Mme Annie Le Houerou. Cet amendement concerne la définition d’un financement de la politique de prévention lisible et identifié dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Le PLFSS pour 2026 fixe un Ondam de 270,4 milliards d’euros, avec une progression limitée à seulement 1,6 %. C’est beaucoup trop faible ; nous l’avons vu lors de l’examen de la deuxième partie du texte.

Concrètement, cela signifie que les moyens réels alloués à notre système de santé diminuent dans les faits. Cette contraction budgétaire touche d’abord les établissements médico-sociaux, les structures de soins de proximité et l’ensemble des acteurs engagés dans la prévention.

Pourtant, ce sont précisément ces acteurs qui sont en première ligne : prévention de la perte d’autonomie, repérage précoce des fragilités, actions de santé publique, accompagnement des personnes vulnérables. Autrement dit, ce sont ceux qui permettent d’éviter des hospitalisations évitables, des complications médicales coûteuses et une aggravation des inégalités de santé.

Par cet amendement, nous appelons à une clarification stratégique de la politique de prévention en France.

Aujourd’hui, nous avons des intentions, des plans et des annonces, mais il manque trois choses essentielles : d’abord, des objectifs précis et mesurables pour suivre les progrès ; ensuite, des financements clairement identifiés pour savoir comment les actions sont réellement mises en œuvre ; enfin, une gouvernance stable et partagée, car la prévention implique les collectivités, les professionnels de santé, les ARS, les associations, les établissements et, bien entendu, l’État.

Le rapport que nous demandons permettrait de poser les bases d’une réforme enfin solide et cohérente de la prévention, en lien avec les orientations du plan national de santé publique et les engagements du Gouvernement en matière de santé populationnelle.

Nous avons besoin d’une stratégie claire, lisible, financée et pilotée, car la prévention n’est pas un supplément facultatif : elle est l’un des leviers les plus efficaces et les plus économiques pour améliorer la santé des Français et réduire la pression de l’hôpital, mais aussi pour diminuer nos dépenses de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Comme vous vous en souvenez, l’an dernier, nous avions accepté et introduit une demande de rapport à l’article 69 de la loi de financement de la sécurité sociale, en l’occurrence sur les mesures adoptées dans les précédents PLFSS en matière de prévention. Ce devait être l’exception qui confirme la règle ! (Sourires.) Le rapport n’a pas été remis… La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Toutefois, comme vous le savez, notre commission a institué une mission d’information sur la prévention, dont les conclusions devraient être remises au prochain semestre. Nous les examinerons avec beaucoup d’attention. Je suis certaine qu’il s’agira d’un excellent rapport du Sénat ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Sur le fond, je rejoins complètement les auteurs de cet amendement.

L’an dernier, en tant que députée, j’avais déposé avec Aurélien Rousseau, lui-même ancien ministre, un amendement tendant à préciser une sous-section de l’Ondam sur la prévention.

Nous avons, me semble-t-il, un travail à mener pour renforcer la lisibilité du système. Car, contrairement à ce qui a été indiqué, nous mobilisons de nombreux financements en faveur de la prévention, primaire comme secondaire. D’ailleurs, cela ne concerne pas seulement l’assurance maladie.

Si j’émets un avis défavorable sur cet amendement, car je ne crois pas que le dépôt d’un rapport soit la solution, je suis très engagée sur le sujet, et j’essaie d’avancer.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Puisque nous parlons de prévention, j’aimerais évoquer un sujet qui m’est cher : l’hypercholestérolémie familiale et son dépistage. J’avais d’ailleurs déposé un amendement à ce propos, mais je ne le retrouve pas sur notre dérouleur.

En France, l’hypercholestérolémie familiale touche 250 000 personnes, dont 30 000 à 50 000 enfants, et il ne s’agit évidemment que d’estimations, puisque 10 % seulement des patients sont dépistés. C’est une maladie génétique héréditaire des plus courantes ; elle est, par exemple, quatre fois plus fréquente que la mucoviscidose. Le risque de transmission est de 50 % pour les enfants.

