B. MODERNISATION DE LA GESTION PATRIMONIALE DES OUVRAGES D'ART : DES PROGRÈS À AMPLIFIER

Proposition 3 : mettre en place un système d'information géographique (SIG) national afin de référencer tous les ouvrages d'art en France, qui pourra être utilisé par les opérateurs de GPS pour mieux orienter le trafic routier, et créer un coffre-fort numérique permettant aux gestionnaires de voirie qui le souhaitent de conserver les documents techniques relatifs aux ponts.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à approfondir

Observations de la commission : la création d'une cartographie des ponts routiers suivis dans le cadre du Programme national ponts constitue une avancée. Au total, la commission estime que 30 % environ des ponts sont ou seront bientôt référencés dans un SIG. La création d'un SIG unique et commun à l'ensemble des gestionnaires de voirie reste néanmoins nécessaire pour combler les lacunes en matière de connaissance et de suivi de l'état du patrimoine.

Dans son rapport de 2019, la commission avait considéré nécessaire de disposer d'un système d'information géographique (SIG) unique permettant de recenser et de géo-référencer tous les ouvrages d'art en France et de disposer, en données ouvertes, d'informations relatives à la localisation des ouvrages, à leurs dimensions ainsi qu'aux restrictions de circulation applicables. L'objectif était notamment d'intégrer ces données dans les systèmes numériques d'assistance au déplacement (GPS) afin de mieux orienter le trafic routier (notamment des poids lourds).

Pour ce qui concerne les ouvrages d'art relevant du réseau routier national , l'État dispose d'une base de données ( ISIDOR ) recensant l'ensemble du patrimoine routier national, dont les ouvrages d'art du réseau routier national concédé et non concédé. Cette base est actualisée annuellement. En complément, l'État dispose de son propre système d'information géographique ( SIG ) : l'outil SIAMOA , base de données des ouvrages d'art sur le réseau routier national non concédé, contient une partie cartographique permettant de localiser les ouvrages. S'agissant des ouvrages du réseau routier national concédé, les gestionnaires autoroutiers possèdent généralement un SIG, d'après la DGITM 57 ( * ) .

S'agissant des ouvrages des collectivités territoriales , le Cerema a développé un SIG dans le cadre du programme national ponts permettant de référencer les ponts et les murs de soutènement des communes bénéficiaires du programme. Le Cerema prépare la mise en place d'une cartographie publique et la diffusion des données publiques 58 ( * ) d'ici la fin du 1 er semestre 2022. D'après le Cerema, ces données pourront être utilisées par des tiers, notamment les opérateurs de GPS, mais elles pourraient s'avérer insuffisantes par rapport à l'objectif d'orienter le trafic routier. En outre, la DGITM développe actuellement une base de données nationale recensant les arrêtés de circulation du transport de marchandises. La commission considère que cette base pourrait opportunément être utilisée pour détourner le trafic de poids lourds de certains ponts qui ne sont pas conçus pour supporter de telles charges.

En définitive, et en prenant en compte les différents SIG existants ou en cours de développement la commission estime que 30 % environ 59 ( * ) des ouvrages sont ou seront bientôt référencés dans un SIG . Malgré les progrès réalisés, la proposition de créer un SIG unique n'a à ce jour pas été mise en oeuvre. D'après le Cerema, « aucune décision n'a été prise concernant la mise en place d'un SIG unique pour les ouvrages d'art ». La commission déplore cette situation et considère qu' en l'absence d'un SIG unique répertoriant l'intégralité du patrimoine des ouvrages d'art, notre connaissance du patrimoine reste lacunaire et dispersée . Il convient de travailler à la réalisation d'une base de données unique sur ce sujet, dans une logique de gestion patrimoniale des ouvrages d'art, et pour des questions d'efficacité de la dépense publique.

Proposition 4 : mettre en place un « carnet de santé » pour chaque pont permettant de suivre l'évolution de son état et de programmer les actions de surveillance et d'entretien nécessaires.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à approfondir et à généraliser

Observations de la commission : si 55 % des ponts environ bénéficient ou vont bénéficier d'un carnet de santé, la commission considère nécessaire de généraliser cette pratique à l'ensemble des ponts.

La commission préconisait, dans son rapport de 2019, la mise en place , pour chaque pont , d'un « carnet de santé » (ou « carnet de maintenance ») définissant les caractéristiques de l'ouvrage, la politique de surveillance et d'entretien à prévoir et retraçant toutes les opérations effectuées sur l'ouvrage ainsi que l'évolution de l'état de l'ouvrage.

Ce type de suivi existe pour les ouvrages relevant de l'État et pour ceux relevant des concessionnaires d'autoroutes . La DGITM rappelle que « conformément à l'instruction technique sur la surveillance et l'entretien des ouvrages d'art appliquée sur le réseau routier national, chaque pont dispose d'un dossier d'ouvrage qui est un carnet de santé très détaillé ». En outre, le rapport de l'ONR confirme que la majorité des départements ont des pratiques similaires . Pour ce qui concerne le bloc communal , les communes participant au programme national ponts bénéficient d'un carnet de santé simplifié pour chaque pont, remis au maire à l'issue du programme.

