Rapport d'information n° 63 (2021-2022) de M. Philippe MOUILLER et Mme Patricia SCHILLINGER , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 14 octobre 2021

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N° 63

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 octobre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif aux initiatives des territoires en matière d' accès aux soins ,

Par M. Philippe MOUILLER et Mme Patricia SCHILLINGER,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, Premier vice-président, M. Guy Benarroche, Jean-Pierre Corbisez, Bernard Delcros, Mmes Corinne Féret, Michelle Gréaume, MM. Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Patricia Schillinger, M. Pierre-Jean Verzelen, vice-présidents ; M. François Bonhomme, Mme Agnès Canayer, M. Franck Montaugé, secrétaires ; Mmes Nadine Bellurot, Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Laurent Burgoa, Thierry Cozic, Mmes Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, MM. Thomas Dossus, Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Jean-Michel Houllegatte, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Philippe Mouiller, Olivier Paccaud, Philippe Pemezec, Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, MM. Jean-Yves Roux, Laurent Somon, Lucien Stanzione, Cédric Vial, Jean Pierre Vogel.

SYNTHÈSE DES 7 RECOMMANDATIONS
À DESTINATION DES ÉLUS LOCAUX

Recommandations

Nature de la recommandation

Destinataire

Échéance

1. Bâtir des centres ou maisons de santé « partenariaux », c'est-à-dire en étroite concertation entre les élus locaux et les professionnels de santé (organes représentatifs, conseil départemental de l'ordre...), et ce le plus en amont possible

Bonne pratique

élus locaux

Recommandation permanente

2. Renforcer les liens entre les collectivités territoriales et les facultés de médecine

(antennes universitaires dans chaque département, label universitaire dans les maisons de santé)

Bonne pratique

élus locaux

Recommandation permanente

3. Favoriser l'installation des médecins dans les zones sous-denses par des dispositifs incitatifs
(des bourses financières jusqu'au salariat)

Bonne pratique

élus locaux (prioritairement conseils départementaux)

Recommandation permanente

4. Attirer les médecins par une aide personnalisée apportée à eux-mêmes ainsi qu'à leur famille afin de favoriser leur installation dans les territoires (par exemple aides au logement ou actions permettant au conjoint du médecin de trouver du travail localement)

Bonne pratique

élus locaux (prioritairement conseils départementaux

Recommandation permanente

5 . Rechercher l'échelon local pertinent pour la mise en oeuvre des projets de santé.

Deux critères méritent d'être pris en compte pour apprécier le niveau pertinent d'intervention : la soutenabilité financière et la technicité du projet.

Bonne pratique

élus locaux

Recommandation permanente

6. Généraliser les contrats locaux de santé (CLS) sur l'ensemble du territoire

Favoriser la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)

Bonne pratique

élus locaux

2 ans

7. Encourager le recours à la télémédecine lorsqu' aucune solution alternative ne paraît envisageable

Bonne pratique

élus locaux

Recommandation permanente

SYNTHÈSE DES 5 RECOMMANDATIONS
À DESTINATION DE L'ÉTAT

Recommandations

Nature de la recommandation

Destinataire

Échéance

8. Associer les élus locaux à la stratégie nationale de réduction des inégalités territoriales

Cette stratégie nécessite l'établissement d'un bilan des installations et des départs des professionnels de santé ainsi qu'une cartographie précise de l'offre de soin. Les outils de pilotage font actuellement défaut (données centralisées et agrégées).

Législative

(code de la santé publique)

Parlement et Gouvernement (ministère de la santé)

2 ans

9. Lancer un débat national sur la formation et la liberté d'installation des médecins

Bonne pratique

Ministère de la santé

1 an

10. Lancer une réflexion commune État-collectivités territoriales sur les risques de compétition entre les territoires

Bonne pratique (concertation)

Ministère de la santé et associations d'élus locaux

1 an

11. Renforcer le rôle facilitateur des ARS

(confier aux délégations départementales un rôle d'interface de proximité avec les élus
ou doter les ARS d'une direction opérationnelle dédiée aux relations avec les élus)

Circulaire

Ministère de la santé et ARS

1 an

12. Mieux associer les collectivités territoriales à la politique menée par l'ARS dans la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins.

Cette recommandation suppose :

• de renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil de surveillance de l'ARS ;

• d'élargir les attributions du conseil de surveillance des ARS ;

• d'associer les collectivités locales à la détermination des « déserts médicaux ».

Législative (code de la santé publique)

Parlement

Projet de loi dit « 3DS » en cours d'examen au Parlement

AVANT-PROPOS

Cristallisée autour de la formule choc des « déserts médicaux », la question de l'accès géographique aux soins est devenue, au cours des dix dernières années, de plus en plus prégnante dans le débat public.

Ces zones blanches médicales concernent souvent des espaces ruraux mais aussi certaines villes moyennes ou des zones périurbaines, de sorte que les difficultés d'accès aux soins font l'objet d'une actualité constante et constituent une part significative des interpellations adressées aux élus locaux. Selon un sondage publié le 15 novembre 2019, 63 % des Français ont déjà renoncé ou reporté des soins , en raison notamment de délais d'attente trop longs ou de distances trop importantes à parcourir 1 ( * ) .

Ces « oubliés de la santé » se retrouvent au coeur d'une « fracture territoriale » qui ne peut qu'interpeller la délégation aux collectivités territoriales, au contact permanent des élus de terrain qui manifestent régulièrement auprès d'elle leur désarroi sur ce sujet.

Pourquoi l'État, à qui incombe la responsabilité exclusive de la politique de la santé, semble-t-il éprouver autant de difficultés à réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins ? Les agences régionales de santé, créées en 2009, ont-elles permis d'agir plus efficacement dans ce domaine ? Quel rôle les élus locaux peuvent-il jouer pour contribuer à améliorer l'offre de soins sur leurs territoires ? En ont-ils les moyens juridiques, techniques et financiers ? Quelles sont les bonnes pratiques ? Les élus sont-ils aidés par l'État ou, au contraire, entravés dans leurs initiatives ? Quels sont les freins à lever afin de permettre aux élus de porter des projets innovants au service des populations ? Quel est le bon échelon local pour agir efficacement, en application du principe de subsidiarité ?

C'est pour répondre à l'ensemble de ces interrogations que notre délégation a confié à M. Philippe Mouiller et Mme Patricia Schillinger un rapport sur les initiatives des collectivités territoriales en matière d'accès aux soins . Identifier les bonnes pratiques locales constitue en effet l' « ADN de notre délégation » et lui permet de formuler des recommandations propres à encourager ces initiatives et à supprimer ou limiter d'éventuelles entraves à leur expression.

I. LES DIFFICULTÉS DE L'ÉTAT À ASSUMER PLEINEMENT SA RESPONSABILITÉ EXCLUSIVE EN MATIÈRE DE SANTÉ

A. UNE RESPONSABILITÉ EXCLUSIVE DE L'ÉTAT

Selon la définition donnée par l'Organisation mondiale de la santé en 1946, la santé est entendue, lato sensu , comme un « état complet de bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ».

En France, la politique de santé incombe à l'État 2 ( * ) .

Deux motifs justifient cette compétence exclusive .

Le premier est historique . En effet, si durant la période révolutionnaire, les questions sanitaires avaient été confiées aux communes, l'évolution du secteur sanitaire est marquée par une appropriation progressive par l'État des questions sanitaires, notamment à la suite d'épisodes épidémiques .

Le second, d'ordre juridique , n'est pas moins important. En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu expressément en 2012 le droit à la protection de la santé comme un objectif de valeur constitutionnelle 3 ( * ) . De même, l'article introductif du code de la santé publique érige la protection de la santé en droit fondamental 4 ( * ) . Le droit à la santé est donc une composante essentielle du pacte républicain. Ce droit implique l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et justifie que l'État, garant de l'égalité et de la solidarité , se trouve en première ligne en matière de santé publique.

L'État a-t-il su répondre à ce défi de l'égalité dans l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire de la République ?

Nombreux sont les travaux du Sénat qui ont répondu négativement à cette question fondamentale. En effet, notre institution a, depuis longtemps, tiré la sonnette d'alarme sur ce sujet . Citons, parmi les rapports récents :

- le rapport d'information intitulé « Accès aux soins : promouvoir l'innovation en santé dans les territoires » de MM. Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales (26 juillet 2017) 5 ( * ) ;

- le rapport d'information intitulé « Déserts médicaux : L'État doit enfin prendre des mesures courageuses ! » de MM. Hervé Maurey et Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (29 janvier 2020) 6 ( * ) .

Malgré ces avertissements lancés par le Sénat, représentant constitutionnel des territoires, un fossé s'est creusé, au fil des ans, entre le droit et le fait : censé, en principe, garantir à tous les citoyens un égal accès aux soins, notre système de santé n'a pourtant pas empêché le développement des inégalités territoriales d'accès aux soins, en termes de qualité, de proximité, de diversité et de délais.

A qui la faute ? Le rapport précité de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable regrette un « manque de volontarisme de l'État, dont l'inaction engendre un sentiment d'abandon et de détresse des élus locaux » .

Certes, le législateur cherche, depuis des années, à oeuvrer en faveur de la résorption des déserts médicaux : la suppression du numerus clausus en est l'illustration 7 ( * ) . Par ailleurs, l'État réfléchit à certaines solutions intéressantes, telles que :

- les partages de compétences entre professionnels de santé (en développant, par exemple, les « pratiques avancées » des infirmiers) ;

- le développement et la rationalisation des dispositifs d'aides financières à l'installation des médecins ;

- le développement de l'exercice coordonné dans le cadre de la loi n° 2019-774 du 26 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ;

- l'incitation des médecins libéraux situés en zones sous-denses à préparer leur départ en retraite en faisant appel à des stagiaires. Cette mesure figure parmi les propositions de notre collègue Stéphane Sautarel 8 ( * ) ;

- la question, enfin et surtout, de la liberté d'installation des médecins .

L'ensemble de ces solutions méritent un examen très approfondi dans la mesure où de nombreux territoires, ruraux comme urbains, continuent de souffrir d'un accès aux soins insuffisant .

Certes, comme indiqué précédemment, la notion de « désert médical » est difficile à appréhender de manière précise. Elle est simplement définie dans le code de la santé publique comme une zone sous-dense, « caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés d'accès aux soins » 9 ( * ) .

Comment peut-on mesurer l'ampleur du phénomène et établir le pourcentage de la population française située dans une telle zone ? Pour répondre à cette question, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé a bâti un indicateur dénommé « indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL). Une offre médicale est considérée comme insuffisante lorsqu'elle est inférieure à 2,5 consultations par habitant, étant précisé qu'un médecin est présumé accessible jusqu'à 20 minutes en voiture. Ces critères comportent naturellement une part d'arbitraire et sont donc contestables . Ainsi, en prenant un seuil à 3 consultations au lieu de 2,5, la DREES considérait que 18,4% de la population habitait dans une commune qualifiée de sous-dense en 2015, contre 8 % si on retient le seuil de 2,5. La notion de « désert médical » est donc particulièrement imprécise. Au-delà des chiffres et des questions méthodologiques, les interpellations permanentes des élus locaux sur la question de l'accès aux soins attestent de la nécessité d'agir .

Or, aucune des pistes envisagées par les gouvernements successifs ne semble, à elle seule , satisfaisante pour remédier durablement et efficacement aux déserts médicaux.

B. LA TERRITORIALISATION, UN MOUVEMENT DE DÉCONCENTRATION OPPORTUN MAIS INSUFFISANT

Depuis le début des années 1990, la santé publique a été marquée par un mouvement de territorialisation - entendue comme l'adaptation des politiques publiques aux spécificités des territoires . Depuis 2016, un chapitre du Code de la santé publique est d'ailleurs intitulé « Territorialisation de la politique de santé » (articles L1434-1 à L1434-15).

Pourquoi un tel mouvement ?

Deux motifs peuvent être avancés :

- le premier tient à l'inégalité dans l'accès aux soins . En effet, de multiples facteurs démographiques, géographiques et économiques sont à l'origine de situations contrastées : certaines zones sont particulièrement bien dotées en personnel et en moyens sanitaires , d'autres non ; d'une manière générale, la tendance est à la dégradation de la situation dans les territoires ;

- le second motif de territorialisation résulte des différences épidémiologiques susceptibles d'exister selon les territoires. Comme le montrent régulièrement les études menées sur le sujet, des différences peuvent porter sur le taux de mortalité ou la prévalence de certaines maladies. Elles conduisent à considérer le lieu de résidence comme un déterminant de la santé.

Ces différences objectives de situation justifient une approche sanitaire différenciée et correctrice, que l'on se trouve en période normale comme en temps de crise sanitaire.

Dès lors qu'une politique de territorialisation de la santé est mise en oeuvre , on pourrait penser que les collectivités territoriales en constituent les principaux acteurs. Or, il n'en est rien pour les raisons évoquées plus haut qui tiennent à la compétence exclusive de l'État en matière de santé. En d'autres termes, la territorialisation de la santé est opérée non pas dans le cadre de la décentralisation, mais dans celui de la déconcentration 10 ( * ) . Ce processus s'est traduit par la création, en 2009 11 ( * ) , des agences régionales de santé (ARS), établissements publics administratifs placés sous la tutelle du ministère de la santé ( cf infra ).

II. LE CADRE JURIDIQUE D'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE DE SANTÉ : DES MOYENS D'ACTION LIMITÉS

Si la politique de santé incombe juridiquement à l'État, les collectivités territoriales ne sont pas, en pratique, totalement exclues du champ sanitaire .

Parmi elles, les communes ont certaines compétences en matière de santé et d'accès aux soins (A) tandis que les départements (B) et les régions (C) disposent de moyens d'action plus limités .

Toutes les collectivités peuvent travailler en partenariat avec l'ARS afin de réduire les inégalités territoriales de santé (D).

A. LES COMMUNES ET LEURS GROUPEMENTS : DES COMPÉTENCES LIMITÉES

Les communes et leurs groupements disposent de quelques leviers d'action en matière de santé. Ils détiennent en effet une compétence générale en matière de salubrité publique (1), de la possibilité d'attribuer des aides en matière sanitaire (2) et peuvent créer des centres et maisons de santé (3).

1. La compétence en matière de police de salubrité publique

La compétence du maire se fonde essentiellement sur ses pouvoirs de police administrative générale qu'il tire de l'article L. 2212-2 du CGCT en vertu duquel le maire est habilité à prendre toute mesure pour assurer la « salubrité publique », composante de l'ordre public.

Selon ce même article, il appartient au maire, au titre de son pouvoir de police « de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, (...), les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours ».

