Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller.
Discussion des articles (Suite)
Article 3 (Suite)
M. le président. - Amendement n°69 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous proposons de réécrire l'article 3 pour que les territoires sous-dotés bénéficient de l'apport de médecins à temps plein, non à temps partiel. Dans notre République, il n'y a pas de citoyens de seconde zone : chacun a droit à un médecin.
Nous reprenons simplement le dispositif en vigueur pour les infirmiers depuis 2008 ou les masseurs-kinésithérapeutes depuis 2010, lequel est en train de prouver son efficacité.
On ne pourrait réguler la pénurie ? D'abord, il faut rappeler que cette pénurie a été organisée par le numerus clausus. Ensuite, je me demande si certains n'en tirent pas prétexte pour s'opposer à toute forme de régulation...
L'alerte lancée par l'Ordre des médecins sur l'excès de médecins dans quelques années m'inquiète. Nous devons évidemment former davantage de médecins. Mais il faut aussi répondre à l'aggravation des inégalités entre départements, que Mme la rapporteure a mise en évidence.
Le système que nous proposons respecte la liberté d'installation, puisqu'il restera possible de s'installer sur l'immense majorité - 87 % - du territoire. Dans les 13 % restant, cette liberté sera encadrée.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié bis de M. Menonville et alii.
M. Franck Menonville. - Je remercie le président Mouiller pour son initiative, qui tombe à point nommé alors que la fracture territoriale en matière d'offre de soins se creuse.
Nous proposons un système de régulation des installations dans les territoires où l'offre de soins est suffisante : les installations seraient soumises à une autorisation de l'ARS, qui ne pourrait être accordée qu'en cas de cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité. Des dérogations sont toutefois prévues pour tenir compte des situations personnelles.
Rien de révolutionnaire : les infirmiers libéraux, par exemple, sont déjà soumis à ce régime.
Notre système de sécurité sociale assure le remboursement de nombreux actes. Tous les acteurs doivent être responsables, dans ce cadre qui n'est pas celui d'un marché libéral classique. Un peu de régulation est possible et nécessaire, et beaucoup d'autres professions en font déjà l'objet.
M. le président. - Amendement n°99 rectifié de M. Fichet et du groupe SER.
M. Jean-Luc Fichet. - Nous proposons un conventionnement sélectif à l'assurance maladie lors de l'installation des médecins libéraux : dans des zones définies par les ARS en concertation avec les syndicats, un nouveau médecin ne pourrait s'installer en étant conventionné qu'à la cessation d'activité d'un médecin déjà installé. Ce principe s'applique déjà pour de nombreux autres professionnels de santé : infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes...
La liberté d'installation demeurera, mais le conventionnement sera sélectif pour inciter les médecins libéraux à s'installer en zone sous-dotée. Ce système sera bien plus efficace que le dispositif actuel de l'article 3.
M. le président. - Amendement n°89 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Il s'agit d'un repli par rapport à l'amendement précédent. Nous proposons d'intégrer l'ensemble des médecins, et pas seulement les jeunes, dans la mission de solidarité territoriale. Comme Mme Doineau l'a souligné hier, il serait injuste de faire supporter par les jeunes générations seules les conséquences catastrophiques du numerus clausus, faute politique des gouvernements successifs et de l'Ordre des médecins. Il s'agit d'instaurer un système fondé sur la responsabilité collective des médecins.
M. le président. - Amendement n°77 rectifié bis de Mme Guillotin et alii.
M. Henri Cabanel. - L'article 3 suscite une forte inquiétude sur le terrain. Si nous voulons mobiliser durablement la profession médicale, il faut cesser d'envoyer de mauvais signaux et mettre en place des solutions positives. Dans cet esprit, nous proposons la création d'une mission de solidarité territoriale définie collectivement, proportionnée aux besoins locaux et pilotée par les ARS. Privilégions une approche fondée sur la responsabilité collective, la confiance et l'implication active des médecins.
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. - Ces amendements tendent à réécrire l'article 3.
Les trois premiers instaurent un système contraignant : autorisation d'installation pour l'amendement n°69 et, avec des exceptions, pour l'amendement n°21 rectifié bis et conventionnement régulé pour l'amendement n°99 rectifié. L'amendement n°89 rectifié s'inscrit aussi dans une approche contraignante, quand l'amendement n°77 rectifié bis prévoit une simple obligation collective de continuité des soins.
Les solutions coercitives ne nous paraissent pas efficaces ; elles pourraient même être contre-productives en dissuadant les jeunes médecins de se tourner vers l'exercice libéral. Tous les acteurs sont unanimes contre une telle solution. Avis défavorable aux amendements nos69, 21 rectifié bis, 99 rectifié et 89 rectifié.
Le dispositif adopté par la commission est équilibré. Il préserve la liberté d'installation, mais ceux qui voudront s'installer en zone surdotée devront donner de leur temps pour réduire les inégalités d'accès aux soins. Ces contreparties seront connues, en sorte que les médecins s'installeront en connaissance de cause. Dès lors, avis défavorable également à l'amendement n°77 rectifié bis.
Il est difficile de comparer la situation des médecins avec celle des autres professions de santé, soumises en effet à une régulation, les premiers ayant seuls la possibilité de s'installer sans être conventionnés.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins. - Comme Mme la rapporteure, avis défavorable aux amendements nos69, 21 rectifié bis et 99 rectifié. Demande de retrait des amendements nos89 rectifié et 77 rectifié bis, au profit de l'amendement du Gouvernement, que je présenterai ultérieurement.
M. Bernard Jomier. - Je souscris aux propositions de Mmes Poumirol et Guillotin.
Quel que soit le dispositif retenu, il est important de ne pas cibler les jeunes médecins. Or c'est un défaut de cette proposition de loi. Les jeunes médecins ne sont en rien responsables de la situation. (MM. Laurent Somon et Alain Milon renchérissent.)
Prétendre que les études de médecine coûtent cher à la nation est une fake news : les jeunes médecins rapportent en réalité à la collectivité compte tenu de leur exercice pendant le troisième cycle ! (Mmes Anne-Sophie Romagny, Élisabeth Doineau et Sonia de La Provôté renchérissent.)
Ce n'est pas aux jeunes médecins de payer les errances de notre génération, surtout à travers un système inefficace. La profession régulée depuis le plus longtemps est celle d'infirmière : or l'écart de densité entre territoires surdotés et sous-dotés reste de 3, contre 1,7 pour les médecins généralistes. C'est tout simplement que les soignants ne sont pas des poissons rouges qu'on pourrait transférer d'un aquarium à un autre... La coercition ne fonctionne pas !
Mme Élisabeth Doineau. - Je ne saurais mieux dire... Les jeunes médecins ne sont pas responsables des décisions passées. Leurs études sont difficiles et les astreintes de l'internat, lourdes. Ne faisons pas peser sur eux une pression supplémentaire.
On ne peut pas partager ce qu'on n'a pas ! Les tentatives qui vont dans ce sens sont des mirages. La pénurie est d'ailleurs un problème mondial : selon l'OMS, 15 millions de professionnels de santé manquent dans le monde.
La régulation qui existe pour d'autres professions ne fait pas disparaître les problèmes de répartition interdépartementale. Et envoyer un médecin dans une zone sous-dotée impliquera qu'il aura moins de temps à consacrer à ses patients : comment le leur expliquera-t-on ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je ne saurais mieux dire que M. Jomier et Mme Doineau. Il est tentant d'instituer un principe fort, mais soumettre à autorisation l'installation des jeunes médecins serait inefficace, en plus d'être injuste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Comment le savez-vous ? Cela n'a pas été tenté...
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Instaurer une responsabilité collective sera bien plus efficace.
M. Daniel Chasseing. - Je ne suis pas opposé aux amendements de Mmes Poumirol et Guillotin.
N'oublions pas que les jeunes médecins ne sont pas seuls concernés : certains médecins peuvent vouloir s'installer en zone surdotée après plusieurs années d'exercice. (Mme Émilienne Poumirol fait un geste indiquant que le cas est marginal.)
Je ne vois pas en quoi il y aurait une difficulté à ce que les médecins qui s'installent en zone hyperdense se voient demander, au nom de la solidarité, de consulter à titre complémentaire dans une zone où il y a moins de médecins. La solution avancée par le Premier ministre d'une obligation de consulter en zone sous-dense deux jours par mois pour tous les médecins peut aussi être envisagée.
Mme Poumirol en appelle à la responsabilité collective. Oui, les ARS sont responsables, mais j'insiste sur l'importance du rôle joué par les départements.
M. Olivier Henno. - Monsieur le ministre, vous avez dit hier : il faut demander un peu à beaucoup de médecins et non beaucoup à peu de médecins. C'est une idée juste, d'autant que la désertification rurale est un problème plus large que la pénurie de médecins. Mais il reste à la mettre en pratique.
Il y a quelques instants, j'ai été interpellé dans la rue par deux jeunes médecins : ils se sentent un peu perdus, confondent ce texte avec la proposition de loi Garot. Reste que nous devons faire preuve de plus de pédagogie.
J'estime pour ma part qu'on en demande trop aux jeunes médecins et pas assez aux médecins installés. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Mme Sonia de La Provôté. - Je rejoins Olivier Henno : on ne réglera pas le problème de l'accès aux soins en cherchant à gérer une pénurie, d'autant que les zones surdotées sont loin d'être majoritaires.
Les dispositions en vigueur commencent à porter leurs fruits : je vois dans mon département les changements liés à la mise en place de centres de santé. C'est une forme de régulation positive, consistant à remplacer la colère par l'envie.
Encourageons ceux qui veulent devenir médecins généralistes, c'est-à-dire rendre un grand service à la nation en assurant les soins de premier recours. Ayons un message positif pour les motiver, au lieu de mettre en place des mesures coercitives. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Jean-Luc Fichet. - Nous avons un problème d'accès aux soins. Nos administrés ont besoin de soignants proches de chez eux. Songez que, dans certains territoires, ils perdent deux ans de vie en bonne santé faute de médecins !
Depuis quinze ans, on multiplie les incitations. Quel est le coût total de ces mesures, monsieur le ministre ? J'attends toujours la réponse...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Vous ne l'aurez jamais !
M. Jean-Luc Fichet. - Or les déserts médicaux s'étendent. Il faut donc trouver une solution.
Dans toutes les professions, lorsqu'on change les règles, ce sont les jeunes qui sont concernés. Quand on modifie la loi applicable aux chômeurs, par exemple, on ne se pose pas la question des conséquences pour eux !
La régulation du conventionnement que je propose a l'avantage de la clarté.
M. Hervé Maurey. - Je voterai les amendements nos69, 21 rectifié bis, 99 rectifié et 89 rectifié.
Lois Bachelot, Touraine, Buzyn, Véran : depuis quinze ans, on nous explique qu'il faut privilégier l'incitation. Mme Bachelot promettait même que, en dix ans, tout serait réglé...
La régulation ne serait pas efficace ? On ne l'a jamais essayée ! Ce qui est clair, c'est que l'incitation n'est pas suffisante. Il faut donc passer à la vitesse supérieure.
La pénurie n'est pas la même partout : quand on a la chance de vivre dans le VIe arrondissement de Paris, on n'attend pas dix-huit mois un rendez-vous chez un spécialiste... (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
Il est temps d'agir ! M. Fichet et moi-même le disions déjà il y a dix ans. Je regrette de constater que les députés sont plus audacieux que nous pour défendre les territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Stéphane Demilly. - Voilà des années que les rapports sur les déserts médicaux s'empilent. Pourtant, près de 8 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée. Dans certaines communes rurales, un enfant sur deux n'a pas de pédiatre à moins de 50 kilomètres ! Dans les Hauts-de-France, des patients attendent plus de six mois un rendez-vous chez un ophtalmo. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
Les incitations ne suffisent pas. Comme le disait Einstein, la folie c'est de faire toujours la même chose en s'attendant à un résultat différent ! (M. Hervé Maurey approuve.)
Ayons le courage d'agir autrement, quitte à se mettre des lobbies à dos : instaurons une nouvelle génération de politiques de santé. Il faut aller plus loin dans l'encadrement des installations, qui ne doivent plus répondre à des logiques de marché ou des souhaits personnels.
Je voterai cet article, qui représente un premier pas, mais je suis sceptique sur sa portée.
