Présidence de M. Xavier Iacovelli
vice-président
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Loi de finances pour 2026
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport général n° 139, avis nos 140 à 145).
Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Immigration, asile et intégration
M. le président. Le Sénat va examiner, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article additionnel après l'article 71).
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sujets qui sous-tendent le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » sont considérés comme des questions politiques majeures sur toutes les travées de cet hémicycle : parce que la question migratoire est consubstantielle à l'avenir de notre pays, à l'heure des bouleversements géopolitiques multiples ; parce que le contrôle des flux migratoires est une préoccupation constante des Français.
Cette année encore, notre pays est confronté à une pression migratoire sans précédent. La légère contraction constatée à l'échelle de l'Union européenne ne se ressent pas en France, pour l'instant. En 2024, 154 000 demandes d'asile ont été enregistrées auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) : c'est un record historique.
La même année, plus de 324 000 premiers titres de séjour ont été accordés sur le territoire français, soit 5 % de plus qu'en 2023.
Pour 2026, le budget est en hausse. Les crédits demandés s'élèvent à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente des hausses respectives de 25 % et de près de 4 % par rapport à 2025.
Ce budget marque donc un effort substantiel dans le contexte de réduction des dépenses publiques. Il traduit la volonté de ce gouvernement, ainsi que du précédent, de mener une politique migratoire plus rigoureuse.
Cet impératif de maîtrise de nos frontières, pour contrer résolument l'immigration clandestine, a deux traductions budgétaires majeures en 2026. Tout d'abord, près de 85 millions d'euros sont alloués à la mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l'asile.
Celui-ci offre des moyens juridiques aux États membres pour garantir des frontières extérieures sûres, avec des procédures rapides et efficaces adaptées aux situations de crise majeure liées à un nombre massif d'arrivées irrégulières.
Le pacte permet, par exemple, de soumettre à une procédure d'asile accélérée, à la frontière, les migrants a priori peu susceptibles d'obtenir une protection internationale. Dans ce cadre, plus de 600 places vont être construites à la zone d'attente (ZA) de Roissy-Charles-de-Gaulle. Des effectifs de l'Ofpra seront mobilisés sur place pour se prononcer sur ces demandes.
Ensuite, toujours pour lutter contre l'immigration irrégulière, le budget pour 2026 engage une hausse significative des dépenses d'investissement à destination des centres de rétention administrative (CRA), que j'avais appelée de mes vœux dans mon récent rapport de contrôle sur l'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention.
Quelque 160 millions d'euros seront déployés dans ce cadre, soit une hausse de plus de 260 % par rapport à 2025. Ces moyens semblent aujourd'hui à la hauteur pour atteindre l'objectif de 3 000 places de rétention dans l'Hexagone à l'horizon de 2029.
Vous me direz que l'abondement d'un budget ne constitue pas, en soi, une politique publique : c'est vrai. Je suis bien consciente des défis à relever sur les multiples pans de la politique migratoire, à différents échelons.
Le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), même s'il a progressé à partir de 2024, est encore trop faible. À peine 11 % des OQTF ont été exécutées cette année. Le taux de protection des demandeurs d'asile, à l'issue de la procédure, atteint 49 %, ce qui pose nécessairement la question du dévoiement du droit d'asile sur notre territoire.
Enfin, l'intégration liée à l'immigration légale est encore le parent pauvre de la mission, puisqu'à peine 20 % des crédits y sont consacrés. Toutefois, eu égard au volume d'étrangers primo-arrivants, un certain réalisme budgétaire impose de trouver des solutions sans augmenter exponentiellement les moyens.
Ainsi, depuis cet été, la formation linguistique des signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) est entièrement dématérialisée, sauf pour les non-scripteurs et les non-lecteurs.
Nous devons rester vigilants quant aux conséquences de cette dématérialisation sur le niveau de formation en langue, même si elle permet de se conformer à l'exercice budgétaire. Il en va de même de la prise en charge par les étrangers des frais de passage des examens linguistiques et civiques, mesure que notre assemblée avait introduite dans la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
Nous ne pouvons pas nous contenter d'analyser les crédits ligne à ligne. La question essentielle est de savoir quelles politiques nous devons conduire, sur la base de ces dépenses.
Quoi qu'il en soit, nous espérons que la politique qui sera suivie sera toujours claire : moins de pression migratoire, davantage d'éloignements et une meilleure intégration de ceux qui résident régulièrement sur le territoire, pourvu qu'ils connaissent leurs devoirs.