Toutefois, la compétence générale de la commune en matière de santé publique est marquée par un paradoxe . En effet, elle se trouve limitée par la disposition législative selon laquelle, rappelons-le, la politique de santé relève de la responsabilité de l'État. Comme l'a très jugement souligné le professeur Olivier Renaudie, en réponse à vos rapporteurs : « La crise a révélé la manière dont a été envisagée l'articulation délicate entre l'exercice par le maire de son pouvoir de police administrative générale, a priori très vaste, et l'existence de très nombreuses polices administratives spéciales venant limiter son exercice. Un auteur en a dénombré plus de 300 , créées par le législateur dans des domaines particuliers dans lesquels il a estimé qu'il était nécessaire de ne pas s'en remettre à la généralité des pouvoirs de police, mais de spécifier des pouvoirs particuliers » 12 ( * ) .

En conséquence de ces pouvoirs de police spéciale, la justice administrative annule régulièrement des arrêtés municipaux de police , dès lors qu'ils portent atteinte aux compétences de l'État en matière sanitaire.

Citons, à titre d'illustrations :

- les arrêtés anti-pesticides ; en 2020, un rapport de notre délégation a souligné que les collectivités territoriales se trouvent en première ligne pour préserver la santé des populations et assurer une alimentation saine et durable. La demande croissante des administrés en matière de santé, traçabilité, qualité et durabilité de l'alimentation dans les cantines scolaires, place les élus locaux en situation de responsabilité politique mais aussi juridique. Pourtant, le Conseil d'État a récemment annulé un arrêté anti-pesticide, jugé attentatoire à la compétence de l'État 13 ( * ) ;

- les arrêtés sur le port du masque pendant la crise sanitaire du Covid. Ainsi, par arrêté du 6 avril 2020, Philippe Laurent, maire de Sceaux, avait rendu obligatoire le port du masque dans le centre-ville de sa commune, au regard de la topographie de cette celle-ci, de sa population et de la configuration des commerces. Le Conseil d'État a suspendu cet arrêté, estimant que la police spéciale de l'urgence sanitaire « fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s'appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l'édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l'efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l'État » (CE, ord. 17 avril 2020).

Lors de son audition, le professeur Olivier Renaudie a fait valoir que le maire de Sceaux « avait eu raison, politiquement et sanitairement, mais juridiquement tort », ajoutant que cette décision « pose problème car elle indique que l'arrêté aurait pu être légal à la condition que le maire fasse la démonstration de circonstances locales très particulières, et à la condition que cette décision ne remette pas en cohérence l'efficacité des mesures de l'État . Quelle est cette idée de remettre en cause la cohérence des politiques de l'État ? (...). Ce n'est pas cela, la décentralisation . »

Vos rapporteurs souscrivent pleinement à cette analyse et regrettent que la compétence du maire en matière de « salubrité publique » soit, en pratique, résiduelle. Ils considèrent que les maires ne sauraient se muer en préfets sanitaires chargés de mettre en oeuvre la politique sanitaire téléguidée depuis Paris .

Une telle évolution a d'ailleurs été condamnée par Mme Véronique Besse, co-présidente de la commission santé de l'association des maires de France, lors de son audition par votre délégation le 11 mars 2021 : « La crise actuelle nous montre que les maires appliquent les décisions du gouvernement dans l'urgence, et dans une certaine cacophonie. Souvent, nous recevons des circulaires à 18 heures le vendredi pour une application dans les écoles le lundi matin. Je pense que nous sommes de bons soldats.

Personne ne se préoccupe pourtant de nos difficultés pour mettre ces mesures en oeuvre sur le terrain. »

2. La possibilité d'attribuer des aides en matière sanitaire

Comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi dit « 3DS », « la commune et les groupements de communes ont la possibilité d'attribuer des aides en matière sanitaire , par exemple pour l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires en offre de soins , pour financer des structures participant à la permanence des soins . » 14 ( * )

En d'autres termes, la loi laisse aux communes la possibilité d'attribuer des aides destinées à lutter contre les déserts médicaux.

Nous verrons plus loin comment cette compétence, qui existe aussi pour les départements et les régions, est exercée en pratique : création de maisons de santé pluri-professionnelles, de télécabines, d'actions d'éducation à la santé, de dispositifs de santé itinérante...

3. La création et la gestion des centres et maisons de santé

Dernière compétence reconnue à la commune en matière de santé : la création des centres et des maisons de santé.

Les centres de santé sont des structures sanitaires publiques chargées de pratiquer principalement des soins de premier recours 15 ( * ) . Ces centres emploient des médecins salariés et se distinguent ainsi des maisons de santé pluri-professionnelles (MSP), qui sont, elles, des structures privées au sein desquelles les médecins exercent une activité libérale.

Les centres de santé sont plus largement déployés en milieu urbain , tandis que les maisons de santé sont le plus souvent situées en milieu rural (à 80 %).

Si les MSP sont des structures privées, elles sont souvent fortement soutenues financièrement par les communes et leurs groupements (construction des locaux, prise en charge des moyens logistiques pour libérer du « temps médical »...).

Quant aux centres de santé , ils comprennent du personnel recruté et salarié par la commune ou l'EPCI (professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et personnels administratifs). Cette compétence est reconnue par l'article L. 6323-1-3 du CSP, et ce au titre de la clause de compétence générale 16 ( * ) . Cette dernière leur donne la capacité d'intervention sur toutes les « affaires de la commune », sans qu'il soit nécessaire que la loi procède à une énumération, dès lors que la loi n'a pas attribué la compétence à une autre collectivité. L'exercice de cette compétence, qui repose sur l'intérêt public local , suppose toutefois que la commune démontre la carence de l'initiative privée en matière de santé 17 ( * ) .

B. LE RÔLE DES DÉPARTEMENTS : DES COMPÉTENCES EN COURS DE CONSOLIDATION

1. L'échelon essentiel dans le domaine de l'action sociale et médico-sociale

Le département est un acteur de santé publique à part entière .

Il constitue d'abord l'échelon essentiel du dispositif relatif à l'action sociale et médico-sociale. Le département dispose en effet de la compétence en matière de protection maternelle et infantile (PMI) et contribue à la résolution des difficultés médico-sociales liées à la périnatalité et à la petite enfance. Il dispose de compétences en matière d'adoption, de protection de l'enfance ou de soutien aux familles en difficulté.

Les compétences des départements en matière de santé publique se retrouvent également dans la prévention et le dépistage de la tuberculose, des MST ou du cancer .

Par ailleurs, le département exerce sa compétence dans le domaine du handicap (hébergement, insertion sociale et aides financières aux personnes handicapées, gestion des maisons départementales des personnes handicapées), ainsi que dans celui de la dépendance , par la création et la gestion de maisons de retraites notamment, ainsi qu'à travers la politique de maintien des personnes âgées à domicile (allocation personnalisée d'autonomie).

Enfin, se pose la question du transfert de la médecine scolaire aux départements . Vos rapporteurs se réjouissent, à cet égard, que notre assemblée ait adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi dit « 4D », un amendement demandant au Gouvernement de déposer un rapport sur le bureau des deux assemblées parlementaires retraçant les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements,  son coût, les modalités de recrutement et de gestion des personnels envisagées. Le rapport devra également préciser les améliorations attendues sur le fonctionnement des différentes actions menées dans le cadre de la médecine scolaire.

2. La création et la gestion des centres de santé : une base juridique à consolider

L'article précité L. 6323-1-3 du CSP ne prévoit pas explicitement la possibilité pour le département de créer des centres de santé .

Or, le département a perdu la clause de compétence générale par l'effet de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

C'est pourquoi l'article 34 du projet de loi dit « 3DS » clarifie le fait que les départements peuvent créer de telles structures sanitaires .

D'après l'étude d'impact jointe au projet de loi, cette évolution se justifie par la volonté de certains départements « de contribuer à remédier à la désertification médicale , en articulation avec les compétences déjà développées par le département sur son territoire, notamment via le service public de protection maternelle et infantile ». Cette même étude d'impact précise que « cette mesure vise à consolider la situation juridique des centres de santé qui ont déjà été ouverts à l'initiative des départements et, par voie de conséquence, pérenniser leur existence. Le corollaire est de permettre aux communes, aux EPCI et aux départements qui créent ces centres de santé de recruter les personnels qui y travailleront. »

3. La possibilité d'attribuer des aides aux professionnels de santé

Comme la commune, le département dispose de la possibilité d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans certaines zones.

C. LE RÔLE DES RÉGIONS : DES COMPÉTENCES RÉSIDUELLES

D'après le professeur Olivier Renaudie : « les régions constituent une ambiguïté dans l'ambiguïté . Alors même que l'échelon régional a été promu comme le cadre principal de l'action sanitaire de l'État avec les ARS, le conseil régional dispose de compétences relativement modestes en la matière » .

Ces compétences s'articulent autour de deux pôles :

- la prévention sanitaire : le conseil régional peut définir des objectifs particuliers en matière de santé, élaborer des programmes de prévention et d'information de certaines maladies ;

- la formation des professionnels de santé : le conseil régional est en charge du fonctionnement et de l'équipement d'un certain nombre d'écoles et d'instituts, dont ceux qui forment les sages-femmes ou les préparateurs en pharmacie hospitalière.

Par ailleurs, la région dispose, au même titre que la commune et le département, de la possibilité d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans certaines zones sous-denses. Elle subventionne ainsi des maisons de santé et participent financièrement à la construction des locaux. De la même façon, la région peut soutenir financièrement des actions de promotion de la santé, notamment lorsqu'il s'agit d'agir sur les déterminants environnementaux : elle intervient alors au titre de sa compétence relative à l'aménagement du territoire et à l'environnement. En outre, la région instruit, par délégation de la commission européenne, les dossiers éligibles au FEDER , lequel peut être affecté au financement de projets locaux de constructions.

Enfin, la région qui est l'interlocuteur naturel de l'ARS, est associée au stade de la mise en oeuvre du projet régional de santé (cf. infra) en qualité essentiellement de partenaire financier. C'est pourquoi vos rapporteurs insistent sur la nécessité pour la région, d'une part, de développer des synergies fructueuses avec les départements d'autre part, de jouer un rôle coordonnateur des différents projets départementaux.

D. UN ACTEUR CLÉ POUR TOUTES LES COLLECTIVITÉS : L'ARS

Il résulte de ce qui précède qu'en matière d'accès aux soins les moyens juridiques d'action des collectivités s'avèrent limités . Ils le sont aussi en matière d'expertise et de capacité de financement .

C'est pourquoi la plupart des initiatives des collectivités sont menées en étroite concertation avec les agences régionales de santé (ARS) , chargées de piloter et réguler l'offre de soins dans les régions.

Les ARS se sont vus assigner un objectif spécifique de réduction des inégalités territoriales en matière de santé. En effet, elles élaborent les projets régionaux de santé (PRS) qui visent, en particulier, à la lutte contre les déserts médicaux (art L. 1434-2 CSP).

Document de planification stratégique, le PRS est décliné par des contrats locaux de santé (CLS). Ces derniers sont définis, sur le site des ARS, comme des outils « portés conjointement par l'agence régionale de santé et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé. Il est l'expression des dynamiques locales partagées entre acteurs et partenaires sur le terrain pour mettre en oeuvre des actions, au plus près des populations. » 18 ( * )

Les signataires du CLS sont non seulement les collectivités territoriales et les ARS mais aussi les services déconcentrés, les acteurs de santé et les associations. Beaucoup de personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné le rôle essentiel joué par les CLS en tant qu'espaces de dialogue . Lors de son audition, les représentants du ministère de la santé ont indiqué que les CLS couvraient 53 % du territoire.

Par ailleurs, l'ARS peut apporter aux élus son expertise et sa capacité financière à la réalisation des projets visant à faciliter l'accès aux soins dans les territoires .

III. LES BONNES PRATIQUES LOCALES

Comme indiqué précédemment, l'État n'a pas su jouer pleinement son rôle en matière d'accès aux soins, de sorte que se sont malheureusement développés des déserts médicaux dans des pans entiers de notre pays.

Certains élus ont été contraints de prendre des mesures « choc » pour interpeller les autorités. Ainsi, M. Christophe Dietrich, maire de Laigneville (Oise) a indiqué, lors de son audition, avoir « pris un arrêté pour interdire les décès à domicile le jour où il n'a pas été possible de trouver un médecin pour constater un décès. J'ai dû menacer de sortir le cadavre sur le pas de la porte de son domicile pour obtenir l'arrivée d'un SMUR, après que toutes les autorités - sous-préfecture, ARS ou SAMU - se sont défaussées. Mon but était de prendre un arrêté municipal stupide pour démontrer la stupidité de la situation » 19 ( * ) .

Au-delà de ces arrêtés symboliques, qui traduisent l'inquiétude, voire la colère des élus locaux, ces derniers cherchent, de longue date, à se mobiliser face aux difficultés de l'État, en dépit de la modestie des moyens juridiques, techniques et financiers dont ils disposent. En effet, les élus de terrain sont régulièrement interpellés par les habitants sur ce sujet, comme l'a souligné M. Frédéric Chéreau, co-président de la commission Santé de l'association des maires de France, entendu par votre délégation le 11 mars 2021 : « Quand bien même nous ne souhaiterions pas nous intéresser à la santé, cette question nous revient en permanence . La santé constitue le troisième sujet pour lequel nous sommes sollicités , après le logement et l'emploi ».

Dans le même sens, M. John Billard , maire de Le Favril (Eure), a indiqué devant votre délégation : « Comment se fait-il que les communes doivent prendre en charge ce qui doit l'être par l'État ? Nous ne devrions peut-être pas prendre d'initiatives de la sorte, mais un maire a une relation directe avec sa population qui le relance constamment pour agir » 20 ( * ) .

L'actualité la plus récente illustre les préoccupations croissantes des élus locaux. Ainsi, le 29 septembre 2021, l'association des maires ruraux, associée à des acteurs de la santé et à des citoyens, a lancé un cri d'alerte sur la dégradation de la démographie médicale en France, cette dégradation était qualifiée, à juste titre, de « bombe à retardement ».

Dans l'attente de solutions pérennes et structurelles , qui ne peuvent être menées qu'à l'échelle de l'État , les élus locaux, ces « inventeurs de solutions », ont mené diverses initiatives pragmatiques pour garantir l'accès aux soins jusqu'au dernier kilomètre et réduire ainsi, autant que faire se peut, les fractures territoriales dont souffrent les habitants de leurs territoires.

À cet égard, il est utile de rappeler que l'article L1110-1 du CSP énonce que : « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ».