Mme Céline Brulin. - On nous reproche de vouloir mettre en place une affreuse coercition... Ce qui manque dans ce débat, ce sont les réponses aux questions que nous avons posées hier soir.
Le président Mouiller a clairement expliqué que deux types de mesures sont prévues : des mesures d'urgence dans le cadre du pacte et des mesures de plus long terme avec cette proposition de loi. Mais toutes ces mesures sont tributaires de décrets, qui définiront ce qu'est une zone sous-dotée, dans quel rayon géographique s'exercera la solidarité des médecins... À l'arrivée, le système proposé pourrait bien s'avérer plus coercitif que notre régulation des installations !
De fait, des départements entiers sont sous-dotés : comment les médecins pourront-ils suivre des patients dans la durée en intervenant une demi-journée de-ci, de-là ?
Monsieur le ministre, nous avons besoin de réponses à ces questions !
M. Hervé Maurey. - Très bien !
M. Laurent Somon. - Je suis assez troublé par ces amendements. Les médecins doivent rester libres de leur installation, mais il faut aussi qu'ils tiennent compte de leur responsabilité populationnelle territoriale.
La première maison de santé pluridisciplinaire de la Somme, que j'ai créée, a perdu un médecin et celui qui reste a un âge canonique. Dans un cabinet voisin, de jeunes médecins arrivent. Comme ils sollicitaient des aides publiques pour l'agrandir, je leur ai proposé d'utiliser le local situé à 15 kilomètres, financé par des fonds publics. C'est une logique donnant-donnant.
Le corps médical doit se sentir concerné par cette responsabilité envers la population, sans qu'il soit nécessaire de prendre des mesures coercitives.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Fichet, vous posez la question du coût des aides, que toutes les collectivités versent. Mais le problème, c'est le manque de médecins : nous devons former plus !
MM. Henno et Maurey ont expliqué que, après quinze ou vingt ans, nous en sommes toujours au même point. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas allés assez loin dans la suppression du numerus clausus, que le numerus apertus n'a pas complètement rempli ses objectifs. Songez que nous formons, à l'épaisseur du trait près, le même nombre de médecins qu'en 1970, alors que la France compte 15 millions d'habitants supplémentaires, que les pathologies chroniques explosent et que le rapport au travail a changé : le modèle du médecin qui travaillait six jours sur sept n'existe plus et il faut en moyenne 2,3 jeunes généralistes pour remplacer un généraliste partant en retraite.
Le nombre de nouveaux médecins et de médecins partant en retraite sera bientôt équilibré. Seulement, le temps passé par patient n'est plus le même : certains de mes camarades de promotion avaient une patientèle de 3 500 personnes, contre souvent 1 000 ou 1 500 pour les médecins qui s'installent. Il faut donc plus de médecins pour prendre en charge le même nombre de patients.
Monsieur Somon, les maisons médicales sont un dispositif de bon sens. Dans le cadre de ces infrastructures qui existent, nous voulons mettre en place un dispositif volontaire - avec une obligation collective, car si personne n'est volontaire, on sifflera la fin du match. Par ailleurs, les maisons médicales peuvent être des lieux de stage pour les internes et les docteurs juniors. Les diverses propositions avancées ne sont pas forcément contradictoires. C'est ainsi que nous réensemencerons peu à peu la pratique médicale dans ces territoires.
L'amendement que je défendrai tout à l'heure instaurera cette obligation collective dans les territoires les moins dotés. Les assistants médicaux assureront la stabilité de la structure, même si les médecins changent. Nous visons 15 000 assistants médicaux, en attendant que le sujet de la formation soit examiné par le Parlement. Le Sénat examinera prochainement la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale en 2023 qui supprime le numerus apertus et ouvre la voie à la définition des besoins en fonction des territoires.
M. André Reichardt. - Cela ne sera pas pour tout de suite...
M. Yannick Neuder, ministre. - À Aubenas, commune ardéchoise de 12 000 habitants, il y a un hôpital, dans une zone désertique, un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) à côté, et s'ouvrira en septembre une première année de médecine avec quarante places. Le système se structure, avec des formations à distance, des stages à l'hôpital... On est en train de repeupler le territoire !
Il faut former plus ; cela prendra du temps, mais des coupe-file existent pour nos étudiants qui ont pâti d'un numerus trop restreint, avec impossibilité redoubler. Si, jeune homme, on m'avait dit de faire du droit avec une mineure santé pour devenir médecin, je ne sais pas si j'aurais signé. Va-t-on dire à un étudiant qui veut devenir avocat de faire médecine avec une mineure droit ? Il faut retrouver le bon sens. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Fialaire et Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Il faut reprendre la main sur notre système de formation. Nous sommes la septième puissance mondiale, or plus de 50 % de nos dentistes sont formés à l'étranger ! C'est un problème de souveraineté. Nous devons organiser un parcours pour permettre le retour en deuxième cycle de nos étudiants partis en Roumanie ou en Belgique.
Le troisième axe, ce sont les passerelles pour les paramédicaux qui veulent évoluer après dix ou quinze ans de pratique professionnelle, avec des équivalences pour entrer directement en troisième année, par exemple, avec un accompagnement financier.
Si nous ne nous occupons pas de nos étudiants partis en Roumanie, soyez sûrs que d'autres pays - l'Allemagne, le Maroc, la Suisse - savent leur faire des propositions ! La pénurie médicale est européenne, ne soyons pas naïfs. Ces jeunes qui ont fait médecine en Roumanie, car la France n'a pas voulu d'eux, ne sont pas sûrs de revenir une fois diplômés, surtout quand d'autres pays leur font des ponts d'or !
L'article 3 n'est pas coercitif : on n'interdit nulle part l'installation, mais pour les zones bien dotées, on demande aux médecins un acte de solidarité, avec un cabinet secondaire, un « aller vers » et une consultation avancée. Ce n'est pas inédit : dans mon pôle, au CHU, chacun se projette une journée dans un hôpital périphérique. Je le fais depuis dix ans. C'est aussi une aération.
La proposition de loi Mouiller complétera le pacte du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Ronan Dantec. - Dans sa très longue intervention, le ministre a presque décrit un plan, avec force « il faut que... ». On bricole pour gérer une pénurie qui déstabilise toute la société en remettant en cause l'égalité de l'accès aux soins. Le calcul est rapide : à 30 000 euros l'année de formation, au regard du nombre de médecins dont nous avons besoin, il faut mettre sur la table 150 millions d'euros tout de suite.
Il faut peut-être mobiliser les aides que consentent actuellement les régions et leur proposer un pacte, en fixant un objectif quantitatif. Entre les constats et les « il faut », il manque un engagement sur les moyens.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Des arguments ont été échangés, sur la régulation, la liberté d'installation et la contrainte ; tous sont recevables. On pourrait peut-être concilier les positions en limitant dans le temps la contrainte liée à l'installation. La nation finance les études des médecins ; il existe des professions dont les études sont financées par la nation, en contrepartie d'un nombre d'années dues à la nation.
Mme Sonia de La Provôté. - Et l'internat, alors ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - On peut imaginer un exercice en zone carencée pendant les cinq premières années, et non ad vitam aeternam. Ce serait un horizon temporel acceptable.
Sur la formation, il faut pouvoir accueillir les premières années dans tous les départements. À Auxerre, nous avons lancé une formation en 2024, mais le casting gagnerait à être revu, avec des profils plus adaptés. Cela contribuera à ancrer ces étudiants dans nos territoires.
M. Bernard Fialaire. - Nous avons besoin de moyens - mais évitons déjà d'en gaspiller.
Dans le Beaujolais, vous avez, dans l'appellation Brouilly, la commune de Cercié, et dans l'appellation Morgon, la commune de Villié-Morgon. Chacune a un cabinet avec trois praticiens et une pharmacie. Au milieu, le dernier cru du Beaujolais, le Régnié : une commune sans médecin, que l'ARS qualifie de désert médical. Deux médecins du Brouilly et deux médecins du Morgon s'y sont installés, avec une aide de 150 000 euros de l'ARS. Mais, comme ils ne se déplaçaient que de quelques kilomètres, ils ont été suivis par leur patientèle - et n'avaient donc aucun créneau libre !
Mettons autour de la table les élus et les professionnels pour trouver des solutions pragmatiques, arrêtons cette vision bureaucratique et ce gaspillage d'argent !
M. Jean Bacci. - Je regrette qu'on ne pousse pas le raisonnement jusqu'au bout. Les jeunes qui arrivent sur le marché du travail privilégient leur qualité de vie, là où leurs aînés travaillaient 50 à 60 heures par semaine pour couvrir les charges fixes de leur cabinet et dégager un salaire décent. Aujourd'hui, on fait un pont d'or aux jeunes médecins, qui n'ont pas de loyer, pas de frais fixes - et gagnent aussi bien leur vie que les médecins d'il y a quarante ans en ne travaillant que trois à quatre jours par semaine. Résultat, il faut deux médecins pour remplacer un départ à la retraite !
M. Yannick Neuder, ministre. - Plus !
M. Jean Bacci. - Aujourd'hui, on répartit la pénurie. Incitons-les plutôt à réaliser plus d'actes ! Pour cela, il faut parler de petits sous, et défiscaliser les revenus au-delà de 35 heures de travail.
Mme Émilienne Poumirol. - Il y a assez d'aides comme ça !
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°69 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°272 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 215 |
L'amendement n°69 n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°21 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°273 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l'adoption | 121 |
Contre | 191 |
L'amendement n°21 rectifié bis n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°99 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°274 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 114 |
Contre | 208 |
L'amendement n°99 rectifié n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°89 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°275 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 210 |
L'amendement n°89 rectifié n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°77 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°276 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 203 |
L'amendement n°77 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié bis de Mme Lassarade et alii.
Mme Florence Lassarade. - L'article 3 conditionne l'installation des médecins en zone dense à une autorisation préalable, corollaire d'un engagement à exercer à temps partiel dans une zone sous-dotée. Ce dispositif doit rester incitatif - notamment en autorisant les dépassements d'honoraires.
M. le président. - Amendement identique n°51 rectifié de M. Louault et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Défendu.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. Le dispositif est équilibré, et c'est en connaissance de cause que les médecins choisiront de s'installer dans des zones surdenses.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos20 rectifié bis et 51 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°74 rectifié quater de Mme Guillotin et alii.
Mme Mireille Jouve. - Le zonage de l'offre de soins est uniformisé entre généralistes et spécialistes, or les besoins de la population diffèrent selon l'âge, la morbidité, la dynamique démographique. Aussi nous proposons un zonage par spécialité, plus souple et plus adapté aux réalités du terrain.
M. le président. - Amendement identique n°123 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Il a été excellemment défendu.
M. Yannick Neuder, ministre. - Retrait, sinon rejet. Cela obligerait les ARS à créer un zonage pour quarante-trois spécialités, révisé tous les deux ans, avec consultation des conseils territoriaux de santé (CTS)... Mes services réfléchissent à des indicateurs pour les médecins spécialistes, mais cela soulève des questions complexes, notamment la prise en compte de l'offre hospitalière ou l'existence de surspécialités. Plutôt que de précipiter les choses, organisons l'apport de spécialités dans les territoires sous-denses sous une autre forme.
Mme Florence Lassarade. - J'insiste : il faut augmenter les places à l'internat pour les spécialités. Un médecin généraliste ne s'installera que s'il y a des spécialistes autour de lui. Je plaide aussi pour ma spécialité : nous sommes au vingt-troisième rang européen pour les pédiatres, et au vingt-troisième rang pour la mortalité infantile...
Les amendements identiques nos74 rectifié quater et 123 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°70 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Le groupe écologiste est favorable à la régulation de l'installation des médecins, mais nous entendons aussi leurs inquiétudes. Aussi nous proposons une corégulation de l'installation : nous laisserions la main aux régions, en partenariat avec les conseils départementaux, après concertation avec le conseil départemental de l'Ordre et les associations d'usagers. Il faut éviter l'automaticité.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Vous transformez l'encadrement en faculté d'encadrement, à l'appréciation de chaque ARS. Avis défavorable. Il est préférable que la règle s'applique au niveau national, afin d'éviter toute concurrence territoriale pour l'accueil de jeunes médecins.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°70 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°47 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.
Mme Corinne Bourcier. - Depuis la création de la spécialité de médecine générale, tous les médecins sont des spécialistes. Il convient donc d'écrire « médecin spécialiste en médecine générale » plutôt que « médecin généraliste ».