C'est dans le cadre de cette analyse que la commission des finances propose l'adoption des crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'appartient de présenter l'avis que mon collègue Olivier Bitz et moi-même avons émis sur cette mission budgétaire, au nom de la commission des lois.
Cet avis est favorable, pour plusieurs raisons. La première, c'est que le budget de la mission, d'un montant de 2,16 milliards d'euros – soit un quart des crédits de l'ensemble des politiques migratoires –, est en progression.
La rapporteure spéciale l'a indiqué, les crédits de paiement sont rehaussés de 3,8 % et les autorisations d'engagement de plus de 25 %. En cela, il est conforme à l'avis qu'avaient émis l'an dernier Muriel Jourda et Olivier Bitz.
Deuxième raison : ce budget nous donne les moyens de lutter contre l'immigration irrégulière. Le contexte de pression migratoire record de l'année 2024 – qui s'est caractérisé par 150 000 interpellations d'étrangers en situation irrégulière, le versement de l'aide médicale de l'État (AME) à plus de 463 000 bénéficiaires et la présence sur le territoire de plus de 700 00°étrangers dont le séjour était considéré comme illégal – justifie des mesures énergiques.
Ce contexte est également celui de mesures d'éloignement qui, malgré une progression de 23 % en 2025, restent difficiles à mettre en œuvre.
Le nombre d'OQTF exécutées, quant à lui, reste faible. Dans ce contexte, le plan CRA 3000 se dote de moyens suffisants pour atteindre en 2029, et non plus en 2027, l'objectif fixé.
En 2026, 340 places en rétention administrative seront créées. Les aléas fonciers et immobiliers expliquent le retard qui a été pris (M. le ministre opine.), comme nous l'ont confirmé nos différents interlocuteurs. Cette année, les autorisations d'engagement en la matière seront multipliées par trois.
La dernière raison pour laquelle la commission des lois approuve les crédits de la présente mission tient, bien évidemment, à la nécessité de remédier aux difficultés d'identification des étrangers, en particulier en lien avec l'Algérie. À cet égard, je rappelle que 40 % des étrangers en situation irrégulière retenus au sein des CRA sont d'origine algérienne.
Le pacte sur la migration et l'asile connaît une première traduction budgétaire au travers de cette mission. La commission des lois émet sur ce sujet quelques réserves : le pacte devra s'appliquer à partir du 12 juin prochain, ce qui suppose le dépôt d'un texte rapidement, dès le début de l'année.
En outre, la traduction budgétaire de 34 millions d'euros de crédits pour appliquer le pacte dès cette année ne nous semble pas totalement conforme avec les premières estimations.
Quelques mots de l'asile, qui relève également de la mission. L'Ofpra, qui est l'opérateur de l'État compétent en ce domaine, voit ses moyens renforcés de 48 postes, après la création de 29 postes l'année dernière, afin de réduire les délais de traitement, souvent égaux ou supérieurs à dix mois. Ces délais restent ainsi loin de l'objectif cible, soit six mois.
Il n'empêche que le renforcement du nombre d'équivalents temps plein (ETP) va dans la bonne direction et permettra d'assurer la cohérence des politiques déployées en matière de réduction de l'hébergement et de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).
Enfin, des crédits sont alloués à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Je pense que la territorialisation devrait porter ses fruits rapidement. Je ne doute pas que mon collègue Bitz reviendra, tout à l'heure, sur la politique d'intégration. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour votre parfaite information, qu'il y a 31 amendements à examiner sur cette mission.
La conférence des présidents a fixé la durée maximum de la discussion à deux heures. Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux, telle qu'elle a été arrêtée par la conférence des présidents, et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission serait reportée à la fin de semaine.
Par ailleurs, la conférence des présidents, réunie mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir l'examen serein d'une mission dans les délais impartis, les temps de parole sont fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
Le nombre d'amendements à examiner sur la présente mission, rapporté à la durée dont nous disposons ce matin, nous conduit à observer un rythme de discussion de 31 amendements par heure – soit l'ensemble des amendements déposés –, ce qui est élevé.
Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer l'examen de cette mission, les durées d'intervention seront fixées ce matin à une minute.
Immigration, asile et intégration (suite)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui des explications de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats qui s'ouvrent aujourd'hui sur la seconde partie du projet de loi de finances constituent, chacun le sait ici, un moment particulier. Ils se dérouleront sans doute exclusivement dans notre assemblée, ce qui leur donne d'autant plus de sens.