Vos rapporteurs ont souhaité, sans prétendre à l'exhaustivité, identifier certaines bonnes pratiques locales, comme la délégation le fait régulièrement sur les sujets les plus variés 21 ( * ) .

Cette démarche vise, d'une part, à rendre hommage aux élus qui portent ces actions innovantes, d'autre part, à les faire connaitre au plus grand nombre, dans une perspective de partage d'expériences . Certaines initiatives paraissent en effet transposables à d'autres territoires placés dans des situations comparables. Vos rapporteurs insistent sur le fait qu'il n'existe pas une « solution miracle » mais un éventail de possibilités qui dépendent des besoins des populations, appréciés in concreto. Vos rapporteurs encouragent donc la différenciation territoriale , conjuguée à une logique d'expérimentation pragmatique .

A. LES CENTRES DE SANTÉ

1. Le rôle des communes et leurs groupements

Historiquement ce sont les communes et leurs groupements qui, face à la carence de l'État et dans le prolongement des oeuvres locales souvent portées par l'Église, ont créé des centres de santé afin de remédier aux déserts médicaux et de limiter l'isolement des professionnels de santé par le développement de leur « exercice coordonné ».

Les auditions ont permis d'identifier plusieurs initiatives exemplaires. S'il n'est pas possible de toutes les citer 22 ( * ) , on peut saluer, à titre d'exemples,

- la création dans la commune du Sourn (Morbihan), en septembre 2015, du premier centre médical communal de Bretagne : dans cette commune de quelque 2 000 habitants, la mairie prend en charge la comptabilité et le matériel ainsi que le salaire des quatre médecins. Lors de son audition, le maire Jean-Jacques Videlo a expliqué que ce choix, très engageant financièrement, avait permis aux médecins salariés de se concentrer sur leur coeur de métier ;

- la création, en 2020, dans la communauté de communes d'Adour Madiran (Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques), d'un centre de santé comportant quatre médecins. Là encore, le choix a été fait de gérer directement les locaux et de salarier, outre les médecins, aussi le personnel en charge des fonctions supports ;

- la création dans la communauté de communes « Mayenne communautés », en 2019, d'un pôle de santé pluriprofessionnel prenant en charge les fonctions supports. Toutefois, cet EPCI peine à recruter les praticiens.

Si cette pratique est développée par un nombre croissant de communes et d'intercommunalités, elle est limitée par une demande de médecins pour le salariat inférieure à l'offre des centres de santé. Ainsi, la ville de Bernay (Eure) a dû fermer son centre municipal de santé ouvert en 2013 par manque de professionnels .

Pour réaliser leurs projets, les communes peuvent bénéficier de l'aide de deux structures : la fédération nationale des centres de santé  et la Fabrique des centres de santé.

La Fabrique des centres de santé et la fédération nationale des centres de santé : des structures d'aides à la décision pour les collectivités

La fédération nationale des centres de santé , l'une des principales organisations représentatives des organismes gestionnaires des centres de santé, a notamment pour mission d'accompagner les collectivités territoriales porteuses de projets de création de centres de santé. La fédération propose notamment des guides sur les politiques salariales, les remplacements..., diffuse des témoignages et transmet l'information afin que les porteurs puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause. Face à une sollicitation croissante dans ce domaine de l'accompagnement à la création, la fédération nationale des centres de santé, l'union syndicale des médecins de centres de santé et le syndicat national des chirurgiens-dentistes de centres de santé ont lancé la Fabrique des centres de santé .

La première phase d'accompagnement de la Fabrique consiste en une aide à la décision . Il s'agit pour les collectivités territoriales d'appréhender la faisabilité de leur projet : la Fabrique les guide pour l'analyse de la situation et leur présente un modèle économique viable.

Dans une seconde phase se met en place une aide à la maîtrise d'ouvrage , souvent par le biais d'intervenants issus eux aussi du monde des centres de santé. Les promoteurs sont accompagnés :

- sur le diagnostic ;

- sur les volets juridiques, règlementaires et conventionnels ;

- sur le modèle économique et le montage financier du projet ;

- sur l'organisation du centre et la mise en oeuvre opérationnelle de la structure.

2. Le rôle des départements : l'exemple du conseil département de Saône-et-Loire

Si les communes et leurs groupements ont été historiquement les premières à créer des centres de santé dans les zones déficitaires, certains départements prennent, depuis quelques années, d' opportunes initiatives en la matière.

Tel est le cas du département de Saône-et-Loire , souvent cité en exemple dans la mesure où son président André Accary a créé, en septembre 2017, le premier centre de santé départemental en France.

Cette création est née d'un constat alarmant dressé en 2016 : le département ne comptait alors que 110 médecins généralistes pour 100 000 habitants, soit 635 libéraux ou salariés et un nombre prévisible de départs à la retraite pour 35 % d'entre eux. Lors de son audition, M. Accary a expliqué ses deux principales motivations :

- d'une part, « refuser la fatalité du déclin des soins de proximité » en dépit du fait que le département n'a pas de compétence en matière de santé et a perdu en 2015 sa clause de compétence générale ;

- d'autre part, ne pas générer de concurrence entre collectivités locales. En effet, M. Accary a fait valoir, au soutien de son projet, qu'agir à l'échelon communal ou intercommunal pouvait conduire à un risque de compétitions interterritoriales , tandis que le département peut se poser en garant d'une certaine équité territoriale . Nous reviendrons d'ailleurs sur ce point essentiel dans les recommandations du rapport.

Pour mettre en oeuvre son projet, le département :

- a bénéficié de co-financements des communes et intercommunalités, de l'ARS et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ;

- s'est appuyé sur l'expertise de la fédération nationale des centres de santé (voir encadré ci-dessus) ;

- a proposé des conditions d'exercice attractives pour les médecins à la fois en prenant en charge les fonctions support 23 ( * ) et en leur versant une rémunération adossée à la grille des praticiens hospitaliers avec un temps de travail de 35 heures annualisées. Ce mode d'exercice de la médecine correspond, a précisé M. Accary, aux attentes de certains jeunes médecins , désireux de rechercher un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, d'autant que le département propose différentes possibilités d'exercice : temps plein, temps partiel, remplacements et vacations.

Cette initiative du département a permis, entre 2017 et 2019, de recruter 55 médecins généralistes salariés et d'ouvrir 24 lieux de consultations (5 centres et 19 antennes). 75 % des habitants de Saône-et-Loire disposent désormais d'un lieu de consultation à moins de 15 minutes de chez eux et 15 000 personnes ont pu déclarer un médecin traitant. En outre, 10 étudiants en médecine sont accueillis chaque semestre. Les centres de santé départementaux de Saône-et-Loire font aujourd'hui partie des acteurs importants de l'offre de soins de premier recours. Ce concept a d'ailleurs inspiré d'autres projets dans les départements de l'Orne et de la Corrèze par exemple, ainsi que dans la région Centre Val de Loire. De même, le département de l'Ain a créé en 2020 un centre de santé départemental en 2020 : 4 médecins y sont en cours de recrutement.

Le maillage territorial dans le département de Saône-et-Loire

(Source : conseil département de Saône-et-Loire)

Lors de son audition, M. Accary a mis en avant la nécessité de poursuivre les efforts dans la lutte contre la désertification médicale, afin de répondre aux attentes dans toute la diversité de l'offre de soins. Le département compte notamment s'impliquer dans le recrutement de médecins spécialistes, ainsi que développer le recours à la télémédecine.

B. LES MAISONS DE SANTÉ PLURI-PROFESSIONNELLES (MSP)

Les solutions pour lutter contre les déserts médicaux peuvent également passer par la création de maisons de santé pluri-professionnelles (MSP). Nombreux sont les élus qui mettent en place de telles structures, créées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 24 ( * ) afin de développer des activités de soins sans hébergement au plus près des territoires.

Comme pour les centres de santé, l'installation des MSP dans les territoires doit s'inscrire dans le cadre des orientations du projet régional de santé élaboré par l'ARS territorialement compétente.

Le soutien massif des collectivités territoriales a permis l'essor significatif de ces structures , situées à 80 % en zones rurales.

Lors des auditions, vos rapporteurs ont été sensibilisés à la complexité du montage de ces projets, de sorte que leur concrétisation peut prendre de trois à cinq ans . Nombre de personnalités entendues par vos rapporteurs ont insisté sur la nécessaire conjonction, pendant ce temps long de maturation, de trois facteurs de réussite :

- en premier lieu, une bonne collaboration avec les élus locaux partenaires , pour s'accorder sur le montant des loyers, la configuration des locaux, l'ingénierie de projet...

- en deuxième lieu, une coopération étroite avec l'ARS ;

- enfin, le rôle d'impulsion d'au moins un professionnel de santé, en général un médecin, et son engagement tout au long du processus.

Cette synergie est essentielle pour garantir le succès de l'opération comme l'a justement rappelé Mme Françoise Gatel, présidente de notre délégation, le 4 mars 2021 : « Nous connaissons tous sur notre territoire des élus extrêmement engagés, qui ont parfois construit des maisons de santé dont les murs, les ordinateurs et les canapés existent, mais qui n'accueillent ni patients ni médecins . Ces projets, lancés avec beaucoup de sérieux, n'étaient pas partenariaux ou de territoire . ». Le fonctionnement « en silos » est donc à proscrire.

Dans le même sens, M. Frédéric Valletoux président de la fédération hospitalière de France et maire de Fontainebleau, a souligné la nécessité de bâtir un projet médical approfondi avant de s'engager dans des travaux de construction des lieux : « dès lors qu'il y a un projet médical et que des médecins sont prêts à s'engager, il est possible de construire des murs. Il ne sert à rien de les bâtir en espérant attirer des professionnels ».

S'il n'est pas possible de citer toutes les initiatives locales en matière de MSP, les auditions ont permis de mettre en exergue quelques pratiques exemplaires. Citons, en particulier, la MSP à Fontainebleau : lors de son audition, M. Frédéric Valletoux a expliqué avoir créé dans sa commune de Fontainebleau une MSP dotée du label universitaire . Il en a présenté le grand intérêt pour les élus locaux : « Nous travaillons avec l'université Paris-Créteil et la faculté de médecine. J'encourage tout le monde à contacter les doyens d'universités pour leur vendre ce modèle. Labelliser ces maisons de santé permet à des médecins s'y installant d'avoir le statut de maître de stage. L'université s'engage à les nourrir d'internes en médecine générale, de manière à ajouter une dimension de parrainage et d'apprentissage à un projet de maison de santé simple. D'autres projets de ce genre ont été mis en place à Coulommiers ou vers Tours. S'ils ne résolvent pas tous nos maux, ils permettent d'entrer dans une autre dimension pour accueillir des jeunes médecins y trouvant eux aussi un intérêt ».

Cette pratique mérite d'être saluée. D'une manière générale, vos rapporteurs encouragent le resserrement des liens entre les collectivités territoriales et les universités de médecine, de manière à proposer aux internes des stages dans les territoires sous-denses, étant précisé qu'il appartient aux élus de réfléchir à la question du logement desdits internes. Il pourrait également être intéressant de réfléchir à la création d'antennes universitaires dans chaque département. Selon plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs, ces mesures pourraient favoriser leur installation ultérieure.

C. LA TÉLÉMÉDECINE

Vos rapporteurs se sont également intéressés, lors des auditions, à la télémédecine . En effet, beaucoup de personnes entendues ont fait valoir que les habitants de zones médicalement sinistrées sont en détresse depuis des années et n'ont aucun espoir de voir la couverture médicale s'améliorer à court comme à moyen terme par le recours aux solutions « conventionnelles » évoquées dans le présent rapport. En conséquence, de nombreux experts sont convaincus que la seule réponse opérationnelle possible à cette carence de l'accès aux soins pour tous est la télémédecine, en ce sens qu'elle permet de mettre en contact des patients des zones sous-dotées avec des médecins des zones sur-dotées.

Deux modalités sont possibles : la télécabine ou le cabinet de télémédecine.

L'Assurance maladie définit les télécabines comme des « lieux dédiés équipés » pour la téléconsultation. Ce sont des endroits clos, équipés d'un siège où le patient peut s'installer et équiper d'un écran afin que patient et médecin puissent se voir et s'entendre. Des instruments de mesures connectés sont présents dans la cabine : thermomètre, balance, tensiomètre, stéthoscope... Une imprimante est aussi installée pour l'impression des ordonnances.

Le cabinet de télémédecine désigne, lui, un cabinet médical « classique », répondant aux normes de sécurité et d'accessibilité, mais doté d'instruments de mesures connectés. Le patient est généralement accueilli par un infirmier alors que la cabine est, elle, autonome 25 ( * ) . Notre ancien collègue Yves Daudigny avait parfaitement perçu, dès 2017, l'intérêt de ce dispositif : « J'ai été bluffé par la présentation qui nous a été faite de la télémédecine dans le Loiret. Le dispositif permet un examen médical de qualité par la présence d'un infirmier mais aussi par les matériels de mesure utilisés. Le médecin dispose ainsi d'éléments d'appréciation très précis » 26 ( * ) .

Que la télémédecine s'exerce dans le cadre d'une télécabine ou d'un cabinet, les tarifs de remboursement sont les mêmes que pour une consultation en présentiel 27 ( * ) .

À n'en pas douter, la crise sanitaire devrait jouer un rôle d'accélérateur du déploiement des télécabines ou des cabinets de télémédecine. En effet, en 2020, le nombre de consultations médicales virtuelles a été multiplié par trois. La crise du Covid a donc fortement participé à la démocratisation de la téléconsultation, à la fois du côté des médecins mais également des patients 28 ( * ) .

Vos rapporteurs saluent deux initiatives locales qui leur ont été présentées lors des auditions, puis devant l'ensemble de la délégation 29 ( * ) .

En premier lieu, M. John Billard, maire de Le Favril (Eure-et-Loir) et secrétaire général de l'association des maires ruraux de France (AMRF) 30 ( * ) , a été le premier maire à implanter une cabine de téléconsultation en octobre 2019 pour un bassin de vie d'environ 5000 personnes autour de la commune. Lors de son audition, M. Billard a insisté sur le fait qu'une consultation en télécabine est « un véritable examen médical qui dure obligatoirement 20 minutes, à l'issue duquel un diagnostic complet est établi ». Il a indiqué que « 96 % des personnes sont satisfaites et sont prêtes à recommander l'expérience de télémédecine », ajoutant que 36 % des patients ont plus de 60 ans, « preuve de l'absence de barrière générationnelle ». Notons également que 130 téléconsultations ont été réalisées depuis 2019, avec des pics de fréquentation lors de l'absence et des vacances des médecins libéraux du secteur.

