F. LE BILAN D'ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE EST-IL À LA PORTÉE DES PME ET TPE ?

Depuis la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle 2), les personnes morales de droit privé employant plus de 500 personnes en France métropolitaine (ou 250 dans les régions ou départements d'outre-mer) dont le siège social est situé sur le territoire national ou qui y disposent d'un ou plusieurs établissements stables, doivent réaliser, pour leurs activités en France, un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) couvrant les scopes 1 et 2 102 ( * ) .

Ce bilan doit être réalisé tous les quatre ans et doit être accompagné d'un plan de transition qui détaille les objectifs, les moyens et les actions envisagés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et, le cas échéant, les actions mises en oeuvre lors du précédent bilan. Les manquements à l'établissement ou à la transmission du BEGES peuvent être sanctionnés par une amende d'un montant maximum de 10 000 euros (et 20 000 euros en cas de récidive).

L'article 244 de la loi de finances pour 2021 a prévu d'y soumettre 103 ( * ) les entreprises de plus de 50 salariés dès lors qu'elles ont bénéficié d'aides dans le cadre du plan de relance , y compris des crédits ouverts au titre de l'activité partielle.

Ce bilan est simplifié et couvre le scope 1 au sens de la norme ISO 14064-1 104 ( * ) . Il doit être réalisé au 31 décembre 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés ; puis au 31 décembre 2023 pour les entreprises de 51 à 250 salariés.

Au-delà même, de ce cas particulier qui peut concerner les très petites PME, le BEGES a été récemment étendu .

Le décret n° 2022-982 relatif aux bilans d'émissions de gaz à effet de serre du 1 er juillet 2022 a en effet modifié le Code de l'environnement « afin de le mettre en cohérence avec les dispositions de la loi n° 2019-1147 relative à l'énergie et au climat. Il rend possible l'établissement d'un bilan consolidé des émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble des sociétés d'un groupe, sans limitation aux seules entreprises ayant le même code de nomenclature des activités françaises de niveau 2. Le décret modifie également le périmètre des émissions obligatoirement prises en compte dans l'établissement du bilan d'émissions, en intégrant les émissions indirectes significatives qui découlent des opérations et activités de l'organisme sauf pour les entreprises concernées non soumises à la déclaration de performance extra-financière » selon sa présentation.

Jusqu'à présent, les BEGES s'appliquaient aux scopes 1 et 2 des émissions, c'est-à-dire aux émissions directes de gaz à effet de serre liées aux activités et aux émissions indirectes de CO 2 liées à la production d'énergie, sous forme d'électricité ou de chaleur. Il devait servir à l'élaboration d'un plan d'action pour les entreprises de plus de 500 salariés et de plus de 250 salariés en Outre-Mer.

Désormais, le décret étend le périmètre des émissions de gaz à effet de serre à prendre en compte à celles du scope 3, soit à l'ensemble des autres émissions indirectes , pour les entreprises soumises à la déclaration de performance extra-financière (DPEF). Cela signifie que les entreprises de plus de 250 salariés réalisant 40 millions d'euros de chiffres d'affaires ou 20 millions d'euros de bilan devront également rendre compte de leurs émissions de scope 3, dans le cadre de la prochaine directive CSRD.

Or , selon une étude 105 ( * ) seulement 51 % des entreprises de l'échantillon prenaient en compte le scope 3 . Une majorité d'entreprises va devoir progresser pour calculer ce bilan. Cette obligation pèsera d'autant plus fortement que le décret a porté l'amende en cas de non-réalisation à 10 000 euros, voire au double en cas de récidive, contre 1 500 précédemment.

Le fait que les PME soient peu familières de l'exercice du BEGES inquiète de nombreuses entreprises. Ainsi, CCI France 106 ( * ) considère indispensable, la mise à disposition d'outils spécifiques . Le Gouvernement doit veiller « à ce que ces outils soient facilement utilisables par les entreprises. Cela suppose de proposer une méthodologie extrêmement simple et pédagogique, de sorte que son usage permette le développement de bonnes pratiques qui, avec le temps, pourront se renforcer. Il faut aussi éviter que l'utilisation de ces outils ne génère un accroissement de la production de documents, tendance trop souvent observée et qui affecte particulièrement les PME. Enfin, les CCI invitent les pouvoirs publics à prévoir une réévaluation des exigences périodiquement afin de les moduler, le cas échéant, et à adapter le calendrier si les premiers retours montrent un trop grand décalage entre ce qui est attendu et ce qui peut être effectivement réalisé ».

Il est toutefois relevé qu'il n'était pas prévu de sanctions en cas de manquement à l'obligation de publier un bilan simplifié ou à l'obligation de mise à jour périodique ni d'exiger des entreprises défaillantes le remboursement des aides allouées ou de suspendre les allocations versées en cas d'activité partielle.

CCI France invite donc l'État à « faire preuve de souplesse, pédagogie et progressivité dans la mise en place du BEGES simplifié exigé dans le cadre du plan de relance », à proposer, dans les meilleurs délais, « une méthodologie extrêmement simple et pédagogique » et à veiller à ce que l'obligation de publier un BEGES simplifié « ne se traduise pas, pour les petites entreprises, par un accroissement disproportionné du nombre documents à produire ».

En dehors de cette obligation, comme les grandes entreprises doivent intégrer dans leur propre BEGES les « émissions indirectes significatives » 107 ( * ) , les PME et TPE incluses dans la chaîne de valeur doivent désormais être en mesure de pouvoir répondre à des demandes sur leurs propres émissions.

La fourniture d'un référentiel simplifié relatif aux émissions de gaz à effet de serre pour toutes les PME et TPE est donc une nécessité.


* 102 Article L.229-25 code de l'environnement.

* 103 Il prévoit également la publication annuelle de l'ensemble des indicateurs composant l'Index de l'égalité professionnelle.

* 104 ISO 14064-1:2018 « Gaz à effet de serre -- Partie 1: Spécifications et lignes directrices, au niveau des organismes, pour la quantification et la déclaration des émissions et des suppressions des gaz à effet de serre ».

* 105 9 ème étude Tennaxia sur les pratiques de reporting et rapports RSE.

* 106 « PME, les enjeux du reporting climatique : comment accompagner le changement ? », décembre 2021.

* 107 Article R.225-105 du Code de l'environnement.

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