Ce budget est le dernier du double quinquennat d'Emmanuel Macron. Or un dernier budget est toujours l'occasion de faire un bilan.
Sur le sujet de l'immigration, notre position est connue : privilégier les nôtres avant les autres. C'est un principe normal et républicain, qui est pourtant bien peu appliqué.
Profitons de l'examen des missions de ce matin pour présenter les résultats de dix ans de gouvernement.
Je commencerai par évoquer les trois objectifs majeurs fixés dans le cadre de cette mission – je vous en prie, mes chers collègues, ne rigolez pas !
Le premier objectif est celui d'une approche maîtrisée de l'immigration. Où en sommes-nous ? Selon les chiffres du ministère de l'intérieur, 220 000 entrées ont été enregistrées en 2019, contre 330 000 entrées officielles, donc légales, en 2024 : cette petite augmentation de 50 % est indéniablement le signe d'une approche maîtrisée de l'immigration !
Selon d'autres instances, comme l'Observatoire de l'immigration et de la démographie (OID), il y aurait environ 500 000 entrées légales par an, de quoi porter, en l'espace d'un quinquennat, le nombre d'étrangers à celui des habitants du département du Nord.
Si la part des étrangers représentait 10 % de la population totale, ils sont aujourd'hui 11 %, soit 16 % d'augmentation : voilà encore le signe d'une immigration maîtrisée !
Dans ces conditions, comment encore parler de contrôle ? Comment ne pas y voir une véritable logique de peuplement, voire une forme de submersion migratoire ?
Le pire, mes chers collègues, réside non pas dans toutes ces données, mais dans la négation des volontés démocratiques de notre peuple qui, de sondage en sondage, d'élection en élection, à droite comme à gauche, réclame une maîtrise effective de notre immigration – c'est-à-dire, disons-le franchement, sa drastique réduction.
On objecte parfois que l'immigration serait indispensable à notre dynamisme économique. Encore faudrait-il que ce soit vrai. À peine 20 % des titres délivrés le sont pour des motifs économiques. L'immigration actuelle ne répond donc ni aux besoins de notre économie ni à ceux de notre marché du travail.
L'immigration actuelle, en revanche, contribue à la déstabilisation présente de notre système social, de notre culture et, in fine, de notre nation.
Deuxième objectif de la mission : l'intégration des étrangers en situation régulière. Chaque mot ici mérite notre attention. Qu'en est-il de l'immigration irrégulière ? Les administrations, comme les ministres, peinent à en donner une estimation claire : les étrangers concernés seraient entre 700 000 et 1 million, signe indéniable de l'impuissance publique sur ce sujet.
Et que dire de cette notion d'intégration, qui a désormais supplanté celle, bien plus exigeante, d'assimilation ? L'assimilation est un idéal qui, pendant des décennies, a su faire de femmes et d'hommes venus d'ailleurs des Français à part entière, qui partagent nos valeurs, nos mœurs et notre histoire.
Alors que tant de Français sont issus de cette assimilation républicaine, les administrations et les élites du système ont depuis longtemps abandonné cet objectif pour la très anglo-saxonne intégration, créant ainsi un chapelet de communautés adverses qui défont notre unité nationale.
Le temps me manque, malheureusement. J'aurais dû également évoquer l'application odieuse du pacte sur la migration et l'asile, le détournement complet de notre système d'asile, la non-application des OQTF et les centaines de millions d'euros dépensés pour soutenir les associations immigrationnistes – j'en donnerai des exemples tout à l'heure.
In fine, cette politique, encore et toujours, a échoué, comme toutes les autres. Mais au vu de ses effets historiques et sociaux, c'est elle qui aura les conséquences les plus importantes.
Je le dis à nos concitoyens : gardez courage ; en 2027, nous arrivons !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », répartis entre 2,24 milliards d'euros en AE et 2,16 milliards en CP.
Ces crédits progressent par rapport à la loi de finances pour 2025, un fait suffisamment rare pour être souligné. Toutefois, cette hausse profite presque exclusivement au programme 303 « Immigration et asile », plus précisément à l'action n° 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière ».
D'emblée, mon groupe regrette cette orientation unique, qui donne la priorité à la logique répressive au détriment de l'intégration réussie. Dans le détail, l'action « Lutte contre l'immigration irrégulière » voit ses autorisations d'engagement croître de 87 % et ses crédits de paiement de 40 %.