En définitive, la commission estime qu' environ 55 % des ponts bénéficient ou vont bénéficier d'un carnet de santé 60 ( * ) . Elle considère indispensable de généraliser cette pratique , afin d'établir une « carte d'identité » de l'ensemble des ponts présents sur le territoire national. Cette connaissance de l'ensemble du patrimoine national est un préalable sine qua none à une gestion patrimoniale des ponts et à une répartition efficace de l'effort financier de l'État et des collectivités territoriales.

Proposition 5 : Intégrer dans la section « investissement » des budgets des collectivités territoriales les dépenses de maintenance des ouvrages d'art pour les inciter à accroître ces dépenses pendant une période transitoire de dix ans.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à renforcer

Observations de la commission : malgré certaines avancées récentes, il demeure nécessaire de créer une incitation à destination des collectivités par le basculement des dépenses d'entretien des ponts en section d'investissement.

Partant du constat suivant lequel les ponts sont insuffisamment considérés comme un véritable patrimoine nécessitant de faire l'objet d'actions de surveillance et d'entretien, la commission avait proposé, dans son rapport de 2019, de créer un effet incitatif par le biais d'un changement comptable transitoire permettant d' intégrer les dépenses liées à l'entretien des ouvrages d'art dans la section « investissement » des collectivités territoriales. Cette évolution permettrait aux collectivités territoriales, d'une part, de récupérer partiellement la TVA acquittée à l'occasion des travaux et, d'autre part, de ne plus soumettre ces dépenses à des contraintes budgétaires dans le cadre des pactes financiers.

Depuis lors, la loi de finances pour 2020 a étendu la possibilité de bénéficier du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux dépenses d'entretien des réseaux. Malgré cette évolution positive, qui permet à la commission d'estimer que sa proposition est en partie satisfaite (à hauteur de 50 % ), celle-ci déplore que les dépenses de maintenance, entretien et réparation des ponts et ouvrages d'art relèvent toujours de la section « fonctionnement » . Cette situation ne permet pas de faire sortir ces dépenses des contraintes budgétaires , alors même qu'il est avéré que l'entretien préventif des ponts permet d'économiser des dépenses de réparation beaucoup plus importantes.

Proposition 6 : Lancer une concertation avec les collectivités territoriales afin d'envisager la prise en compte de l'amortissement des ponts dans les outils de comptabilité publique.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : mettre en oeuvre cette proposition.

Dans son rapport de 2019, la commission proposait que soit lancée une concertation avec les collectivités territoriales pour adapter leurs outils de comptabilité publique afin d' envisager l'amortissement des ouvrages d'art et le provisionnement des sommes nécessaires , dans l'objectif de tendre vers une programmation pluriannuelle des dépenses d'entretien et de réparation des ponts. Cette proposition n'a pas été mise en oeuvre à ce jour à la connaissance de la commission, ce qu'elle regrette.

D'après la DGCL, « le cadre budgétaire et comptable s'appliquant aux collectivités territoriales subit actuellement de profondes mutations issues du mouvement de modernisation des finances publiques locales engagé depuis 2015. » 61 ( * ) . Elle cite notamment le cadre budgétaire et comptable applicable aux métropole s - correspondant au référentiel M. 57 - qui propose des règles budgétaires assouplies et de nouvelles normes comptables et qui a vocation à être généralisé à compter de 2024 62 ( * ) . En outre, l'article 242 de la loi de finances pour 2019 63 ( * ) , modifiée par l'article 137 de la loi de finances pour 2021 64 ( * ) , prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements volontaires peuvent à titre expérimental, mettre en oeuvre un compte financier unique , à compter de l'exercice 2021 et pour une durée maximale de trois exercices budgétaires. Dans ce contexte, la commission considère que la question de l'amortissement des ponts dans les outils de comptabilité publique doit être intégrée dans les réflexions en cours.


* 57 Réponse écrite de la DGITM au questionnaire de la mission d'information.

* 58 Hors état des ouvrages.

* 59 Il s'agit des 12 041 ponts du réseau routier national concédé, des 12 204 ponts du réseau routier national non concédé et des 40 000 ponts environ visités dans le cadre du programme national ponts.

* 60 Il s'agit 12 041 ponts du réseau routier national concédé, des 12 204 ponts du réseau routier national non concédé et des 40 000 ponts environ visités dans le cadre du programme national ponts. Pour les ponts départementaux, la commission a formulé une hypothèse selon laquelle 60 % des ponts des départements disposent d'un carnet de santé, en estimant le nombre des ponts départementaux à 100 000.

* 61 Réponse écrite de la DGCL au questionnaire de la mission d'information.

* 62 Le III de l'article 106 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a ouvert un droit d'option aux collectivités territoriales leur permettant d'adopter par délibération ce cadre budgétaire. Plus récemment, l'article 175 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a élargi le champ des collectivités pouvant opter pour le passage au référentiel M.57.

* 63 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 64 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

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