III. DES SERVICES AU CoeUR D'UN RÉSEAU D'ACTEURS

Les SPIP oeuvrent au service de l'autorité judiciaire et en lien avec de multiples partenaires. Une coordination et une relation de travail confiantes sont indispensables pour atteindre les objectifs poursuivis.

A. LE LIEN AVEC L'AUTORITÉ JUDICIAIRE

1. Le juge d'application des peines, interlocuteur privilégié du SPIP

Les SPIP et les juges d'application des peines (JAP) collaborent étroitement au quotidien, les premiers ayant notamment pour mission d'assister les seconds 21 ( * ) . Les SPIP sont saisis par les JAP dans le cadre d'un mandat judiciaire leur confiant le suivi d'une mesure judiciaire donnée, via une ordonnance portant, le cas échéant, des instructions précises.

Dispositions juridiques
encadrant les relations entre les JAP et les SPIP

Le juge de l'application des peines est assisté par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (article R. 57-3 et D. 49-27 du code de procédure pénale).

Selon les articles D. 574 et D. 575 du même code, le SPIP s'assure que la personne confiée au service se soumet aux mesures de contrôle et respecte les obligations qui lui sont imposées.

Le SPIP propose également toute modification des mesures en cours (ajout ou retrait d'une obligation particulière par exemple, changement de régime, etc. ) et rend compte de leur respect ou de leur violation. Le juge de l'application des peines, avec les autres magistrats mandants, détermine les orientations générales relatives à l'exécution des mesures confiées au SPIP (article D. 576 du code de procédure pénale).

Le SPIP définit les modalités de la prise en charge des personnes placées sous main de justice et les met en oeuvre, après en avoir avisé le magistrat mandant qui peut, le cas échéant, faire toutes observations utiles (article D. 577 du code de procédure pénale).

L'article 712-1 du même code dispose que « les juridictions sont avisées, par les services d'insertion et de probation, des modalités de prise en charge des personnes condamnées, définies et mises en oeuvre par ces services. Elles peuvent faire procéder aux modifications qu'elles jugent nécessaires au renforcement du contrôle de l'exécution de la peine ».

Source : contribution écrite de l'ANJAP

Pour ce qui concerne le suivi en milieu ouvert, le mandat est automatique puisque les peines d'emprisonnement assorties pour partie du sursis probatoire impliquent un avis de convocation à comparaitre devant le SPIP, en application de l'article 741-1 du code de procédure pénale.

La situation est différente pour les condamnés à une peine d'emprisonnement ferme laissés libres à l'audience. L'article 723-15 du code de procédure pénale dispose que, pour déterminer les modalités d'exécution de sa peine, le condamné est convoqué en premier lieu devant le juge de l'application des peines, puis devant le SPIP à moins que le JAP n'en décide autrement. L'ANJAP constate que les procédures effectivement mises en oeuvre peuvent varier : « les pratiques sont plus aléatoires, en fonction notamment de la taille des juridictions et surtout des effectifs des SPIP. Certains JAP saisissent systématiquement le SPIP quand d'autres ne le font presque jamais tellement les services sont engorgés (notamment Paris et sa couronne) » 22 ( * ) .

En milieu fermé, le JAP saisit le SPIP dans le cadre du débat contradictoire mis en place en application de l'article 712-6 du code de procédure pénale lorsqu'un condamné détenu sollicite un aménagement de peine, cet article précisant que le jugement est rendu « après avis du représentant de l'administration pénitentiaire » . En outre, l'article 712-4-1 du code de procédure pénale prévoit que « les décisions en matière d'application des peines sont prises après avis de la commission de l'application des peines » notamment composée d'un membre du SPIP.

Récemment, la loi « Justice de proximité » du 8 avril 2021 23 ( * ) est venue faire bouger la ligne de partage entre les compétences respectives des JAP et des DPIP en transférant de l'un à l'autre le soin de décider des modalités d'exécution de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général sauf, dans l'hypothèse où le JAP aurait décidé de les fixer lui-même. En conséquence, le DPIP possède désormais une compétence de principe qui peut toutefois être ponctuellement levée toutes les fois où le JAP souhaite l'exercer lui-même.