En second lieu, M. Christophe Dietrich, maire de Laigneville (Oise), commune d'environ 5000 habitants, a indiqué avoir mis en place un cabinet de télémédecine en juin 2018. Ce dernier, a-t-il précisé, a enregistré une centaine de consultations dès le premier mois et le fichier de télémédecine de Laigneville compte 2 000 patients réguliers. M. Dietrich a enfin fait valoir que « la télémédecine est mûre aujourd'hui  et répond aux besoins des habitants aussi bien qu'un médecin traitant » et qu'elle avait même permis de « sauver des vies », citant le cas « d'un marathonien qui s'est vu ordonner une échographie des carotides, laquelle a détecté un accident vasculaire en cours ».

Vos rapporteurs soulignent qu'il est intéressant de tirer profit de la télésanté pour améliorer le maillage sanitaire de notre territoire . Ils relèvent toutefois :

- qu'il est nécessaire de réfléchir au bon échelon local dans le cadre duquel ces projets complexes et coûteux doivent être conduits. Ce sujet rejoint une préoccupation générale que vos rapporteurs exposeront dans la partie « recommandations » du présent rapport ;

- que ces projets nécessitent naturellement que les zones sous-denses disposent d'une connexion Internet haut débit ;

- que les centres de téléconsultation doivent respecter le parcours coordonné de soins ; en conséquence, ces dispositifs doivent être pleinement intégrés au sein de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ;

- que la télémédecine doit constituer une solution de « dernier recours », lorsqu' aucune solution alternative ne paraît envisageable .

D. D'AUTRES INITIATIVES INNOVANTES À SALUER

1. La médecine ambulante

La création des centres de santé s'accompagne parfois de solutions visant à développer la médecine ambulante. En effet, de nombreux élus développent cette modalité particulière d'exercice de la médecine afin de rapprocher l'offre de soins des patients situés en zones sous-denses. Les dispositifs de santé itinérante fonctionnent souvent avec l'aide précieuse de praticiens retraités .

Vos rapporteurs saluent en particulier trois initiatives locales qui leur ont été présentées lors des auditions, même s'il est encore prématuré d'en évaluer toute la pertinence :

- le dispositif « Médicobus » : la région Normandie, en coopération avec la préfecture, l'ARS et les acteurs de la santé du département de l'Orne, a décidé, en octobre 2020, de mettre en place un cabinet de consultation itinérant dans l'est de l'Orne afin d'aller à la rencontre de personnes isolées ;

- le « bus départemental de santé bucco-dentaire de Seine-Saint-Denis » : ce dispositif s'adresse en priorité aux enfants âgés de 4 à 8 ans. Ce cabinet dentaire roulant est totalement aménagé et conçu pour accueillir du public . Tout comme un cabinet dentaire, il est composé d'une salle d'attente ainsi que d'une salle de soins. Il a fait son premier arrêt dans une école de La Courneuve en mars 2020 ;

- le dispositif « Bus santé femmes ». Inauguré le 26 novembre 2019 par les conseils départementaux des Yvelines et des Hauts-de-Seine, en partenariat avec la région Ile-de-France et la RATP, ce bus permet de rompre l'isolement social des femmes.

Ces initiatives obéissent au régime juridique de la médecine foraine qui a été opportunément allégé en 2012 31 ( * ) .

2. Favoriser l'installation des médecins

Certaines collectivités ont fait le choix, plutôt que de financer des structures de soins fixes ou itinérantes, de mener des actions proactives afin de favoriser l'installation des médecins .

Deux départements engagent des actions significatives en la matière.

En premier lieu, le conseil départemental de l' Aveyron a structuré sa politique autour de trois axes :

• aide personnalisée apportée au médecin et à sa famille afin de favoriser sa bonne installation dans le département. Cette aide passe ainsi par des actions permettant au conjoint du médecin de trouver du travail localement ;

• recrutement de maîtres de stage susceptibles d'accueillir les internes et de les former ;

• opérations de communication sur la qualité de vie offerte dans le département (nature, aménités, sécurité...) et opérations d'attractivité à destination des internes (aide à l'hébergement, week-end découverte du territoire, coaching sportif...).

En second lieu, le conseil départemental des Deux-Sèvres a adopté, le 25 janvier 2021, un « plan Santé 79 » triennal, considérant que la densité de médecins généralistes et spécialistes libéraux est nettement inférieure, dans ce département, à la moyenne régionale et nationale. L'un des axes de ce plan santé est le développement de « l'attractivité territoriale », laquelle implique de :

• valoriser un capital « Qualité de vie » (dynamiser la recherche d'emploi du conjoint, aider à la gestion de la vie personnelle...) ;

• favoriser l'installation (accueillir les internes, pérenniser la carrière...) ;

• engager des actions de promotion du territoire auprès des médecins.

3. L'éducation à la santé des plus jeunes

Les initiatives réussies des collectivités territoriales en matière d'accès aux soins peuvent également porter sur des actions préventives comme l'ont montré certaines auditions. En particulier, l'éducation à l'hygiène bucco-dentaire, 3 ème priorité de santé publique définie par l'OMS, constitue un véritable enjeu de santé publique.

Plusieurs initiatives locales méritent d'être saluées dans ce domaine :

- le programme « J'agis pour ma santé », lancé par la métropole de Montpellier en 2017. Il vise à améliorer l'éducation nutritionnelle, l'hygiène bucco-dentaire et l'activité physique enfants des écoles des quartiers du contrat de ville. Ce dispositif partenarial 32 ( * ) touche un public élargi ;

- le programme de prévention bucco-dentaire en crèches et écoles primaires lancé par la ville de Bordeaux en 2010 : conduit dans le cadre du contrat local de sécurité depuis 2010, ce dispositif partenarial 33 ( * ) vise à améliorer l'état de santé bucco-dentaire des enfants, notamment ceux scolarisés en réseau d'éducation prioritaire. Il concerne aujourd'hui une dizaine de crèches, 28 écoles maternelles et une vingtaine d'écoles élémentaires.

4. Les mutuelles communales

Une des pistes évoquées lors des auditions pour favoriser l'accès aux soins concerne également la mise en place des mutuelles communales .

Ainsi, la Ville de Menton a proposé à ses administrés une mutuelle communale à la fois responsable et solidaire, à des tarifs préférentiels .

Cette mutuelle , qui n'est autre qu'un contrat de complémentaire santé, ne prévoit aucune condition : tout résident de la commune, quel que soient son âge, ses ressources ou son état de santé, peut donc en bénéficier.

Sa mise en place, qui correspond à une simple logique d'achat groupé, permet ainsi de proposer aux mentonnais une assurance complémentaire santé à des tarifs négociés.

Cette initiative mérite d'être saluée même si elle concerne davantage les inégalités sociales que territoriales d'accès aux soins.

IV. LES 12 RECOMMANDATIONS

Vos rapporteurs formulent 12 recommandations de nature à lutter contre les déserts médicaux : 7 sont destinées aux élus locaux, 5 à l'État.

A. LES 7 RECOMMANDATIONS À DESTINATION DES ÉLUS LOCAUX

1. Bâtir des projets de santé « partenariaux »

Les auditions ont mise en avant la nécessité d'une étroite concertation entre les élus locaux et les professionnels de santé (syndicats de médecins, conseil départemental de l'ordre...), et ce le plus en amont possible. C'est en effet une condition de la réussite des projets de santé.

2. Renforcer les liens entre les collectivités territoriales et les universités

Il apparait également nécessaire de renforcer les liens entre les collectivités territoriales et les universités. L'exemple de Fontainebleau souligne l'intérêt du label universitaire dans les maisons de santé. Il serait également pertinent de réfléchir à la création d'antennes universitaires dans chaque département.

3. Favoriser l'installation des médecins par des dispositifs incitatifs

Comme indiqué précédemment, de nombreuses collectivités ont mis en place des mécanismes incitatifs visant à favoriser l'installation des médecins. Ces dispositifs vont de l'allocation de bourses au salariat des médecins, l'exemple le plus caractéristique étant, sur ce dernier point, le département de Saône-et-Loire.

4. Attirer les médecins par une aide personnalisée

Les auditions ont également montré l'intérêt des aides personnalisées apportées aux médecins ainsi qu'à leur famille afin de favoriser leur installation dans les territoires. Il peut s'agir d'aides au logement ou d'actions permettant au conjoint du médecin de trouver du travail localement.

5. Généraliser les instances locales de dialogue et de concertation dans le domaine de la santé

Vos rapporteurs souhaitent également le développement des instances locales de dialogue et de concertation dans le domaine de la santé. Il appartient donc aux élus, d'une part, de généraliser les contrats locaux de santé (CLS) sur l'ensemble du territoire, d'autre part, de favoriser la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Évolution du nombre de CPTS

Source : ministère de la Santé 34 ( * )

6. Rechercher l'échelon pertinent pour la mise en oeuvre des projets de santé

Les auditions ont permis, on l'a dit, de mettre en lumière de nombreuses pratiques locales exemplaires et d'illustrer leur grande diversité .

Lors des auditions, vos rapporteurs se sont longuement interrogés sur l'échelon le plus pertinent pour la mise en oeuvre des projets visant à remédier aux déserts médicaux .

Ils rappellent, à cet égard, qu'en application du principe de subsidiarité inscrit à l'article 72 de la Constitution depuis 2003 35 ( * ) , « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent être mises en oeuvre à leur échelon » .

Le principe de subsidiarité implique ainsi d'organiser les politiques publiques à l'échelon le plus proche des citoyens , au plus près des territoires. Ainsi, la commune doit, en principe , être préférée à l'intercommunalité et au département sauf s'il est établi que l'action de ces derniers est plus efficace.

En matière sanitaire, deux critères doivent être pris en compte pour apprécier le niveau pertinent d'intervention : la soutenabilité financière et la technicité requise.

• Soutenabilité financière

En deuxième lieu, vos rapporteurs invitent les acteurs politiques locaux à bien mesurer l'impact financier du projet médical avant de s'engager. Quelques auditions ont en effet montré que certaines initiatives pouvaient peser dans les budgets d'investissement et de fonctionnement de petites communes, alors même que ces projets bénéficient aux territoires voisins , dans le cadre de ce que les économistes appellent des « externalités positives ». À titre d'exemple, les auditions ont souligné que les centres de santé sont très souvent déficitaires car le produit des consultations perçues par la collectivité ainsi que les diverses subventions compensent rarement le coût du projet, même après l'investissement initial. Les élus doivent donc raisonner en termes de « taille critique » et de soutenabilité financière, même si vos rapporteurs sont naturellement conscients que la priorité des élus locaux n'est pas la recherche de la rentabilité financière. Citons, à cet égard, les propos de M. Christophe Dietrich, maire de Laigneville (Oise), commune d'environ 5 000 habitants : « Le cabinet de télémédecine coûte 100 000 euros par an à la commune, mais c'est un choix politique et je l'assume ». Vos rapporteurs recommandent donc aux élus de petites communes, non pas de renoncer à leurs projets, mais de bien en mesurer les risques avant de s'engager.

• Expertise requise

Enfin, le principe de subsidiarité doit, en matière de santé, s'apprécier à l'aune d'un troisième critère essentiel : le niveau expertise dont est doté l'échelon local porteur du projet. Vos rapporteurs appellent à une certaine vigilance sur ce point dans la mesure où les auditions ont révélé la complexité technique et juridique du montage de certains projets de santé. En particulier, vos rapporteurs soulignent que la création d'un centre de santé expose les collectivités ou leurs groupements à une mise en jeu de leur responsabilité juridique en qualité d'employeur et sur l'organisation des soins.

7. Mettre en oeuvre des projets de télémédecine uniquement en dernier recours

Vos rapporteurs estiment souhaitables de ne pas ériger la télémédecine comme « la » solution miracle aux déserts médicaux. En effet, certains redoutent à juste titre que le développement de la télémédecine se fasse au détriment de la venue de médecins sur leur territoire 36 ( * ) . Les projets de télémédecine ne doivent donc se développer qu'en ultime recours, lorsqu'aucune solution alternative ne paraît envisageable.

B. LES 5 RECOMMANDATIONS À DESTINATION DE L'ETAT

L'analyse des initiatives menées par les élus locaux conduisent vos rapporteurs à formuler cinq autres recommandations, de nature à renforcer leur efficacité et favoriser leur pleine expression. Ces recommandations s'adressent, elles, principalement à l'État.

1. Adopter une vision stratégique nationale en étroite association avec les élus locaux

En application de l'article 141-1 du code de la santé publique, la politique de santé, qui relève de la responsabilité de l'État, tend notamment à la réduction des inégalités territoriales dans l'accès aux soins.

Or, non seulement cet objectif s'est traduit par une territorialisation de l'action publique dans des conditions qui demeurent imparfaites ( cf infra ), mais la stratégie nationale n'a pas suffisamment associé les collectivités territoriales.

En octobre 2017, Édouard Philippe, alors Premier ministre et Agnès Buzin, alors ministre des solidarités et de la santé, ont présenté un ambitieux plan d'accès aux soins afin de remédier aux déserts médicaux. Notre collègue Elisabeth Doineau a été associée à la mise en oeuvre de ce plan. Elle a en effet été chargée de faire remonter les expériences réussies de chaque territoire, mais aussi d'identifier les difficultés et les freins rencontrés sur le terrain, avec pour objectif d'être force de proposition auprès du Gouvernement pour l'adaptation éventuelle du plan et de ses principales mesures.

Le gouvernement a adopté en 2021 la stratégie « Ma Santé 2022 » afin de « donner un nouvel élan à cette dynamique » 37 ( * ) .

Vos rapporteurs saluent cette volonté mais souhaiteraient que la concertation soit plus approfondie avec les grandes associations d'élus locaux . Il importe que ces derniers participent à la mise en oeuvre et à l'évaluation régulière de cette stratégie nationale. En particulier, la doctrine d'emploi du fonds d'intervention régional (FIR) mériterait d'être travaillée en liaison avec les élus.

D'une manière générale, vos rapporteurs estiment souhaitable d'inscrire dans la loi que si la politique visant à garantir l'accès territorial aux soins relève bien de l'État, cette politique nationale ne peut être menée qu'en étroite concertation avec les élus locaux .