Si l’hypercholestérolémie familiale n’est pas dépistée et prise en charge précocement, elle peut avoir de lourdes conséquences, susceptibles d’entraîner des complications cardiovasculaires précoces. Ainsi, 50 % des hommes et 30 % des femmes font un infarctus avant l’âge de 50 ans. Dans sa forme rare, la forme homozygote, le risque apparaît dès l’âge de 12 ans.

Certains pays d’Europe ont déjà engagé des politiques de dépistage précoce ; c’est le cas des Pays-Bas, de l’Espagne et du Royaume-Uni.

L’OMS préconise le dépistage depuis 1998, mais il n’existe pas en France. Pourtant, un dépistage précoce permettrait d’éviter 6 500 syndromes coronariens aigus et de nous épargner un coût annuel de 70 millions d’euros. Sur la base du rapport de la Cnam, ce chiffre s’intègre dans un coût global des maladies cardiovasculaires, qui est de 17,8 milliards d’euros, soit 10 % des dépenses d’assurance maladie.

Dans un avis rendu en 2023, la HAS a confirmé l’importance de mieux reconnaître la fréquence et les conséquences de l’hypercholestérolémie familiale et de mieux identifier les personnes atteintes de cette maladie.

Ne pouvant pas déposer d’amendement en ce sens, j’en avais déposé un qui visait à évaluer les bénéfices et les coûts de la mise en place de ce dépistage précoce.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1742.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 783 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, MM. Bourgi et Montaugé, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Omar Oili, Temal, P. Joly et Gillé, Mmes Brossel et Bélim, MM. Mérillou, Pla et Lurel, Mmes Narassiguin et Conway-Mouret, MM. Redon-Sarrazy, Marie, Michau, M. Weber, Tissot et Cardon, Mme G. Jourda, M. Stanzione, Mmes Monier et Féret et MM. Chaillou et Ziane, est ainsi libellé :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2026, un rapport sur l’application des mesures de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2026 relatives à la santé mentale des jeunes, notamment en milieu rural. Ce rapport présente l’état d’exécution des crédits du Fonds d’intervention régional et des sous-objectifs de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie consacrés à la psychiatrie et à la prévention, et évalue leur impact sur l’accès aux soins de santé mentale des jeunes en milieu rural.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Par cet amendement, nous demandons un rapport sur la santé mentale des jeunes, notamment en milieu rural.

Depuis plusieurs années, la santé mentale des jeunes de 5 ans à 25 ans se dégrade de manière préoccupante et durable. Alors que l’on sait que 75 % des troubles psychiques apparaissent avant 25 ans, il est aujourd’hui absolument crucial d’identifier ces situations le plus tôt possible et de mieux y répondre. Prévenir, accompagner, soutenir : c’est tout l’enjeu.

Partout, les jeunes nous alertent. Ils dénoncent la banalisation de la discrimination dans leur espace de vie, à l’école, dans le sport, dans l’espace public. Ils disent se sentir jugés, catégorisés, incompris. Le poids des normes sociales, notamment autour du genre et de l’apparence, est synonyme de pression permanente.

Mais le problème s’intensifie encore selon le territoire où l’on vit. Les jeunes en milieu rural font face, eux, à une véritable triple peine : isolement géographique ; stigmatisation sociale ; manque de ressources adaptées et d’accompagnement.

Les dispositifs de santé mentale restent trop souvent pensés pour des contextes urbains et ne prennent pas suffisamment en compte les réalités rurales. À cela s’ajoutent des difficultés d’insertion, des freins pour accéder à une formation ou à un logement et des inégalités de genre plus marquées. Selon les travaux de l’Igas, près de 338 000 jeunes ruraux vivraient aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

Dans ce contexte, alors que la santé mentale des jeunes se dégrade, la progression de l’Ondam, là aussi à 1,6 %, ne permet évidemment pas d’apporter une réponse à la hauteur des besoins. Les sous-objectifs dédiés à la psychiatrie et à la prévention doivent impérativement être mieux suivis, mieux documentés, mieux calibrés, en particulier dans les territoires les plus vulnérables.

C’est pourquoi nous demandons qu’un rapport soit remis au Parlement avant le 30 juin 2026. Celui-ci devra retracer l’exécution des crédits du FIR et des sous-objectifs de l’Ondam consacrés à la psychiatrie et à la prévention, et en évaluer l’effet réel sur l’accès aux soins de santé mentale des jeunes en milieu rural.

