes agrégées et les listes des produits à l'international ne sont pas non plus publiées sur les sites officiels à l'heure actuelle. Il s'agit d'un défaut d'information manifeste.

Cette affaire s'est déroulée durant une période de gastroentérite. Or, la salmonelle conduit à une gastroentérite, même si les symptômes sont un peu différents. Les tests de selles n'ont pas été systématiquement faits sur les enfants dans les hôpitaux, alors que les parents amenaient les boites de lait incriminées. Les conséquences peuvent être graves : des septicémies, des rectorragies, des infections diverses, des méningites peuvent survenir.

Les parents ont été chaque fois des lanceurs d'alerte : le 13 décembre, cinq lots ont été retirés en toute discrétion dans les pharmacies, n'apparaissant sur aucune liste officielle. Ce retrait a été révélé par les familles, alors que l'État et Lactalis se renvoyaient la responsabilité de l'absence de ces produits sur leurs listes et invoquaient des erreurs. Le 3 janvier, une famille de l'association révélait dans la Voix du Nord avoir acheté du lait en promotion dans un supermarché Leclerc alors qu'il aurait dû être retiré de la vente. Des journalistes ont ensuite découvert que d'autres grandes surfaces continuaient à vendre ces produits.

Nous avons également informé les ministres que ces laits continuaient à être vendus sur Internet. Lors du deuxième contrôle, soixante sites Internet ont été mentionnés.

Les citoyens n'ont plus confiance dans cette entreprise. Certains estiment qu'il s'agit d'un fleuron de l'industrie agro-alimentaire française. Nous dirions qu'il s'agit plutôt d'une entreprise dont nous avons honte. M. Besnier devrait démissionner pour sauvegarder son entreprise, ses salariés et préserver l'image de toute une filière qui pâtit de ses actes. La loi qui vient est une opportunité qu'il vous faut saisir pour garantir la sécurité sanitaire.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous allons faire notre travail. Je rappelle que cette audition n'est pas un tribunal.

M. Jean-Yves Mano, président de l'Association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) . - Merci de nous recevoir. Les événements que nous vivons depuis deux mois conduisent à une rupture de confiance du consommateur dans la qualité alimentaire. Les derniers éléments en notre possession ne font qu'aggraver ce sentiment.

Nous nous sommes focalisés sur la production de lait infantile, mais cette usine fabriquait-elle d'autres produits ? À ma connaissance, tel est le cas : l'usine fabrique également de la poudre de lait. Or, personne ne s'est interrogé sur la traçabilité de ces produits distribués au secteur industriel et de leurs conséquences potentielles.

Il y a deux jours, un laboratoire nantais a constaté la présence de substances allergènes dans des produits fabriqués par Lactalis. Or, on nous dit que les tests devraient être répétés jusqu'à une dizaine de fois pour que les résultats soient confirmés. Il existe donc des pressions internes pour que le laboratoire qui dépend financièrement du donneur d'ordre ne puisse publier librement le résultat de ses contrôles. Ces révélations mettent en doute la véracité de tous les autocontrôles effectués par les laboratoires sur ordre de Lactalis. Je comprends mieux la réaction de M. Besnier qui rappelle qu'il a fait effectuer 17 000 tests. Mais les laboratoires ne sont-ils pas incités à présenter des tests le plus proche possible des normes en vigueur ? Ce n'est pas rassurant.

Nous nous réjouissions de disposer d'un système de contrôle de la qualité alimentaire performant. Mais nous constatons une certaine confusion entre les interventions des services vétérinaires, du ministère de l'agriculture et de la DGCCRF. S'est-on interrogé sur les rythmes des contrôles ? Compte tenu de ses effectifs, les contrôles de la DGCCRF sur des entreprises comparables à Lactalis sont effectués tous les trois ans. La direction générale préfère cibler ses interventions sur des entreprises de plus petite taille, jugées plus faillibles. En outre, il s'agit de contrôles le plus souvent sur documents. Ne faut-il pas repenser les tests des administrations ?

Les autocontrôles sont sans aucun doute indispensables, mais on ne peut s'en contenter. Une autorité, financièrement indépendante du donneur d'ordre, doit réaliser des contrôles. Le cas du laboratoire nantais illustre mon propos.

L'affaire du lait contaminé révèle des défaillances en chaîne, à commencer par Lactalis, mais aussi de la grande distribution, des pharmaciens, des crèches, des hôpitaux. Alors qu'il s'agissait d'un problème de santé publique, des produits dont le retrait avait été publié, ont continué à être distribués. Heureusement, Bruno Le Maire a imposé par arrêté la fermeture de l'usine et le retrait total des boites de lait. Un nouveau protocole est indispensable.

Lorsque nous avons rencontré Bruno Le Maire, début janvier, nous avons suggéré qu'un site unique centralise la totalité des retraits alimentaires, alors qu'aujourd'hui, tel n'est pas le cas, d'où une confusion et une dilution de l'information des consommateurs. De plus, un numéro vert doit être à disposition des consommateurs lanceurs d'alerte. Si un consommateur découvre un produit retiré en magasin, il n'a aujourd'hui d'autre choix que de prévenir la presse locale. Un numéro vert sous la responsabilité de l'administration serait le bienvenu.

Les cartes de fidélité seraient un bon moyen de prévenir les acheteurs potentiels. Dans une enquête de la CLCV sur la politique des retraits, 77 % des consommateurs se plaignaient d'un manque d'information et souhaitaient qu'elle transite par les cartes de fidélité.

M. Bruno Le Maire nous a déclaré que des décisions seraient rapidement prises. Nous y sommes : nos concitoyens attendent des actes, et non pas que cette affaire de santé publique soit enterrée.

M. Cédric Musso, directeur de l'action politique d'UFC-Que Choisir . - L'affaire Lactalis fait suite à de nombreux scandales alimentaires, dont celui du Fipronil ou celui des lasagnes au cheval. Nous souhaitons des mesures de long terme pour éviter la répétition de ce genre d'affaires.

En ce qui concerne Lactalis, les défaillances sont intervenues dans les contrôles en amont, avec une détection trop tardive de la bactérie. L'Institut Pasteur a pourtant établi que cette bactérie était la même que celle mise en cause en 2005. Que s'est-il donc passé entre 2005 et 2017 ? Manifestement, les services de l'État n'ont pas été informés de certains contrôles positifs révélant la présence de pathogènes.

À cela s'ajoutent des défaillances dans la procédure de rappel des produits. UFC-Que Choisir avait déjà eu l'occasion de dénoncer l'ineffectivité du système à propos de certains détecteurs de fumée et cosmétiques. Même si le Premier ministre n'y voit qu'une fausse polémique, on ne peut minimiser l'effet des changements intervenus dans l'organisation de la DGCCRF. Les effectifs ont été diminués de 1 000 agents entre 2007 et 2012 et le fonctionnement pyramidal de la direction générale a été éclaté en directions interministérielles, de sorte que les missions des agents se sont accrues les obligeant à délaisser la surveillance des marchés. Il faudrait rétablir la chaîne de commandement si l'on veut que la DGCCRF intervienne de manière efficace.

L'information aux consommateurs est également insuffisante. Il manque un site unique où ils pourraient trouver des informations actualisées, en cas de rappel ou de retrait d'un produit. Dans l'affaire récente des jambons contaminés à la listeria, celui de la DGCCRF ne mentionnait pas l'ensemble des lots rappelés. Il faudrait aussi prévoir des messages d'alerte audiovisuels en cas de crise sanitaire d'ampleur. Pour l'instant, les consommateurs ne restituent en moyenne que 20 % des lots lorsqu'un produit est rappelé.

Le réflexe pénal est une autre piste à explorer, car il devrait revenir au juge pénal de faire toute la lumière sur les responsabilités en cas de contamination d'un produit. L'affaire Lactalis a fait éclater au grand jour les insuffisances du dispositif de réparation des préjudices en France. L'action de groupe de la loi Hamon est limitée au préjudice patrimonial, tandis que l'action de groupe en matière de santé ne concerne qu'une liste de produits où le lait infantile ne figure pas. Il faudrait une refonte de la philosophie des dommages et intérêts qui développerait un aspect punitif, à l'image de ce qui se fait dans les pays anglo-saxons. Les entreprises ne pourront réclamer davantage de liberté que si elles prennent davantage de responsabilités.

Mme Agnès Christine Tomas-Lacoste, directrice générale de l'Institut national de la consommation . - L'Institut national de la consommation (INC) est un établissement public à caractère industriel et commercial qui compte 70 salariés de statut privé. Il informe les consommateurs avec le soutien des 15 associations nationales agréées et des centres techniques régionaux de la consommation. Benjamin Douriez qui m'accompagne est le rédacteur en chef adjoint de la revue 60 millions de consommateurs , qui est éditée par l'INC.

Nous ne souffrons certainement pas d'un manque de textes pour prévenir la contamination des produits de consommation. Il en existe une vingtaine, règlements européens, normes, etc., dont certains datent de 1998, comme celui qui impose aux professionnels une obligation de résultat en matière de sécurité. En revanche, la mise en oeuvre réelle et pratique de ces textes ne va pas de soi.

Si le produit est encore en magasin, les distributeurs pourront établir des codes-barres pour bloquer la mise en circulation des lots contaminés. L'affichage manque souvent de clarté dans les magasins. On gagnerait en efficacité si tous les magasins utilisaient le même affichage d'alerte, unifié et visible. Il faudra également prendre en compte la situation des cliniques et des hôpitaux.

Si le produit a été acheté par des consommateurs, l'entreprise en charge de sa mise sur le marché devra prévoir une information efficace sur la contamination des lots. Les alertes pourront prendre la forme de flashes télévisés adaptés selon la gravité du risque. Le site de la DGCCRF n'est pas renseigné en totalité : en 2017, sur les 270 produits rappelés, il n'en recensait que 60. Pour créer un site unique qui soit efficace, il faudra obliger les fabricants à communiquer les informations sur les produits contaminés le plus vite possible. Cette obligation existe déjà, mais n'est pas respectée. La dernière affaire sur les lots de jambon contaminés à la listéria a montré combien il était essentiel de pouvoir informer les consommateurs par toutes les voies possibles, car pas moins de sept types de jambon sont touchés.

Il faut renforcer les autocontrôles qui existent déjà par des contrôles effectués par un service indépendant issu de l'État. La directrice de la DGCCRF reconnaît que les moyens de sa direction sont réduits. On pourrait travailler à mettre en place des processus de contrôle mieux ciblés et plus précis. La prévention reste essentielle.