À cet égard, il est intéressant de rappeler que le préambule de la Constitution de 1946, composante du bloc de constitutionnalité, proclame que la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère, aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Comme l'a souligné le professeur Olivier Renaudie lors de son audition, il est donc loisible aux représentants de la Nation que sont les parlementaires d'inscrire dans le code de la santé publique l'implication des élus locaux dans la politique d'accès aux soins dans les territoires. En d'autres termes, le préambule de 1946, en faisant référence à la Nation et non à l'État, n'interdit en rien une plus grande association des élus locaux dans la conduite de la politique de santé publique.

2. Poser la question de la liberté d'installation des médecins

S'il n'appartient pas à notre délégation de se prononcer sur cette question qui relève au premier chef des commissions permanentes, vos rapporteurs relèvent les justes observations de la commission du développement durable dans son rapport précité : « Les tentatives d'ajustement de la répartition des professionnels de santé, en particulier des médecins, se heurtent à de fortes oppositions et le principe de liberté d'installation est insuffisamment mis en regard du principe d'égal accès aux soins et de la notion d'intérêt général. Le système social français solvabilise pourtant la patientèle médicale, au travers des dispositifs de prise en charge des dépenses de santé » ; vos rapporteurs soulignent donc l'importance de cette question, soulevée régulièrement lors des auditions. En conséquence, ils s'interrogent sur l'opportunité de renforcer les dispositifs d'incitation , voire d'adopter des mesures coercitives aménageant le principe de liberté d'installation.

3. Conduire une réflexion commune État-collectivités territoriales sur les risques de compétition entre les territoires

De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont pointé le risque de concurrences, voire de surenchères entre territoires , dans un contexte marqué par un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande de soins dans certains territoires. Comme l'a parfaitement expliqué, M. Frédéric Valletoux, lors de son audition, « la France a perdu 6 000 médecins généralistes ces dix dernières années, et en perdra 6 000 autres dans les années à venir. Nous pouvons donc créer autant de MSP que nous le souhaitons, la donnée démographique l'emportera toujours ». De même, notre ancien collègue Philippe Dallier a justement relevé lors de cette audition que « chaque commune essaie d'attirer les médecins dans son centre de santé ou sa maison de santé, sans succès. La solution ne peut selon moi s'envisager qu'à une autre échelle , évoluant en fonction du territoire.» 38 ( * ) . Quant à notre collègue Laurent Burgoa il a également pointé le risque d'une forte compétition entre les territoires : « nous voyons fleurir des projets de maisons de santé pluri-professionnelles dans tous les secteurs. Ils sont lancés, ou vont l'être. Personnellement, je crains que nous connaissions une guerre de ces MSP dans les années à venir, surtout au vu de la pénurie professionnelle » 39 ( * ) .

Vos rapporteurs sont conscients de ces enjeux fondamentaux et estiment nécessaire de raisonner avant tout en bassins de vie. À titre d'exemple, l'échelon communal peut être adapté pour une commune de plus de 10.000 habitants qui souffrirait d'un déficit de médecins. C'est toutefois l'échelon intercommunal ou départemental qui parait le plus adapté à la mise en oeuvre coordonnée des actions dans le domaine de la santé. Rappelons, à cet égard, qu'une des raisons qui a présidé à la décision, par le département de Saône-et-Loire, de salarier des médecins consiste, précisément, à éviter la concurrence entre collectivités locales, le département pouvant apparaître comme le garant d'une certaine équité territoriale compte tenu de la pénurie constatée de médecins. A l'inverse, la multiplication désordonnée d'« opérations séduction » visant à attirer des médecins peut conduire à des tensions concurrentielles entre les territoires et à accentuer ainsi la désertification.

Au regard des enjeux inhérents à ce sujet, vos rapporteurs recommandent la création d'une mission de réflexion, menée conjointement par le Ministère de la santé et les associations d'élus locaux, afin d'identifier les bonnes et moins bonnes pratiques en la matière.

4. Renforcer le rôle facilitateur de l'ARS à l'égard des élus locaux

Comme indiqué précédemment, la plupart des initiatives des collectivités sont menées en étroite concertation avec les ARS . Ces dernières se sont vu assigner un objectif spécifique de réduction des inégalités territoriales en matière de santé.

Vos rapporteurs ont systématiquement interrogé les élus locaux sur le rôle joué par l'ARS dans la réalisation de leur projet médical, quelle qu'en soit la nature. Il s'avère que la majorité d'entre eux ont pointé un défaut d'accompagnement et de conseil de ces agences.

S'agissant des maisons de santé publique, il a été relevé que l'appui à l'ingénierie de projet (appui à la rédaction du projet de santé, assistance technique, juridique et financière...) joue un rôle déterminant pour accompagner professionnels et élus. Or, certaines ARS n'exercent pas toujours cette mission d'expertise auprès des élus locaux.

Autre exemple : les dispositifs de télémédecine . Les maires John Billard et Christophe Dietrich, artisans de solutions novatrices, ont souligné, lors de leur audition, les contraintes imposées par l'ARS en la matière.

Ainsi M. John Billard a déclaré : « j'ai également souhaité que ce projet soit porté et accompagné par l'Agence régionale de santé (ARS) après une étude préalable de la Caisse des Dépôts sur l'état de la présence médicale dans mon département. Je souhaitais apporter une solution pour les communes très rurales, ce qui a provoqué des discussions et des négociations durant deux années avec l'ARS ».

Quant à M. Christophe Dietrich, il a expliqué avoir subi une forte opposition de la part de l'ARS : « J'ai souhaité lancer cette opération en partenariat avec l'ARS qui s'est montrée immédiatement très défavorable, estimant que ma commune n'était pas dans un désert médical, puisqu'elle bénéficiait, dans un rayon de 10 km, de deux hôpitaux et de leurs médecins, mais également de spécialistes médicaux. Les chiffres de l'ARS sont globaux et ne prennent pas en compte la particularité de la médecine de ville, laquelle est constituée chez nous par seulement trois médecins pour 24 000 habitants. J'ai abandonné mes démarches auprès de l'ARS, et j'ai poursuivi mes expérimentations. L'ARS est finalement revenue vers moi, plaidant l'incompréhension, et a proposé de travailler conjointement. Le résultat des trois réunions avec l'ARS a cependant été catastrophique ».

Vos rapporteurs estiment, en conséquence, indispensable de renforcer le rôle facilitateur de l'ARS à l'égard des élus locaux . Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la crise sanitaire a montré que les délégations départementales , censée rapprocher la gestion des ARS du terrain, ne jouent pas suffisamment le rôle de proximité escompté eu égard à leur périmètre d'intervention limité et à leur faible capacité d'expertise et d'accompagnement des élus. Ce sentiment est plus marqué dans les grandes régions , au sein desquelles l'échelon régional peut paraitre particulièrement lointain. Ce constat figure d'ailleurs dans le récent rapport de nos collègues Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, intitulé « Les collectivités territoriales : un intervenant de santé publique à part entière » 40 ( * ) .

Vos rapporteurs recommandent au ministère de la santé, ministère de tutelle des ARS, de prendre une circulaire demandant à ces dernières de faciliter les initiatives locales plutôt que de les entraver.

À cette fin, les ARS pourraient déléguer certaines attributions aux délégations départementales, soit se doter d'une direction opérationnelle dédiée aux relations avec les élus. Cette direction, directement rattachée au directeur général de l'ARS, serait notamment chargée d'accompagner les élus dans la mise en oeuvre des projets médicaux visant à résorber les déserts médicaux.

5. Mieux associer les collectivités territoriales à la politique de santé menée par l'ARS

La gestion de la crise sanitaire a illustré les limites de l'organisation centralisée actuelle et souligné la nécessité de mieux associer les élus locaux à sa mise en oeuvre .

Rappelons, à cet égard, qu'en février 2020, le président Gérard Larcher engageait le Sénat et tous ses groupes politiques dans une réflexion approfondie sur l'avenir de notre pays. L'objectif était résolument ambitieux : améliorer significativement l'action publique et, pour ce faire, donner un nouvel élan à la décentralisation .

Quelques semaines seulement plus tard, notre pays affrontait la crise sanitaire que chacun connaît. Cette épreuve a conforté une conviction partagée par tous les parlementaires de toutes les sensibilités politiques : notre pays ne peut se passer d'un échelon local solide et agile . Quand la France va mal, quand les difficultés de l'action publique s'amoncellent, quand la France est confinée, puis quand elle doit redémarrer, alors les regards se tournent vers les élus locaux , qui font preuve d'une efficacité, d'une réactivité et d'un à-propos que l'État, lourd, ankylosé par trop de rigidités, peine à imiter. 41 ( * )

La gestion de la crise sanitaire a donné lieu à un rapport d'enquête de notre assemblée, rendu public le 8 décembre 2020 42 ( * ) . Ce rapport souligne que « si la gestion d'une crise sanitaire d'une telle ampleur incombe avant tout à l'État, les collectivités territoriales, plus opérationnelles et au fait des réalités locales , n'ont pas été associées aux décisions à la hauteur de leur importance et de leur mobilisation. Pour la commission d'enquête, cette crise aura mis en évidence le besoin de mieux asseoir le rôle de ces acteurs, en particulier des régions, dans l'organisation territoriale de l'offre de soins ».

Vos rapporteurs souscrivent pleinement à cette analyse qui prend un relief particulier s'agissant des actions visant à enrayer la désertification médicale .

Si l'ARS n'accompagne pas suffisamment les élus locaux qui s'engagent dans ces politiques, c'est aussi parce que ceux-ci n'ont qu'un rôle résiduel dans l'action conduite par cette agence.

On l'a dit, la territorialisation de la santé est opérée non pas dans le cadre de la décentralisation, mais dans celui de la déconcentration . Si vos rapporteurs n'entendent pas remettre en cause cette évolution, il apparait que les élus locaux sont insuffisamment associés aux décisions prises par l'ARS.

A cet égard, il est intéressant de relever que dans leur contribution au Ségur de la santé (8 juillet 2020), les trois associations d'élus de Territoires Unis ont estimé qu' « au fil de année, notre système de soins s'est éloigné des réalités territoriales » et que les ARS « apparaissent comme des bras armés du ministère de la santé, éloignées des réalités locales et de la vie quotidienne de nos concitoyens ».

C'est pourquoi vos rapporteurs ont acquis la conviction, au cours des auditions, que les élus locaux ne participaient pas suffisamment à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de santé publique, en particulier dans la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins.

Trois mesures permettraient d'y remédier.

a) Renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil surveillance de l'ARS

En premier lieu, il conviendrait de renforcer le poids et les fonctions des élus locaux au sein du conseil de surveillance de l'ARS.

Les élus entendus dans le cadre de la préparation de ce rapport ont en effet souligné la nécessité d'être davantage associés à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de santé menée par l'ARS. Ainsi, les élus locaux qui s'engagent dans des politiques innovantes d'accès aux soins, et notamment dans la résorption des déserts médicaux, se voient insuffisamment accompagnés par les ARS, voire entravés dans leurs projets. Ceci s'explique par le rôle résiduel que les élus locaux ont actuellement à jouer dans l'action conduite par ces agences. En effet, à ce jour, sur un total de 32 ou 33 voix, selon la taille de la région, les élus locaux ne disposent que de 4 à 5 voix, face aux 12 voix des représentants de l'État et aux 9 voix de l'Assurance maladie.

Composition actuelle du conseil de surveillance de l'ARS

Représentants

Composition

Voix pondérées

État

Préfet de région (Président du conseil de surveillance)

Recteur de région académique

Directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

Préfet de département

Pour la région IdF : + préfet de police

4 x 3 = 12 voix

Collectivités territoriales

Conseiller régional ( et en Corse 2 conseillers à l'assemblée de Corse )

3 conseillers départementaux pour les régions de plus de 9 départements, 2 pour les autres ( et en Corse un conseiller exécutif )

Maire d'une commune ou président d'un groupement de communes

4 ou 5 voix

Assurance maladie

5 membres des conseils des organismes locaux d'assurance maladie relevant du régime général désignés par les syndicats de salariés

3 membres des conseils des organismes locaux d'assurance maladie relevant du régime général désignés par les organisations d'employeurs

Président de la caisse régionale de la MSA

9 voix

Associations de patients, de personnes âgées et de personnes handicapées

3 représentants

3 voix

Personnalités qualifiées

4 personnes

4 voix

TOTAL

32 ou 33 voix

Vos rapporteurs ont appelé l'attention de M. Alain Milon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales du Sénat, du projet de loi dit « 3DS », sur la double nécessité :

- de conférer une place particulière au président du Conseil régional au sein du conseil d'administration, actuellement présidé par le seul Préfet de région ;

- de rééquilibrer les différents collèges en faveur des collectivités territoriales .

La commission a ainsi prévu :

- d'une part, que le conseil d'administration serait coprésidé par le Préfet de région et le président du conseil régional ;

- d'autre part, d'autre part que les représentants de l'État ne pourraient pas disposer de plus de voix que ceux des collectivités territoriales (article 31 du projet de loi).

En séance le Gouvernement s'est opposé à ces deux mesures mais pour des raisons différentes.

S'agissant de la co-présidence de l'ARS, le Gouvernement l'a jugée inopportune, au motif qu'un désaccord entre deux présidents serait « susceptible de bloquer le fonctionnement de l'agence. En revanche, une présidence  par le préfet de région est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence de l'action de l'ensemble des services et opérateurs de l'État ».

En revanche, le Gouvernement ne parait pas opposé, sur le fond, à un renforcement du poids des élus locaux au sein du CA. Le Gouvernement a fait valoir que la composition détaillée du conseil d'administration « relevait du niveau réglementaire » et que le ministre de la santé serait « attentif à  la répartition équilibrée entre trois groupes d'acteurs : les administrations (État et assurance maladie), les élus et les usagers / personnalités qualifiées » 43 ( * ) .

Vos rapporteurs regrettent la position du Gouvernement sur la coprésidence Préfet de région / Président de région mais se réjouissent des engagements du Gouvernement s'agissant du rééquilibrage en faveur des élus locaux. Ils relèvent donc la volonté du pouvoir exécutif d'attribuer autant de voix aux représentants des collectivités territoriales qu'à celles cumulées des représentants de l'État et de l'assurance maladie , au sein du conseil d'administration des ARS. Vos rapporteurs veilleront à la bonne mise en oeuvre de ces dispositions.

b) Élargir les attributions du conseil de surveillance des ARS

En deuxième lieu, le renforcement du poids des élus locaux devrait s'accompagner d'un élargissement des attributions du conseil de surveillance des ARS . En effet, à l'heure actuelle, le projet régional de santé (PRS), document de planification stratégique et opposable juridiquement, est établi par l'ARS et fait l'objet d'un simple avis (consultatif) du conseil de surveillance.