M. le président. L’amendement n° 1495 rectifié, présenté par M. M. Vallet, Mme Canalès, MM. Bourgi, P. Joly, Cozic, Michau et Lurel, Mme Poumirol, MM. Redon-Sarrazy, Omar Oili et Ros, Mme Bonnefoy, MM. Pla et Temal, Mmes Bélim et G. Jourda, MM. Mérillou, Cardon, Tissot et Bouad, Mmes Rossignol et Conway-Mouret et M. Roiron, est ainsi libellé :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’application de l’article 29 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Ce rapport dresse un bilan de l’application des mesures relatives à la santé mentale des jeunes, notamment en milieu rural. Il présente l’état d’exécution des crédits du fonds d’intervention régional (FIR) et des sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) consacrés à la psychiatrie et à la prévention, et évalue leur impact sur l’accès aux soins de santé mentale des jeunes en milieu rural.

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Par cet amendement, mon collègue Mickaël Vallet réclame la même chose que Mme Le Houerou : un bilan de l’application des mesures relatives à la santé mentale des jeunes en milieu rural.

Sa démarche se fonde également sur le rapport de l’Igas de cette année : ma collègue Annie Le Houerou a souligné la grande vulnérabilité des jeunes ruraux.

On pourrait relier cette demande aux enjeux de lisibilité du FIR ; Mme la ministre y a fait référence voilà quelques instants.

Pour ma part, je la relierai plutôt aux tensions actuelles sur nos missions locales. Si ces dernières sont des acteurs de l’insertion, elles ne font pas que cela.

Nous savons très bien que les missions locales sont là pour lever les freins à l’insertion – c’est leur vocation première –, mais aussi aux mobilités, au logement, à la santé et, de plus en plus, en matière de santé mentale de ces jeunes.

Dans le cadre de l’examen du PLF, nous serons amenés à évoquer largement les missions locales. Certains collègues auront peut-être la tentation, sous couvert de « rationalisation », de les regrouper sur des territoires de plus en plus vastes.

Si c’est le cas, j’alerterai notre Haute Assemblée. J’ai été présidente d’une mission locale dite « urbaine », mais composée de 44 territoires ruraux. Si l’on élargit encore le périmètre des missions locales, celles-ci ne pourront plus mener leurs actions en matière d’insertion, mais également – c’est l’objet de l’amendement de M. Vallet – de santé mentale des jeunes, en particulier de nos jeunes ruraux, qui sont a fortiori plus éloignés des dispositifs.

Cette demande de rapport est donc aussi une manière d’alerter nos collègues sur la santé mentale de nos jeunes dans les territoires ruraux et sur les outils qui permettent de les accompagner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je laisserai Mme la ministre vous répondre sur l’importance des missions locales. J’ai bien entendu le message qui est exprimé au travers de ces deux amendements tendant à la remise d’un rapport, mais l’objectif visé n’est pas celui du PLFSS en tant que tel.

Vous avez raison, les jeunes ruraux ne sont pas les premiers bénéficiaires de l’action des missions locales, même si ces dernières sont très investies via leurs antennes et ont des équipes très engagées.

Je vous renvoie, chers collègues, au rapport qu’avaient réalisé nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin sur la santé mentale, que la commission des affaires sociales avait adopté. Cet excellent rapport, comme tous les travaux que produit le Sénat, vaut tous ceux que l’on pourrait demander dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Nous abordons un sujet majeur à fort retentissement, celui de la santé mentale des jeunes. Il existe actuellement 149 maisons des adolescents (MDA). Notre objectif est qu’un de ces établissements au moins soit présent dans chaque département. Nous avons à ce jour atteint 92 % de la couverture et nous poursuivrons les efforts qui ont été réalisés en ce sens.

Les conseils locaux de santé mentale (CLSM), à l’échelle du bassin de vie de la commune, permettent d’établir une cartographie faisant état de l’offre de soins disponible et des délais d’accès.

En outre, 103 projets territoriaux de santé mentale, inclus dans la feuille de route du Gouvernement, permettent d’apporter des réponses pour chaque territoire, sur la base d’un diagnostic local.

Du reste, comme vous le savez, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de renforcer la pédopsychiatrie à hauteur de 35 millions d’euros en 2026.