Enfin, pour ce qui est de l'obligation de résultat, il est important que les laboratoires puissent informer directement les autorités administratives dans le cas d'un contrôle positif.

M. Martial Bourquin . - Je remercie les présidents de nos deux commissions d'avoir organisé ces auditions. Je remercie également les représentants des associations de consommateurs pour la qualité de leurs interventions.

Nous savons tous qu'en matière d'autocontrôles se pose le problème de l'indépendance de ceux qui les pratiquent : il suffit de réécouter l'émission diffusée il y a quelques jours sur Europe 1 à ce sujet. La DGCCRF doit jouer son rôle et pour cela elle a besoin d'effectifs suffisants et de moyens à la hauteur de sa mission. Certaines familles ont déjà vu leur bébé tomber malade ; demain, la bactérie qui nous menacera sera peut-être mortelle.

Il n'est pas admissible que des pharmacies continuent à écouler des produits dont on sait qu'ils sont contaminés. Les retraits doivent être systématiques sous peine de poursuite judiciaire. S'il y a des trous dans la raquette, nous devons veiller à réparer ces trous pour que la raquette fonctionne.

Mme Dominique Estrosi Sassone . - Comment avez-vous recensé les cas de nourrissons qui avaient ingéré du lait en poudre contaminé ? Quelles preuves demandez-vous aux parents, alors que le diagnostic médical est difficile à établir surtout quand le nourrisson n'a pas été hospitalisé ? Comment traitez-vous le problème des fausses victimes, ceux qui sont en quête d'argent à tout prix, comme on l'a vu lors des attentats de Nice ?

Mme Florence Lassarade . - Si l'affaire Lactalis a pris autant d'importance, c'est parce que les victimes sont des bébés, parfois nouveau-nés, dont les parents sont souvent avides d'informations. Davantage de transparence améliorerait la situation.

Le diagnostic de la salmonellose est très facile à poser à partir d'une simple coproculture. Cependant, dans quelle mesure faut-il imposer la coproculture à tous les enfants qui ont été exposés ? Il y a un problème de coût et il faut prendre en compte la gravité de la pathologie. Au cours de mon exercice comme pédiatre, j'ai été confrontée à des cas de nouveau-nés contaminés. Même si l'enquête remontait jusqu'au laboratoire, l'origine réelle du germe n'était en général pas retrouvée.

L'allaitement maternel est la prévention élémentaire. Un enfant contaminé par la salmonelle trouvera sa thérapeutique dans le lait maternel. Encore une fois, le lait de vache n'est pas le lait maternel.

Mme Michelle Gréaume . - Pour éviter des incidents comme l'affaire Lactalis, il faudrait auditionner les laboratoires qui travaillent pour les entreprises, comme la société Eurofins, basée à Tours, qui a oeuvré pour Lactalis. On aurait ainsi une meilleure vision de la manière dont les entreprises travaillent, ce qui faciliterait la mise en place des mesures adéquates pour garantir la sécurité sanitaire.

M. Fabien Gay . - Nous devons poursuivre nos auditions en matière d'autocontrôles, car il y a manifestement une défaillance de l'État. Les entreprises de l'agroalimentaire sont soumises à une exigence de rentabilité financière. Les organismes privés qui opèrent les autocontrôles dépendent de l'industrie alimentaire et sont mises sous pression, ce qui les incite à franchir la ligne rouge. La souche est présente depuis 2005 dans l'usine de Craon. En tant que législateur, nous devons imposer des contrôles dès lors que des traces de contamination sont détectées dans l'environnement.

La semaine dernière, j'ai été agacé par le fait que l'on minimise la situation, en soulignant qu'elle ne concernait que 30 cas de contamination. Comment recenser avec certitude les cas de salmonelle, alors que cette contamination peut prendre la forme d'une grosse gastro-entérite et ne pas être détectée pour ce qu'elle est ? Comment savoir s'il n'y a pas eu plusieurs dizaines ou centaines de cas de salmonellose ?

M. Alain Duran . - A l'issue de ces auditions, nous partageons un même constat, celui d'un dysfonctionnement. Évitons d'ajouter une autre loi à la loi, un autre règlement au règlement, ce qui rendrait toute application impossible. J'apprends ce matin qu'il existe un numéro vert qui ne donne pas la vraie information ; que le code barre pourrait être utilisé comme une barrière informatique pour arrêter la distribution des produits contaminés ; que les autocontrôles sont opérés par des organismes non-indépendants. Il y a là matière à réagir concrètement pour remédier à la rupture de confiance avec les consommateurs. Nul besoin de nouveaux règlements.

M. Daniel Gremillet . - N'oublions pas que la législation a changé. Auparavant, les services de l'État avaient pour prérogative d'autoriser la mise sur le marché des produits. Faut-il en revenir à ce système dirigé par l'administration ?

La nécessité de clarifier les notions de rappel et de gradation fait consensus. Le fait que le site de la DGCCRF ne mentionne que 60 des 270 produits rappelés en 2017 n'est pas forcément choquant, car on distingue les risques sanitaires et les risques d'aspect sans conséquences sur la santé.

Dans les Vosges, en 2017, on a décidé d'arrêter la distribution d'eau potable dans une commune pour cause de contamination. Or, il s'est avéré que l'eau de la commune en question était bonne hormis dans l'endroit privé où le prélèvement avait été effectué. Les associations de consommateurs ont un rôle à jouer dans l'éducation au risque alimentaire.

Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain : nous savons ce qui se passe dans notre pays. Quid des produits importés en provenance de l'Union européenne et d'ailleurs ?

M. Roland Courteau . - Comment a-t-on osé dire aux associations ou aux familles que la contamination provenait d'un problème d'hygiène domestique ! Passez-moi l'expression, mais j'en ai ras-le-bol d'entendre les fabricants, l'État et les distributeurs se renvoyer la balle, dire que c'est la faute à pas de chance ou que le risque zéro n'existe pas.

Je remercie les associations pour leur vigilance et leurs recommandations dont nous ferons bon usage. Mesdames et Messieurs, si vous n'existiez pas, il faudrait vous inventer !

Enfin, je partage les préoccupations de mes collègues Bourquin et Gremillet sur les contrôles à effectuer et les moyens qu'il faut allouer à la DGCCRF.

M. Yves Daudigny . - Il faudrait effectivement s'intéresser aux laboratoires qui testent les produits pour les entreprises : le PDG de Lactalis a émis des doutes sur la fiabilité du laboratoire chargé de tester les produits de sa firme.

L'Institut Pasteur a recensé 25 cas de bébés contaminés par la même salmonelle entre 2006 et 2016. Étiez-vous informés de ces cas de contamination ?

M. Joël Labbé . - Je salue également l'action des associations de consommateurs ou de victimes qui jouent un rôle essentiel.

Je ne peux que déplorer cette période de massification alimentaire. Il faut tout mettre en oeuvre pour inverser la tendance et favoriser la relocalisation de l'alimentation.

Pourquoi les entreprises ont-elles recours aux autocontrôles, sinon parce que l'État n'a plus les moyens de mettre en oeuvre une politique publique de contrôle ? Pour trouver de l'argent, il faudrait ponctionner les grandes entreprises de l'industrie alimentaire, les taxer et prélever sur leurs bénéfices la valeur des coûts du contrôle exercé par des organismes publics. Le mécanisme sera compliqué à mettre en place. C'est à ce prix que nous reconstruirons la confiance des consommateurs.

M. Laurent Duplomb . - Comment garantir l'impartialité de ceux qui représentent les consommateurs et les victimes ? Rien n'interdit de poser la question à l'heure où l'on demande la moralisation de la vie politique. Ceux qui prennent la parole au nom des consommateurs sont-ils soumis ou non à une forme de lobbying, à un manque d'objectivité qui relèverait de la défense d'une position politique ?

Mme Annie Guillemot . - Il y a manifestement une incapacité à empêcher que de telles affaires se reproduisent et c'est une souffrance pour les familles. Bien sûr, les associations de consommateurs font leur travail. Cependant, des affaires comme celle des prothèses mammaires ont montré que les consommateurs touchés étaient contraints de former des associations de victimes pour faire valoir leurs droits. Ces personnes en souffrance devraient être prises en charge directement par la solidarité nationale.

M. Benjamin Douriez, rédacteur en chef adjoint de 60 millions de consommateurs . - Le site de notre revue fait état de 270 rappels de produits en 2017, dans l'alimentation et ailleurs. Le site de la répression des fraudes n'en recense que 60, sans qu'aucune logique apparente explique les manques : certains produits importants n'y figurent pas tandis que d'autres, moins importants, sont signalés. Le rappel des cent lots de jambon contaminés à la listéria ne figure pas sur le site de la DGCCRF, mais il est mentionné sur celui du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. Les situations sont variables. L'information n'est pas satisfaisante. Certains professionnels n'informent pas la répression des fraudes du rappel de leurs produits, malgré l'obligation qui s'exerce en la matière.

Mme Sophie Primas , présidente . - Il apparaît nécessaire de qualifier le rappel, de l'ordonner et de l'organiser pour mieux informer les consommateurs.

M. Jean-Yves Mano . - Les associations de consommateurs sont agréées par l'État et ne reçoivent aucune contribution du secteur professionnel. Nous travaillons à mettre en place des partenariats. Il suffirait de remettre aux associations de consommateurs une taxe parafiscale pour garantir leur neutralité absolue. À mon tour de vous poser la question, Monsieur le sénateur Duplomb : pour quel lobby intervenez-vous en nous remettant en cause ?

M. Laurent Duplomb . - Je me réfère à des informations factuelles qui circulent dans la presse.

M. Quentin Guillemain . - Quand ma fille a bu ce lait contaminé, je suis allé trouver le pharmacien. On m'a répondu que le lait de ma fille, intolérante aux protéines de lait, avait été prescrit sur ordonnance et que cela ne changeait rien qu'elle en ait bu un peu plus ou un peu moins. On ne m'a donné aucune information. C'est inadmissible.

L'État a les noms des pharmaciens qui n'ont pas respecté la règlementation en matière de retrait des produits contaminés. Pourquoi ne prend-il pas des sanctions à leur encontre ?

Quant au recensement des victimes, j'ai reçu plus de 3 000 mails depuis le 19 décembre. Nous n'avons pas encore pu tous les traiter. On nous transmet des dossiers médicaux et des résultats de coprocultures. Pour l'instant, nous recensons 48 familles victimes dont je peux vous fournir les dossiers.