De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné la nécessité de renforcer le rôle du conseil de surveillance. C'est pourquoi vos rapporteurs ont appelé l'attention de M. Alain Milon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales du Sénat, du projet de loi dit « 3DS », sur ce renforcement. Vos rapporteurs se réjouissent que le Sénat, à l'initiative de la commission des affaires sociales, ait prévu que le conseil de surveillance, renommé par le texte conseil d'administration (CA), serait désormais compétent pour approuver le PRS (article 31 du projet de loi). En d'autres termes, le CA de l'ARS serait désormais doté d'un droit de veto. Conjuguées à la nouvelle composition du CA, ces nouvelles attributions renforcent opportunément le poids des élus dans l'élaboration du PRS, et donc dans la stratégie de résorption des déserts médicaux. 44 ( * )

c) Associer les collectivités locales à la détermination des « déserts médicaux »

Enfin, vos rapporteurs s'interrogent sur l'opportunité d'associer les collectivités locales à la détermination, par l'ARS, des « déserts médicaux ». En effet, à l'heure actuelle, l'ARS détermine les zones blanches médicales après concertation avec les représentants des professionnels de santé concernés (art L1434-4 du CSP). Ce zonage est réalisé pour chaque profession de santé, au regard d'un certain nombre de critères 45 ( * ) et d'une méthodologie définis par un arrêté ministériel. De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont proposé d'étendre cette consultation aux représentants des collectivités territoriales 46 ( * ) dans la mesure où ce zonage conditionne la régularité des aides apportées par les collectivités territoriales 47 ( * ) , par exemple dans le cadre de la création d'une maison de santé. Il parait donc légitime que les élus, en prise permanente avec les réalités territoriales, soient pleinement associés à la détermination des zones sous-denses.

Un amendement a été déposé en ce sens dans le cadre de l'examen en séance du projet de loi dit « 3DS ». Le rapporteur, notre collègue Alain Milon, a toutefois douté de la pertinence de prévoir une association systématique des collectivités et ce pour les raisons suivantes : « D'une part, celles-ci ne sont pas toujours à même de juger pour chaque spécialité les besoins et l'adéquation de l'offre associée. D'autre part, comme le souligne l'auteur de l'amendement, elles participent déjà aux travaux de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, qui émet un avis sur le sujet. Surtout, même sans le prévoir dans le code, rien n'empêche les collectivités d'adresser au directeur général de l'ARS des observations sur la situation de leur territoire. D'ailleurs, elles le font régulièrement » 48 ( * ) .

Au vu de ces explications, cet amendement a été retiré. Vos rapporteurs souhaitent toutefois que la réflexion se poursuive sur ce sujet essentiel dans la mesure où la conférence régionale précitée comporte certes un collège d'élus, mais ceux-ci ne représentent que dix membres parmi une centaine. D'une manière générale, la conduite de la politique de santé publique doit reposer sur une approche « bottom up » qui part des dynamiques des territoires.

CONCLUSION GÉNÉRALE

« Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ».

Cette formule de Georges Clemenceau illustre parfaitement le volontarisme et la détermination dont font preuve les élus locaux, confrontés aux difficultés de l'État à répondre à sa mission en matière d'accès aux soins, jusqu'au dernier kilomètre . Face au sentiment d'abandon de nos concitoyens, nombreuses sont les collectivités qui mettent en oeuvre des solutions innovantes, partenariales et pragmatiques pour remédier aux déserts médicaux. Le rapport rend hommage à tous ces élus qui, malgré les contraintes, malgré les lourdeurs administratives et malgré la modestie de leurs moyens juridiques, techniques et financiers, sont des inventeurs de solutions et des développeurs de territoires , dans un champ de compétences largement déserté par l'État.

Le rapport ne prétend pas proposer « la » solution miracle mais plutôt un éventail de possibilités : le rapport se conçoit ainsi comme une « boite à outils » dans lequel les élus peuvent utilement piocher pour trouver les solutions les plus adaptées à leurs territoires.

Fruit d'un travail de 6 mois et de près de 50 auditions, le rapport formule 12 recommandations dont l'ambition est d'améliorer l'accès aux soins dans nos territoires.

7 d'entre elles s'adressent aux élus locaux : l'expérience montre que la réussite des projets locaux de santé passé par un dialogue permanent et approfondi avec les services de l'État (CPAM et ARS) ainsi qu'avec l'ensemble des professionnels de santé. Ces solutions peuvent prendre différentes formes : aides à l'installation, renforcement des liens avec les universités, salariat des médecins... La télémédecine peut également constituer une option, lorsqu'aucune solution alternative ne paraît envisageable .

5 autres recommandations s'adressent à l'État qui doit faire plus et mieux pour aborder avec lucidité et conviction les difficultés d'accès aux soins. En effet, non seulement l'État ne remplit pas sa mission de garant de l'équité territoriale en matière de santé, mais il n'est pas toujours facilitateur des projets locaux et impose des contraintes inutiles . C'est pourquoi le rapport présente plusieurs recommandations concernant l'association des élus locaux à la politique de santé menée par l'ARS. Il souligne aussi la nécessité d'adopter une vision stratégique nationale en étroite concertation avec les collectivités. Cette réflexion devra aborder, sans tabou, la question des risques de compétition entre les territoires ainsi que la liberté d'installation des médecins.

Puisse le présent rapport permettre une salutaire prise de conscience collective .

EXAMEN EN DÉLÉGATION

M. Rémy Pointereau, président . - Notre délégation a confié le 11 mars dernier à nos collègues Philippe Mouiller et Patricia Schillinger la conduite d'une mission sur les initiatives des territoires en matière de santé. Nous avons auditionné ce même jour M. Frédéric Valletoux, président de la fédération hospitalière de France, maire de Fontainebleau ; Mme Véronique Besse et M. Frédéric Chéreau, co-présidents de la commission santé de l'Association des maires de France (AMF) et M. Olivier Renaudie, professeur de droit public.

Ces auditions ont posé des questions essentielles. Pourquoi l'État, à qui incombe, selon les textes, la responsabilité exclusive de la politique de la santé, a-t-il autant de difficultés à lutter contre les déserts médicaux ?

Les agences régionales de santé (ARS), créées en 2009, ont-elles permis d'agir plus efficacement dans ce domaine ?

Quel rôle les élus locaux peuvent-ils jouer pour améliorer l'offre de soins sur leurs territoires ? En ont-ils les moyens juridiques, techniques et financiers ? Quelles sont les bonnes pratiques ?

Les élus sont-ils aidés par l'État ou, au contraire, entravés dans leurs initiatives ? Quels sont les freins à lever afin de permettre aux élus de porter des projets innovants au service des populations ?

Quel est le bon échelon local pour agir efficacement, en application du principe de subsidiarité ?

C'est pour répondre à l'ensemble de ces interrogations que vous avez mené un travail sur six mois avec pas moins de 50 auditions.

Votre travail a permis d'identifier quelques bonnes pratiques locales, ce qui constitue en quelque sorte, « l'ADN de notre délégation ».

Il a aussi permis de formuler des recommandations propres à encourager ces initiatives et à supprimer ou limiter d'éventuelles entraves à leur expression. Je crois même que certaines propositions ont d'ores et déjà intégrées dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique, dite loi « 3DS ». Je pense en particulier aux propositions permettant de mieux associer les élus locaux au fonctionnement des ARS. Je m'en réjouis, car comme je l'avais indiqué le 11 mars dernier, l'ARS, c'est aujourd'hui un peu « l'État dans l'État ».

Nous sommes également très intéressés par votre regard avisé sur la télémédecine puisque notre délégation a entendu le 3 juin dernier deux valeureux maires, qui ont vanté les mérites des nouvelles technologies comme outils de lutte contre les déserts médicaux. Est-ce bien la solution miracle ? Ou une solution de dernier recours ?

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Cristallisée autour de la formule choc des « déserts médicaux », la question de l'accès géographique aux soins est de plus en plus prégnante dans le débat public. Les déserts médicaux concernent souvent des espaces ruraux, mais aussi certaines villes moyennes ou des zones périurbaines, si bien que les difficultés d'accès aux soins constituent une part significative des interpellations adressées aux élus locaux. En effet, trop de Français ont déjà renoncé ou reporté des soins, en raison notamment de délais d'attente trop longs ou de distances trop importantes à parcourir.

Face à cette situation, qui se dégrade d'année en année, les élus sont inquiets, voire en colère. Mon collègue Philippe Mouiller et moi-même sommes entrés dans cette mission délicate avec une grande humilité. Nous avons d'abord cherché à comprendre les leviers d'action des collectivités locales dans le domaine de la santé, leviers qui sont malheureusement limités.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Une anecdote : ce matin en venant, j'ai lu ce titre dans la presse : « La région Île-de-France, le plus grand désert médical de France » - c'est dire que le problème est général.

La compétence de la commune en matière de santé se fonde essentiellement sur ses pouvoirs de police administrative générale en vertu desquels le maire est habilité à prendre toute mesure pour assurer la « salubrité publique ». Le maire peut aussi s'appuyer sur la clause de compétence générale qui lui permet, par exemple, de créer des centres de santé ou de verser des aides dans le but de lutter contre les déserts médicaux.

Quant au département, il constitue l'échelon essentiel du dispositif relatif à l'action sociale et médico-sociale. Le département dispose ainsi de la compétence en matière de protection maternelle et infantile (PMI), du handicap et de la dépendance. Il peut également attribuer des aides afin de favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé.

Enfin, la région dispose, au même titre que la commune et le département, de la possibilité d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans certaines zones sous-denses. Elle subventionne ainsi des maisons de santé et participe financièrement à la construction des locaux. De la même façon, la région peut soutenir financièrement des actions de promotion de la santé. La région instruit, par délégation de la Commission européenne, les dossiers éligibles au Fonds européen de développement régional (Feder), lequel peut être affecté au financement de projets locaux de construction de maisons de santé. Enfin, la région, qui est l'interlocuteur naturel de l'ARS, est associée au stade de la mise en oeuvre du projet régional de santé en qualité essentiellement de partenaire financier. C'est pourquoi le rapport insiste sur la nécessité pour la région de développer des synergies fructueuses avec les départements et de veiller à une coordination efficace entre ces derniers.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les élus locaux cherchent, de longue date, à se mobiliser face aux difficultés de l'État, en dépit de la modestie des moyens juridiques, techniques et financiers dont ils disposent pour améliorer l'accès aux soins. En effet, les élus de terrain sont régulièrement interpellés par les habitants sur cette question majeure.

Historiquement, ce sont les communes et leurs groupements qui, face à la carence de l'État, ont créé des centres de santé afin de remédier aux déserts médicaux et de limiter l'isolement des professionnels de santé par le développement de leur « exercice coordonné ». Si cette pratique est développée par un nombre croissant de communes et d'intercommunalités, elle est limitée par une demande de médecins pour le salariat inférieure à l'offre des centres de santé. Les solutions pour lutter contre les déserts médicaux peuvent également passer par la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Nombreux sont les élus qui mettent en place de telles structures, afin de développer des activités de soins sans hébergement au plus près des territoires. S'il n'est pas possible de citer toutes les initiatives locales en matière de MSP, les auditions ont permis de mettre en exergue quelques pratiques exemplaires. Citons, en particulier, la MSP à Fontainebleau : lors de son audition, M. Frédéric Valletoux a expliqué avoir créé, dans sa commune de Fontainebleau, une maison dotée du label universitaire.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Par ailleurs, certaines collectivités créent des centres de santé pour répondre aux difficultés d'accès aux soins. Autrefois dénommés « dispensaires », les centres de santé sont des structures sanitaires publiques chargées de pratiquer principalement des soins de premier recours. Ces centres emploient des médecins salariés et se distinguent ainsi des MSP, qui sont, elles, des structures privées au sein desquelles les médecins exercent une activité libérale. Si les communes et leurs groupements ont été historiquement les premiers à créer des centres de santé dans les zones déficitaires, certains départements prennent, depuis quelques années, d'opportunes initiatives en la matière. Tel est le cas du département de Saône-et-Loire, souvent cité en exemple dans la mesure où il a créé, en 2017, le premier centre de santé départemental en France.

La création des centres de santé s'accompagne parfois de solutions visant à développer la médecine ambulante. En effet, de nombreux élus développent cette modalité particulière d'exercice de la médecine afin de rapprocher l'offre de soins des patients situés en zones sous-denses ; matériellement, cela peut prendre la forme d'un bus.

Certaines collectivités ont fait le choix, plutôt que de financer des structures de soins fixes ou itinérantes, de mener des actions proactives afin de favoriser l'installation des médecins (logement, aides à l'emploi du conjoint, cadre de vie...). Citons en particulier le conseil départemental de l'Aveyron et celui des Deux-Sèvres.

Les initiatives réussies des collectivités territoriales en matière d'accès aux soins peuvent également porter sur des actions préventives : par exemple, le programme « J'agis pour ma santé » lancé par la métropole de Montpellier en 2017.

Le rapport traite également de la télémédecine. En effet, nombre de personnes entendues dans le cadre du rapport ont fait valoir que les habitants de zones médicalement sinistrées sont en détresse depuis des années et n'ont aucun espoir de voir la couverture médicale s'améliorer à court comme à moyen terme par le recours aux solutions « conventionnelles ». Ces personnes affirment également que la crise sanitaire devrait jouer un rôle d'accélérateur du déploiement des télécabines ou des cabinets de télémédecine. L'intérêt de ce rapport est de se nourrir des propositions.

Nous avons 12 recommandations, 7 pour les collectivités territoriales, 5 pour l'État.

Première proposition : bâtir des centres ou maisons de santé « partenariaux », c'est-à-dire en étroite concertation entre les élus locaux et les professionnels de santé, et ce le plus en amont possible. Cette synergie est essentielle pour garantir le succès de l'opération. En effet, nombreuses sont les maisons de santé dont les murs existent, mais qui n'accueillent ni patients ni médecins.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Deuxième proposition : renforcer les liens entre les collectivités territoriales et les facultés de médecine, avec des antennes universitaires dans chaque département, un label universitaire dans les maisons de santé, comme le prouve l'exemple précité de Fontainebleau.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Troisième proposition : favoriser l'installation des médecins dans les zones sous-denses par des dispositifs incitatifs, allant des bourses financières jusqu'au salariat.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Quatrième proposition : attirer les médecins par une aide personnalisée apportée à eux-mêmes ainsi qu'à leur famille afin de favoriser leur installation dans les territoires, avec, par exemple, des aides au logement ou des actions permettant au conjoint du médecin de trouver du travail localement.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Cinquième proposition : rechercher l'échelon local pertinent pour la mise en oeuvre des projets de santé. Deux critères méritent d'être pris en compte pour apprécier le niveau pertinent d'intervention : la soutenabilité financière et la technicité du projet.