Quant à la labellisation des maisons du réseau France santé, elle a pour premier objectif de rendre visibles les points d’accès aux soins. Les jeunes pourront ainsi, quel que soit leur lieu de résidence, y compris en milieu rural, pousser la porte de ces services pour obtenir une réponse à leur demande.

Ce sujet est particulièrement important. Le Gouvernement sait que les missions locales ont leur importance, comme l’a rappelé le ministre du travail devant le Parlement. Il n’empêche que, en l’état, il émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Je connais la doctrine du Sénat sur les demandes de rapport et je la respecte totalement. Néanmoins, je tenais à apporter mon soutien à ma collègue Canalès.

Étant vice-présidente d’une mission locale exclusivement rurale qui concerne 72 communes, j’observe que de nombreux problèmes se posent en matière de santé mentale. Or ils passent sous les radars, car notre territoire, de toute évidence, n’est pas considéré comme un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Nous devons réellement conduire un travail à la maille sur le sujet de la santé mentale des jeunes, surtout en zone rurale, afin de lever les freins à la mobilité, à l’accès aux soins et au logement qui les tiennent à l’écart, en dépit de nos préoccupations très louables.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. L’examen du PLFSS nous permet de parler de santé publique. Si nous demandons des rapports à cette occasion, c’est parce que nous n’avons pas d’autre espace parlementaire pour le faire.

Madame la ministre, au-delà des jeunes en souffrance, ce sont leurs parents qui doivent être pris en charge. Tous les parents qui ont des enfants en grande difficulté – je pense notamment à ceux qui tentent de se suicider – se trouvent seuls et désemparés. Ces deux volets sont indissociables l’un de l’autre.

Je sais bien que le PLFSS alloue cette année des millions d’euros supplémentaires à la pédopsychiatrie, mais cela suffira-t-il ? Il n’est pas normal que les parents d’un gamin – il s’agit le plus souvent d’une fille – qui tente de se suicider n’aient pas les moyens, quarante-huit heures après une mesure d’hospitalisation, de l’adresser dans un parcours de soins. Il va sans dire que cette situation provoque le burn-out et la solitude des parents.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Dans le cadre de la préparation de notre rapport sur la santé mentale, avec mes collègues Céline Brulin et Jean Sol, nous avons visité des hôpitaux et mené un certain nombre d’auditions. À cette occasion, nous avons constaté qu’il y a aujourd’hui 40 % de pédopsychiatres de moins qu’en 2010. En outre, sur les 1 600 médecins scolaires que le budget prévoit de rémunérer, 700 seulement sont en exercice.

Enfin, on compte moins d’infirmières scolaires et les professionnels des centres médico-psychologiques (CMP) sont débordés.

Au cours de nos travaux, nous avons observé que, dans les Pyrénées-Orientales et en Seine-Maritime, les hôpitaux avaient embauché des infirmiers en pratique avancée (IPA) formés à la psychiatrie. Il se trouve que ces derniers apportent une aide précieuse aux équipes mobiles des CMP.

Après la parution de notre rapport, j’ai modestement élaboré un amendement visant à ce que le Gouvernement propose que les hôpitaux procèdent à des embauches, sans les imposer, afin d’assurer une meilleure prise en charge de la santé mentale. Or cet amendement a été rejeté : voilà pourquoi je souhaitais de nouveau l’évoquer dans le cadre de cette explication de vote.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Ces demandes récurrentes de rapport sont, pour chacun d’entre nous, une manière de mettre en lumière certains sujets de santé publique. À cet égard, je constate que la santé mentale, notamment celle des jeunes, préoccupe bon nombre de sénateurs.

La santé mentale a été déclarée grande cause nationale par l’exécutif en 2025. Pourtant, et cela me chagrine, alors que nous approchons de la fin de l’année, ce PLFSS n’est pas celui que nous attendions pour traduire en actes cet engagement.

La ministre a certes rappelé que 35 millions d’euros seraient alloués à la pédopsychiatrie en 2026. Toutefois, le montant de cette enveloppe, rapporté à la centaine de départements que compte notre pays, n’est pas tout à fait à la hauteur.