M. le président. - Sous-amendement n°122 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Sous-amendement rédactionnel qui tire les conséquences de cet amendement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°47 rectifié ter, car les médecins formés avant 2004, année de création de la spécialité, ne pourraient prétendre à un tel titre.
Le sous-amendement n°122 est adopté.
L'amendement n°47 rectifié ter, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Amendement technique, mais essentiel. Certains médecins pourraient être tentés de contourner la régulation en optant pour le salariat dans de pseudo-centres de santé. Cet amendement est inspiré de l'article 1er de la proposition de loi Garot ; nous l'avons rectifié pour le rendre identique à celui de la commission, que je remercie pour son avis favorable.
M. le président. - Amendement identique n°124 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement étend le champ d'application de l'article 3 aux médecins généralistes et spécialistes salariés dans un centre de santé, afin de traiter de manière équitable des situations similaires et éviter tout contournement des mesures d'encadrement prévues.
M. le président. - Amendement n°57 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet article constitue un vrai revirement politique de la part de la majorité sénatoriale. Nous proposons d'aller plus loin en supprimant les dérogations à l'installation des spécialistes. En 2022, il y avait moins de 100 spécialistes pour 100 000 habitants dans le département de la Meuse, et les inégalités s'aggravent.
J'ai regardé à l'instant Doctolib. Dans le Pas-de-Calais, en pneumologie, le prochain rendez-vous est le 23 septembre. Dans le 6e arrondissement, c'est le 20 mai. Sacré décalage ! En dermatologie, aucun rendez-vous dans le Pas-de-Calais pour les nouveaux patients. Dans le 15e arrondissement, le mercredi 14 mai !
Nous devons réfléchir à des propositions crédibles.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°57. Permettre aux spécialistes de s'installer s'ils s'engagent à exercer à temps partiel en zone sous-dense permettra de les responsabiliser. Le directeur général de l'ARS doit pouvoir, à titre exceptionnel, autoriser une installation pour répondre par exemple à la fermeture non anticipée d'une offre hospitalière.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis sur l'amendement n°57. En revanche, les amendements nos44 rectifié et 124 me paraissent satisfaits : retrait, sinon avis défavorable.
Les amendements identiques nos44 rectifié et 124 sont adoptés.
L'amendement n°57 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement prévoit les mêmes conditions d'installation dans les zones surdotées pour tous les médecins, généralistes comme spécialistes.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 3 distingue le régime applicable aux généralistes et aux autres spécialistes. Notre priorité est que les médecins généralistes donnent un peu de leur temps dans les zones les moins dotées. Pour des spécialistes, il peut être difficile d'exercer ponctuellement dans un cabinet secondaire, faute de matériel et d'équipement adapté. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°30 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis de M. Maurey et alii.
M. Hervé Maurey. - Ce modeste amendement remplace la notion de durée mensuelle minimale par celle de nombre minimum d'actes.
M. le président. - Amendement n°35 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Il faudra préciser le temps que les médecins devront donner dans le cabinet secondaire. Un minimum de présence est nécessaire pour s'occuper des patients et travailler en coordination avec les autres professionnels de santé. Cet amendement d'appel fixe un minimum de deux jours par semaine. Le mieux serait de pouvoir cumuler quatre jours, avec plusieurs médecins - en combinant cela avec les deux jours par mois souhaités par le Premier ministre et les docteurs juniors.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La commission avait émis un avis défavorable à l'amendement n°4 rectifié bis, de peur qu'il ne conduise à faire des actes pour faire des actes.
M. Yannick Neuder, ministre. - Bien dit !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La qualité de la prise en charge doit primer. À titre personnel, sagesse. Les décrets d'application devront prévoir des indicateurs pour mesurer ce temps partiel effectué en zone sous-dense et éviter que les médecins ne fassent de l'abattage pour partir à midi !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est aussi un enjeu de sécurité, pour les patients comme les professionnels de santé.
Avis défavorable à l'amendement n°35 rectifié. Deux jours par semaine, c'est beaucoup - presque un mi-temps !
M. Yannick Neuder, ministre. - Sagesse sur l'amendement n°4 rectifié bis. Le concept est intéressant, mais nous ne voulons pas d'une usine à actes.
Je prends l'amendement n°35 rectifié comme un amendement d'appel. Deux jours par semaine, c'est 40 % du temps, on n'est plus dans l'esprit de solidarité territoriale : cela revient à déshabiller Paul pour habiller Pierre. La vérité se situe probablement au milieu. Je préfère deux jours par mois. Retrait, sinon rejet.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - L'amendement n°4 rectifié bis est une façon utile de quantifier le temps passé dans les structures ou les zones secondaires.
L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°35 rectifié n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis de M. Maurey et alii.
M. Hervé Maurey. - L'article 3 renvoie à un décret, qui fixera la durée et les modalités du temps partiel, les conditions du retrait de l'autorisation, etc. On aimerait que le ministre nous en dise plus. Je comprends qu'il estime que consacrer 40 % du temps à ces consultations hors cabinet principal est excessif.
L'amendement vise à encadrer le décret. Une durée symbolique hors cabinet n'aurait aucun intérêt. Je propose 20 % du nombre d'actes - on peut prévoir moins, mais il est important d'aider le ministre dans la préparation du décret, qui ne doit pas vider l'article de sa substance.
Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Retrait, sinon avis défavorable. Nous venons déjà d'introduire la notion d'acte.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis. Je comprends la volonté de M. Maurey, mais vous ne m'aidez pas en instaurant des contraintes !
L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°31 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Il s'agit de fixer une distance maximale du lieu d'exercice professionnel habituel, pour rassurer les médecins.
M. le président. - Amendement n°32 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Amendement d'appel, qui fixe cette distance à 60 km.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Retrait : inutile de fixer un tel paramètre dans la loi ou d'interdire l'exercice à plus de 60 km.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°31 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°32 rectifié.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis de M. Maurey et alii.
M. Hervé Maurey. - C'est la suite logique de l'amendement n°4 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis de M. Maurey et alii.
M. Hervé Maurey. - Celui-ci est la suite de l'amendement, qui a été rejeté, visant à préciser le contenu du décret.
Que comptez-vous inscrire dans le décret, monsieur le ministre, sur le temps demandé aux médecins, les modalités, la formalisation de l'engagement, des conditions éventuelles de retrait de l'autorisation ? Nous sommes dans l'incertitude la plus complète.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Par parallélisme des formes, sagesse, à titre personnel, sur l'amendement n°5 rectifié bis et avis défavorable sur l'amendement n°3 rectifié bis.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis que la commission. Je vous préciserai les modalités lorsque je présenterai l'amendement n°111.
M. Hervé Maurey. - Quel teasing !
Mme Céline Brulin. - Je remercie MM. Chasseing et Maurey pour leurs amendements, même si nous n'en partageons pas totalement l'esprit - je ne suis pas fan du critère du nombre d'actes, car il faut pouvoir passer plus de temps auprès de certains patients, surtout quand ils n'ont pas vu de médecin depuis longtemps.
Nous aimerions des précisions sur le décret, monsieur le ministre.
L'amendement n°111 concerne les zones rouges - ou plutôt cramoisies ! J'aimerais entendre les auteurs de la proposition de loi sur ce point. Si le temps médical consacré aux zones sous-denses n'est pas significatif, rien ne changera. Les médecins aussi veulent savoir si on leur demandera peu ou beaucoup.
M. Yannick Neuder, ministre. - Le Sénat a voté la proposition de loi Jomier sur les ratios de soignants par lit d'hôpital ; je l'avais soutenue, en souhaitant que les amendements parlementaires orientent le travail - mais vous avez préféré un vote conforme. (M. Bernard Jomier sourit.)
Évitons les règles à géométrie variable. On n'a jamais vu un décret écrit en même temps que la loi.
Je ne me dérobe pas. Les préfectures mènent déjà des réunions au titre de l'aménagement du territoire, les ARS au titre de l'offre de soins, qui feront émerger une palette de couleurs. Ces nuanciers feront réagir les élus locaux et les professionnels de santé et serviront de la base des concertations. Les arrêtés seront pris au vu des remontées locales.
Je veux privilégier le travail de proximité. Je ne peux donc pas vous décrire dès maintenant le décret qui sera pris sur la base de la concertation.
Mme Céline Brulin. - Je voudrais entendre les auteurs de la proposition de loi.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - J'avais proposé d'écrire le décret, mais le ministre n'a pas voulu. (Sourires)
Nous avons établi un principe général, qui débouche sur une offre médicale supplémentaire. Nous devons encore discuter des modalités.
Certains disent qu'il ne faut rien faire. D'autres, qu'il faut tout organiser. Cette mesure n'est peut-être pas suffisante, ce n'est pas la révolution, mais nous avons souhaité préserver la liberté d'installation des médecins tout en avançant sur le sujet des zones sous-dotées.
L'amendement n°5 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°53 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Les médecins participant à des missions de service public, notamment ceux des hôpitaux publics et des centres de santé gérés par les communes, ne doivent pas être touchés par les dispositions de l'article 3, car ils contribuent déjà à l'effort de solidarité.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Retrait, sinon avis défavorable. L'amendement de la commission sur les médecins salariés des centres de santé rend ces précisions superflues.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°53 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°45 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Sur le modèle de ce qui existe pour les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes, nous voulons offrir aux médecins la faculté d'un conventionnement sélectif. Cet outil juridique supplémentaire permettra aux professions médicales de prendre leurs responsabilités.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Inutile d'ajouter une telle régulation à l'encadrement prévu. Le droit ne fait pas obstacle à ce type de dispositif, si les partenaires conventionnels le jugent utile. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°45 n'est pas adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°72 rectifié de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Pour lutter contre la financiarisation de la santé, nous interdisons la cession à titre onéreux du droit de présentation du successeur qui conférerait une priorité à l'installation. Cet amendement n'interdit pas la désignation d'un successeur lorsque la cession est gratuite. Après échanges avec le Gouvernement, nous avons restreint le champ de cet amendement.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les dispositifs de régulation n'ont pas à créer un marché permettant au plus offrant de s'installer. Pour les spécialistes, nous avons prévu que le décret en Conseil d'État fixerait les modalités de remplacement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avec Olivier Henno et Bernard Jomier, nous avons travaillé sur cette question de la financiarisation de l'offre de soins.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je suis sensible à votre volonté de prévenir toute dérive marchande lors de l'installation de médecins. Cependant, votre rédaction ne répond pas à l'objectif poursuivi. Retrait, sinon avis défavorable. Nous y retravaillerons.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Même avis.
L'amendement n°72 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°111 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - L'accès aux soins sur l'ensemble du territoire est une responsabilité collective, au coeur du pacte républicain. Dans trop de territoires, les inégalités d'accès aux soins pèsent lourdement sur le quotidien de nos concitoyens.
Dès lors, des solutions concrètes et efficaces s'imposent : le 25 avril dernier, le Gouvernement a présenté un pacte contre les déserts médicaux et pour l'accès aux soins, qui institue pour la première fois un principe de solidarité territoriale obligatoire.
Dans un premier temps, les ARS identifieront les zones prioritaires. Dans un second temps, le dispositif sera étendu à l'ensemble des zones sous-denses.
La solidarité territoriale sera organisée par les ARS et les conseils départementaux de l'Ordre des médecins. Les médecins des zones mieux dotées devront se relayer pour intervenir dans les zones moins favorisées, jusqu'à deux jours par mois. Ils seront remplacés dans leur cabinet principal et indemnisés. En cas de refus de participation, ils seront passibles d'une pénalité financière.
Cette mesure augmentera le temps médical projeté dans les zones sous-denses, en complément de l'article 3. Notre philosophie, c'est de demander peu à beaucoup de professionnels.
M. le président. - Sous-amendement n°126 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ce sous-amendement vise à articuler le dispositif de solidarité territoriale du Gouvernement avec les mesures de l'article 3 : les médecins soumis à un engagement d'exercice à temps partiel ne pourront pas être contraints de participer à la mission de service public de solidarité territoriale - sauf s'ils le souhaitent.
M. le président. - Sous-amendement n°125 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ce sous-amendement articule les mesures prévues par l'amendement du Gouvernement avec les procédures de zonage de droit commun. Les modalités d'identification des zones prioritaires ne s'appliqueront que jusqu'au 1er janvier 2027, au plus tard. Au-delà, les zones seront identifiées dans les conditions de droit commun, par le directeur général de l'ARS, après avis conforme de l'office départemental prévu à l'article 1er.