Les coprocultures sont réalisées à partir du moment où il y a une suspicion de contamination, qu'il s'agisse des symptômes de la gastro-entérite, des selles très odorantes ou d'enfants qui ont bu des lots de lait ayant fait l'objet d'un retrait. À ma connaissance, aucune obligation de test n'est prévue. D'où notre demande.

Les laboratoires ne font remonter les résultats des tests positifs que sur la base du volontariat. Un réseau de laboratoires affiliés à l'Institut Pasteur contrôle la salmonella agona , en cause dans l'affaire Lactalis. Mais d'autres salmonelles ont été repérées dans l'entreprise, ce qui justifierait des contrôles renforcés.

On peut désigner comme parents victimes ceux qui ont acheté des lots de lait contaminé et qui les ont fait boire à leurs enfants sans être informés de la contamination. Quant à l'hygiène, elle joue un rôle dans les cas de salmonellose classiques et l'Institut Pasteur ne manque pas de sensibiliser les familles à ce sujet.

Enfin, si vous soupçonnez les associations de consommateurs de partialité, allez jusqu'au bout de votre raisonnement, Monsieur le sénateur. Je lis la presse comme vous. On y dit tout et son contraire. Mais, je ne crois pas qu'il y ait eu de remise en cause ou de décrédibilisation des victimes. Les victimes sont là.

M. Cédric Musso . - Vous parliez d'un trou dans la raquette ; c'est à se demander s'il y a encore un cordage dans la raquette ! Un acteur de la grande distribution est passé aux aveux, puis une autre enseigne l'a fait, de sorte que chaque enseigne a décidé de lancer des investigations internes, selon sa procédure propre.

Il faudrait des contrôles d'hygiène par les services de l'État pour vérifier l'innocuité des produits. Il ne s'agit pas de balayer les autocontrôles d'un revers de la main. Le système doit marcher sur ses deux jambes, avec les contrôles officiels et les autocontrôles.

Le recensement des victimes est une excellente question. Même une coproculture négative n'éteint pas le risque. À chaque fois qu'un scandale éclate, il y a trois ministères aux avant-postes - Bercy, l'Agriculture et la Santé - sans gestion interministérielle de la crise. Nous avons sollicité à de nombreuses reprises le ministère de la Santé sur le recensement des victimes dans l'affaire Lactalis, sans obtenir satisfaction.

Il faut arrêter de multiplier à l'envi les lois en prenant des mesures gadget. Mieux vaut privilégier un diagnostic approfondi. Le blocage en caisse ne doit concerner que les produits potentiellement contaminés. Un système d'indemnisation et de dédommagement des victimes en cas de scandale aurait un effet dissuasif efficace sur les entreprises. La France doit avancer sur un droit punitif.

Enfin, laissez-moi vous dire que l'UFC-Que choisir est effectivement sous influence, celle des consommateurs.

Mme Florence Lassarade . - La salmonellose est une intoxication connue, la plupart du temps transmise par les oeufs. La pathologie est fréquente. Le traitement antibiotique ne sert à rien et est même contre-indiqué, car il allonge le temps de présence de la bactérie dans l'organisme. L'élimination progressive par l'organisme prend au moins trois mois. La salmonellose reste une pathologie assez bénigne.

Les maternités sont pour la plupart tenues d'acheter des biberons tout prêts pour éviter la manipulation du lait et le risque d'une contamination. Il me semble que la salmonelle a surtout été retrouvée dans des laits en poudre, pas dans des laits reconstitués. D'énormes progrès ont été réalisés dans les maternités.

Des pathologies beaucoup plus graves que la salmonelle existent, comme l'épidémie de rougeole qui court en ce moment. Il faut raison garder.

M. Quentin Guillemain . - On parle d'enfants en très bas âge, qui pour certains étaient déjà fragilisés par des maladies chroniques.

Mme Florence Lassarade . - D'où l'importance du lait maternel, encore une fois.

Mme Sophie Primas , présidente . - Ces auditions ont été organisées dans le seul but de comprendre les défaillances de notre système sanitaire. Je remercie tous mes collègues ainsi que les représentants des associations. Un document sera élaboré qui regroupera des recommandations ciblées autour de ce qui a fait consensus.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunies le mercredi 28 mars 2018, la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales ont entendu les conclusions de M. Alain Milon, président, et de Mme Sophie Primas, présidente, sur les procédures de retrait et de rappel des produits alimentaires présentant un risque sanitaire.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Nous nous retrouvons aujourd'hui pour clore nos travaux d'information sur la contamination par la salmonelle des laits infantiles produits par Lactalis, mise au jour en décembre dernier.

Les auditions que nous avons menées conjointement - commission des affaires économiques et commission des affaires sociales réunies - du 23 janvier au 21 février dernier nous ont permis d'entendre et d'échanger avec toute la chaîne des acteurs qui interviennent dans la « vie » d'un produit agroalimentaire, depuis sa production jusqu'à sa consommation : nous avons ainsi entendu une trentaine de personnes.

Ces travaux, nous avons voulu les mener rapidement, non pas pour pointer des responsabilités individuelles, c'est le rôle du juge pénal, saisi de plusieurs plaintes. Nous n'avons pas la prétention d'établir la vérité des faits de « l'affaire Lactalis », mais nous cherchons à dégager des préconisations pratiques pour l'avenir, dont nous allons débattre.

En effet, si nous pouvons nous prévaloir à juste titre, en France, d'un ensemble de normes et d'acteurs qui assurent une sécurité sanitaire poussée des produits alimentaires, nous ne sommes pas à l'abri d'une contamination ponctuelle qui peut toucher un nombre potentiellement élevé de consommateurs, tant en France qu'à l'étranger.

Ces auditions nous ont donc permis de retracer clairement les étapes de la dissémination des produits contaminés jusqu'aux consommateurs et de pointer des défaillances à plusieurs endroits. Elles ont donné lieu à de nombreuses propositions formulées par les acteurs.

C'est au regard de ces faits et de ces propositions que le président Milon et moi-même sommes en mesure aujourd'hui de faire certains constats et de suggérer des évolutions destinées à éviter que les dysfonctionnements et difficultés rencontrées avec ces laits infantiles ne se reproduisent à l'avenir, avec des conséquences potentiellement encore plus graves.

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales . - Le premier constat que nous souhaitons poser, c'est d'abord celui de l'efficacité du dispositif de veille et d'alerte sanitaire. La contamination a été mise en lumière rapidement par le réseau de veille sanitaire et l'action des pouvoirs publics.

Mais le second constat est qu'indéniablement, il y a eu des dysfonctionnements et des difficultés à trois étapes clé : lors de la réalisation des contrôles portant sur la qualité sanitaire des produits ; lors de la phase d'information sur la procédure de retrait-rappel mise en oeuvre ; et lors de l'exécution matérielle de cette procédure par les acteurs concernés.

Face à cela, nous avons donc souhaité formuler des propositions d'évolution à ces différents niveaux qui sont pour l'essentiel des mesures concrètes et immédiatement opérationnelles. Car il ressort clairement des auditions que les dysfonctionnements ou les difficultés révélés trouvent moins leur origine dans la législation et la réglementation que dans leur mise en oeuvre concrète. Ce sont 17 mesures que nous allons vous exposer, et qui s'articulent autour de quatre axes.

Le premier axe consiste à améliorer les contrôles.

Les auditions ont montré que la contamination des laits infantiles produits par Lactalis et leur commercialisation auraient pu être évitées en présence de mécanismes d'autocontrôles ou de contrôles externes plus efficaces.

Lactalis a constaté, à plusieurs reprises, la présence de salmonella agona dans l'environnement de production de son usine de Craon entre 2005 et 2017. Mais, n'ayant pas l'obligation d'en informer l'autorité administrative, l'entreprise s'est abstenue de communiquer ces données, alors même que cette infection environnementale semble avoir été la cause de l'infection des produits.

Nous estimons qu'il y a donc lieu de rendre obligatoire l'information des autorités administratives sur l'existence d'autocontrôles positifs - c'est-à-dire mettant en évidence la présence d'un élément pathogène - réalisés par le fabricant, y compris lorsque ces contrôles concernent des prélèvements dans l'environnement de production. Ainsi, très rapidement après la mise au jour de cet élément, des échanges pourront avoir lieu avec les autorités sur le degré de risque sanitaire associé à ces résultats afin de décider, le cas échéant, et dans l'attente de contrôles plus poussés, la suspension immédiate de la production du produit concerné. Tel est l'objet de notre proposition n° 1.

Nous estimons également que le dispositif de signalement des contrôles devrait être élargi et intervenir plus en amont, ce qui serait de nature à limiter le risque d'apparition d'une crise sanitaire. Il semble donc pertinent, d'une part, d'instituer une obligation de communication périodique par le fabricant auprès de l'autorité administrative des résultats de ses autocontrôles - c'est la proposition n° 2 - ; d'autre part, d'imposer aux laboratoires indépendants de signaler à l'autorité administrative les contrôles positifs qu'ils ont réalisés pour le compte des producteurs - c'est la proposition n° 3.

Par ailleurs, les auditions ont mis en évidence la complexité de la répartition des compétences entre les administrations intervenantes : direction générale de l'alimentation, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et direction générale de la santé.

Cet enchevêtrement de compétences est préjudiciable à l'efficacité des contrôles et peut créer des difficultés de communication à l'occasion de la mise en oeuvre des procédures de retrait et de rappel des produits.

S'il existe depuis 2006 un protocole de coopération entre ces autorités, il semble souhaitable, à tout le moins d'en clarifier encore les termes, voire d'unifier la responsabilité de l'exercice des contrôles sur un site déterminé de production autour d'un même service ministériel. Tel est l'objet de notre proposition n° 4.

Enfin, la confiance des consommateurs à l'égard de la sécurité alimentaire des produits qu'ils achètent repose en grande partie sur l'indépendance des contrôles réalisés par l'administration. Or ceux-ci restent peu nombreux et ne font l'objet que d'une communication limitée qui serait pourtant, si elle était rendue plus systématique, de nature à rassurer les consommateurs puisque ces contrôles ne révèlent, dans l'immense majorité des cas, aucune anomalie.

Il est donc indispensable d'augmenter les moyens dédiés aux inspections et d'accroître la fréquence des contrôles, tout en les valorisant par une meilleure communication, ainsi que nous le prévoyons dans nos propositions n° 5 et 6.