Daniel Chasseing l’a dit, les délais d’attente dans les CMP sont insupportables pour les familles. Certains malades font un séjour aux urgences, puis se retrouvent livrés à eux-mêmes. On les renvoie chez eux avec quelques médicaments en poche, en leur disant : « Débrouillez-vous ! »

Beaucoup de problèmes dans notre société ont un lien avec l’état de santé mentale de l’ensemble de la population, en particulier les jeunes. D’où la nécessité d’un investissement beaucoup plus important.

Chacun d’entre nous – je pense surtout à vous, madame la ministre – doit œuvrer à redonner ses lettres de noblesse à la psychiatrie, qui compte aujourd’hui parmi les spécialités les moins choisies par les jeunes médecins.

À ce jour, beaucoup d’établissements manquent terriblement de psychiatres et de pédopsychiatres. Dans ces conditions, veillons à ce que cette grande cause nationale qu’est la santé mentale ne soit pas uniquement un supplément d’âme et se traduise concrètement.

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour explication de vote.

M. Jean Sol. Je veux compléter les propos de Daniel Chasseing et de Céline Brulin, avec lesquels j’ai réalisé ce rapport sur la santé mentale qui nous a beaucoup appris. Certes, celle-ci a été érigée en grande cause nationale, mais, comme nous l’avons indiqué dans le titre de notre rapport, il n’existe « pas de “grande cause” sans grands moyens ».

Madame la ministre, au-delà de cet amendement qui concerne à juste titre la santé mentale des jeunes – le suicide est la première cause de décès chez les jeunes –, nous devons veiller à protéger les adultes et nos aînés. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont en réalité concernées.

Notre rapport avait relevé un manque d’hétérogénéité dans la prise en charge des patients par les CMP, en fonction des départements : dans certains territoires, les rendez-vous en CMP peuvent être obtenus en trois mois ; dans d’autres, les malades doivent attendre plus d’un an. Vous conviendrez que cela n’est pas admissible et qu’il faut agir.

Les conseils locaux de santé mentale qu’a évoqués Mme la ministre jouent un rôle important sur notre territoire. Cependant, eu égard à la pénurie de psychiatres et de pédopsychiatres, on ne peut que s’interroger sur la prise en charge effective de l’ensemble des problèmes de santé mentale.

C’est la raison pour laquelle nous devons encourager le développement des parcours d’IPA, en nous assurant qu’une formation en matière de santé mentale est bien dispensée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vous remercie d’avoir évoqué les IPA, en faveur desquels vous connaissez mon engagement. Sur les 2 400 IPA que compte notre pays, 600 exercent en psychiatrie. De toute évidence, ce nombre n’est pas suffisant et il faut encore l’augmenter.

Nous savons combien l’intervention des IPA est efficace sur le terrain, en coordination avec les médecins traitants et les psychiatres du territoire. La qualité de la prise en charge et de l’accès aux soins s’en trouve améliorée. Compte tenu de ces éléments, vous pouvez compter sur mon engagement pour augmenter le nombre d’IPA formés dans notre pays.

Mme Rossignol a raison : l’accompagnement ne peut être utile que si la prise en charge concerne à la fois les enfants malades et leurs parents, notamment lorsqu’il s’agit d’adolescents.

Vous l’avez dit, l’année 2025 est celle de la santé mentale. Que cela ne nous fasse pas oublier l’année suivante, ainsi que celles qui précèdent. Je rappelle en effet que le financement, après avoir beaucoup diminué, a été largement rehaussé ces cinq dernières années. Encore une fois, il faut poursuivre les efforts qui ont été engagés en ce domaine.

La feuille de route sur la santé mentale et la psychiatrie doit nous permettre de mieux détecter les jeunes en difficulté et de leur proposer une meilleure prise en charge, afin d’assurer leur récupération et reconstruction. C’est précisément sur ce sujet que le Gouvernement travaille.

Par ailleurs, je souhaite relancer le comité interministériel sur la santé mentale. J’espère, dans ce cadre, pouvoir proposer des avancées très concrètes d’ici à la fin de l’année.

M. Sol l’a rappelé, la prise en charge diffère selon les départements. Cela peut être lié à plusieurs éléments, comme la démographie et l’engagement. Quelquefois, les projets sont conduits sur l’initiative des CPTS.