Le Gouvernement fait le choix d'accélérer la création de nouvelles places en CRA. Mon groupe, quant à lui, considère que l'urgence réside plutôt dans l'amélioration des centres actuels, dont les conditions de rétention sont régulièrement dénoncées.
J'aimerais d'ailleurs aborder un sujet qui a été évoqué par les rapporteurs dans leurs travaux. La rétention administrative est une politique fort coûteuse – chaque mesure de rétention est chiffrée à 16 200 euros –, alors qu'elle a une efficacité très limitée.
La Cour des comptes recommande de miser davantage sur les retours volontaires, moins chers et surtout beaucoup plus respectueux de la dignité des personnes.
Pour rappel, notre pays est le champion d'Europe de l'OQTF, avec plus de 100 000 décisions prononcées jusqu'à présent en 2025, pour un taux d'exécution très faible, de l'ordre de 10 %.
La crispation diplomatique avec Alger, qui s'est concrétisée par l'arrêt de la coopération consulaire, ne va pas améliorer les choses, surtout lorsque l'on sait que 40 % des retenus en CRA sont Algériens.
Je me suis rendue en Algérie avec deux collègues de mon groupe, en mars dernier. Nous considérons que nous devons absolument retrouver le chemin du dialogue et de la coopération.
Cela implique des efforts d'apaisement des deux côtés de la Méditerranée. Nous renouvelons notre offre, monsieur le ministre, de vous apporter notre soutien en ce sens.
Plus largement, le RDSE invite le Gouvernement à ouvrir une réflexion d'ampleur sur la politique d'immigration française. Certes, le sujet concentre des clivages idéologiques forts, mais nous vivons dans un monde où les guerres se multiplient et où les mouvements migratoires s'accélèrent, avec 117 millions de déplacés forcés à l'échelle de la planète.
De toute évidence, la réponse à ce phénomène ne peut pas se limiter aux OQTF et aux CRA.
Concernant le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », nous sommes particulièrement déçus. On le sait, à compter du 1er janvier 2026, on demandera aux étrangers une maîtrise accrue de la langue française pour obtenir leur titre, soit un niveau A2 pour la carte de séjour pluriannuelle, un niveau B1 pour la carte de résident et un niveau B2 pour la naturalisation.
Ces dispositions feront de la France l'un des pays européens les plus exigeants en matière d'intégration linguistique, aux côtés du Danemark et de la Hongrie.
Je tiens d'ailleurs à souligner la difficulté que cela va représenter pour les conjoints étrangers des Français établis hors de France : ils craignent une installation familiale dans notre pays rendue difficile sur le plan administratif, à cause du manque d'accompagnement pour l'accès à la langue française.
De fait, ce budget ne prévoit aucun renfort pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Nous avons même renoncé aux cours de français en présentiel en favorisant le tout numérique. Celui-ci peut constituer un début d'apprentissage, mais on ne peut pas en attendre des miracles.
En réalité, l'exigence renforcée du niveau de langue agit, faute d'accompagnement, comme un nouveau filtre migratoire qui ne s'assume pas comme tel.
Enfin, j'aimerais rappeler que la façon dont nous traitons les étrangers n'est jamais sans conséquence. La politique de délivrance des visas a de fortes répercussions sur la manière dont notre pays est perçu à l'international.
On peut comprendre le ressentiment des étrangers de certains pays qui se voient très facilement refuser leur visa de court séjour, l'administration craignant qu'ils ne restent en France alors qu'ils n'en ont nullement l'intention.
Cela finira par créer inévitablement des mesures de réciprocité, dont nos compatriotes établis hors de France seront les premiers à souffrir.
Compte tenu de ces éléments, nous pensons qu'une meilleure lutte contre l'immigration illégale passe non pas par le maintien ou une plus grande fermeture des visas de court séjour, mais par un meilleur contrôle des travailleurs saisonniers.
Vous l'aurez compris, le RDSE, qui estime que ce budget ne porte pas les valeurs d'intégration républicaine qu'il a toujours défendues, ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Ian Brossat et Guy Benarroche applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue David Margueritte et moi-même avons, en tant que corapporteurs pour avis de la commission des lois, émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Nous saluons l'effort important que le Gouvernement fait en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, à laquelle notre commission est traditionnellement très attentive. Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il intervient dans un contexte budgétaire particulièrement contraint et qui, nous le savons, impose des choix parfois difficiles.
Je souhaiterais revenir sur trois points, à commencer par l'augmentation de la capacité des centres de rétention administrative. Il s'agit de l'une des priorités de ce budget ; en conséquence, elle fait l'objet d'un investissement important de près de 100 millions d'euros.