Les rapporteurs considèrent que le nouvel équilibre trouvé en matière de TIG pourrait, le cas échéant inspirer de nouveaux transferts de compétences, qui allègeraient quelque peu la lourde charge de travail des JAP tout en donnant de nouvelles responsabilités aux DPIP. En ce sens, l'ANJAP propose par exemple de confier de nouvelles compétences au SPIP en matière d'aménagement de peine ab initio : une fois le principe de l'aménagement de peine décidé, le SPIP pourrait « utilement déterminer les horaires, date d'écrou et le lieu d'assignation. De la même manière, en cas de changement de lieu d'assignation durant la mesure de détention à domicile sous surveillance électronique, le DPIP pourrait avoir compétence pour faire lui-même la modification ».

De même, l'ANJAP propose d'étudier la faculté de déléguer aux DPIP les permissions de sortie des détenus à domicile sous surveillance électronique, en semi-libertés et en placements extérieurs, sur le modèle de la délégation des permissions de sortie des détenus aux chefs d'établissement pénitentiaire permise par la loi du 23 mars 2019 24 ( * ) .

Les rapporteurs soutiennent ces réflexions qui visent à apporter de la fluidité dans la conduite des procédures et contribuent à la revalorisation du rôle des DPIP.

Proposition n° 5 :  Sur le modèle de la loi « justice de proximité » du 8 avril 2021 en matière de travaux d'intérêt général, étudier la possibilité de confier certaines tâches assurées par le juge de l'application des peines au directeur pénitentiaire d'insertion et de probation.

2. Le juge d'instruction, un partenaire plus occasionnel

Les relations entre les SPIP et les juges d'instruction (JI) sont plus occasionnelles, bien que les SPIP puissent être amenés à mettre en oeuvre des mesures de sureté ou des enquêtes sociales à la demande des magistrats instructeurs.

Les travaux conduits par les rapporteurs ont révélé la nécessité de mieux sensibiliser les CPIP aux contraintes inhérentes à l'instruction qui sont, il est vrai, le reflet d'un droit procédural devenu complexe. Selon l'association française des magistrats instructeurs (AFMI), les informations transmises par les SPIP ne sont pas toujours suffisamment formalisées pour pouvoir être versées à la procédure et soumises au contradictoire. Un rapport formalisé et signé doit être fourni, un appel téléphonique ou un courrier électronique ne pouvant s'y substituer. Les associations socio-judiciaires avec lesquelles travaillent les magistrats instructeurs, rompues à l'instruction, semblent plus sensibles à ces contraintes.

L'AFMI a également regretté que le délai nécessaire à la pose d'un bracelet électronique soit habituellement de l'ordre de trois à cinq jours. Ce délai n'est pas gênant si la personne mise en cause est en détention provisoire mais expose à un risque de fuite dans le cas contraire.

Proposition n° 6 : Sensibiliser davantage les CPIP aux contraintes propres à l'instruction dans le cadre de leur formation.

3. Un rapprochement à rechercher avec les formations de jugement

Très présent auprès du JAP, le SPIP l'est moins auprès de la formation de jugement, qui peut pourtant décider d'un aménagement de peine ab initio ou qui peut souhaiter qu'une peine en milieu ouvert soit mise à exécution très rapidement.

La proposition 10.1 du rapport thématique remis dans le cadre des États généraux de la justice par le groupe de travail « justice pénitentiaire et de réinsertion » présidé par Isabelle Gorce, préconise d'expérimenter l'organisation d'une permanence des SPIP au sein du tribunal correctionnel. Cette permanence permettrait, d'une part, au CPIP d'assister aux audiences, d'autre part, de recevoir le condamné juste après l'audience. Cette proposition a été retenue dans le rapport du comité des États généraux de la justice.

Comme l'expose le rapport précité, cette permanence faciliterait l'information du condamné sur les suites concrètes de sa condamnation, juste après son prononcé, permettrait de lui remettre une convocation au SPIP dans un délai très court ou de poser immédiatement un bracelet anti-rapprochement ou un bracelet électronique. On peut ajouter qu'elle faciliterait aussi les rapports avec les avocats, familiers des palais de justice, alors que l'audition du CNB a montré que leurs liens étaient souvent distendus.

Proposition n° 7 : Expérimenter une permanence des SPIP dans les tribunaux correctionnels afin de favoriser une relation plus fluide avec les formations de jugement.


* 21 Article R. 57-3 du code de procédure pénale et R. 113-27 du code pénitentiaire.

* 22 Réponse écrite au questionnaire des rapporteurs.

* 23 Articles 5 à 8 de la loi n° 2021-401 du 8 avril 2021 améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale modifiant notamment les articles 13122 et 131-36 du code pénal.

* 24 Article 85 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, modifiant l'article 712-5 du code de procédure pénale.

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