M. Yannick Neuder, ministre. - Sagesse sur les deux sous-amendements.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je me réjouis de l'approche adoptée par le Gouvernement avec cet amendement n°111 : les jeunes médecins ne seront pas pénalisés et la liberté d'installation n'est pas remise en cause.
Toutefois, l'amendement est muet sur les obligations des ARS. Or ces dernières devront créer des centres de consultations avancées, car il faut fournir des lieux de consultation aux médecins !
En outre, le texte est encore trop imprécis sur la question des pénalités pécuniaires : aucun critère, rien sur les droits de la défense. Il serait logique que le directeur général de l'ARS puisse saisir le conseil de l'Ordre, qui prononcerait la sanction pour manquement à une obligation professionnelle.
M. Jean-Luc Fichet. - Si j'ai bien compris, on va demander aux médecins des zones surdenses d'aller en zone sous-dense et de recruter un remplaçant pour leur cabinet principal. Pardon d'être taquin, mais ne serait-il pas préférable d'envoyer le remplaçant directement dans la zone sous-dense ? (M. Yannick Neuder marque son désaccord.)
Mme Céline Brulin. - Je suis curieuse d'entendre la réponse du ministre à cette question. J'espère que personne ici n'envisage de créer des usines à gaz - nous en avons déjà suffisamment !
Médecins solidaires et Bouge ton coq ont mis en place des initiatives, de même que les élus locaux, avec des bus itinérants. Le Gouvernement pourrait quand même nous proposer quelque chose de plus ambitieux que ce que les associations réussissent à faire avec des bouts de ficelle ! Notre stratégie nationale de santé se résume-t-elle à cette proposition ?
M. Hervé Maurey. - Comment a-t-on pu mettre en place des critères conduisant à ce qu'aucun territoire de l'Eure ne soit considéré comme prioritaire ? Manifestement, les critères choisis - revenu par habitant, distance d'un hôpital, taux d'ALD, âge des médecins - ne sont pas pertinents et méritent d'être revus. Cette nuit, quand je vous ai interrogé, vous n'avez pas su me répondre...
Je ne comprends pas comment la cartographie surréaliste du ministère s'articulera avec les arrêtés des ARS prévus dans l'amendement du Gouvernement. Soyez gentil avec moi, comme je l'ai été avec vous, et promettez-moi de revoir ces critères !
M. Yannick Neuder, ministre. - N'ayez crainte, monsieur Maurey, je serai très gentil. (Sourires)
Auparavant, seules les ARS effectuaient ce travail. Désormais, les préfectures agiront à leurs côtés et les parlementaires pourront se saisir de ces résultats. L'âge des médecins et le nombre d'ALD seront pris en compte, notamment. Attendons cette cartographie, qui est une première photographie. Nous verrons ensuite s'il faut changer les critères.
Mme Céline Brulin. - Nul besoin d'une nouvelle étude pour savoir que l'Eure est un désert médical ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
M. Yannick Neuder, ministre. - Personne ne dit que ce n'est pas un désert médical. Mais entendez que certaines zones sont encore plus tendues.
Ne vendons pas du sable dans le désert ! Nous faisons avec la population médicale existante. Les 3 700 docteurs juniors qui exerceront à partir de novembre 2026 feront évoluer les couleurs de la carte, sans oublier les 4 000 Padhue supplémentaires et les 13 000 médecins sortant de formation initiale.
Je regarderai la situation avec beaucoup d'attention.
Monsieur Fichet, votre vision est trop simpliste - peut-être était-ce volontaire ? Un médecin qui a décidé d'être remplaçant a ses raisons et ne se sédentarisera pas nécessairement dans une zone sous-dotée. En revanche, si l'on propose à un remplaçant qui ne travaille que 40 % à 60 % de son temps d'effectuer plus de remplacements auprès des médecins installés dans les territoires surdenses, qui eux-mêmes iront dans les zones sous-denses, nous aurons gagné du temps médical. Ni le docteur remplaçant ni le docteur junior n'iront dans les zones désertiques - ce dernier a besoin d'un maître de stage.
Le médecin généraliste a donc un rôle pivot. Avec un secrétariat et d'autres professionnels, il pourra se projeter dans les zones sous-denses. Nous rejoignons en cela le modèle allemand, où le médecin généraliste dispose de plusieurs assistants pour soigner une patientèle plus importante. Les remplaçants et les docteurs juniors permettront au médecin de ne pas fermer son cabinet lorsqu'il se rendra en zone sous-dense.
Je compte beaucoup sur le Sénat pour faire tomber en 2025 le numerus apertus. Madame Brulin, c'est avec tous ces bouts de ficelle que nous réglerons le problème, pas avec un projet de loi fanfare et trompettes. Je ne suis pas sûr de vous convaincre, mais je ne vois pas d'autres solutions bottom up qui viennent du terrain.
Vous m'avez interrogé sur le coût de la formation : il faudra 450 postes pour encadrer les étudiants, pour un coût de 50 millions.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - J'ai le sentiment de me retrouver il y a quelques années, quand j'étais maire et que je discutais avec les représentants de l'ARS : nous n'étions jamais d'accord sur rien !
Avec l'article 1er, les critères définis permettront d'estimer les besoins, en accord avec les élus. Grâce à l'amendement de la rapporteure, ce dispositif prendra le relais de celui proposé dans un premier temps par le Gouvernement.
Mme Émilienne Poumirol. - L'apparition de ces zones rouges m'inquiète ; nous avions déjà les zones denses et les zones sous-denses, selon la cartographie des ARS. Celles-ci s'appuient sur les avis des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui connaissent fort bien leur territoire.
Soit la cartographie existante est nulle, et alors on la supprime, soit il est difficilement compréhensible, et surtout dommage, d'attendre six mois de plus pour connaître les nouvelles zones rouges. Pourquoi une nouvelle cartographie avec des indicateurs dont nous tenons déjà compte, comme l'âge des médecins ou le nombre de pathologies chroniques ?
M. Patrice Joly. - Je suis accablé par ce que j'entends. Il y a un, deux, cinq ans, nous évoquions déjà les mêmes problèmes. Nous raisonnons comme si nous ignorions que 83 % du territoire est en zone sous-dotée. On est en zone surdotée quand on est au-dessus de la moyenne de présence sanitaire sur un territoire.
Nous sommes en situation de pénurie, et par conséquent, on régule. Je ne comprends pas que nous continuions avec des demi-mesures ou des bouts de ficelle, comme le préconise le ministre. L'addition des bouts de ficelle n'a jamais fait une politique publique. Nous devons être plus ambitieux au regard de l'urgence. Il faut organiser la présence des médecins spécialistes sur les territoires. Des solutions existent pour que la solidarité s'exprime pleinement. Aujourd'hui, des Français meurent - ou plutôt, on les laisse mourir - car ils n'ont pas accès aux professionnels de santé dont ils ont besoin.
M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable à ce dispositif de régulation. On peut dire qu'il s'agit de bouts de ficelle, mais le recours à davantage d'assistants, tel que proposé par le ministre est un début de solution. S'y ajouteront les docteurs juniors et le temps médical supplémentaire dans les maisons de santé.
Il est plus efficace que ce soit le département qui coordonne l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre. - Madame Poumirol, nous ne recommençons pas la cartographie, nous nous en inspirons. On ajoute trois critères à la cartographie actuelle : l'âge des médecins généralistes - plus ou moins 65 ans -, le nombre de patients en ALD, le temps de transport routier pour accéder au médecin. Nous avons croisé ces critères avec l'avis des préfets et celui des ARS. Cela va permettre d'affiner.
Le sous-amendement n°126 est adopté, de même que le sous-amendement n°125.
L'amendement n°111, sous-amendé, est adopté, et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°84 rectifié ter de M. Jomier et alii.
M. Bernard Jomier. - Cet amendement conditionne l'ouverture de centres de santé primaires à un agrément de l'ARS. Depuis la loi Khattabi, les centres ophtalmologiques et dentaires sont soumis à agrément, car des dérives avaient été constatées, sous l'influence d'acteurs financiers. Ce phénomène s'étend et concerne désormais l'ensemble des centres de soins primaires, qui ouvrent bien souvent dans des zones surdotées. Il faut réguler !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Notre commission avait recommandé une telle extension dans le rapport d'information sur la financiarisation de la santé. L'auteur a rectifié son amendement pour opérer les coordinations nécessaires, aussi avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. La loi Khattabi a rétabli la procédure d'agrément préalable pour les centres qui proposent des activités dentaires ou ophtalmologiques, mais de telles dérives n'ont pas été constatées en soins primaires. La procédure d'agrément est lourde et ferait peser des contraintes injustifiées sur des centres souvent créés en zones sous-denses. Ce serait contre-productif.
Mme Émilienne Poumirol. - Je soutiens l'amendement de Bernard Jomier. La financiarisation de la santé concerne désormais les cliniques, les laboratoires, les centres de radiologie. De grands groupes ouvrent même des centres de soins primaires. À Toulouse, un centre de soins non programmés a vidé le CHU de ses urgentistes. Ces grands groupes disposent de juristes compétents, qui savent monter ces dossiers.
La puissance publique doit pouvoir décider de l'implantation, ou non, de tels centres.
Mme Anne Souyris. - Effectivement, cet agrément permettrait d'éviter de préempter un certain nombre de médecins pour réaliser des actes qui ne sont pas forcément nécessaires et coûtent à l'assurance maladie.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je comprends l'intention, mais soyons précis. Dans les secteurs dentaires et ophtalmologiques, la loi Khattabi règle le problème. Mme Poumirol évoque la radiologie, mais celle-ci ne relève pas d'un centre de santé.
L'amendement vise les centres de santé, municipaux et associatifs. Les centres de soins non programmés que vous évoquez ont un statut différent.
C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
L'amendement n°84 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
La séance est suspendue quelques instants.
Article 4
M. le président. - Amendement n°33 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement permet simplement aux médecins spécialistes ou généralistes de s'inscrire à deux ordres départementaux différents en cas d'ouverture d'un cabinet secondaire en zone sous-dotée dans un autre département.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Le Conseil national de l'Ordre n'a pas évoqué l'inscription à deux conseils départementaux de l'Ordre comme une difficulté potentielle. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. - L'idée est bonne, mais il ne me semble pas nécessaire de l'inscrire dans la loi : sagesse.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Sagesse.
L'amendement n°33 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°127 de Mme Corinne Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Nous cherchons à concilier la souplesse dans le contrôle de l'ouverture des cabinets secondaires et la garantie de l'effectivité de la liberté d'installation. Nous abaissons à un mois le délai d'ouverture du cabinet secondaire.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°127 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Mme Corinne Imbert, rapporteure . - Les médecins bénéficient aujourd'hui de l'aide de l'État, des collectivités territoriales et de l'assurance maladie pour les inciter à s'installer dans les territoires sous-dotés, mais peu de dispositifs valorisent leur activité en zone prioritaire.
Cette valorisation semble pourtant indispensable. Cet article remédie à cette lacune en permettant aux partenaires conventionnels de mieux valoriser l'activité dans les zones sous-denses.
Plutôt qu'à des dépassements d'honoraires, qui n'auraient pas été pris en charge, nous avions recouru volontairement à des tarifs spécifiques, couverts pour 95 % de la population bénéficiant d'un contrat solidaire et responsable d'une complémentaire santé.
Nous avons toutefois entendu les inquiétudes que vous avez formulées ces derniers jours. Nous ne souhaitons pas que cette revalorisation pèse sur les patients, surtout s'ils souffrent de désertification médicale. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement qui remplace ces tarifs par une rémunération forfaitaire qui n'aurait aucune incidence sur le reste à charge des patients.
Mme Céline Brulin . - Cet article a suscité beaucoup de mécontentement. Il en suscite encore. Je ne sais pas qui a pu être traversé par l'idée d'imposer des dépassements d'honoraires aux patients souffrant de pénurie de médecins.
M. Philippe Mouiller, président de la commission, et Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Personne !
Mme Céline Brulin. - Quoi qu'il en soit, quelqu'un paiera forcément ces tarifs spécifiques à la fin.