On a vu nombre de projets naître dans des collectivités trop petites pour les faire tenir dans la durée ; la notion d'échelon pertinent est décisive.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Sixième proposition : généraliser les contrats locaux de santé (CLS) sur l'ensemble du territoire. En effet, ces contrats, portés conjointement par l'ARS et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé, sont l'expression des dynamiques locales partagées entre acteurs et partenaires sur le terrain pour mettre en oeuvre des actions, au plus près des populations. Il appartient donc aux élus, d'une part, de généraliser les CLS sur l'ensemble du territoire, et, d'autre part, de favoriser la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Septième proposition : encourager le recours à des projets de télémédecine quand aucune solution alternative ne paraît envisageable. En effet, la télémédecine ne doit pas se développer au détriment de la venue de médecins dans les territoires sous-dotés.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les cinq propositions suivantes s'adressent à l'État.

La huitième proposition consiste à associer les élus locaux à la stratégie nationale de réduction des inégalités territoriales. Cette stratégie nécessite l'établissement d'un bilan des installations et des départs des professionnels de santé ainsi qu'une cartographie précise de l'offre de soin. En effet, les outils de pilotage font actuellement défaut  les données sont centralisées et agrégées.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Neuvième proposition : lancer, sans tabou, un débat national sur la formation et la liberté d'installation des médecins. Jusqu'à présent, les tentatives d'ajustement de la répartition des médecins se sont heurtées à de fortes oppositions. Or, le principe de liberté d'installation est insuffisamment mis en regard du principe d'égal accès aux soins et de la notion d'intérêt général. Le rapport souligne donc l'importance de cette question, soulevée régulièrement lors des auditions. En conséquence, il s'interroge sur l'opportunité de renforcer les dispositifs d'incitation, voire d'adopter des mesures coercitives aménageant le principe de liberté d'installation .

Nous n'avons pas tranché entre les différents types de mesures, mais il faut relancer le débat à l'échelon national.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Dixième proposition : lancer une réflexion commune État-collectivités territoriales sur les risques de compétition entre les territoires. En effet, le rapport pointe le risque de concurrences, voire de surenchères entre territoires, dans un contexte marqué par un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande de soins dans certains territoires.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Onzième proposition : renforcer le rôle facilitateur des ARS, en confiant aux délégations départementales un rôle d'interface de proximité avec les élus ou en dotant les ARS d'une direction opérationnelle dédiée aux relations avec les élus. Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la crise sanitaire a montré que les délégations départementales, censées rapprocher la gestion des ARS du terrain, ne jouent pas suffisamment le rôle de proximité escompté. Ce sentiment est plus marqué dans les grandes régions, au sein desquelles l'échelon régional peut paraître particulièrement lointain.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Enfin, douzième proposition : mieux associer les collectivités territoriales à la politique menée par l'ARS dans la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins. Cette recommandation suppose, dans le cadre du projet de loi 3DS, de renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil de surveillance de l'ARS ; d'élargir les attributions du conseil de surveillance des ARS ; d'associer les collectivités locales à la détermination des « déserts médicaux ».

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Ce rapport a donc deux objectifs.

D'abord, mettre en valeur les bonnes pratiques locales menées par des élus courageux qui, malgré les difficultés, sont des inventeurs de solutions et des développeurs de territoires, dans un champ de compétences largement déserté par l'État. Clemenceau disait : « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » Cette formule illustre parfaitement le volontarisme et la détermination dont font preuve les élus locaux, confrontés aux difficultés de l'État à répondre à sa mission en matière d'accès aux soins, jusqu'au dernier kilomètre.

Face au sentiment d'abandon de nos concitoyens, nombreuses sont les collectivités qui mettent en oeuvre des solutions innovantes, partenariales et pragmatiques pour remédier aux déserts médicaux. Le rapport ne prétend pas proposer « la » solution miracle, mais un éventail de possibilités : le rapport se conçoit ainsi comme une « boite à outils » dans laquelle les élus peuvent utilement piocher pour trouver les solutions les plus adaptées à leurs territoires.

Ensuite, au travers de ses 12 propositions, nous invitons les élus et l'État à faire plus et mieux. Les élus ne ménagent pas leur peine ni leur temps pour offrir aux populations la meilleure couverture médicale possible, mais trop de projets sont conçus sans concertation suffisante, en particulier entre élus, mais aussi avec l'État et les professionnels de santé. Il faut que tout le monde se mette autour de la table, cela nous apparaît être un critère décisif de réussite.

Puisse le présent rapport permettre une salutaire prise de conscience collective à l'orée de la campagne présidentielle.

M. Rémy Pointereau, président . - Effectivement, puisse-t-il même servir de plateforme électorale.

Mme Florence Lassarade . - Merci pour ce travail important. Comme professionnelle de santé, je veux souligner le poids toujours plus grand des tâches administratives. Quand j'ai fermé mon cabinet en devenant sénatrice, je n'avais pas actualisé mes données numériques depuis un an, c'est un casse-tête pour les médecins. Je connais bien des médecins qui, atteignant la soixantaine, arrêtent leur activité par lassitude envers ces tâches administratives.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - C'est une réalité, mais nous ne l'avons pas abordée dans notre rapport, qui porte sur les initiatives des collectivités territoriales en matière de santé.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les élus locaux manquent parfois d'information sur le départ des médecins, c'est dommage. On peut améliorer ce point, d'où l'utilité de la cartographie pour anticiper les départs en retraite et leurs conséquences sur l'offre médicale.

M. Laurent Burgoa . - Merci pour ce rapport et de nous avoir associés à vos travaux. Vous préconisez la recherche de l'échelon pertinent, c'est en effet décisif, car nous voyons éclore bien des projets qui ne paraissent pas toujours bien dimensionnés : quel est, selon vous, le bon échelon ?

M. Antoine Lefèvre . - Merci pour ce travail important, les questions médicales prennent de plus en plus d'importance, les élus locaux s'inquiètent. Il faut que les ARS soient plus opérationnelles et anticipent mieux les départs de médecins - c'est un thème qui ressort dans tous mes contacts avec les élus, y compris en ville. Vos propositions vont dans le bon sens, il est temps d'agir avec volontarisme et pragmatisme, on ne fera pas l'économie d'un débat national sur le sujet. On connaît la force de la liberté d'installation, mais quand on sait les manques actuels, il faut avancer. Quels sont les critères du label universitaire que vous mentionnez ?

M. Laurent Somon . - La concurrence entre les territoires est prégnante pour le médical, c'est même devenu un enjeu électoral : il faut renouveler nos méthodes pour l'installation des médecins, mais, plus généralement, pour l'installation des professionnels de santé. Par le passé, un guichet unique existait pour l'installation des maisons médicales, ce qui me paraît la bonne méthode. Ensuite, en raison des contraintes administratives, les jeunes médecins s'orientent de plus en plus vers le salariat. Par ailleurs, l'obligation de stage dans une maison médicale pour les internes en médecine est un bon levier d'action parce que ces stages peuvent encourager l'installation dans les territoires peu couverts. La télémédecine, elle, ne doit être qu'un complément, ou un dernier recours. Enfin, je regrette que les parlementaires ne participent pas au comité régional d'investissement hospitalier, alors que la question des déserts médicaux est liée à celle des hôpitaux de proximité, et que nous votons la loi de financement de la sécurité sociale : la participation à ce comité régional me semblerait très utile.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - L'échelon pertinent est une notion déterminante, des installations se font sans en tenir compte, ce qui compromet la viabilité des projets. Cependant, nous n'avons pas de réponse toute faite, la pertinence dépend du bassin d'habitat, des équipements existants. En tout état de cause, il faut que les acteurs se mettent autour de la table pour définir les choses ensemble.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Nous avons vu des montages étonnants, par exemple une téléconsultation où la secrétaire de mairie prenait les rendez-vous et la mairie une partie des charges de consultation.

Nous n'avons pas les critères du label universitaire, ils sont définis en concertation, chaque territoire est différent.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Il faut un cahier des charges spécifique pour l'accueil de stagiaires, avec une priorisation des maisons labellisées. Ensuite, on commence à délocaliser les premières années d'enseignement des professions médicales : les universités développent ces outils, c'est intéressant, il faut progresser pour que les formations se réalisent dans les territoires.

Notre message est bien qu'il faut créer un espace de dialogue et de coordination en amont de l'installation, c'est ce dialogue local qui permet de prendre en compte les ressources, de faire les liens avec l'hôpital local.

Mme Corinne Imbert . - Merci pour ce rapport et votre invitation. Comme professionnelle de santé, je confirme le manque de dialogue. Le CLS ne règle pas tout, d'autant que les réunions ne sont pas le fort des professionnels de santé, peut-être faut-il les prévoir en fin de journée pour que les professionnels de santé puissent y participer plus facilement.

Au Sénat, nous avons voté l'obligation pour les internes en médecine générale de faire six mois dans les territoires en besoin de médecins. Le décret n'est toujours pas publié, le ministre n'en veut apparemment pas, parce que les internes n'y sont pas favorables. Il y a environ 3 500 internes en médecine générale, cela représenterait 35 internes en moyenne par département pour renforcer l'offre médicale. J'ai insisté, mais le ministre ne répond pas directement à ma question, j'y reviendrai dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale : il faut faire bloc.

Sur la liberté d'installation, il faudra engager le débat. À l'aune de la pandémie, on se rend compte que cette possibilité permet d'assurer la continuité de certaines missions. Je ne connais pas un seul pharmacien qui n'ait pu s'installer où il voulait, sous réserve d'une autorisation. Il en est de même pour les notaires. Cela demandera du courage et du temps et supposera de relancer le dialogue entre l'État et les ARS. Quant à la cartographie, elle n'est valable que trois ans, et en Nouvelle-Aquitaine, nous attendons toujours. Or dans certains territoires, la situation s'est dégradée entre-temps. Pour le Plan santé, nous nous sommes fondés sur les données de l'e-santé.

Mme Sylvie Robert . - Je remercie nos deux rapporteurs pour leurs travaux. La question de la typologie des déserts médicaux m'importe beaucoup, d'autant que ce phénomène touche certains milieux périurbains et résulte aussi du déplacement des populations. En Bretagne, à la suite du confinement, certains de nos concitoyens veulent changer de vie, ce qui se traduit par une modification du marché de l'immobilier. Cette région est pourtant riche en belles maisons de santé. Mais d'autres incitations, telles que des partenariats avec les communes limitrophes, doivent être prises en considération. La patientèle augmente parfois avec le télétravail. Les géographes travaillent sur ces tendances, qui mériteraient d'être analysées.

M. Jean-Michel Houllegatte . - À mon tour de féliciter les deux rapporteurs. Les collectivités sont véritablement à l'épreuve des déserts médicaux, alors que l'accès aux soins est un besoin prioritaire de nos concitoyens. Quelle est la bonne échelle de dialogue entre les élus, l'État et les professionnels, dont l'assurance maladie qui est elle aussi partie prenante ? Les ARS ont un espace beaucoup trop vaste. En outre, il doit être possible d'objectiver les données, notamment sur la démographie médicale. Ma santé 2022 sur laquelle on avait beaucoup parlé, c'est maintenant ! Où en est le dispositif qui devait desserrer l'activité des médecins ? Il faut trouver des solutions pour ne pas laisser les élus seuls.

Mme Agnès Canayer . - Je salue la qualité du travail de nos rapporteurs. J'aborderai l'accès aux soins en milieu urbain. Au Havre, il faut un an pour obtenir un rendez-vous chez certains spécialistes. L'inégalité et la concurrence entre les quartiers sont patentes. Depuis la mise en place de la zone franche urbaine, la médecine a complètement disparu dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette rupture dans l'accès aux soins se fait toujours au détriment des plus défavorisés. Dispose-t-on d'une analyse détaillée de l'accès aux soins entre les spécialistes et les généralistes ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Aujourd'hui, nous manquons d'outils de pilotage. Nous ne savons pas où vont les étudiants qui viennent de terminer leurs études. Et nous manquons de données sur les consultations chez les généralistes et les spécialistes. Cela renvoie aux problématiques du dialogue. Les deux outils, à savoir les CLS et les CPTS, sont relativement intéressants. D'ailleurs, en deux ans, nous sommes passés de 400 à 671 CPTS sur le territoire national. Les résultats dépendent beaucoup de la typologie, mais il faut partout accentuer le dialogue. Les changements de population sont délicats à analyser, mais les outils de pilotage nous permettraient d'avancer. Ceux-ci favoriseraient aussi une meilleure régionalisation du nombre d'étudiants, qui repose sur des données trop anciennes.

Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les outils sont d'autant plus importants que 40 % des étudiants diplômés disparaissent dans la nature. Les femmes sont aussi concernées, qui sont souvent employées à temps partiel. À Toulouse, on constate un désert médical, alors que le besoin de prévention et de soins est réel. Nous avons besoin de ces outils pour travailler.

L'installation de médecins dans des maisons de santé est importante pour éviter les déplacements dus à la fiscalité. Il faut remettre la santé au coeur des territoires, par un travail entre les élus et les ARS. En outre, la retraite des médecins doit être envisagée à l'avance, car un spécialiste ne se trouve pas facilement. Enfin, il convient de tenir compte de la profession du conjoint du médecin. Nous devons avancer au niveau national.

Mme Michelle Gréaume . - Je remercie les deux rapporteurs de leur travail très important. Je suis contre la télémédecine. Pour ce qui est des données, chaque département doit faire l'objet d'un relevé et être doté d'un centre universitaire. Une rencontre avec l'université de médecine serait à cet égard la bienvenue. L'hébergement doit aussi être envisagé, de même que la rémunération des médecins, qui effectuent de plus en plus de tâches administratives. Enfin, une réflexion sur la médecine de nuit doit être engagée, car celle-ci n'existe plus. Pourquoi ne pas prévoir des ouvertures de postes par spécialité ?

Mme Anne-Catherine Loisier . - Je salue également le travail des rapporteurs. Je voudrais revenir sur la méthode qui peut être conseillée aux maires. Il faut privilégier la coordination de terrain, qui est un gage de qualité. Certains maires veulent parfois répondre à une demande locale, mais l'exercice temporaire de la médecine soulève des problèmes de continuité des soins. Des CPTS n'existent pas partout. Quand on a la chance d'avoir un hôpital de proximité, c'est un vrai plus. De petits pôles de santé de proximité s'organisent parfois autour de l'hôpital, ce qui constitue une vraie réponse à l'attente de nos concitoyens. Les maires doivent avoir le souci du suivi des patients dans la durée.

