N° 669

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) par la mission d'information sur les perspectives de la politique d' aménagement du territoire et de cohésion territoriale , sur le volet « suivi des recommandations de la commission de 2019 en matière de sécurité des ponts et des ouvrages d' art »,

Par M. Bruno BELIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

L'ESSENTIEL

I. LA DÉGRADATION DE L'ÉTAT DES PONTS SE POURSUIT EN DÉPIT DES MISES EN GARDE DU RAPPORT DU SÉNAT DE 2019

En 2019, la commission avait visé juste 1 ( * ) : ses principaux constats et estimations , pourtant inquiétants , sont aujourd'hui confirmés par les données les plus récentes.

12 000 ponts sur le RRNNC

12 000 ponts sur le RRNC

100 à 120 000 ponts départementaux

« L'État du patrimoine de ponts est globalement moins bon en 2020 que les années précédentes, pour l'État ou pour les départements. »

Observatoire national de la route (ONR), rapport 2021

II. 80 % DES PROPOSITIONS DU SÉNAT ONT ÉTÉ SUIVIES D'EFFET MAIS LA RÉPONSE PUBLIQUE DEMEURE NETTEMENT INSUFFISANTE

TAUX DE MISE EN oeUVRE

A. PLUTÔT QU'UN « PLAN MARSHALL », DES MOYENS INSUFFISANTS, DISPERSÉS ET PEU LISIBLES

Évolution des moyens consacrés aux ouvrages d'art du RRNNC

L'enveloppe dédiée à l'entretien et à la réparation des ouvrages d'art du RRNNC - 45 M€ en moyenne entre 2011 et 2018 - a augmenté progressivement pour atteindre 120 M€ en 2022, conformément à la proposition formulée en 2019. Pour la commission, ce seuil aurait dû être atteint dès 2020, et maintenu à ce niveau pendant 10 ans. Ainsi, le retard accumulé atteint déjà 89 M€ .

La mise en oeuvre du Programme national ponts (PNP), piloté par le Cerema, est une réelle avancée. Pour autant, force est de constater que les moyens déployés ne sont pas à la hauteur des enjeux pour enrayer la spirale de dégradation des ponts gérés par les collectivités territoriales. Pire, ces moyens ne permettront même pas au programme d'atteindre ses objectifs .

Enfin et surtout, aucun financement n'est prévu pour accompagner les collectivités qui en ont besoin pour procéder à des travaux de réparation et de reconstruction de leurs ponts routiers .

Si les collectivités territoriales, en particulier les départements, ont accru leurs dépenses d'entretien des ouvrages d'art depuis 2019 (rapport ONR 2021), elles ne peuvent affronter ce défi sans le soutien de l'État . En supposant que la proportion de ponts routiers posant des problèmes de sécurité ou des défauts significatifs soit homogène sur l'ensemble du territoire national (23 %) - soit 18 400 à 23 000 ponts communaux - la commission estime les besoins de financement en matière de travaux de réparation entre 2,2 et 2,8 2 ( * ) Md€ , pour le seul bloc communal .

B. MODERNISATION DE LA GESTION PATRIMONIALE DES OUVRAGES : DES PROGRÈS À AMPLIFIER

Dès 2019, la commission avait préconisé de sortir de la culture de l'urgence au profit d'une gestion patrimoniale des ouvrages d'art par quatre leviers :

C. SOUTIEN EN INGÉNIERIE POUR LES COLLECTIVITÉS : UNE PREMIÈRE RÉPONSE INTÉRESSANTE, QUI RESTE À AMPLIFIER

Soutenir les collectivités territoriales en matière d' ingénierie est un préalable indispensable à une meilleure gestion de leur patrimoine d'ouvrages d'art. La commission avait formulé 4 recommandations pour permettre aux collectivités de bénéficier d'un appui technique sur ce sujet. 3 ( * )

III. AMPLIFIER, ACCÉLÉRER ET APPROFONDIR : FACE AU CHANTIER DU SIÈCLE, L'URGENCE D'UNE ACTION PLUS AMBITIEUSE

À l'approche de la fin des concessions autoroutières et à l'aune de la perspective des transferts à certaines régions de voies du réseau routier national , la commission formule 7 propositions complémentaires pour enrayer la spirale de dégradation de nos ouvrages d'art et faire face à l'un des « chantiers du siècle ». Pour autant, 4 de ces 7 propositions constituent en réalité la réitération de propositions formulées par la commission en 2019.

7 propositions adoptées à l'unanimité

Proposition 1 [État, Cerema] - Face au « mur d'investissements » qui s'annonce, conforter le Cerema dans la conduite du programme national ponts ( PNP ), pérenniser ce programme et simplifier l'accès des collectivités territoriales à des prestations de conseils techniques et financiers (rôle de « guichet unique », augmentation de ses effectifs et ressources techniques, mise à disposition des maires de supports d'information et de guides méthodologiques, élargissement du champ des bénéficiaires du programme , inscription du PNP dans le code des transports)

Proposition 2 [État] - Constituer un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art et apporter des évolutions resserrées au fonctionnement de la DSIL (création d'un fonds doté de 350 M€ pour rattraper le retard accumulé depuis 2020 et abondé de 130 M€/an , extension des critères d'attribution de la DSIL à des études de sécurisation d'ouvrages d'art constituant un danger imminent)

Proposition 3 [État] - Maintenir à 120 M€ par an en rythme de croisière les moyens consacrés par l'État à l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national et augmenter de 89 M€ supplémentaires les autorisations d'engagement pour rattraper le retard accumulé depuis 2020

Proposition 4 [État] - Constituer à horizon 2025 un système d'information géographique national unique (SIG) , recensant l'ensemble des ouvrages d'art du territoire national et permettant d'orienter le trafic routier , le cas échéant, en cas de problème de sécurité sur un ouvrage ( fusion des SIG existants et en cours de création en veillant à l'interopérabilité des données, renforcement des obligations pesant sur les opérateurs de services numériques d'assistance au déplacement - GPS)

Proposition 5 [État] - Intégrer les dépenses de maintenance des ouvrages d'art dans la section « investissement » des budgets des collectivités pendant une période transitoire de 10 ans à compter du 1 er janvier 2023

Proposition 6 [État] - Définir un cadre juridique global pour faire face à ce « chantier du siècle » et planifier l'entretien et la réparation des ouvrages d'art dans la durée (double obligation de déclaration de la propriété d'un ouvrage d'art pour les personnes publiques sur une plateforme dédiée et mise en place d'un « carnet de santé » par pont, définition d'un régime d'inspection et d'entretien réguliers des ouvrages, conditionnée au soutien financier et technique obligatoire de l'État)

Proposition 7 [État] - Remettre à niveau l'expertise et les compétences publiques en matière de gestion des ouvrages d'art par la déclinaison opérationnelle des recommandations du rapport du CGEDD de janvier 2021 4 ( * )


* 1 Rapport d'information n° 609 (2018-2019) de MM. Patrick Chaize et Michel Dagbert, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (26 juin 2019).

* 2 Ces hypothèses reposent respectivement sur un périmètre de 80 000 et de 100 000 ponts, avec un coût de rénovation de 120 000 €/pont.

* 3 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 4 CGEDD, janvier 2021, « Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers ».

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