Lors de la négociation conventionnelle entre les organisations de médecins et l'assurance maladie pour 2023, il était déjà question de tarifs différenciés en fonction de la densité des zones. Or cela s'est soldé par un échec. Qu'est-ce qui conduit l'auteur de la proposition de loi et la rapporteure à considérer que ce qui a échoué hier sera un succès aujourd'hui ?
Les enseignants qui travaillent en REP sont un peu plus rémunérés que les autres. On pourrait imaginer un dispositif qui s'en rapproche. Mais la différence est que les enseignants ne choisissent pas où ils enseignent.
Ces différenciations de tarifs ne peuvent s'entendre sans régulation.
Mme Anne Souyris . - Je suis rassurée par les propos de Mme la rapporteure. Ce serait l'assurance maladie qui paierait le tarif spécifique, et il n'y aurait plus de reste à charge, même en l'absence de complémentaire.
La comparaison avec les enseignants est intéressante : lors du mouvement, ils ont une latitude de choix. Cela a une implication : on accepte de rester dans la zone pendant un certain temps. L'incitation financière est une bonne idée. Ensuite, nous en discuterons en PLFSS.
Mme Véronique Guillotin . - Je voudrais poser quelques questions sur cet article important, afin d'éventuellement retirer mon amendement de suppression.
Le dépassement d'honoraire a été supprimé. Un patient qui consulte un médecin en zone sous-dense paiera le même tarif qu'ailleurs et sera remboursé à la même hauteur ; en revanche, le médecin sera payé davantage. Est-ce bien cela ?
M. Philippe Mouiller, président de la commission, et Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Oui !
Mme Véronique Guillotin. - Dans ce cas, je retire mon amendement.
L'amendement n°76 rectifié bis est retiré, de même que l'amendement n°8.
M. le président. - Amendement n°10 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous maintenons notre amendement. (M. Laurent Burgoa s'en amuse.) Une collègue a évoqué tout à l'heure le serment d'Hippocrate. Au nom de quoi devrait-on appliquer une tarification différente dans les zones sous-denses ? Cela équivaut à faire supporter à l'assurance maladie la faillite de la liberté d'installation. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
Que nous diront, lors de l'examen du PLFSS, les collègues qui chercheront des économies à faire, proposeront des déremboursements ? N'ouvrons pas la voie au mercenariat, comme à l'hôpital !
M. le président. - Amendement identique n°26 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Quand on fait une garde ou un autre effort particulier, on est payé davantage. Cela ne me paraît pas anormal.
L'amendement n°26 est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°104 rectifié bis de M. Fichet et du groupe SER.
M. Jean-Luc Fichet. - Cet article prévoit des tarifs spécifiques pour les médecins se rendant dans les zones sous-dotées. Certes ils seraient couverts par les complémentaires, mais 10 % des plus pauvres n'en ont pas. Pas moins de 38 % des plus modestes ont déjà renoncé à des soins pour des raisons financières. Les médecins pratiquant les dépassements d'honoraires sont passés de 38 à 55 % entre 2003 et 2021.
Pas moins de 77 % des femmes vivent dans un désert gynécologique et la moitié des enfants dans un désert pédiatrique.
Cet article crée une médecine à deux vitesses : à la fracture géographique s'ajoute une fracture sociale.
M. le président. - Amendement identique n°107 rectifié de Mme Nadille et alii.
Mme Solanges Nadille. - Je vis dans un archipel. Nous y avons déjà fait l'expérience de mesures incitatives ; or celles-ci ne fonctionnent pas. Je maintiens mon amendement.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je remercie les collègues qui ont retiré leurs amendements de suppression. Je connais l'esprit dans lequel le président Mouiller a rédigé cette proposition de loi. À aucun moment il n'a souhaité favoriser des dépassements d'honoraires, qui n'ont rien à voir avec les tarifs spécifiques.
La pratique en zone sous-dense mérite reconnaissance. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis. Monsieur Fichet, vous avez dit l'exact inverse de ce que Mme Imbert a proposé.
Madame Brulin, vous confondez - volontairement ou non - tarifs spéciaux et dépassements d'honoraires.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Pas du tout ! Vous nous prenez pour des imbéciles ?
M. Yannick Neuder, ministre. - Je ne me permettrais pas, madame. Il ne s'agit pas de dépassement d'honoraires, mais d'une prime incitative à pratiquer en zone sous-dotée. Nombre de vos collègues ont bien compris qu'un effort supplémentaire mérite d'être rémunéré.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Quel effort ?
M. Yannick Neuder, ministre. - Celui qui consiste à sortir de la zone de confort de son cabinet, pour aller exercer à 30 kilomètres deux jours par mois. C'est un engagement.
On n'incite pas à un dépassement d'honoraires qui entraînerait une inégalité d'accès aux soins, mais on valorise un aller-vers qui entraîne divers frais.
Préciser cette différence, ce n'est pas vous prendre pour des imbéciles - d'ailleurs, je m'étonne que vous me parliez sur ce ton.
L'assurance maladie finance déjà les efforts. C'est tout l'objet des conventions qui valorisent les médecins qui s'installent en zone sous-dense. Ceux-ci apprécieraient peu votre manque d'encouragement. On ne l'aurait pas fait, vous nous l'auriez reproché. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)
M. Bernard Jomier. - Comme Mme Souyris, je donne acte à la commission d'avoir corrigé le tir.
Les rémunérations forfaitaires pour zone sous-dense, cela existe déjà - je ne vois pas le problème. La difficulté sera d'articuler les différentes aides. Ensuite, il faudra des montants supplémentaires pour abonder la convention. On en discutera en PLFSS.
Pour moi, l'article 5, modifié par l'amendement n°132 de la commission, ne pose plus de problème.
Mme Émilienne Poumirol. - Pour moi, il pose encore problème.
M. Laurent Burgoa. - Ah !
Mme Émilienne Poumirol. - Le principe même d'une rémunération forfaitaire alors qu'on invoque la solidarité, cela me choque. A-t-on oublié le serment d'Hippocrate ? On doit soigner tout le monde, riche ou pauvre, sans différence.
M. Bernard Jomier. - C'est le cas.
Mme Émilienne Poumirol. - Cela s'ajoute à l'accumulation de mesures incitatives à l'installation en zone sous-dense depuis des années. Résultat : celles-ci n'ont rien réglé et la désertification ne fait que s'accroître.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Je suis moi aussi assez perturbée par tous ces propos. Quand on est médecin de ville, aller deux jours dans un territoire sous-dense enrichit la pratique. On ne se pose pas la question quand les malades doivent se déplacer. Une femme enceinte qui habite trop loin de la maternité peut être amenée à passer les deux dernières semaines avant son terme dans un hôtel.
Beaucoup de médecins ont beaucoup de plaisir à soigner à la campagne. Il y a des aides des collectivités. Une start-up qui aide à l'installation des médecins a même reçu plus de 10 millions d'euros de la Caisse des dépôts et consignations notamment.
Les aides à l'incitation ne fonctionnent pas. Il est assez choquant de n'entendre parler que d'argent quand on évoque le fait de soigner.
Mme Véronique Guillotin. - J'ai retiré mon amendement, je voterai donc contre ces amendements de suppression. Ce qui était choquant était qu'un patient puisse payer plus en zone sous-dense.
Dire qu'on ne parle que d'argent, c'est un raccourci. Quand on demande à un médecin d'aller exercer deux jours en dehors de son cabinet, sur des dossiers inconnus, donc potentiellement plus compliqués, n'est pas évident. Cela doit être valorisé.
Les études ont montré que les mesures incitatives étaient efficaces.
Mme Anne-Marie Nédélec. - Il est très désagréable de s'entendre dire qu'il faut inciter les médecins à venir soigner les habitants des zones rurales. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Cela n'a rien à voir !
Mme Anne-Marie Nédélec. - C'est comme s'il fallait défricher notre pampa à la machette. (Sourires) C'est insultant. Et Mme Poumirol a raison : il y a déjà beaucoup d'incitations.
Je ne sais pas si la sécurité sociale a les moyens de se permettre cette incitation. Comme l'a dit Mme Muller-Bronn, tous les patients méritent d'être soignés, quel que soit l'endroit où ils habitent.
Je sais que le mot fait dresser les cheveux sur la tête, mais une régulation douce aurait réglé une bonne partie du problème. Une grande partie des territoires sont en zone sous-dense : le choix d'installation est donc large.
Là où j'habite, un médecin de zone dense qui viendrait ainsi exercer ponctuellement devrait faire plus de cent kilomètres ! Je ne crois donc pas non plus à l'idée selon laquelle les médecins viendront quelques jours par semaine pour soigner les pauvres ruraux au milieu de leur brousse. (Sourires)
M. Jean-Luc Fichet. - On parle beaucoup, beaucoup d'argent, mais un point n'a été qu'effleuré hier : qui paie le cabinet secondaire, le coût des transports, le matériel en double ? La sécurité sociale, ou plus probablement les mairies ou les intercommunalités ? Et si elles refusent, aucun médecin ne viendra sur leur territoire !
Dans ces conditions, on ne peut pas dire que le médecin aura une charge financière supplémentaire.
Mme Céline Brulin. - J'ai parlé de dépassement d'honoraires, non pour être désagréable, mais parce que c'est écrit dans l'exposé des motifs de la proposition de loi. Après un an de travail pour la rédiger, cela n'a pas pu échapper à la vigilance des auteurs.
Vous dites, monsieur le ministre, qu'il n'est pas choquant de payer une prime incitative pour exercer en zone sous-dense. Mais s'il y a de telles zones, c'est parce qu'on a tout misé sur la liberté d'installation et l'autorégulation - qui ne fonctionnent pas.
J'ai donc l'impression que certains tirent argument des pénuries de médecins pour exiger des rémunérations supplémentaires. Je connais les rapports de force : ce n'est donc pas une surprise...
Lorsque 87 % du territoire est considéré comme une zone sous-dense, il me semble que cette mesure pourrait être sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Quel en sera le coût ? À deux euros supplémentaires par consultation pour 6,5 millions de patients concernés, je vous laisse calculer !
Les amendements identiques nos10, 104 rectifié bis et 107 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°132 de Mme Imbert, au nom de commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Défendu.
M. le président. - Sous-amendement n°135 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Ce sous-amendement précise l'amendement n°132. Il n'est pas illégitime de rémunérer les médecins qui font des efforts.
Madame Nédélec, vous assimilez déserts médicaux et zones rurales. Pardon, mais il existe aussi des déserts médicaux dans les villes, en montagne... Ne caricaturons pas les choses. J'habite moi-même dans un territoire très rural.
Le système hospitalier prévoit déjà ces engagements multisites.
Madame Brulin, on peut ne pas vouloir comprendre... Vous voulez absolument dire que les déserts médicaux sont dus à la liberté d'installation. Mais le nombre de médecins formés est le même qu'en 1970, alors que la France compte 15 millions d'habitants en plus, et que le rapport au travail a changé. Ayez l'honnêteté de dire que les déserts médicaux ne sont pas dus qu'à la seule liberté d'installation. Dans les années 1990, nous n'avons pas été prévoyants. (Mme Céline Brulin s'exclame.)
Vous évoquez un coût de 2 euros supplémentaires par consultation : je ne sais pas d'où vous tirez ces chiffres...
Mme Céline Brulin. - C'était un exemple.
M. Yannick Neuder, ministre. - ... mais mieux vaut dépenser 2 euros que de soigner des maladies beaucoup plus tard. (Mmes Émilienne Poumirol et Céline Brulin s'exclament.) Avis favorable à l'amendement n°132.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis favorable au sous-amendement n°135.
M. Bernard Jomier. - Il ne s'agit pas d'incitation. À l'article 3, nous avons voté une obligation d'exercice en zone sous-dense. L'article 5 est une compensation de cette obligation. D'ailleurs, une pénalité est prévue en cas de refus du médecin de remplir son obligation.
Nous pourrions discuter de la légitimité de la compensation. Pour ma part, cela ne me semble pas problématique.
Qui paiera le cabinet secondaire ? Si c'est le médecin, en effet, la compensation des frais s'impose. Mais si, comme le texte le laisse entendre, il doit être pris en charge dans la convention, alors la compensation ne doit pas être la même.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Les médecins ont la solidarité à coeur et soignent tout le monde. Cela dit, cette incitation me pose problème.