M. Philippe Mouiller, rapporteur . - La télémédecine est le dernier outil quand on n'a pas d'autre solution. Nous sommes de nouveau sur le débat du pilotage et du dialogue entre les professionnels et les élus. Nombre d'entre eux ont lancé des investissements qui sont inopérants.

Mme Émilienne Poumirol . - Ce qui fonctionne, ce sont les maisons pluridisciplinaires de santé, où exercent divers professionnels de santé : médecins, kinésithérapeutes, psychologues, etc.

M. Rémy Pointereau, président . - Ce sujet concerne l'ensemble de nos territoires et intéresse vivement nos collègues eu égard au nombre de questions qu'ils ont posées.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Jeudi 11 mars 2021 (audition devant la délégation) 49 ( * )

M. Frédéric VALLETOUX, Président, de la fédération hospitalière de France, Maire de Fontainebleau

Mme Véronique BESSE et M. Frédéric CHÉREAU, Co-Présidents de la commission Santé de l'Association des Maires de France,

M. Olivier RENAUDIE, Professeur de droit public.

Jeudi 6 mai 2021

M. Jean-Pierre LE SCORNET, Président communauté Mayenne,

M. Frédéric RÉ, Président communauté de communes d'Adour Madiran,

M. Alain BAVAY, Vice-président communauté d'agglomération Lens-Liévin,

Association « Quartier santé Lemasson »

M. Jérémy MALEK LAMY, conseiller départemental, co-fondateur,

M. Jean-Jacques VIDELO, Maire du Sourn.

M. Éric VUILLEMIN, Maire de Romilly-sur-Seine,

M. Jean-Louis BEHRA, Maire d'Oberbruck.

Jeudi 20 mai 2021

M. John BILLARD, Maire de Le Favril, président de l'AMR d'Eure-et-Loir, (SG AMRF),

M. Franck BAUDINO, Président fondateur de la société H4D

M. Jean-Charles DRON, Directeur du projet E-Meuse santé,

M. Pascal BABINET, Responsable de la communication E-Meuse santé.

M. Jean-Claude GUIBAL, Maire de menton,

M. David CLAUDE, Directeur du centre communal d'action sociale de Menton,

M. Jacques NOZACH, Consultant senior, spécialiste en économie sociale et solidaire,

Mme Séverine SALGADO, Directrice déléguée Santé de la Mutualité Française,

M. Yannick LUCAS, Directeur des affaires publiques de la Mutualité Française

M. Christophe DIETRICH, Maire de Laigneville,

M. Nathaniel BERN, Cofondateur de Medadom.

Jeudi 3 juin 2021 (audition devant la délégation)

Table ronde relative aux « Nouvelles technologies comme outils de lutte contre les déserts médicaux », en présence de M. Christophe Dietrich, maire de Laigneville (Oise), et de M. John Billard, maire de Le Favril (Eure-et-Loir) 50 ( * )

Jeudi 3 juin 2021

M. Patrick VIGNES, Maire de Laloubère,

Conseil départemental du Gers

Mme Charlotte BOUE, Vice-présidente du Conseil départemental, et vice-présidente de la commission solidarité

M. Jérôme SAMALENS, Conseiller départemental, membre de la commission citoyenneté sport, vie associative

M. Nicolas SORET, Maire de Joigny

Jeudi 10 juin 2021

Mme Elodie BRUN-MANDON, Adjointe au Maire de Montpellier en charge de la promotion de la santé et de la lutte contre les addictions,

Mme Sylvie JUSTOME, Adjointe au maire de Bordeaux chargée de la sécurité sanitaire, de la santé et des séniors,

Mme Marie DECROIX, Médecin coordonnateur - Santé scolaire, commune de Bordeaux

M. Maurice BARNABE, Maire Seppois-le-Bas

Jeudi 17 juin 2021

M. Jean-Michel GAL, Médecin généraliste,

Mme Elodie FOUCOIN, Coordinatrice (CPTS Orne est),

M. Antoine LEVENEUR, Président, médecin généraliste (Union régionale des médecins libéraux de Normandie),

Mme Marie PASTOR, Cheffe du service de la prévention et des actions sanitaires (Conseil départemental de Seine-Saint-Denis),

Mme Bénédicte DE KERPRIGENT, Directrice de l'Institut des Hauts-de-Seine (Conseil départemental des Hauts-de-Seine)

Jeudi 24 juin 2021

M. Frédéric BIZARD, Président de l'institut santé,

M. Laurent EL GHOZI, Président d'honneur de l'association « Élus, santé publique & territoires), ancien conseiller municipal de Nanterre, Médecin,

M. Richard LOPEZ, Président de « La fabrique des centres de santé »

M. Olivier RENAUDIE, Professeur de droits public à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,

Mme Lina WILLIATTE, Avocate au barreau de Lille, Docteur en droit, Directrice du Master 2 Droit de la santé et de la responsabilité médicale faculté de droit - Lille).

Jeudi 30 septembre 2021

- Association des Maires de France :

M. Michel GABAS, Maire d'Eauze

- Assemblée des communautés de France :

M. Thomas FROMENTIN, Président de l'agglomération Foix-Varilhes

- Assemblée des départements de France

M. Jean DEGUERRY, Président du conseil départemental de l'Ain,

- Ministère des solidarités et de la santé :

Mme Katia JULIENNE, Directrice générale de l'offre de soins,

Mme Sophie AUGROS, Conseillère soins primaires et professionnels libéraux

M. Pierre BRETON, Interne en santé publique, en mission sur les contrats locaux de santé au sein du cabinet de la DGOS.

- Caisse nationale d'assurance maladie :

Mme Julie POUGHEON, Directrice de l'offre de soins.


* 1 Sondage BVA pour France Assos Santé publié par le JDD en date du 16 novembre 2019 .

* 2 L'article L. 1411-1 du code de la santé publique énonce que « la politique de santé relève de la responsabilité de l'État ». Cette rédaction résulte de l'article premier de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 3 Décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012, M. Mathieu E., cons. 6. Cet objectif de protection a été réaffirmé dans la décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021 rendu sur la relative à la gestion de la crise sanitaire.

* 4 Article L. 1110-1 du code de la santé publique.

* 5 Rapport n° 686 (2016-2017) : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-686-notice.html

* 6 Rapport n° 282 (2019-2020) : https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-282-notice.html

* 7 La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a supprimé, à compter du 1 er septembre 2020, le numerus clausus. En application de l'article L 631-1 du code de l'éducation, il appartient désormais à l'État d'établir des objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former pour « réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins ». Toutefois, non seulement cette réforme ne produira ses effets qu'à partir de 2030 compte tenu de la durée des études de médecine mais elle se heure à un manque de moyens humains et matériels pour accueillir et former les étudiants.

* 8 Texte n° 675 (2020-2021) de M. Stéphane Sautarel , déposé au Sénat le 8 juin 2021.

* 9 Article L. 1434-4 du code de la santé publique.

* 10 Olivier RENAUDIE, « Collectivités territoriales et compétences en santé publique : sortir de l'ambiguïté ? » (RFAP, 2020/4).

* 11 Loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 (« Loi HPST »).

* 12 Table-ronde du 11 mars 2021 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210308/dct_bulletin_2021-03-11.html#toc2

* 13 « Si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'État de prendre » (arrêt du Conseil d'État, 31 décembre 2020, commune d'Arcueil).

* 14 Étude d'impact disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl20-588-ei/pjl20-588-ei.html

* 15 Autrefois dénommés « dispensaires », les centres de santé sont définis à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique (CSP). Outre les soins de premier recours, ils peuvent pratiquer des soins de second recours et peuvent dispenser des activités de prévention et de diagnostic.

* 16 Article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales.

* 17 Le Conseil d'État a ainsi jugé légale l'ouverture d'un cabinet dentaire municipal dès lors que le maire avait entendu « permettre à la population locale, composée en grande majorité de salariés modestes, de ne pas renoncer aux soins dentaires malgré la carence de l'équipement hospitalier et le nombre insuffisant de praticiens privés, alors que ceux-ci pratiquaient en fait, pour la plupart du moins, des tarifs supérieurs aux tarifs de responsabilité de la Sécurité sociale ». Le Conseil d'État en conclut que « cette initiative répondait, dans cette ville et à l'époque envisagée, à un besoin de la population et, par la suite, à un intérêt public local » (Conseil d'État, Section, 20 novembre 1964, Ville de Nanterre, requête numéro 57435).

* 18 https://www.ars.sante.fr/les-contrats-locaux-de-sante

* 19 Voir le compte-rendu disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210531/03_06_21.html#toc3

* 20 Ibid.

* 21 Voir des exemples récents :

- le rapport n° 434 en date du 14 mai 2020 intitulé « Bonnes pratiques et préconisations des élus locaux pour une alimentation saine et durable » ;

- le rapport n° 559 en date du 11 juin 2019 intitulé « Mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités : valoriser les bonnes pratiques » ;

- le rapport n° 509 en date du 19 avril 2017 intitulé Les nouvelles technologies au service de la modernisation des territoires .

* 22 Voir cet article du Figaro qui cite d'autres exemples de centres municipaux de santé : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/26/20002-20190326ARTFIG00051-deserts-medicaux-les-medecins-salaries-sont-ils-la-solution.php . D'après la Direction générale de l'Offre de Soins (DGOS), interrogée par vos rapporteurs, la France compte environ 2000 centres de soins, dont la très grande majorité est gérée par des communes.

* 23 Mise à disposition d'un secrétariat médical et d'une équipe administrative afin de permettre aux praticiens de se concentrer sur les tâches médicales stricto sensu .

* 24 Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007.

* 25 Un opérateur est parfois dédié à la télécabine pour l'accueil ou le nettoyage entre deux consultations.

* 26 Rapport d'information précité n° 686 (2016-2017) de MM. Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, déposé le 26 juillet 2017

* 27 L'arrêté du 1 er août 2018 portant approbation par arrêté ministériel de l'avenant n°6 à la convention médicale a fait entrer la téléconsultation dans le droit commun de la prise en charge des actes médicaux par l'Assurance maladie.

* 28 Notons toutefois que le plan MaSanté2022, mis en place avant la crise sanitaire, avait inscrit la télémédecine dans le droit commun.

* 29 Voir le compte-rendu sur http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210531/03_06_21.html#toc3

* 30 Le 29 septembre 2021, cette association a lancé un cri d'alerte sur la dégradation de la démographie médicale en France. Elle a interpellé les candidats à la présidentielle sur « l'urgence absolue » de répondre au défi des déserts médicaux et à apporter des solutions pour atténuer la crise.

* 31 L'article R. 4127-74 du code de la santé publique précise, depuis 2012, que « quand les nécessités de la santé publique l'exigent, un médecin peut être autorisé à dispenser des consultations et des soins dans une unité mobile selon un programme établi à l'avance ». L'autorisation est délivrée par le conseil départemental de l'ordre.

* 32 Il associe notamment les équipes municipales d'animation des écoles, les familles ainsi que de nombreux partenaires parmi lesquels la CPAM de l'Hérault, le Centre Epidaure de l'Institut du Cancer de Montpellier, la Faculté d'odontologie, l'ARS et l'Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire de l'Hérault.

* 33 Partenariat avec l'université de Bordeaux (UFR Odontologie), Union française pour la santé bucco-dentaire, Caisse primaire d'assurance maladie de Gironde, Direction des services départementaux de l'Éducation nationale de Gironde.

* 34 Le chiffre de 671 ne tient pas compte pas des données actualisées pour la Martinique et la Guyane.

* 35 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

* 36 Lors de son audition, M. John Billard , maire de Le Favril (Eure) a toutefois indiqué qu'il était convaincu que les télécabines pouvaient parfaitement être complémentaires des efforts d'attractivité que certains territoires sous-denses fournissent pour accueillir de nouveaux médecins.

* 37 Voir cette page du ministère de la santé : https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/masante2022/lutter-contre-les-deserts-medicaux/

* 38 Compte-rendu disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210308/dct_bulletin_2021-03-11.html#toc2

* 39 Ibid.

* 40 Rapport d'information de MM. Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, fait au nom de la MCI Effets des mesures en matière de confinement ; rapport n° 712 (2020-2021) - 24 juin 2021. Le rapport cite en particulier Pierre Monzani, directeur général de l'assemblée des départements de France : « nous avons vu, à cette occasion, combien les ARS avaient, a fortiori dans les grandes régions, des relais départementaux très insuffisants. Souvent le délégué départemental de l'ARS, malgré sa bonne volonté, se trouve dans l'obligation de demander l'autorisation au directeur général de l'ARS qui lui-même demande l'autorisation au cabinet du ministre de la santé. Or, quand il y a crise - le Président de la République avait dit que nous étions en guerre - ce qui compte, c'est la réactivité du terrain. »

* 41 Voir en ce sens le rapport du 2 juillet 2020 intitulé « 50 propositions Larcher pour une nouvelle génération de la décentralisation ».

* 42 Rapport de Mme Catherine Deroche, M. Bernard Jomier et Mme Sylvie Vermeillet, fait au nom de la commission d'enquête « Évaluation des politiques publiques face aux pandémies » ; rapport n° 199 tome I (2020-2021) - 8 décembre 2020.

* 43 Voir l'amendement de suppression déposé par le Gouvernement, amendement repoussé par le Sénat : http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/724/Amdt_1413.html

* 44 En séance, le Gouvernement s'est opposé à une telle évolution, estimant que le PRS ne peut relever que du DG ARS, au titre de ses fonctions de police sanitaire qu'il exerce au nom de l'État (voir l'amendement de suppression déposé par le Gouvernement, amendement repoussé par le Sénat : http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/724/Amdt_1413.html ).

* 45 Nombre de praticiens concernés et répartition géographique par classe d'âge, ou encore caractéristiques sanitaires, démographiques et sociales de la population, présence de structures de soins...

* 46 Actuellement, les élus sont faiblement associés à la réalisation de ce zonage. Certes, ce dernier est déterminé après avis de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (article R. 1434-42 du CSP), conférence qui comporte un collège d'élus locaux. Toutefois, ceux-ci ne représentent que dix membres parmi une centaine.

* 47 L'art L1511-8 du CGCT énonce que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones définies en application du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique ».

* 48 Séance du 15 juillet 2021 : http://www.senat.fr/seances/s202107/s20210715/s20210715006.html

* 49 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210308/dct_bulletin_2021-03-11.html#toc2

* 50 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210531/03_06_21.html#toc3

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