Ce budget permet de dessiner une trajectoire crédible pour atteindre en 2029, soit avec deux ans de retard par rapport à l'échéance initiale fixée via la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), l'objectif de disposer de 3 000 places en CRA dans l'Hexagone.
Tout en regrettant ce retard, nous saluons cet effort significatif, qui devrait se traduire par la création de plus d'un millier de places de rétention en quatre ans, dont 340 dès 2026.
Si le taux d'éloignement à l'issue d'un placement en CRA demeure décevant – il ne dépasserait pas 36,4 % en 2025 –, la rétention demeure le moyen le plus sûr de mener à bien les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. À cet égard, nous espérons que l'amorce d'une détente des relations avec l'Algérie se traduise par une reprise de la coopération consulaire, alors que les Algériens constituent, de loin, le groupe national le plus important dans les CRA.
Il ne suffit toutefois pas de créer des places de rétention, il faut trouver les effectifs suffisants pour permettre aux CRA de fonctionner. Les difficultés pour attirer et fidéliser les agents qui y exercent sont profondes et bien connues.
Dans le CRA de Coquelles, que j'ai visité il y a quinze jours, il manquait 40 personnels sur un effectif théorique de 140 ETP. En retenant un ratio de 1,3 policier par retenu, 1 300 agents supplémentaires seraient nécessaires d'ici à 2029.
De même, les créations de postes au profit de la police aux frontières (PAF), qui s'élèvent à 300 ETP, paraissent en deçà des besoins.
J'ajoute que, depuis l'instruction relative à l'expulsion et l'éloignement des étrangers délinquants, édictée par Gérald Darmanin le 3 août 2022, le profil des personnes retenues a évolué. On compte désormais une part très élevée d'individus sortant de prison et de personnes risquant de troubler l'ordre public. Cela appelle à changer les pratiques professionnelles des agents et les infrastructures bâtimentaires, souvent peu adaptées à un tel public.
J'en viens à la question de la formation linguistique. Les nouvelles modalités de formation décidées par le ministère et l'Ofii, notamment le recours à la dématérialisation, ont permis la mise en œuvre, à budget constant, de la réforme prévue par la loi du 26 janvier 2024. Elle présente un intérêt indiscutable puisque le coût de la mise en œuvre à condition inchangée des nouvelles exigences linguistiques avait été estimé à 100 millions d'euros.
La responsabilisation des signataires d'un contrat d'intégration républicaine, en passant d'une logique de moyens à une logique de résultats, doit également être saluée.
S'il est trop tôt pour porter un jugement sur les nouvelles modalités de la formation linguistique, nous avons été alertés sur deux aspects problématiques. D'une part, la qualité de la formation en ligne et son caractère exclusif peuvent se révéler inadaptés pour certains publics. D'autre part, en ce qui concerne les publics les plus fragiles, auxquels est proposé le parcours de 600 heures, le nombre réduit de prestataires de formation dans certains départements oblige les intéressés à faire des trajets difficilement soutenables.
Dans le département de l'Orne, au hasard, une personne qui doit se rendre dans un centre de formation à Alençon depuis Flers, afin d'y suivre son programme de 600 heures en présentiel, est contrainte de prendre le car durant deux heures le matin et deux heures le soir.
Nous serons particulièrement vigilants sur ce sujet. Il me paraît primordial qu'une évaluation de ces nouvelles modalités soit menée d'ici le prochain exercice budgétaire.
En dernier lieu, je souhaiterais évoquer le pacte européen sur la migration et l'asile. Celui-ci regroupe neuf règlements et une directive, dont la majorité des dispositions seront applicables à compter du 12 juin 2026.
Le pacte comporte des évolutions majeures du droit de l'asile. Outre la création d'une procédure de filtrage aux frontières extérieures et la refonte de la procédure d'asile à la frontière, il apporte des modifications d'ampleur à la procédure d'asile de droit commun et au régime des conditions matérielles d'accueil.
Les crédits de paiement destinés à sa mise en œuvre en 2026 atteignent 85 millions d'euros, soit quasiment la moitié de l'estimation transmise à la commission européenne l'année dernière, qui s'élevait à 150 millions d'euros en 2026 et à près de 600 millions d'euros pour la période 2025-2027.
Monsieur le ministre, à ce jour, nous n'avons pas reçu d'explications parfaitement claires sur les causes et l'ampleur de l'écart entre le budget qu'a présenté le Gouvernement à la Commission européenne l'an dernier et la trajectoire budgétaire dans laquelle nous nous situons.