Les médecins déjà installés en zone sous-dense - j'en connais qui exercent depuis trente-cinq à quarante ans - ne bénéficient pas d'incitations, alors que les praticiens qui viendront ponctuellement, comme le prévoit le texte, en recevront une, eux. C'est incroyable !
D'ailleurs, je me le demande depuis tout à l'heure : cette mesure correspond-elle à une demande des médecins eux-mêmes ?
On parle beaucoup d'argent. Des aides, des aides, des aides ! Mais on n'en tire jamais de bilan. (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER)
Cette incitation sera votée ; je propose qu'on en discute de nouveau dans un an ou deux pour en tirer le bilan.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - La mesure prévue à l'article 3 est perçue par les médecins comme une contrainte qui minore leur liberté d'installation. Ils comprennent qu'on le leur demande par solidarité.
Vous avez raison, madame Brulin : le terme « dépassement d'honoraires » figurait dans le texte initial. Nous l'avons vite corrigé, mais vous avez été plus rapide !
Nous imposons une contrainte aux médecins. Il est normal de prévoir une compensation.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Cela me gêne tout autant qu'on prévoie des pénalités. Les médecins sont des adultes s'engageant en toute conscience et par vocation. Nul besoin de prévoir un bâton ou une carotte. Agissons-nous ainsi avec d'autres professions ? Non !
Les médecins peuvent trouver plaisir à exercer dans les secteurs sous-denses - surtout lorsqu'ils couvrent 87 % du territoire !
Le sous-amendement n°135 est adopté.
L'amendement n°132, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°58 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - Les dépassements d'honoraires ne favorisent pas l'égal accès aux soins. Ils sont en contradiction avec cette proposition de loi.
Nous sommes en principe défavorables aux dépassements d'honoraires ; nous proposons à tout le moins de les limiter à 30 %.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les dépassements d'honoraires sont déjà encadrés par le code de déontologie des médecins, selon lequel ils doivent être fixés « avec tact et mesure », sous peine de sanction par l'assurance maladie. La convention médicale les encadre aussi, empêchant les généralistes d'accéder au secteur 2. L'assurance maladie incite financièrement les médecins à la modération tarifaire. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Mme Michelle Gréaume. - C'est la médecine à deux vitesses : dans mon territoire, soit on attend et on passe après tout le monde, soit on a les moyens d'une consultation privée pour aller plus vite - mais entre le chirurgien et l'anesthésiste, vous en avez vite pour 1 000 euros.
Sans argent, vous devez attendre : j'ai vécu cette expérience avec mon père.
L'amendement n°58 n'est pas adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Après l'article 5
M. le président. - Amendement n°13 rectifié ter de Mme Jouve et alii.
Mme Mireille Jouve. - La majoration du ticket modérateur a été créée dans un contexte médical favorable où il fallait encourager les Français à désigner un médecin traitant. Vingt ans plus tard, la réalité est tout autre : plus de 6 millions d'assurés n'ont pas de médecin traitant et 65 % des médecins refusent les nouveaux patients.
Dès lors, la majoration du ticket modérateur induit une hausse automatique du reste à charge qui pénalise les plus vulnérables. Nous proposons de la supprimer, dès lors que le patient n'est pas en mesure de désigner un médecin traitant.
M. le président. - Sous-amendement n°128 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La majoration du ticket modérateur peut effectivement être une double peine. Il faut donc l'aménager pour écarter ceux qui ne peuvent pas choisir un médecin traitant. Toutefois, la commission a réitéré son attachement à la notion de parcours de soins coordonnés.
La suppression de la majoration du ticket modérateur ne doit donc pas être une mesure pérenne, mais transitoire : le sous-amendement la limite à cinq ans.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable au sous-amendement n°128 et à l'amendement n°13 rectifié ter sous-amendé.
Le sous-amendement n°128 est adopté.
L'amendement n°13 rectifié ter, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié ter de Mme Sollogoub et alii.
Mme Nadia Sollogoub. - Nous parlons beaucoup de zonage depuis le début de l'examen de ce texte. Mais nous n'avons pas évoqué le zonage de l'exonération fiscale des zones de revitalisation rurale (ZRR), devenues les zones France Ruralités Revitalisation (FRR), qui déséquilibre artificiellement l'installation de médecins.
Cet après-midi, les médecins de Nevers m'ont appelée au secours : la ville n'étant pas classée en zone FRR, tous les médecins s'installent à Moulins, qui l'est. Or les situations des deux villes sont identiques.
Sortons les professions médicales du dispositif FRR. Dans de telles zones, le carnet de rendez-vous est plein avant même l'apposition de la plaque. L'aide au démarrage n'a donc pas de sens. Les assurances et les agences immobilières en sont d'ailleurs exclues : pourquoi ne pas faire de même pour les professions médicales ? Cessons cette concurrence malsaine entre les territoires.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La loi Valletoux avait limité en 2023 cette aide à une fois tous les dix ans pour éviter le nomadisme médical.
Cet amendement est source d'insécurité juridique : les médecins ont pu compter sur ce dispositif pour s'installer. Enfin, votre amendement vise les ZRR, dispositif en voie d'extinction. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Mme Nadia Sollogoub. - Avançons dans la réflexion sur cette mise en concurrence totalement artificielle, qui coûte une fortune. Soyons logiques : demain, 87 % du territoire devra être classé en FRR.
Cette mesure est discriminatoire : les médecins installés depuis longtemps paient des impôts, contrairement à ceux qui viennent de s'installer - c'est indécent dans le contexte financier actuel.
Mme Émilienne Poumirol. - Je voterai cet amendement qui met l'accent sur le nomadisme médical de certains médecins, que Mme Imbert a évoqué, et qui occasionne des dépenses énormes.
Nul besoin d'aider les médecins à démarrer : dès la pose de leur plaque, ils disposent d'un nombre suffisant de consultations pour assurer leur rémunération.
M. Rémy Pointereau. - Madame Sollogoub, six départements sont entièrement couverts par ce dispositif, dont la Nièvre.
Mme Nadia Sollogoub. - Non, pas Nevers !
M. Rémy Pointereau. - Si, je maintiens mon affirmation.
Mme Nadia Sollogoub. - C'est mon département !
M. Daniel Chasseing. - Je rejoins Rémy Pointereau. Certes, nous sommes peut-être allés trop loin dans le zonage, mais en milieu rural profond, les ZRR ont favorisé l'installation de médecins. Bernard Delcros et Patrice Joly se sont mobilisés dans ce sens.
Mme Annie Le Houerou. - Je voterai cet amendement. Je connais des exemples très précis de médecins initialement installés en zone limitrophe de ZRR, devenues FRR, qui se déplacent de quelques kilomètres pour s'installer dans ces zones, avec à la clé des exonérations d'impôt et des aides à l'installation élevées - non sans emmener avec eux leur patientèle.
M. Yannick Neuder, ministre. - Madame Sollogoub, je partage vos propos. Lors de la présentation du pacte, j'ai demandé une mission d'inspection sur le sujet pour rectifier le tir sur la situation délicate que vous avez décrite.
M. Jean-Luc Fichet. - Cette discussion est intéressante, mais n'est-ce pas le moment de dresser la liste des dispositifs mobilisés depuis dix ans pour inciter à l'installation en zone sous-dense ? Combien versent les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, l'État ? Il existe, sauf erreur de ma part, vingt-quatre dispositifs... Quel coût global, et pour quelle efficacité ?
L'amendement n°23 rectifié ter n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°108 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Nous voulons proscrire les dépassements d'honoraires dans les zones surdenses. L'article 5 fait de la modulation des tarifs un instrument de pilotage de l'offre territoriale de soins : approfondissons cette logique en actionnant le levier tarifaire également à la baisse, surtout dans un contexte d'inflation des honoraires - en esthétique, par exemple - qui ne va pas dans le sens du meilleur soin.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les dépassements d'honoraires sont encadrés par la déontologie et les conventions médicales, et les médecins ayant opté pour le secteur 2 ne bénéficient pas de certaines aides conventionnelles. La mesure proposée bouleverserait les dispositifs conventionnels en vigueur. Ce n'est pas le débat du moment. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°108 n'est pas adopté.
Article 6
M. le président. - Amendement n°129 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°75 rectifié de Mme Guillotin et alii.
Mme Mireille Jouve. - Il s'agit de faciliter le remplacement des médecins se rendant en zone peu dense. Dans un souci de cohérence, nous rendons cet amendement identique à celui de la commission.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable.
Les amendements identiques nos129 et 75 rectifié bis sont adoptés.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
M. le président. - Amendement n°52 rectifié de M. Vincent Louault et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Cet amendement vise à supprimer l'article 7. Dans les centres de santé, le CDD serait le seul contrat possible. Le professionnel de santé serait ainsi placé dans une situation de sujétion à son employeur qui fragiliserait son indépendance, notamment dans un contexte de financiarisation des centres. L'instabilité liée à ce contrat amoindrirait l'attractivité de l'exercice salarié. Ne créons pas un tel précédent, délétère pour l'accès aux soins et peu compatible avec la déontologie.
M. le président. - Amendement identique n°105 rectifié bis de M. Fichet et du groupe SER.
M. Jean-Luc Fichet. - À titre expérimental, les centres de santé en zone sous-dense pourraient pendant trois ans déroger au droit du travail : tout contrat conclu serait un CDD, d'une durée d'une semaine au moins et cinq ans au plus. Mais en quoi flexibiliser l'emploi dans ces centres renforcerait-il l'accès aux soins ? Ce n'est pas en précarisant les professionnels que l'on rendra ces zones plus attractives ! Cette mesure est injuste, inefficace et dangereuse. Les personnels de ces centres ont besoin de conditions de travail dignes, de stabilité et de reconnaissance, pas d'un affaiblissement de leurs droits.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. Cet article est issu d'une initiative de Médecins solidaires, que nous connaissons tous.
Tous les médecins travaillant en centre de santé sont salariés : ils sont par nature dans une situation de sujétion, sans que cela remette en cause l'indépendance de leur pratique. Ce statut de salarié est recherché par nombre de médecins, notamment pour diversifier leur activité - il intéresse également des retraités.
L'article ne fait pas obstacle à la conclusion de CDI ; la commission a clarifié ce point.
Il n'y a pas de problème de continuité des soins dans les centres de Médecins solidaires. Ce modèle fait ses preuves sur le terrain. Plusieurs centaines de patients ont déjà retrouvé un médecin traitant grâce à ce système innovant !
L'expérimentation prévue sera encadrée, nous y avons veillé.
Pour autant, le ministre vient d'annoncer qu'un décret réglant ce point serait publié très prochainement. À titre personnel, je donne donc un avis de sagesse sur les amendements.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Fichet, je ne peux pas laisser dire qu'il s'agirait de précariser la profession médicale. Tous, nous avons été saisis par Médecins solidaires, dont le fonctionnement est bien huilé : le médecin exerce du lundi matin au samedi midi dans un territoire qu'il ne connaît pas ; il ne travaille pas le jeudi après-midi, pour le découvrir. Il s'agit d'apporter une flexibilité dont les acteurs concernés sont demandeurs.
Néanmoins, nous sommes favorables à la suppression de l'article, dans la mesure où il est préférable d'agir par voie réglementaire pour étendre la liste des territoires dans lesquels le recours aux CDD d'usage est possible. Le décret sera publié dans les jours qui viennent, après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP), qui sera saisie demain.
M. Hervé Gillé. - Le système proposé dans le cadre de l'expérimentation était très risqué. Le recours aux CDD d'usage permet de revenir dans une forme de droit commun. La démarche devient tout à fait différente. Les amendements de suppression ont donc été déposés à bon escient.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Il s'agit bien de répondre à la demande de l'association. Le ministre s'étant engagé à agir par décret, notre avis, initialement défavorable aux amendements, devient favorable.
Les amendements identiques nos52 rectifié et 105 rectifié bis sont adoptés et l'article 7 est supprimé.
M. le président. - Amendement n°79 de Mme Souyris et alii.
Amendement n°63 de Mme Céline Brulin et du groupe CRCE-K.
Les amendements nos79 et 63 n'ont plus d'objet.
Après l'article 7
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis de Mme Berthet et alii.