Mme Sophie Primas , présidente . -Le deuxième axe vise à fiabiliser l'information dans le cadre des procédures de retrait et de rappel actuelles.

Les auditions ont révélé des difficultés majeures dans la circulation de l'information, une fois la contamination mise au jour.

L'information donnée par Lactalis sur les produits infectés par salmonella agona est intervenue de manière parcellaire, à l'occasion de plusieurs annonces successives. Pas moins de quatre vagues d'informations sur la nature des lots devant faire l'objet de mesures de retrait et de rappel ont été adressées aux distributeurs pour opérer les retraits et les rappels de lots considérés à risque. L'identification des lots concernés s'en est trouvée fortement réduite.

Cette situation semble provenir d'un défaut d'identification et de traçabilité des produits par le fabricant lui-même. Il apparaît donc nécessaire que les industriels du secteur de l'agroalimentaire se dotent d'outils et de référentiels internes plus performants, propres à assurer la traçabilité effective de leurs produits afin de favoriser notamment une identification rapide des lots à risque, ce qui favoriserait la bonne mise en oeuvre des procédures de retrait ou de rappel. C'est notre proposition n° 7.

D'autre part, les moyens mis en oeuvre afin de rendre publique la liste des produits concernés par la procédure de rappel ont été partiellement inefficaces. Plusieurs listes ont figuré et demeurent disponibles sur Internet, souvent peu ou pas actualisées en temps réel.

Il est pourtant essentiel que les consommateurs disposent d'un accès simple, clair et lisible aux produits concernés par ces procédures. En conséquence, il convient de privilégier la diffusion d'une liste unique et mise à jour de produits faisant l'objet du rappel et d'imposer aux sites hébergeant ces listes d'en publier la dernière version actualisée, ainsi que nous le préconisons dans notre proposition n° 8.

L'utilisation des technologies les plus récentes est indispensable pour informer tous les consommateurs de l'existence d'une procédure de rappel. La communication devrait se diversifier et se matérialiser, notamment, par des messages sur les réseaux sociaux ou des applications internet spécifiques. C'est notre proposition n° 9.

Néanmoins, pour renforcer l'efficacité de cette communication de crise, une hiérarchisation des moyens déployés devrait être mise en place pour qu'aux crises les plus graves répondent les moyens de communication les plus efficaces. À ce titre, en cas de risque de crise sanitaire majeure, des messages audiovisuels sur le modèle du dispositif « Alerte enlèvement » pourraient être diffusés pour informer les consommateurs, en cas de risque majeur. C'est notre proposition n° 10.

M. Alain Milon , président . - Nous vous proposons également des mesures tendant à rendre plus effective l'exécution matérielle du retrait et du rappel des produits.

Au cours des auditions, des défaillances sont apparues dans l'exécution matérielle des mesures de retrait et de rappel des produits. Elles mettent en cause très directement les processus d'organisation dans les surfaces de vente.

Certes, un guide de gestion des alertes alimentaires existe déjà et vise à faciliter la coopération entre toutes les parties prenantes face à une situation de retrait ou de rappel des produits. Mais ce document n'a pas été révisé depuis 2009.

Il conviendrait donc que les acteurs concernés mettent à jour rapidement ce guide en y intégrant les meilleures pratiques d'organisation. Au-delà, la qualité de l'organisation et des procédures internes pourrait faire l'objet d'une certification ad hoc, à partir d'un référentiel reprenant les spécifications de ce guide ou des spécifications particulières, notamment s'agissant des officines de pharmacie. Tel est l'objet de notre proposition n° 11.

Les auditions ont également montré que des consommateurs ont pu acheter, dans certains points de ventes, y compris des officines, des produits concernés par la procédure de retrait malgré l'interdiction de vente qui en découle. En outre, des produits retournés par les clients aux distributeurs à la suite de la mesure de rappel ont été remis dans le circuit de vente. L'erreur humaine est souvent à l'origine de ces dysfonctionnements.

Pour réduire le risque de défaillance humaine, il convient donc d'utiliser pleinement les nouvelles technologies. À cet égard, une évolution de la structure du code-barres doit être envisagée afin d'y inclure le numéro de lot du produit, les spécifications techniques actuelles n'autorisant pas un blocage par lot. Telle est la préconisation de notre proposition n° 12.

Par ailleurs, un scannage obligatoire d'un produit restitué à l'accueil avant toute remise en rayon pourrait être mis en place afin d'éviter sa remise en vente. C'est notre proposition n° 13.

En outre, un effort de formation des personnels, notamment à l'adresse des agents de caisses et d'accueil des surfaces de vente, doit être accompli afin de sécuriser les procédures de retrait et de rappel. C'est la proposition n° 14.

Enfin, malgré la procédure de retrait, des sites marchands en ligne ont maintenu les références des produits faisant l'objet de cette mesure, les laissant ainsi offerts à la vente. Il convient donc que ce canal de distribution soit pleinement couvert par la procédure. Pour ce faire, il importe que les distributeurs bloquent dès l'ouverture de la procédure la possibilité d'acheter les références concernées sur leurs sites de vente en ligne, dans l'attente que l'inventaire des lots dans les surfaces de stockage soit effectué et permette d'écarter ceux qui font l'objet de la mesure de retrait. Tel est l'objet de notre proposition n° 15.

Mme Sophie Primas , présidente . - Pour rester sur l'exécution matérielle de la procédure de rappel, une fois que le produit a été acheté, l'enjeu est de pouvoir informer le consommateur de sa dangerosité, en l'invitant à restituer le produit.

Le distributeur doit parvenir à contacter les consommateurs concernés par le rappel pour leur demander de détruire ou de restituer au point de vente le produit contaminé. Aujourd'hui, il peut déjà utiliser les données liées aux cartes de fidélité si elles ont été utilisées lors des achats, mais cela ne couvre pas l'ensemble des clients concernés.

À l'occasion des mesures de rappel intervenues en décembre dernier, les établissements bancaires ont été sollicités, en dehors de toute base juridique, afin d'identifier les acheteurs des produits concernés grâce à leur carte bancaire. Cette démarche a effectivement permis de contacter des consommateurs et s'est révélée utile à ce titre. Néanmoins, elle met en cause le secret bancaire. C'est pourquoi, sans nous opposer à cette mesure, nous estimons indispensable qu'elle soit mieux encadrée juridiquement et réservée, en tout état de cause, aux cas de risque sanitaire les plus graves. Cela impliquerait une modification législative. Tel est l'objet de notre proposition n° 16.

Enfin, le dernier axe de nos propositions vise à rendre les sanctions applicables plus dissuasives.

Au cours des auditions, des interrogations ont été soulevées quant au caractère réellement dissuasif des sanctions en cas de manquement des acteurs - fabricants et distributeurs - à leurs obligations. De fait, les sanctions divergent en cas de mise sur le marché ou de commercialisation de produits retirés ou rappelés. En outre, faute d'être toujours adéquates, les sanctions actuelles ne sont pas appliquées.

Nous appelons donc à une clarification des sanctions applicables, et surtout à un renforcement de leur caractère dissuasif afin d'inciter les opérateurs à s'acquitter avec constance et sérieux des obligations qui sont mises à leur charge. À cet égard, un renforcement des mécanismes de sanction devrait être envisagé, en prévoyant notamment des sanctions administratives efficaces et la mise en place d'un quantum d'amende éventuellement proportionné à la valeur marchande ou au volume de produits indûment mis sur le marché ou non retirés des circuits de vente. Cela impliquerait également une modification législative. C'est la proposition n° 17.

Voilà les propositions que nous formulons aujourd'hui, et dont nous allons maintenant débattre.

Mais avant cela, nous souhaitions préciser, le président Milon et moi-même, que, quand bien même ces mesures seraient adoptées par les acteurs, elles ne seraient pas à même de garantir un « risque zéro » en matière sanitaire.

Elles devraient néanmoins permettre de consolider et de rendre plus efficace la mise en oeuvre des règles de protection des consommateurs. Et, en tout état de cause, si elles étaient effectivement appliquées par les acteurs, elles devraient contribuer à atténuer le climat de défiance envers les industriels, les distributeurs et les pouvoirs publics que les dysfonctionnements que nous avons constatés peuvent installer chez les consommateurs.

M. Joël Labbé . - La proposition n° 5 préconise d'augmenter les moyens dédiés aux inspections et d'accroître la fréquence des contrôles, ce qui entraîne des coûts assez lourds. En cette période budgétaire contrainte, il serait juste que ces surcoûts soient pris en charge par les industriels.

M. Bernard Jomier . - Merci pour cette intéressante synthèse. Je regrette cependant que nous soyons contraints d'édicter des règles supplémentaires, alors que la législation existante est globalement satisfaisante. Si les structures concernées faisaient leur travail consciencieusement, ce ne serait pas nécessaire. Il est frappant de constater que des autocontrôles positifs du fabricant aient pu n'être pas portés à la connaissance de l'administration. On en est à légiférer pour dire que dans un tel cas, il ne faut pas mettre ces résultats sous le tapis !

Je souscris à ces propositions, mais j'ai besoin d'une réflexion supplémentaire sur la proposition n° 16. Donner accès aux cartes bancaires peut avoir des implications pour le consommateur. Il est des achats plus sensibles que d'autres, nous devons y être attentifs.

La proposition n° 17 est fondamentale. Si les sanctions étaient dissuasives, on n'en serait pas là, en particulier dans la grande distribution. Alain Milon a parlé, au sujet des remises en rayon, d'erreurs humaines, mais j'observe que deux enseignes nous ont avoué de telles erreurs. Ne s'agirait-il pas, plutôt, d'une façon de faire qui traduit un certain laisser-aller de l'entreprise ? Renforcer les sanctions sur ce volet me paraît important.

M. Laurent Duplomb . - Ces propositions font froid dans le dos. On oublie que l'agroalimentaire travaille sur du vivant. Si l'on appliquait vos trois premières propositions aux hôpitaux, ils seraient tous fermés ! Imposer à l'agroalimentaire une discipline aussi forte, au-delà des normes européennes, c'est donner un avantage concurrentiel aux produits en provenance d'autres pays, qui n'appliquent pas de telles règles.