Surtout, nous ne pouvons qu'être inquiets des conditions de mise en œuvre du pacte ; l'ensemble des acteurs du secteur nous ont alertés sur certains points qui demeurent incertains.
Beaucoup de dispositions étant d'application directe, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur une adaptation de notre droit d'ici au mois de juin prochain, au risque de créer de la confusion et une certaine forme d'insécurité juridique.
Compte tenu de ces observations, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Bruno Belin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l'immigration relève du cœur même des responsabilités régaliennes de l'État. Il s'agit de maîtriser nos flux migratoires, de garantir un asile digne et d'assurer l'intégration réussie de celles et de ceux qui ont vocation à rejoindre notre communauté nationale et à en respecter la culture, car, disons-le, il existe bel et bien une culture française.
L'année dernière, notre groupe avait exprimé une préoccupation forte face à la baisse des crédits. Nous considérions que réduire les moyens de l'État en période de forte pression migratoire envoyait un signal contraire à l'exigence de fermeté et d'efficacité que nos concitoyens attendent.
Pour l'année 2026, la trajectoire budgétaire change nettement. La mission enregistre une hausse importante des autorisations d'engagement de plus de 25 % et une progression des crédits de paiement, en cohérence avec la programmation annoncée, notamment dans le cadre du programme « Immigration et asile ».
Cette évolution reflète la prise de conscience que la maîtrise migratoire a un coût et que celui-ci doit être assumé.
Certes, à l'échelon européen, les flux se contractent légèrement, mais cette tendance ne se répercute pas encore en France. Nous continuons à faire face à une pression importante, avec une hausse de 8 % des demandes d'asile enregistrées en 2024. Et même si les chiffres de 2025 amorcent une légère baisse, ils traduisent un infléchissement encore fragile.
Dans ce contexte, nous devons veiller à ce que l'État dispose des moyens nécessaires pour répondre à la situation de façon équilibrée et lucide.
Aujourd'hui, seulement 10 % à 11 % des OQTF prononcées sont exécutées ; c'est une véritable fragilité de notre pays. Ce taux demeure trop faible et mine notre crédibilité.
Nous saluons les efforts entrepris, notamment le renforcement des effectifs. Nous nous félicitons également des effets produits par la loi du 26 janvier 2024, qui a étendu le champ des expulsions pour menaces à l'ordre public et permis de faire progresser le taux d'exécution jusqu'à 42 %.
Si nous n'augmentons pas significativement les capacités de rétention et ne parvenons pas à obtenir plus systématiquement des laissez-passer consulaires, nous resterons en deçà de l'objectif.
À ce titre, la montée en puissance des investissements dans les centres de rétention administrative, à hauteur de plus de 266 millions d'euros, va dans le bon sens. Nous devrons cependant veiller à ce que ces crédits soient effectivement consommés.
Les obstacles administratifs et fonciers ont retardé de trop nombreux projets par le passé.
L'un des volets les plus encourageants de cette mission est le renforcement des moyens de l'Ofpra pour raccourcir les délais de traitement. C'est là un point essentiel, car une décision de droit d'asile, qu'elle soit positive ou négative, doit être exécutée rapidement.
Nous saluons aussi la méthode qui consiste à améliorer l'efficacité administrative pour réduire les coûts, plutôt que de restreindre les droits.
Le pacte européen sur la migration et l'asile, qui entrera en vigueur en 2026, nécessite d'anticiper des dépenses nouvelles. Ainsi, près de 85 millions d'euros sont prévus pour cette seule année. C'est une étape importante ; la France ne peut pas répondre seule à une pression migratoire qui est structurellement européenne.
Les crises régionales, qu'elles surviennent en Afrique, au Moyen-Orient ou en Ukraine, montrent que les flux migratoires sont, de toute évidence, sensibles aux crises géopolitiques.
Les récents débats autour des politiques migratoires au sein de l'administration américaine rappellent également combien ces sujets se mondialisent rapidement.
Dans ce contexte, nos accords bilatéraux, notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, devront sans doute être repensés pour renforcer notre capacité à maîtriser nos frontières et nos retours. Nous devrons aussi être plus vigilants sur les flux entrants, notamment en provenance de pays qui ne respectent pas les droits des femmes.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce budget, qui garantit une amélioration réelle de l'efficacité des éloignements, un traitement plus rapide des demandes d'asile et une intégration fondée sur l'exigence républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)