Il faut aussi pouvoir compter sur l’accompagnement des agences régionales de santé, qui sont capables de lancer une dynamique sur ces sujets.

Du reste, les différences de prise en charge peuvent aussi dépendre des compétences exercées par les départements.

Je ne doute pas que vous reviendrez sur cette question dans le cadre de ce budget.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 783 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1495 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 555 rectifié bis est présenté par Mme Deseyne, M. Milon, Mme Lassarade, M. de Nicolaÿ, Mme Richer, MM. Bonhomme, Panunzi, H. Leroy et Lefèvre, Mme Gosselin, M. Piednoir, Mme Bellamy, MM. Houpert et Burgoa, Mmes Muller-Bronn et Malet, M. Grosperrin, Mmes Evren, Bonfanti-Dossat et Canayer, M. Genet, Mmes Aeschlimann et Pluchet et M. Gremillet.

L’amendement n° 856 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Buis et Rambaud et Mmes Schillinger et Havet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact de l’obésité sur les branches de sécurité sociale, notamment au regard des coûts associés à l’obésité et ses complications, des dépenses liées aux indemnités journalières et aux arrêts de travail, et des effets de cette pathologie sur les cotisations sociales. Ce rapport identifie les leviers de prévention et d’accompagnement susceptibles de limiter l’impact financier de l’obésité sur le système de protection sociale.

La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 555 rectifié bis.

Mme Chantal Deseyne. Nous souhaiterions connaître l’impact de l’obésité sur l’ensemble de nos comptes sociaux, afin de mieux alerter le public, car nous ne disposons que d’informations relativement parcellaires sur ce sujet.

Ainsi, nous demandons au Gouvernement de nous remettre un rapport. Celui-ci permettra d’identifier les leviers de prévention et d’accompagnement de l’obésité.

Toutefois, je sais d’avance quel sera l’avis de la commission sur cet amendement, compte tenu de sa position constante. C’est pourquoi je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 555 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 856 rectifié bis.

M. Xavier Iacovelli. Pour ma part, je ne retirerai pas mon amendement, car je pense qu’il est très important d’avoir des données chiffrées sur les conséquences économiques et sociales de l’obésité.

L’obésité n’est pas seulement un problème de santé publique, elle a aussi des impacts significatifs sur notre système de protection sociale : elle augmente le nombre et la durée des arrêts de travail, complique la reprise d’activité et réduit la participation des individus concernés au financement des régimes sociaux.

Selon plusieurs études soutenues par la Ligue nationale contre l’obésité, le Collectif national des associations d’obèses (CNAO) et le Cercle de recherche et d’analyse sur la protection sociale (Craps), les coûts indirects de l’obésité – qui incluent les indemnités journalières, les arrêts de travail, les dépenses liées aux maladies chroniques et les pertes de production – représenteraient plusieurs milliards d’euros chaque année.

Hier, nous disions déjà que 125 milliards d’euros sont déboursés pour le traitement des maladies liées à l’obésité et au surpoids. En outre, les recettes de la sécurité sociale sont affectées en raison d’une activité professionnelle réduite et de parcours d’emploi plus discontinus.

Dans un contexte de prévalence croissante de l’obésité, il est essentiel de disposer d’une analyse complète et consolidée de son impact sur les dépenses et les recettes de notre système social.

Le rapport demandé permettra aux pouvoirs publics, notamment le Parlement et le Gouvernement, de mieux comprendre les déterminants économiques et sociaux de l’obésité. Il contribuera à identifier les leviers efficaces de prévention et d’accompagnement, afin de limiter le coût collectif de cette maladie.

Je rappelle que la Haute Autorité de santé et l’Organisation mondiale de la santé considèrent l’obésité comme une maladie multifactorielle. Or notre pays ne la reconnaît toujours pas comme affection de longue durée, si bien qu’elle n’est pas prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.

Bref, ce rapport sera un outil de connaissance et de pilotage indispensable. Il nous aidera non seulement à agir de manière éclairée et stratégique contre l’obésité et ses conséquences économiques et sociales, mais aussi à soutenir notre modèle social.

Il est important que le législateur que nous sommes dispose de données fiables et chiffrées – j’insiste sur ce point, même si la commission émettra un avis défavorable.