Je suis producteur de lait. Dans toutes les exploitations, on rencontre des cas de spores butyriques, issus de la fermentation du fromage. Pourtant, quand certaines exploitations en ont beaucoup, d'autres n'en ont pas dans leurs produits, parce qu'elles font un travail d'hygiène. Si l'on contrôle l'ambiance plutôt que les produits finaux, tous sont condamnables. N'est-ce pas aller trop loin ?

Je crains la psychose que pourraient susciter des alertes calquées sur celles que l'on voit dans les médias pour les enlèvements d'enfants. Nous sommes parmi les pays où la sécurité alimentaire est la plus élevée. En 1950, on déplorait encore 15 000 morts par intoxication alimentaire, mais tel n'est plus le cas aujourd'hui. Si l'on extrapole de telles alertes aux 250 cas de rappels annuels...

Mme Sophie Primas , présidente . - Ce n'est pas ce que nous préconisons.

M. Laurent Duplomb . - Je me pose, enfin, la question des grandes et moyennes surfaces, qui font payer le retrait par l'entreprise qui leur a fourni le produit, assorti d'une pénalité. Si elle remet en rayon sans être inquiétée, le bénéfice est triple ! Comme disait ma grand-mère, tout ce qui double ne paye pas, tout ce qui triple commence à gagner...

Mme Florence Lassarade . - Je m'inquiète des échantillons de lait laissés dans les cabinets médicaux, et sur lesquels il n'y a pas de fléchage. Est-il logique de laisser de tels échantillons aux médecins ?

M. Martial Bourquin . - Merci de ces propositions de qualité, fruits d'un vrai travail de synthèse. La proposition n° 5, cependant, soulève une difficulté. Les moyens de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, baissent régulièrement, alors que ses compétences sont de plus en plus étendues. Lorsque cette administration se trouve face à un problème récurrent, elle ne fait plus de contrôles. Ne faudrait-il pas prévoir un contrôle des contrôles, comme cela se faisait auparavant ? Il est arrivé que les contrôleurs, au cas présent, aient peur de révéler un contrôle positif, il y a eu des pressions sur certains, comme l'a révélé la presse.

Sur le rappel des produits, tant que la responsabilité du directeur de magasin ne sera pas mise en cause, on s'expose au laxisme. Quand une piscine n'est pas aux normes, le maire est pénalement responsable. S'il en allait de même du directeur de magasin, vous le verriez à pied d'oeuvre de bon matin, pour s'assurer que tout va bien. Ne pourrait-on ajouter, à la proposition n° 17, que sa responsabilité est engagée si le magasin continue à vendre ? Cela règlerait beaucoup de problèmes.

M. Dominique Watrin . - Ces propositions sont travaillées, utiles, mais seront-elles suffisantes pour inverser une situation qui menace la santé des consommateurs ?

Votre proposition n° 17 vise à harmoniser et renforcer les mécanismes de sanction. Quelle échelle de sanctions existe actuellement ? Que proposez-vous pour être plus dissuasifs ?

Dans le cas qui nous occupe, des salariés ont mis en garde la direction sur des processus qu'ils jugeaient inquiétants. Ne devrait-on pas leur reconnaître, via leurs organisations syndicales ou le comité d'entreprise, un pouvoir d'alerte formalisé ?

M. Alain Chatillon . - Ne va-t-on pas trop loin, en oubliant que nous sommes dans un cadre européen ? Je rejoins Martial Bourquin sur la responsabilité du distributeur qui ne retire pas, mais pour le reste, n'oublions pas que notre commerce extérieur a reculé, en quatre ans, ce qui nous classe derrière l'Allemagne et l'Italie. Le problème de Lactalis s'est diffusé dans le monde entier, c'est très grave pour l'image de la France.

Certes, la DGCCRF devra se montrer plus active au niveau des contrôles, mais sans aller au-delà du cadre européen. Pourquoi ne pas consulter l'Association nationale des industries agro-alimentaires, directement concernée ? Et l'IDACE, l'association qui réunit les industriels européens du secteur ? Car à vouloir surnormer, on risque de se transformer en dernier de la classe, parce qu'on n'aura plus la capacité de faire.

Dans l'affaire qui nous occupe, il n'est pas normal que Lactalis n'ait pas fait son travail et que la distribution ait mal joué, mais n'allons pas extrapoler à partir d'un cas. Je siège à Business France et vois les dégâts provoqués par la puissance des entreprises allemandes de taille intermédiaire sur les marchés internationaux. N'aggravons pas nos difficultés en nous montrant, à l'égard de nos entreprises, plus sévères que les normes européennes. Progressons vers la sécurité alimentaire, mais dans ce cadre.

M. Daniel Gremillet . - Ces propositions sont lourdes de conséquences : il faut peser finement chacune d'entre elles.

Sur celles qui visent à rendre plus efficace la procédure de rappel et de retrait, je n'ai pas de remarques. Elles sont sécurisantes, et permettent de tout bloquer à l'instant T, y compris la remise en rayon. Elles permettent aussi de s'assurer que sur tous les produits, qu'ils viennent de France ou d'ailleurs, s'applique la même obligation de résultat. Le code-barres bloquant en caisse apporte une réponse. On peut certes augmenter les amendes, mais ce qui compte avant tout, ce n'est pas la sanction a posteriori , mais la sécurité du consommateur.

Je peux donc vous suivre sur les propositions 11 à 16, même si cette dernière ne me semble pas nécessaire dès lors que la traçabilité est bien assurée, par un système de sécurité sur chaque maillon de la chaîne commerciale, sachant qu'un produit peut être revendu en cascade.

En revanche, les trois premières propositions me laissent sceptique. Il faut renverser la vapeur, et cela a été fait au niveau communautaire. C'est aujourd'hui au producteur qu'il appartient de garantir la sécurité de son produit, quand auparavant, c'était à l'administration d'opérer des contrôles. Or, la responsabilité s'étend sur toute la chaîne, depuis le producteur, l'agriculteur, celui qui fournit la matière première, en passant par le collecteur, le transformateur, jusqu'au vendeur final. Il faut bien mesurer comment on décline cette responsabilité.

Quand un problème se pose, on a tendance à légiférer comme si rien n'avait été fait de bien auparavant. La proposition n° 1 m'inquiète. Toutes les entreprises font naturellement des autocontrôles, souvent au-delà même des exigences réglementaires. Il ne faut pas faire d'amalgame entre les autocontrôles menés spontanément par les entreprises, nécessaires à leur fonctionnement, et les contrôles officiels. Aller jusqu'à envisager, en cas d'autocontrôle d'ambiance positif, la suspension immédiate de la production du produit alimentaire concerné, et donc la fermeture de l'usine, me semble excessif ! Ce qui compte pour le consommateur c'est la qualité du produit, non l'ambiance ! Le problème apparaît si une entreprise ne fait rien à la suite d'un autocontrôle d'ambiance positif sur un mur ou un chariot élévateur. C'est pourquoi je suis d'accord pour augmenter les contrôles inopinés. Nous devons en tout cas bien mesurer l'impact de nos propositions sur les entreprises et les producteurs. Il y a quelques semaines nous avons voté une résolution sur les accords de libre-échange avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour appliquer aux produits importés de ces pays les mêmes exigences que celles applicables aux produits français. Il ne faudrait pas l'oublier dans nos propositions, au risque de créer une faille dans le droit en vigueur. Soyons prudents sur ce premier axe. Notre but doit être de renforcer les garanties offertes au consommateur. Enfin, le deuxième axe constitue une grande avancée.

Mme Sophie Primas , présidente . - Cette réunion vise à débattre de nos propositions.

M. Fabien Gay . - Il ne faut pas légiférer sous le coup de l'émotion. J'accueille positivement ces préconisations qui ont le mérite d'ouvrir le débat et constituent un bon point de départ. Il ne faut pas minimiser toutefois la crise du lait contaminé à la salmonelle que nous avons connue. Je ne pointe pas du doigt les industriels mais le système dans son ensemble. Lactalis avait déjà eu plusieurs autocontrôles positifs. En 2005, une épidémie de salmonellose avait touché 130 enfants. Des autocontrôles n'ont pas été transmis. Il y a donc eu des défaillances dans ce dossier. Il convient d'éviter que cela ne se reproduise.

L'environnement est important. Deux autocontrôles positifs sur un balai et sur un sol ont montré que l'environnement était contaminé et finalement le produit a été contaminé. La législation actuelle n'oblige pas une entreprise à prévenir si l'environnement est contrôlé positivement. Je pense qu'il faudrait en ce cas stopper la production, faire les travaux nécessaires puis reprendre l'activité.

J'accueille très favorablement la proposition n° 5. Il s'agit de donner les moyens de faire son travail au service public. Je m'en félicite, à l'heure où l'on en débat. En fin d'année, lors de l'examen du budget, on nous propose toujours de réduire ses moyens. Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste se bat régulièrement pour les défendre. Je constate avec joie que nos idées progressent !

M. Daniel Chasseing . - Je salue le travail réalisé pour rédiger ces propositions. Il conviendrait qu'elles s'appliquent aussi au niveau européen. Les problèmes évoqués sont aussi dus à la distribution. Si les enseignes avaient retiré les produits des rayons incriminés, il n'y aurait pas eu cette crise. Les entreprises de la distribution l'ont d'ailleurs reconnu, ainsi que la représentante du conseil national des pharmaciens. C'est pourquoi la proposition n o 12 est essentielle. Lorsqu'une entreprise détecte un produit défectueux, la distribution doit le retirer de la vente.

M. Jean-Claude Tissot . - Les quatre axes proposés me conviennent. Loin de moi l'idée de pénaliser les entreprises qui fonctionnent. Mais il ne faut pas inversement que celles qui fonctionnent mal pénalisent les autres ! Tout est une question d'équilibre. Quand on produit du vivant il y a toujours un risque. Dans une chaîne, le mauvais producteur est très vite mis à l'écart spontanément par le collecteur ou le transformateur. C'est dans cet esprit que nous voulons agir. L'obligation d'informer en cas d'autocontrôle positif ne vise pas à pénaliser les entreprises agroalimentaires. Il ne s'agit nullement d'informer la presse, mais simplement les autorités administratives. Cela ne porte donc pas préjudice aux entreprises.

M. Jean-Pierre Moga . - La première partie vise à améliorer les contrôles. Il faut vérifier si l'industriel a bien respecté les procédures. S'il ne les a pas respectées, il doit y avoir des sanctions. N'oublions pas non plus que la première sanction est celle du consommateur. Aujourd'hui, peu de mères de famille achètent du lait Lactalis pour leurs enfants.

