D. L'ENJEU VÉRITABLE, EN TERMES D'ÉCONOMIES, PORTE SUR LE PÉRIMÈTRE DES POLITIQUES PUBLIQUES PORTÉES PAR DES OPÉRATEURS ET AGENCES D'INTERVENTION

La commission ayant été constituée pour enquêter sur les agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, elle avait vocation - et l'a fait dans les pages qui précèdent - à formuler des propositions sur le fonctionnement de ces organismes, sur la répartition des compétences entre eux et d'autres organismes de la sphère publique, aboutissant au constat que certains d'entre eux pourraient être supprimés non seulement sans nuire à l'exercice de leurs missions, mais en améliorant même leur lisibilité et leur efficacité.

Elle n'avait pas vocation à décider que l'État, ou plus largement la sphère publique, doit abandonner complètement un champ d'intervention ou cesser d'accorder des aides332(*).

Or, c'est bien là que se situent les marges de manoeuvre les plus importantes. Si, comme on l'a montré, des économies sont possibles sur les charges de fonctionnement, elles ne peuvent être que limitées car sans charges de fonctionnement, comme leur nom l'indique, l'établissement ou l'administration ne fonctionne pas.

Le Gouvernement souhaite réaliser 40 milliards d'euros d'économie, dont la moitié environ sur l'État. Or, en comptabilité générale, les opérateurs ont reçu 77 milliards d'euros de financements publics (53 milliards d'euros hors établissements universitaires et de recherche) alors que la somme des produits régaliens de l'État était de 323 milliards d'euros333(*). Un effort des opérateurs identique à celui de l'État représenterait donc une diminution de leurs financements de 4,8 milliards d'euros (ou 3,3 milliards d'euros hors universités et recherche).

Il apparaît donc clair qu'une simple réorganisation des agences n'apporterait pas un tel quantum d'économies, surtout dès l'année 2026.

Seules des décisions fortes sur les dispositifs eux-mêmes permettraient de réaliser des économies sur les charges d'intervention et, par voie de conséquence, sur les charges de personnel et de fonctionnement sous-jacentes.

Sans qu'il revienne à la commission d'enquête de formuler des propositions, elle peut rappeler que cinq opérateurs portent, à eux seuls, les trois quarts des charges d'intervention en propre :

- France compétences (15,1 milliards d'euros, provenant des cotisations obligatoires des entreprises au titre de la formation professionnelle) ;

- AFITF (4,6 milliards d'euros) ;

- ANAH (3,8 milliards d'euros) ;

- France Travail (2,0 milliards d'euros) ;

- agences de l'eau (1,9 milliard d'euros, provenant des redevances sur l'eau, conformément à la logique historique selon laquelle « l'eau paie l'eau »).

Ces montants ne comprennent pas les dispositifs gérés en compte de tiers, par exemple par l'ASP ou l'Ademe, mais indiquent où des économies devraient principalement porter si des économies réellement importantes sur les opérateurs étaient recherchées.

L'effet d'entraînement d'une réduction des dépenses d'intervention sur les dépenses de fonctionnement serait très variable selon les opérateurs. Pour des agences de financement comme France compétences et l'AFITF, les frais de personnel et de fonctionnement sont déjà négligeables par rapport au poids des charges d'intervention. Pour France Travail, la situation est inverse : les charges d'intervention, quoi qu'importantes, sont encore largement dépassées par les charges de personnel (3,8 milliards d'euros) et de fonctionnement (1,2 milliard d'euros), qui ne diminueraient que légèrement si les charges d'intervention étaient réduites.

Enfin, entre abandon du soutien public ou subvention, un choix intermédiaire est parfois possible : pour les aides aux entreprises ou aux collectivités, par exemple, une étude devrait être conduite au préalable afin de déterminer dans quel cas les subventions peuvent être transformées en avances remboursables ou en prêt à taux zéro.

Recommandation : Pour les filières matures à rentabilité longue, transformer les subventions en prêt à taux zéro garanti par l'État.

Par ailleurs, s'agissant du soutien aux entreprises, l'État n'a pas vocation à prendre la place des filières. Le rapporteur a notamment étudié le cas des CTI et des CPDE.

Les CTI et les CPDE

Par exemple, les centres techniques industriels (CTI)334(*) et les comités professionnels de développement économique (CPDE)335(*) sont des établissements de droit privé mais d'utilité publique, dotés de la personnalité morale. Ils sont créés à l'initiative d'une organisation professionnelle qui, ayant créé un groupement en vue de conduire des programmes en commun, peut demander à l'État de lui attribuer le statut de CTI ou de CPDE.

Le CTI ou le CPDE est chargé d'une mission de service public. Par exemple, les CTI conduisent des travaux de laboratoires et des ateliers expérimentaux. Ils participent également aux enquêtes sur la normalisation et à l'établissement des règles permettant le contrôle de la qualité.

Ils bénéficient de recettes par une taxe fiscale affectée et, en retour sont soumis à une tutelle ministérielle et au contrôle économique et financier de l'État.

Source : commission d'enquête

Après avoir auditionné des représentants de ces organismes, le rapporteur a considéré que l'action, utile, de ces organismes, ne justifiait pas l'existence de prérogatives de puissance publiques telles que le financement par une taxe affectée, puisque leurs actions se placent au bénéfice d'une filière économique.

La commission d'enquête propose en conséquence que l'État retire la reconnaissance de mission d'intérêt général pour ces établissements, ainsi que l'affectation de taxe, et laisse aux filières professionnelles la responsabilité de gérer ces établissements si elles les estiment nécessaires.

Recommandation : Confier le développement des CTI et des CPDE aux filières.

Le rapporteur considère également que, lorsque la participation de l'État reste souhaitable, la forme du groupement d'intérêt économique devrait être privilégiée, avec une participation effective des entreprises. Cette formule « permet de mobiliser des compétences et des savoir-faire », comme l'a souligné Rose-Marie Abel, directrice générale par intérim d'Atout France, devant la commission d'enquête.

En conséquence, la formule du GIE devrait être retenue pour des structures qui ont pour objet direct la promotion de l'activité des entreprises, comme Business France. Il est toutefois nécessaire que la participation financière des entreprises soit effective et ne se limite pas à une participation à la gouvernance.

Recommandation : Favoriser le recours à la formule du groupement d'intérêt économique (GIE) pour les structures qui ont pour objet la promotion de l'activité des entreprises, avec une participation des entreprises d'au moins 50 % dans le budget de l'agence.

Envisager en conséquence la transformation de Business France en GIE et la diminution de la SCSP d'Atout France.


* 329 Cour des comptes, Suivi de la communication sur l'Établissement public d'insertion dans l'emploi (Epide), exercices 2021 à 2024, publié le 16 juin 2025.

* 330 Les deux tiers des dépenses de personnel des opérateurs sont concentrés dans les établissements d'enseignement (notamment les universités) et les grands centres de recherche (CEA, CNRS, etc.)

* 331 Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Audit des fonctions support de l'INSERM, présentation des principales recommandations, 2011.

* 332 Sur la question des aides aux entreprises, on renverra aux travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, dont les travaux ont été concomitants à ceux de la présente commission d'enquête.

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