Mme Martine Berthet. - En zone de montagne, certaines communes nouvelles s'étendent sur plusieurs versants, avec parfois des dénivelés importants entre leurs différentes parties. L'accès aux médicaments est complexe quand la pharmacie est située dans une autre vallée. Nous proposons donc d'expérimenter la possibilité d'ouvrir des antennes de pharmacie dans ces communes nouvelles, afin d'y faciliter l'accès aux médicaments.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'expérimentation des antennes de pharmacie a démarré en 2024, à la suite d'un ajustement opéré par la loi Valletoux. Nous disposons de peu de recul, et cette expérimentation doit être menée à son terme avant d'être évaluée.
L'amendement que vous avez soutenu en commission prévoyait un périmètre trop large. Vous l'avez resserré de manière à éviter les effets de bord. Dès lors, avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Ce week-end encore, en Savoie, vous m'avez dit combien ce sujet vous tenait à coeur. Le périmètre de votre amendement initial était un peu large. Merci de l'avoir rectifié. Avis favorable.
M. Daniel Chasseing. - Je voterai cet amendement avec enthousiasme. Il est certainement pertinent en zone de montagne, mais pourrait l'être aussi dans la ruralité profonde, où, du fait des dynamiques de regroupement, certaines pharmacies ne sont pas reprises.
L'amendement n°11 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Article 8
Mme Annie Le Houerou . - Nos amendements relatifs aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ont été déclarés irrecevables.
Ces médecins représentent entre 8 et 10 % des actifs médicaux dans mon département. Dans l'Aisne ou en Eure-et-Loir, leur proportion atteint un tiers ! Mais alors qu'ils portent à bout de bras notre système, nous ne reconnaissons pas leurs compétences
En 2023, près de 7 000 Padhue travaillaient sous un statut précaire. La procédure de reconnaissance n'est pas adaptée : ils doivent passer des épreuves de vérification de connaissances (EVC) alors qu'ils travaillent souvent 60 heures par semaine.
Cet article transforme l'actuel concours en examen pour les Padhue ayant exercé en France. C'est une avancée, mais il faudrait l'élargir à tous les Padhue et supprimer l'obligation de stage pour ceux ayant exercé en France.
J'ai déposé une proposition de loi pour faciliter la reconnaissance de ceux qui travaillent en France depuis deux ans. Nous ne pouvons plus continuer à dépendre de leurs compétences et de leur dévouement tout en les maintenant dans une précarité indécente !
M. le président. - Amendement n°113 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Les praticiens détenant le statut de réfugié, apatride ou bénéficiant de l'asile ne peuvent plus recourir à l'ancien dispositif dérogatoire d'exercice temporaire. Il est proposé de le rétablir au regard du contexte géopolitique. Ce régime concerne notamment les praticiens ukrainiens bénéficiant du statut européen de protection temporaire.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La procédure dont le rétablissement est proposé a été supprimée par la loi Valletoux. Avez-vous des données à nous communiquer sur les effets qu'elle a produits ? Sagesse.
L'amendement n°113 est adopté.
M. le président. - Amendement n°67 rectifié de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Parmi les mesures nécessaires pour sortir les Padhue de la précarité et les conserver dans notre système de soins, il faut transformer en examen le concours actuel pour ceux remplissant certaines conditions. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous nous rejoigniez sur cette position... (M. Yannick Neuder sourit.)
M. le président. - Amendement identique n°112 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je suis heureux de tomber d'accord avec Mme Brulin, qui rejoint la position du Gouvernement sur ce point... (Sourires)
Nous voulons tous défendre les Padhue. Mais nous devons rester vigilants sur le contrôle des connaissances et des compétences, car c'est une question de confiance.
Déjà 4 000 postes de Padhue ont été consolidés en 2024. Environ 300 affectations restent problématiques : je m'engage à régler ces dossiers dans les prochains jours.
Les chefs de pôle ou de service valident les compétences des externes et des internes : pourquoi ne serait-ce pas aussi le cas pour les Padhue de la voie interne ? S'agissant des connaissances, le passage d'un concours à un examen suppose une mesure législative. Ainsi, après que le parcours externe des Padhue a été simplifié cette année, le parcours interne le sera en 2026.
Dans certains établissements, ces praticiens représentent 30 à 40 % de l'effectif médical. À terme, on peut envisager qu'ils sortent des hôpitaux. Une expérimentation va être menée en ce sens dans mon département : des Padhue passeront du CHU à un hôpital périphérique, puis à des maisons médicales. Dans le cadre d'un exercice mixte, ils conserveront leur statut hospitalier tout en concourant au maillage médical du territoire.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis favorable. La réforme des EVC que vous avez annoncée en février est bienvenue. En 2024, les résultats des EVC ont suscité des incompréhensions qu'il fallait éclaircir. Toutefois, il ne faut pas dégrader le niveau d'exigences : la commission sera vigilante sur ce point. Il faudra aussi rétablir de l'équité entre spécialités.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Monsieur le ministre, je salue votre engagement à donner un poste aux 300 Padhue sans affectation alors qu'ils ont réussi l'examen. Nous comptons sur vous.
M. Daniel Chasseing. - Je voterai ces amendements, après avoir moi-même appelé à une clarification des EVC. Certains Padhue ont reçu des notes supérieures à 10, mais ont été recalés ; d'autres ont obtenu des notes inférieures à 10, mais ont été reçus... C'était incompréhensible ! Il faut donner plus de place à l'évaluation par les responsables des services qui accueillent les Padhue. Enfin, l'expérimentation annoncée par le ministre dans son département pourrait être utilement étendue.
Les amendements identiques nos67 rectifié et 112 sont adoptés.
L'article 8, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
La séance est reprise à 21 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Maryse Carrère. - Lors du scrutin public n°269, MM. Raphaël Daubet, Philippe Grosvalet et Michel Masset souhaitaient voter pour.
Acte en est donné.
Discussion des articles (Suite)
Article 9
M. le président. - Amendement n°114 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous voulons fluidifier la procédure d'autorisation d'exercice des Padhue lauréats des EVC. La procédure actuelle, longue, mène à de nombreux refus. Elle serait remplacée par un nouveau dispositif s'appuyant sur une consultation de l'ordre de chaque profession concernée. Nous refondons la procédure d'autorisation, en associant davantage les directeurs d'établissement. Les Padhue ne se concentreront plus uniquement dans les CHU.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Votre amendement écrase le texte de la commission. Il supprime l'avis de la commission nationale d'autorisation d'exercice, ce à quoi les professionnels s'opposent. Nous redoutons un conflit d'intérêts au sein des établissements d'affectation des Padhue.
En outre, les avis de la commission nationale sont défavorables dans 15 % des cas seulement : elle n'est donc pas bloquante.
La commission des affaires sociales a aussi prévu de raccourcir les délais, ce que votre amendement supprime. Dommage, car les autorités locales ne pourront plus donner leur avis. Or passé douze mois, l'avis est réputé défavorable.
La réécriture de cet article ne répond pas aux attentes des acteurs et est inappropriée sur le fond. Avis défavorable.
L'amendement n°114 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
Article 10
M. le président. - Amendement n°27 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - L'article prévoit que les Padhue seront orientés en priorité vers les zones sous-denses. Il s'agit d'une stigmatisation et d'une rupture d'égalité selon le lieu d'obtention du diplôme - est-ce bien constitutionnel ? Ensuite, cet article participe d'un « deux poids, deux mesures », avec une régulation forte pour les Padhue et faible pour les diplômés nationaux - cela ressemble fort à une préférence nationale. Enfin, les Padhue pallient déjà amplement les carences de notre système de santé.
M. le président. - Amendement identique n°94 rectifié bis de Mme Le Houerou et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Pour les mêmes raisons, nous voulons supprimer cet article. L'obligation imposée aux seuls praticiens étrangers nous semble injuste et discriminatoire. Pourquoi voulez-vous imposer aux Padhue ce que vous refusez pour les autres médecins ?
La procédure des EVC est déjà anormalement compliquée. J'ajoute que certaines difficultés d'affectation ne permettent pas aux Padhue de valider leurs stages.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ne nous trompons pas de sujet. Oui, les Padhue, comme les étudiants de troisième cycle, contribuent au bon fonctionnement de notre système de santé.
Nous voulons leur assurer de bonnes conditions de formation et un encadrement de qualité. Depuis la loi Valletoux, ils peuvent en principe être affectés en centres de santé et en maisons de santé, en ville. Mais des obstacles liés à leur rémunération persistent - j'espère qu'ils seront bientôt levés, un an et demi après le vote de la loi...
Le texte prévoit de favoriser les affectations en zones sous-denses : la même terminologie a été utilisée pour les docteurs juniors, ni plus ni moins. Parler de discrimination, c'est pousser le bouchon un peu loin !
Mme Frédérique Puissat. - Exactement !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet article concilie un objectif de développement de la médecine de ville et de qualité de la formation, qui ne sera pas dégradée. Il ne doit pas être mal interprété : avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Nous visons un parallélisme des formes avec les docteurs juniors. Nous avons souhaité simplifier, car certaines personnes se trouvaient sans solution. En outre, nous voulions établir un équilibre entre les grands centres hospitaliers et les plus petits établissements, qui ne bénéficiaient pas de l'apport des Padhue. Il ne s'agit pas de dire qu'ils sont de moins bons médecins.
Nous continuerons d'y travailler, pour trouver le juste équilibre d'ici à la CMP.
M. Yannick Neuder, ministre. - En effet, ne nous trompons pas sur l'interprétation de cet article, qui vise l'équité de traitement. Les internes peuvent être formés hors hôpital. Idem pour les docteurs juniors. Dire qu'on envoie les Padhue dans les zones sous-denses est un raccourci.
Les amendements identiques nos27 et 94 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°130 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Nous voulons ouvrir aux Padhue la possibilité de réaliser leur parcours de consolidation des compétences auprès d'un praticien agréé maître de stage des universités (Pamsu). C'est important, notamment pour les candidats à l'autorisation d'exercice en médecine générale.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°130 est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
Après l'article 10
M. le président. - Amendement n°43 rectifié de Mme Havet et alii.
Mme Solanges Nadille. - Dans le Finistère, département de Nadège Havet, 50 communes peinent à recruter un médecin généraliste. Face à cette situation, les élus locaux s'engagent, notamment via le pacte Finistère 2030 qui soutient 27 projets de maisons de santé, pour 2 millions d'euros de subventions. Le département joue aussi un rôle majeur dans le dossier des urgences de Carhaix.
Le pacte présenté le 25 avril pourrait déboucher sur 30 millions de consultations supplémentaires dans les zones sous-denses chaque année. Nadège Havet, qui soutient cette orientation, propose d'élargir le dispositif aux médecins salariés des ARS.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Certes, les ARS comptent quelques médecins dans leurs rangs, mais ce sont souvent des inspecteurs de la santé publique. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous avons besoin de médecins compétents dans tous les territoires. Je ne dis pas... (exclamations amusées à gauche) que les médecins des ARS ne sont pas compétents. Mais un médecin qui ne pratique pas pendant un certain nombre d'années a besoin d'une remise en pratique, que nous pourrions proposer aux médecins travaillant dans les ARS, dans les CPAM ou dans les conseils départementaux s'ils veulent de nouveau exercer. (Mme Marie Mercier le confirme.) Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Solanges Nadille. - Je prends l'exemple de mon territoire, où toutes les communes sont en zone sous-dense. Nous faisons face à un problème de continuité territoriale. Comme nous avons de l'argent, autant contribuer à la remise à niveau des médecins des ARS !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je suis l'avis du Gouvernement : retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.
Article 11
M. le président. - Amendement n°102 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Nous voulons organiser l'exercice libéral de la médecine générale de premier recours sous la forme d'équipes pluriprofessionnelles de soins primaires. C'est l'avenir de notre système de santé. Cela libérera du temps médical et améliorera le suivi des patients.
Votre article 11, qui se limite à exiger des structures coordonnées qu'elles organisent cette coopération, est bien pauvre.
Nous voulons accélérer le développement coordonné des équipes de soins primaires, première étape vers une nouvelle organisation des soins autour d'un projet de santé coconstruit. C'est aussi une question d'attractivité.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'équipe de soins primaires est le modèle le plus simple de coopération. Toutefois, il n'est ni utile ni souhaitable d'obliger les médecins libéraux à s'organiser de la sorte, au risque de créer des coquilles vides. Les équipes de soins primaires, comme les CPTS et les maisons de santé pluriprofessionnelles, ne fonctionnent bien que quand les professionnels ont envie de travailler ensemble. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Mme Émilienne Poumirol. - Madame la rapporteure, les CPTS ne sont pas effecteurs de soins.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je le sais bien.