Je suis d'accord avec la deuxième partie. Les distributeurs ont eu de gros problèmes pour gérer les retraits. Il importe de définir des procédures de retrait et de rappel, assorties de sanctions.

La proposition n o 8 préconise la création d'une liste unique pour faire figurer l'intégralité des informations relatives aux produits d'alimentation faisant l'objet d'une procédure de rappel. Il conviendrait toutefois de prendre en compte le motif. J'ai eu à faire plusieurs retraits dans ma carrière. Si l'intégrité du produit est en jeu, il est légitime d'informer le consommateur. Est-ce utile toutefois si le retrait est simplement dû à problème de code-barres défectueux ? Ne surchargeons pas le consommateur d'informations inutiles.

M. Olivier Henno . - Nos auditions m'ont marqué. Il est choquant d'apprendre que des produits défectueux ont pu être remis en rayon. Même si cela arrive de manière exceptionnelle, cela ne doit pas nous dispenser d'agir. Ces propositions sont équilibrées. Elles ne visent pas plus les uns que les autres. Elles ne pénalisent pas non plus la production française car ces normes s'appliqueront à tous les produits mis en rayon.

M.  Pierre Louault . - Les propositions tirent les leçons des problèmes évoqués lors des auditions. Améliorer l'efficacité des contrôles ne signifie pas les multiplier, simplement, ils doivent être suivis d'effet. Cela ne signifie pas non plus qu'il faille nécessairement ajouter de nouvelles normes. Il conviendrait d'améliorer les trois premières propositions. N'oublions pas que nous travaillons sur des produits vivants. Les produits bios contiennent parfois des micro-toxines. Il faut veiller à ne pas adopter une réglementation qui bannirait du marché tous les produits naturels alors que nous nous battons dans le même temps pour défendre les fromages non pasteurisés ! Soyons prudents sinon nous nous priverons, comme les Américains, de ces produits issus du vivant.

M. Laurent Duplomb . - Je suis d'accord pour accroître les contrôles de la DGCCRF. Cela implique une hausse des ressources...

Mme Sophie Primas , présidente . - Ou une réorganisation des services.

M. Laurent Duplomb . - Ma solution est simple. Depuis 1992, on mesure les parcelles agricoles chaque année. Pourtant les surfaces ne changent pas. Supprimons ces contrôles inutiles qui pèsent sur les agriculteurs et affectons les contrôleurs à la DGCCRF !

Il faut aussi réécrire la proposition n o 1. Que faut-il entendre par « l'environnement » : est-ce l'intérieur de l'usine ? l'extérieur ? le camion qui part ? le camion qui arrive ? etc.

M. Alain Milon , président . - Notre réflexion vise à trouver les moyens de restaurer la confiance des consommateurs à l'égard des produits alimentaires fabriqués en usine. Je donnerai deux exemples montrant combien il est nécessaire que les contrôles soient bien faits. La vaccination tout d'abord. Après l'épidémie de grippe H1N1 s'est développée une cabale contre la vaccination. Résultat, la population de notre pays est sous-vaccinée, notamment contre la rougeole, alors que les vaccins sont de qualité. Autre exemple, la crise sanitaire liée à l'affaire du lait contaminé à la mélamine, en Chine, en 2008. La consommation de lait chinois en Chine a chuté tandis que les importations de lait français ont augmenté très fortement. Les crises sanitaires ont des effets économiques importants et peuvent avoir des effets considérables pour une entreprise. Ne laissons pas les « ayatollahs » attaquer systématiquement les entreprises françaises à la faveur d'une crise.

Notre proposition n o 1 prévoit que les autocontrôles d'ambiance positifs doivent être déclarés aux autorités administratives compétentes. Le rôle des autorités n'est pas de les rendre publics mais de vérifier qu'il n'y a pas de conséquences sur la chaine de production en y menant des contrôles. Si ceux-ci sont négatifs, il n'y a aucune raison de fermer l'usine ou la chaîne de production ! Dans l'affaire Lactalis, un autocontrôle d'ambiance positif n'a pas été déclaré, et il a été suivi d'un autocontrôle positif dans la chaîne de production. Ce n'est pas la même chose ! Enfin, dans un hôpital, si un contrôle positif a lieu dans un service, c'est le service qui est fermé, non l'hôpital ! Il en va de même ici : en cas de contrôle positif dans la chaîne de production, c'est la chaîne de production qui doit être fermée et non l'usine.

Mme Sophie Primas , présidente . - Chers collègues, nous devons nous rendre à la cérémonie d'hommage au colonel Arnaud Beltrame, ce débat est riche et nous n'aurons donc pas le temps de conclure aujourd'hui. Je vous propose que nous reprenions nos travaux lors d'une prochaine réunion et dans l'intervalle de reprendre nos propositions en tenant compte des éléments que vous avez évoqués. On ne peut toutefois pas ne prévoir de sanctions qu'à l'encontre de la grande distribution. Les produits sortent d'usine : la responsabilité d'une contamination liée à la distribution de produits contaminés incombe aussi aux producteurs. Nos propositions doivent donc être équilibrées. Il ne s'agit pas de mettre en péril la production française mais au contraire d'améliorer sa fiabilité qui est déjà très élevée.

Réunies le jeudi 5 avril 2018, la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales ont poursuivi le débat sur les conclusions de M. Alain Milon, président, et de Mme Sophie Primas, présidente, sur les procédures de retrait et de rappel des produits alimentaires présentant un risque sanitaire.

Mme Sophie Primas , présidente . - Chers collègues, nous vous proposons aujourd'hui une nouvelle rédaction des propositions n° 1 à 3, afin de prendre en considération les remarques et les inquiétudes que vous avez exprimées lors de la trop rapide réunion du 28 mars dernier.

L'affaire dite Lactalis a montré que l'information sur l'existence des procédures de retrait et de rappel ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre avaient donné lieu à des défaillances. C'est indéniable. Elle a également mis en lumière une situation de fait, chez le fabricant, qui est bien à l'origine de la contamination.

Prises dans leur ensemble, nos propositions ne ciblent naturellement pas exclusivement un acteur de la chaîne agroalimentaire. Elles procèdent d'un souci d'équilibre entre les différents acteurs : producteurs, distributeurs ainsi que, j'insiste, les autorités de contrôle.

Plusieurs d'entre vous l'ont souligné la semaine dernière : notre pays dispose probablement de l'un des dispositifs de surveillance sanitaire les plus performants en Europe, voire au monde. Des investisseurs étrangers viennent s'installer en France précisément pour bénéficier de cette expertise. C'est pour notre industrie un avantage compétitif majeur. Le protéger de toute contre-publicité, comme celle faite par l'affaire Lactalis, c'est renforcer ce facteur d'excellence.

Par conséquent, il est indispensable que des mesures soient prises dès le stade de la production et tout au long de cette chaîne, sachant que, bien évidemment, le risque zéro n'existe pas, hélas.

Ce qu'ont montré nos auditions, c'est que Lactalis avait connaissance de l'existence de certains éléments pathogènes potentiellement dangereux pour la santé dans l'environnement de production de son usine de Craon, dont il y a tout lieu de penser qu'ils sont à l'origine de la contamination. Notre sentiment est que, si l'information avait été partagée avec l'autorité administrative, une gestion différente de cette circonstance aurait été possible. Sans être médiatisée, cette information partagée aurait peut-être permis une évaluation commune des risques et probablement une meilleure attention de l'industriel sur la totalité des lots concernés.

C'est pourquoi nous avions formulé trois propositions, destinées à favoriser la circulation d'informations entre le producteur et l'autorité administrative, sans que les données en cause aient un caractère public et sans que la communication de ces informations à l'administration conduise inévitablement à la fermeture d'une unité de production. Ce faisant, nous entendions respecter le principe établi par la réglementation communautaire en matière de sécurité des produits alimentaires selon lequel le producteur est responsable de la sécurité des produits qu'il fabrique et, à ce titre, le premier à devoir déterminer les actions qui doivent être entreprises pour que cette sécurité soit complète. L'autorité administrative n'agit ainsi que de manière supplétive, efficacement, c'est-à-dire aussi promptement que possible.

Il ne s'agit en aucun cas de surtransposer le droit européen, et encore moins d'alourdir les contraintes qui pèsent sur nos entreprises agroalimentaires. Nous cherchons simplement des voies d'amélioration, au bénéfice non seulement des consommateurs mais aussi des industriels. Il en va en effet de leur crédibilité commerciale, que nos propositions visent justement à renforcer.

Dans cet esprit, nous avons précisé les trois premières propositions. Nous n'en sommes en effet qu'au stade des propositions : il ne s'agit pour l'heure que de décrire l'objet et le périmètre de la mesure, pas de proposer une rédaction à insérer immédiatement dans un texte législatif ou réglementaire...

Proposition n° 1 : « rendre obligatoire l'information de l'autorité administrative sur les autocontrôles positifs réalisés par le fabricant qui concernent des prélèvements dans l'environnement de production, lorsque ceux-ci font apparaître, après contre-analyse, une situation présentant un risque pour la santé humaine, ainsi que sur les éléments correctifs apportés. ».

Il nous semble indispensable de conserver le principe d'une information de l'autorité administrative, non seulement des autocontrôles positifs sur les produits, mais également des autocontrôles concernant l'environnement. Cette communication serait toutefois limitée aux hypothèses où elle est pertinente pour la santé, c'est-à-dire lorsque ces autocontrôles font apparaître une situation préjudiciable à la santé humaine. Surtout, cette obligation n'interviendrait qu'après contre-analyse, c'est-à-dire en cas de risque avéré -l'expérience montre qu'il ne l'est pas, heureusement, dans la très grande majorité des cas.

Dans le cadre d'un principe de responsabilité du producteur, les éléments correctifs apportés par ce dernier devraient également être mentionnés afin que l'autorité administrative ait connaissance de l'ensemble de la situation. Il s'agit là encore de mieux faire circuler l'information, son partage avec l'administration pouvant faciliter ou valider l'adoption des mesures les plus pertinentes pour faire cesser le trouble. À nouveau, la cessation de la production est une mesure corrective parmi d'autres, mais elle ne doit pas être écartée dans toute circonstance. Elle peut être justifiée au regard de la nature du risque, mais également pour des raisons d'image commerciale.

M. Laurent Duplomb s'interrogeait sur le périmètre retenu pour les autocontrôles d'environnement de production. Les contrôles visés sont ceux qui sont le plus susceptibles d'entraîner une contamination des produits en raison de leur position dans la chaîne de production. Il ne s'agit pas de transmettre des autocontrôles positifs constatés sur le parking de l'usine. Ce périmètre sera à apprécier au cas par cas. Il pourrait être défini par les autorités sanitaires, avec les industriels, lors de l'agrément de l'usine de production, qui analyse spécifiquement chaque étape de la chaîne de production.

Proposition n° 2 : « prévoir un contrôle par l'autorité administrative, selon une périodicité à déterminer, des informations figurant dans les registres que doivent tenir les fabricants en application du règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires ». Cette proposition refondue vise la communication du registre que tout fabricant doit tenir à la disposition de l'autorité administrative, en application du droit européen. La périodicité devra être fixée après concertation avec les industriels et l'autorité administrative. Comme dans notre rédaction initiale, il s'agit de fluidifier la circulation de l'information. Aucune information nouvelle n'est donc exigée des entreprises. Nous voulons juste nous assurer qu'entre deux contrôles sur place, dont on a vu qu'ils étaient parfois très espacés dans le temps, l'autorité administrative dispose d'informations pertinentes.

Proposition n° 3 : « imposer aux laboratoires indépendants mandatés pour réaliser des analyses pour le compte des producteurs de signaler à l'autorité administrative les résultats non conformes à la réglementation applicable au produit, confirmés par une contre-analyse ». Cette nouvelle proposition n° 3 prévoit que les laboratoires indépendants chargés de pratiquer des autocontrôles signalent les contrôles positifs à l'autorité, mais seulement, comme dans la proposition n° 1, lorsqu'il a été procédé à une contre-analyse.

D'autres questions portaient sur le deuxième axe de nos propositions, relatif à la fiabilisation de l'information aux consommateurs en cas de procédure de retrait et de rappel des produits. M. Jean-Pierre Moga a proposé de ne faire figurer sur la liste unique recommandée dans la proposition n° 8 que les produits concernés par une procédure de retrait pour risque sanitaire. C'est bien l'objectif de cette proposition, qui ne vise que les produits concernés par des procédures de rappel, c'est-à-dire des produits dangereux pour la santé ou la sécurité des consommateurs - à l'exclusion par exemple des produits à l'étiquette ou à l'emballage non conforme à la réglementation. La liste unique ne concernera pas les produits concernés par les retraits.

M. Laurent Duplomb nous avait aussi interrogés sur la proposition n° 10, qui vise à mettre en place une procédure standardisée et graduée d'alerte dédiée aux rappels. Nous proposons un principe très clair : aux crises les plus graves doivent répondre les moyens de communication les plus efficaces. Le recours à la procédure de type « Alerte Enlèvement » serait strictement cantonné aux produits alimentaires contaminés, manifestement très dangereux pour les consommateurs et nécessitant d'agir urgemment. Ce ne serait pas la procédure normale d'alerte -comme ne l'est pas non plus « Alerte enlèvement » pour les disparitions d'enfants.

M. Alain Milon , président . - Nous saluons le consensus existant sur la nécessité d'améliorer l'efficacité de l'exécution matérielle des procédures de retrait et de rappel des produits, qui constitue le troisième axe de nos propositions.

Mme Florence Lassarade s'inquiétait à juste titre de la difficile traçabilité des échantillons de produits laissés aux cabinets médicaux. Notre proposition n° 7 renforce la traçabilité de tous les produits, y compris les échantillons. En outre, les sanctions applicables en cas de mise en mise sur le marché de produits concernés par une mesure de suspension s'appliquent également à la distribution d'échantillons à titre gratuit. Alourdir les sanctions, comme le préconise la proposition n° 17, est de nature à inciter les acteurs à assurer un meilleur suivi des échantillons.

Nous sommes d'accord avec M. Bernard Jomier, qui s'inquiétait de l'usage qui pourrait être fait des données de cartes bancaires des consommateurs. Lors des mesures de rappel de décembre 2017, les établissements bancaires avaient été sollicités pour identifier les acheteurs des produits concernés, en dehors de tout cadre juridique. Or c'est une procédure efficace à laquelle il ne faut pas hésiter à recourir en cas de crise sanitaire d'une extrême gravité. Notre proposition n° 16 vise à encadrer strictement cette pratique, en la réservant au cas de crise sanitaire grave et lorsqu'il y a bien urgence à identifier des consommateurs.

Pour répondre à la question de M. Dominique Watrin, les sanctions diffèrent selon le type des arrêtés de rappel des produits. Le non-respect de l'arrêté de rappel des produits pris par le ministre de l'économie est passible d'une amende prévue pour les contraventions de 5 ème classe, soit 1 500 euros au maximum, 3 000 euros en cas de récidive. En cas de dommage causé au consommateur, la responsabilité civile, voire pénale des distributeurs, peut également être engagée devant les juridictions compétentes. Si l'arrêté de retrait et/ou rappel des produits est pris par le préfet, sa méconnaissance peut être punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 15 000 euros.

Pour un géant de la distribution toutefois, il est clair que ces sanctions ne sont pas assez dissuasives. La proposition n° 17 y remédie en punissant le manquement constaté par le distributeur d'une amende administrative dissuasive, proportionnelle à la valeur des produits mis sur le marché alors qu'ils font l'objet d'une procédure de retrait décidée par arrêté.

Mme Sophie Primas , présidente . - M. Martial Bourquin demandait de préciser que la responsabilité du directeur de magasin est engagée en cas de mise en vente de produits concernés par une procédure de retrait. L'engagement de la responsabilité du directeur de magasin dépend de la forme juridique d'exploitation de ce dernier, selon qu'il est en exploitation directe ou en franchise. Il est difficile de poser un principe de responsabilité personnelle générale en ce domaine, sachant que, le cas échéant, la direction générale du distributeur pourra se retourner contre son préposé en cas de faute détachable de ses fonctions.

Comme le signalait M. Laurent Duplomb, le distributeur a bien une obligation de résultats concernant l'efficacité de la procédure de retrait ou de rappel. Si des défaillances sont constatées, et cela a été le cas dans l'affaire Lactalis, les sanctions qui lui sont applicables doivent être réellement dissuasives. C'est tout l'objet de la proposition n° 17.

En revanche, il faut rappeler que le producteur doit légalement s'abstenir de mettre sur le marché des produits impropres à la consommation. Il doit donc assumer sa responsabilité puisqu'il est à l'origine du déclenchement de la procédure de retrait. Que les opérations de retrait soient mises à sa charge n'a en soi rien de choquant, sous réserve que les pénalités prévues ne soient pas abusives, ce qui constituerait alors une pratique commerciale prohibée.

M. Alain Milon , président . - Voici quelles sont nos propositions. J'insiste : l'obligation de résultats concerne le fabricant, les agences, les distributeurs, et personne d'autre.

M. Marc Daunis . - Voilà dix-sept propositions particulièrement pertinentes.

L'autorité administrative doit intervenir aussi promptement que possible, avez-vous dit. Je crains à cet égard que la formulation de la première proposition ne soit pas assez claire : « rendre obligatoire l'information de l'autorité administrative sur les autocontrôles [...] ainsi que sur les éléments correctifs apportés » peut conduire le fabricant à n'informer l'administration qu'après réalisation de l'analyse, de la contre-analyse et des mesures correctives. « Rendre obligatoire une information immédiate de l'autorité administrative » serait plus adéquat. Une fois l'information transmise, on peut faire confiance aux autorités administratives pour que les correctifs soient apportés !

Ne vaut-il pas mieux, en outre, préciser « présentant un risque potentiel pour la santé humaine » ? Le champ couvert serait ainsi un peu plus large.

M. Alain Milon , président . - Une réaction immédiate est obligatoire en cas de risque pour la santé humaine dans la chaîne de production. Mais en l'espèce, nous parlons de risque dans l'environnement de production. Demander alors une contre-analyse est plus prudent.

M. Marc Daunis . - Je ne suis pas contre une seconde analyse. Mais il conviendrait de cibler les risques les plus larges possibles.

Mme Sophie Primas , présidente . - « Risque potentiel » me semble être un pléonasme : un risque, par nature, est potentiel. De plus, nous reprenons là la terminologie européenne.

M. Marc Daunis . - Me voilà rassuré !

M. Bernard Jomier . - Le « risque potentiel », c'est un peu comme les « perspectives d'avenir », que l'on trouve à longueur de rapport !

La proposition n° 1 initiale a été heureusement modifiée. La distinction entre les différentes situations est plus claire. Mais la chaîne d'actions à conduire reste longue. De plus, que veut dire « après contre-analyse » ? Qui la réalise ? Une contre-analyse négative invalide-t-elle définitivement une première analyse positive ? La réponse est évidemment non. Si après une biopsie de prostate positive, vous obtenez une biopsie négative, je ne vous conseille pas, chers collègues, de vous réjouir !

Deuxième problème : « une situation présentant un risque pour la santé humaine ». Si cela n'a pas été signalé, qui en décide ? Le fabricant ? C'est le rôle des autorités sanitaires ! Heureusement, cette situation est rare, mais il y a là un problème.

Enfin, je rejoins Marc Daunis : attendre que les éléments correctifs aient été apportés allonge considérablement la procédure d'information. Dans l'affaire Lactalis, la bactérie n'était heureusement pas grave, mais avec une telle procédure, les enfants contaminés auraient été nombreux, car l'alerte sanitaire n'aurait pas fonctionné.

M. Martial Bourquin . - Revenons à l'essentiel. Des autocontrôles n'ont pas été contrôlés, et des problèmes sont survenus dans une entreprise. Que la chaîne ait été défaillante est préjudiciable pour l'entreprise, mais surtout pour la santé humaine. Ce n'était pas grave en l'espèce, mais cela pourrait l'être, et extrêmement. Ces propositions introduisent d'abord la nécessité de procéder à une contre-analyse qui confirme ou non l'existence d'un problème. Ensuite, des dispositions doivent être prises pour retirer le produit. En outre, la DGCCRF doit avoir les moyens de faire son travail : c'est l'objet de la proposition n° 5. L'obligation de signaler les autocontrôles est une autre amélioration importante.

Demain, compte tenu des accords de libre-échange en cours de négociation, les produits ne seront pas fabriqués selon les mêmes normes que les nôtres. La procédure devra être irréprochable !

S'agissant des sanctions, je reste totalement sur ma faim. Le maire qui laisse ouverte une piscine qui n'est pas aux normes est passible, lui, de sanctions beaucoup plus lourdes ! Il faut rendre les sanctions plus dissuasives.

M. Daniel Gremillet . - Il est important que nos commissions soient rassemblées et que l'on participe au même rythme à ces auditions. J'apprécie que l'on prenne du temps sur ces sujets, car nous devons bien mesurer les conséquences de ce que nous sommes en train de faire, qui va au-delà de la réglementation européenne et touche à la vie des entreprises.

La proposition n° 1, je le rappelle, concerne les autocontrôles. Je précise à l'attention de ceux qui ne savent pas comment les choses fonctionnent qu'un contrôle positif donne automatiquement lieu non pas à une, mais à des contre-analyses, et heureusement ! Au quotidien, dans une entreprise qui se respecte, il y a déjà plus d'autocontrôles que de contrôles. Cette proposition n° 1 est fondamentale, car nous sommes sur le point de rendre obligatoire la contre-analyse des prélèvements dans l'environnement. S'aligner sur les exigences relatives aux prélèvements sur les produits est une avancée majeure.

Les conditions du prélèvement et ses conditions de transport font que la marge d'erreur n'est jamais nulle. D'où l'intérêt d'une contre-analyse -pas forcément dans le même laboratoire.

La proposition n° 12 est importante. Nous devons obtenir les évolutions techniques permettant le blocage en caisse. C'est pour l'heure compliqué, mais c'est le meilleur moyen de procéder.

Enfin, exigeons la même chose des entreprises françaises, européennes, et extra-européennes, pour rester cohérents avec ce que nous avons récemment voté à l'unanimité au Sénat dans la résolution européenne sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part.

M. Laurent Duplomb . - Je me félicite de cette nouvelle rédaction, surtout des trois premières propositions, qui tient compte des mises en garde que j'avais formulées la semaine dernière.

Ayons cependant confiance en nos industries agroalimentaires. Si elles étaient toutes désireuses de menacer la santé publique, nous n'aurions pas réduit à presque zéro le nombre de décès par intoxication alimentaire, qui était d'environ 15 000 en 1950. Nous devons certes faire en sorte que le problème rencontré récemment ne se reproduise pas, mais surtout faire preuve de pragmatisme, en étant aussi efficaces que prudents. N'oublions pas, en outre, que nous sommes dans une économie ouverte : imposer des contraintes presque insurmontables à nos entreprises les pénaliserait par rapport à la concurrence étrangère.

Ces nouvelles propositions me conviennent, et je me réjouis que nous soyons parvenus à les faire évoluer en ce sens. Voilà qui illustre l'intérêt d'avoir des sénateurs qui ne soient pas tous coulés dans le même moule - ce qui n'est pas le cas de la haute administration ni de ceux qui veulent nous imposer des choses qu'ils ne connaissent pas...

M. Michel Raison . - Je confirme, puisque nous parlons de produits laitiers, que nous ne sommes pas tous moulés à la louche !

Qu'entend-on, dans la proposition n° 8, par « mieux communiquer » ? Dans ces affaires, la communication est fondamentale pour rétablir la confiance, mais mieux communiquer n'est jamais loin de trop communiquer...

Voilà quelques années que je suis parlementaire. Nous ne cessons de nous plaindre de la complexité de notre réglementation, mais nous entendons la renforcer à chaque dysfonctionnement ! Un Gouvernement - que je soutenais - nous a même conduits à légiférer après l'attaque d'un enfant par un chien, alors que les chiens n'ont jamais eu le droit de mordre les enfants... Dans le dossier qui nous préoccupe, les règles n'ont pas été respectées ! Commençons par trouver des solutions pour bien faire appliquer la loi, en renforçant les moyens de la DGCCRF par exemple, qui ferait mieux de se concentrer sur ces dossiers, et évitons de tomber dans le travers consistant à produire de nouvelles réglementations.

M. Fabien Gay . - Ces propositions me conviennent. Je regrette simplement que nous n'ayons pas auditionné les laboratoires de contrôle. En lisant la presse, on apprend que les acteurs chargés des autocontrôles dans cette usine en vivaient à 95 %. Cette dépendance à cette usine Lactalis a pu conduire, la pression du client devenant trop forte, à un relâchement de la vigilance. C'est un sujet sur lequel nous ferions bien de nous pencher.

Pour le reste, je rejoins mes collègues : revenons à l'essentiel. La chaîne marche bien lorsque le produit est concerné, moins lorsqu'il s'agit de son environnement. En l'espèce, il y a eu deux autocontrôles, un sur un balai, un autre sur le sol, et le produit a malgré tout été touché. Les propositions vont dans le bon sens.

Je me félicite aussi de la proposition n° 5, qui vise à redonner les moyens aux administrations de fonctionner. L'audition de la DGCCRF a été édifiante : ses moyens diminuent depuis dix ans... Forcément, à un moment, le système craque.

Nouveau sénateur, je m'interroge enfin sur la suite concrète qui sera donnée à nos réflexions. Nous serons heureux de continuer à participer à tous les travaux communs à nos deux commissions.

M. Marc Daunis . - Le pléonasme peut être une faute de français, mais aussi une figure de style... Je n'insisterai toutefois pas sur la définition du risque.

J'insiste en revanche sur l'information de l'autorité administrative : elle doit être immédiate. Je connais un peu les procédures de contrôle et d'autocontrôle, pour avoir quelques industries chimiques dans ma circonscription... L'intervention rapide est fondamentale ! Il ne s'agit pas de mettre ces informations sur la place publique, mais de les transmettre à l'autorité administrative, compétente pour juger des suites à donner.

Nos modes de production et de contrôle sont exemplaires dans le monde, cela a été rappelé. Toutes les entreprises ne fautent pas, mais il en suffit d'une pour jeter le soupçon sur les autres. D'où ma proposition, très simple : ajouter « immédiate », à titre de garantie. Je ne le proposerai naturellement pas s'il était question d'informations rendues publiques.

Mme Patricia Schillinger . - De nombreuses entreprises transfrontalières font leurs courses en France : ne faudrait-il pas préciser la proposition n° 9 relative à la diversification des canaux de communication pour en tenir compte ?

M. Michel Forissier . - Les crises alimentaires nous conduisent souvent à envisager de légiférer. On se rend toutefois compte après examen que la part des incidents, rapportée au volume de produits distribués, est très faible - quoique toujours trop grande ! Que l'on améliore les procédures pour éviter les dysfonctionnements, soit. Mais je ferai observer, songeant aux travaux que nous menons simultanément sur la formation professionnelle, que les dysfonctionnements sont souvent liés à une insuffisance de la formation continue en lien avec les techniques et les technologies. La mise à niveau du personnel peut se révéler essentielle pour faire respecter à la lettre les nouveaux protocoles.

Jouons plutôt le pari de la confiance. Les entreprises ont des obligations de résultat. Multiplier les contrôles exercés dans les moindres détails par les autorités administratives augmenterait le coût de fonctionnement de l'État. Mettons l'accent sur le préventif, plus que sur le curatif.

M. Daniel Gremillet . - Le texte que nous examinons concerne non seulement Lactalis, mais l'ensemble des produits alimentaires ! Il faudra donc le décliner. Or le secteur laitier, avec celui de la viande bovine, est l'un des plus armés en matière d'analyse...

Il ne s'agit pas, avec la proposition n° 1, d'aller plus loin en matière d'autocontrôle qu'en matière de contrôle, mais d'aligner les procédures. Le temps nécessaire pour informer l'administration ne sera pas plus long ! En l'état, le texte est équilibré : ne décourageons pas l'autocontrôle...

Nous ne sommes pas en train de juger telle entreprise, mais d'apporter des réponses aux consommateurs et à la société. Consolidons les autocontrôles, y compris sur l'environnement, faute de quoi nous régresserons.

M. Alain Milon , président . - Le docteur Jomier a raison : qu'un prélèvement négatif suive un prélèvement positif n'invalide pas ce dernier pour autant... Sauf que la contre-analyse se ferait sur le même échantillon que la première analyse !

Mme Sophie Primas , présidente . - Pour répondre à Marc Daunis sur la première proposition, je propose de remplacer « ainsi que les éléments correctifs apportés » par « ainsi que les éléments correctifs envisagés ou apportés ».

Il en est ainsi décidé .

Mme Sophie Primas , présidente . - Monsieur Bourquin, la responsabilité pénale peut déjà être engagée : cela semble assez précis.

Monsieur Raison, notre document contient très peu de dispositions de nature législative. Les autorités sanitaires ne communiquent jamais sur le nombre de contrôles réalisés, ni sur le nombre de contrôles négatifs. La proposition n° 6 vise à mieux communiquer notamment sur la qualité des contrôles sanitaires.

Monsieur Gremillet, la question des produits étrangers vendus en France pourrait être abordée non dans les propositions mais dans le rapport que nous publierons.

Monsieur Gay, je regrette également que nous n'ayons pas entendu les laboratoires de contrôle. Ne suspendons pas pour autant la publication de nos propositions : nous pourrons toujours les auditionner ultérieurement. S'agissant des transfrontaliers, madame Schillinger, un dispositif existe déjà auprès des clients du distributeur ou du fabricant, informés par d'autres canaux.

Peu de propositions étant de nature législative, je propose que nous les présentions aux différents ministères concernés ; notre action pourrait se traduire, le cas échéant, par des modifications de réglementation ou de circulaires.

M. Marc Daunis . - Lorsque nous avions travaillé sur le projet de loi de simplification du droit de l'urbanisme, nous avions distingué les propositions à caractère législatif et les propositions de nature réglementaire. Nous pourrions faire de même, communiquer sur le caractère positif des adaptations normatives que nous préconisons et démontrer ainsi la capacité des parlementaires à corriger pragmatiquement les dysfonctionnements lorsqu'ils surviennent.

Mme Sophie Primas , présidente . -Je vous remercie.


* 1 Ouvertes à la presse et retransmises sur le site internet du Sénat : https://videos.senat.fr/direct.

* 2 Les comptes rendus des auditions sont reproduits en annexe.

* 3 Articles 19 et 20 du règlement 178/2002/CE et art R. 231-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 4 Voir notamment le rapport d'information n° 442 (2016-2017) de MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL fait au nom de la commission des finances du Sénat sur les moyens de la politique de sécurité sanitaire des aliments, enregistré à la Présidence du Sénat le 23 février 2017.

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