L'amendement n°102 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.
Mme Corinne Bourcier. - La coopération entre professionnels pose des problèmes de partage de responsabilité, que seule peut trancher la jurisprudence. Si chaque professionnel avait la garantie que le protocole ne contrevient pas à sa déontologie, son adhésion en serait facilitée.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les protocoles nationaux sont déjà transmis à la Haute Autorité de santé (HAS). Quant aux protocoles locaux, ils sont transmis au directeur général de l'ARS et doivent respecter des garanties prévues par décret. Ajouter une saisine systématique des ordres ralentirait les choses. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°48 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
Après l'article 11
M. le président. - Amendement n°119 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cet amendement permettra la création d'un décret d'actes pour les audioprothésistes. Avec le vieillissement de la population, les troubles auditifs augmentent, entraînant difficultés de la vie quotidienne et isolement social.
Alors que les audioprothésistes jouent un rôle majeur, aucun décret d'actes ne définit précisément leurs compétences, contrairement aux autres professions paramédicales. Grâce à cet amendement, certains actes pourront leur être délégués, en toute sécurité juridique, comme par exemple le retrait non instrumental des bouchons de cérumen.
C'est un engagement du pacte de lutte contre les déserts médicaux.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Sagesse. En effet, aucun texte ne régit les actes pouvant être réalisés par les audioprothésistes. C'est une bonne idée. Toutefois, la commission regrette l'introduction de cette disposition sans concertation préalable, ce qui ne nous a pas permis d'évoquer cette question lors de nos auditions. D'où un avis de sagesse.
L'amendement n°119 est adopté et devient un article additionnel.
Article 12
M. le président. - Amendement n°95 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - L'article 12 permet aux pharmaciens d'officine de prendre en charge des situations cliniques simples, sans plus de précision. Il ne s'agit pas d'une délégation de tâches, mais bien d'un transfert de compétences des médecins vers les pharmaciens. Seule une information du médecin traitant est prévue, mais information ne rime pas avec coordination. Supprimons cet article.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. L'article 12 prévoit de généraliser l'expérimentation OSyS (Orientation dans le Système de Soins), qui a fait la preuve de son efficacité pour économiser du temps médical sans amoindrir la qualité de la prise en charge.
La commission a encadré le dispositif : le pharmacien renverra le patient vers son médecin traitant en cas de besoin.
Les pharmaciens peuvent déjà agir, en cas de cystite ou d'angine par le biais des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod).
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°95 rectifié n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
Après l'article 12
M. le président. - Amendement n°109 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous donnons davantage de latitude aux partenaires conventionnels pour décider quelles officines ont besoin d'un soutien spécifique, car on rencontre des difficultés pour accéder aux médicaments en milieu rural. Les officines en difficulté doivent être aidées financièrement pour préserver le maillage territorial. Cet amendement s'inscrit dans la continuité des mesures présentées en avril dans le Cantal.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis favorable. Les critères de définition des territoires fragiles, souvent débattus, sont considérés comme trop restrictifs.
L'amendement n°109 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°118 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cet amendement crée un décret d'actes sur les compétences des préparateurs en pharmacie. Pendant la crise sanitaire, ils ont pratiqué de nombreux tests nasopharyngés et je les en remercie. Depuis, ils ont perdu cette compétence ; nous la leur rendons et pourrons à l'avenir leur confier d'autres compétences, comme les Trod et les analyses d'urine.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'abrogation des arrêtés pris durant le covid a été un peu rapide. La commission se réjouit que nous reconnaissions les compétences de ces professionnels. Les avis de la HAS, de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de pharmacie sécuriseront le dispositif. Avis favorable.
L'amendement n°118 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°12 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Cet amendement porte sur le sujet très spécifique des médecins propharmaciens, qui sont une petite centaine, dans la ruralité profonde ou sur les îles de la côte atlantique.
Les médecins qui délivrent des médicaments dans le cadre des propharmacies doivent pouvoir être inscrits dans la liste des officines et bénéficier de tous les outils de numérisation, comme le dossier médical partagé (DMP). Ils pourront bénéficier des mêmes traitements - sur la bronchiolite, le covid, etc. - que les pharmacies, afin de faciliter la vie des habitants de ces secteurs reculés. Enfin, nous voulons qu'ils puissent délivrer les médicaments prescrits.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je comprends l'intention de l'auteur de l'amendement, toutefois, il supprime plusieurs garanties du code de la santé publique qui sont pourtant indispensables. L'assouplissement proposé est excessif. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
M. Philippe Folliot. - Je suis surpris que le ministre se contente de dire « même avis », alors qu'il s'agit de secteurs ruraux très fragiles, où des pharmaciens n'ont pas voulu s'installer.
Exemple concret : un chirurgien-dentiste exerce occasionnellement dans la maison de santé de l'île de Sein. Quand il prescrit des antibiotiques, les patients doivent aller les chercher sur le continent, alors qu'ils pourraient les retirer à la propharmacie.
Il n'y aurait aucun coût à l'inscription de ces médecins sur le registre des pharmacies. C'est purement administratif.
À chaque fois que j'évoque ce sujet en PLFSS, on me dit que cela n'en relève pas. Mais si on ne le traite pas dans le présent texte, qu'y traitera-t-on ?
Certes, il ne s'agit que de 80 communes, mais particulièrement fragiles et isolées.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Monsieur Folliot, je comprends la difficulté, mais je n'apprécie pas le ton et la méthode employés : vous déposez cet amendement sans travail en amont avec la commission. (M. Philippe Folliot proteste.) Je propose que nous votions votre amendement, pour ensuite en rediscuter. C'est la jurisprudence Mouiller, qui permet d'en reparler d'ici à la CMP.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Folliot, ne dites pas que je ne veux pas vous répondre. Les explications de la rapporteure sont circonstanciées : il n'était pas nécessaire de les répéter.
Ne pas adopter cet amendement ne signifie nullement que l'on ne souhaite pas résorber les déserts médicaux. Nous proposons justement, avec l'amendement n°116, de créer des officines en dessous des seuils. Mais doit-on légiférer pour des situations aussi spécifiques ? Je vois bien l'absurdité d'un aller-retour en bateau pour aller chercher un médicament, mais nous devons légiférer plus largement.
Voyons comment envisager les choses d'ici à la CMP.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - J'entends votre préoccupation. J'aurais été toutefois contente d'en discuter avec vous avant le dépôt de l'amendement. Le caractère insulaire et l'absence de pharmacien sont des critères importants : il faut encadrer pour éviter le développement de médecins propharmaciens un peu partout. Je suis à votre disposition pour en discuter.
L'amendement n°12 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°116 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous facilitons l'ouverture d'une officine par voie de création dans une commune de moins de 2 500 habitants dont la dernière officine a cessé son activité, comme c'est déjà possible par voie de transfert ou de regroupement.
Le nombre d'officines a été réduit de 10 % en quelques années, parfois de 20 % localement. Cet amendement renforcera le maillage officinal et donc l'accès aux médicaments.
J'ai bien conscience que l'on n'ouvrira pas une officine dans chaque commune. Il est aussi nécessaire de renforcer le maillage existant et l'attractivité du métier de pharmacien. Les officines, notamment en zone rurale, seraient aussi plus robustes s'il y avait davantage de médecins. Il s'agit de traduire des mesures annoncées dans le pacte contre les déserts médicaux.
M. le président. - Sous-amendement n°134 de Mme Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. - Ce sous-amendement limite dans le temps cette dérogation. Dans un délai de deux ans suivant la fermeture d'une officine, l'ouverture d'une nouvelle officine n'est pas de nature à bouleverser l'organisation médicale. Cela peut plutôt être considéré comme une reprise d'activité.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°116, comme au sous-amendement n°134. La vraie question est : pourquoi les officines ont-elles fermé ? Aujourd'hui, une installation peut se faire par transfert ou regroupement. Les pharmacies font face à des problèmes d'équilibre économique : on ne vote pas impunément des économies de 1 à 1,2 milliard d'euros sur les médicaments.
Il y a aussi des problèmes de recrutement. Une pharmacie seule dans une commune ne peut pas fermer plus de 72 heures consécutives : impossible de prendre des vacances, donc.
En l'absence de chiffre d'affaires existant, difficile de recruter un adjoint. Du lundi matin au samedi soir, vous êtes dans l'obligation d'être dans votre officine. Les jeunes pharmaciens ne veulent plus de ces conditions, d'autant plus qu'on leur confie sans cesse de nouvelles missions.
Ne laissons pas croire aux élus que l'on créera facilement des officines avec ces amendements. Et je passe sur la réforme des parcours accès santé spécifique (Pass) et de la licence accès santé (LAS) : il y a trois ans, il y avait 1 000 places en deuxième année de pharmacie non pourvues, puis 450, puis 200. D'ici trois ans, ce sont 1 700 pharmaciens qui nous manqueront. (M. Bruno Belin applaudit.)
M. Bruno Belin. - C'est essentiel !
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable au sous-amendement n°134.
Le sous-amendement n°134 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°116.
M. le président. - Amendement n°87 rectifié bis de Mme Berthet et alii.
Mme Anne Ventalon. - L'ophtalmologie fait partie des trois spécialités les plus affectées par la désertification médicale. Le délai d'obtention d'un rendez-vous peut atteindre 123 jours. Le recours à l'orthoptiste a rendu plus facile les renouvellements de lunettes. Il faut aller plus loin : cet amendement autorise le dépistage visuel en premier recours par un orthoptiste dans le cadre d'un protocole pour les Français non suivis par un ophtalmologiste dans les territoires sujets à la désertification.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Retrait, sinon avis défavorable : cet amendement est déjà satisfait en droit. Le code de la santé publique permet aux orthoptistes de réaliser un bilan visuel sans prescription.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°87 rectifié bis est retiré.
L'article 13 est adopté.
Article 14
M. le président. - Amendement n°96 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Encore un amendement de suppression. Cet article prévoit une part de rémunération à l'activité pour les infirmiers en pratique avancée (IPA). C'est à rebours de la mission de prise en charge globale de la personne revendiquée par ces professionnels.
Le mode d'exercice isolé ne concerne qu'une trentaine de professionnels, sur plus de 600 000 infirmiers. L'exercice se fait plutôt en coordination avec d'autres professionnels.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable à cette demande de suppression de toutes les améliorations apportées par ce texte à la rémunération des IPA libérales.
Il revient au législateur de redonner de l'attractivité à ce mode d'exercice, en raison de l'inertie de l'exécutif sur le sujet. Il faut compléter la logique forfaitaire ; cela répond aux attentes des IPA.
M. Yannick Neuder, ministre. - Sagesse. L'article 14 couvre essentiellement le champ conventionnel : inutile d'inscrire ces dispositions dans la loi.
L'amendement n°96 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°59 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous proposons la suppression du paiement à l'activité des IPA. Nous soutenons évidemment la revalorisation des rémunérations des IPA, qui, selon leur Union nationale, ne sont pas à la hauteur de leurs compétences. Il est primordial que les IPA négocient eux-mêmes leur cadre conventionnel. Ils dénoncent que l'ancienneté dans l'exercice ne soit pas reconnue. Ils demandent une révision des forfaits, tenant compte des consultations répétées, mais aussi le classement en profession médicale intermédiaire.
Cet article ne correspond pas à leurs attentes ni au virage de l'abandon de la tarification à l'activité (T2A), source de nombreux écueils - inefficacité économique, course à la rentabilité, incitation à réaliser le plus d'actes possible pour rapporter de l'argent à l'hôpital - dénoncés à maintes reprises par la Cour des comptes.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. Tout le monde s'accorde à dire que le modèle économique des IPA libérales ne fonctionne pas. Cet article a été accueilli favorablement par la profession.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°59 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement appelle l'attention sur les difficultés de rémunération des IPA. Certains, que j'ai rencontrés, ne peuvent pas exercer à temps complet en tant que tels, car ils ne pourraient pas en vivre, et doivent faire un mi-temps en tant que simples infirmiers.
Il s'agit donc de compléter la demande de rapport déjà prévue à l'article 14, en y intégrant la revalorisation de la rémunération des IPA.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Nous sommes d'accord avec M. Chasseing sur le fond. Avis défavorable, cependant, sur l'extension de la demande de rapport.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
M. Daniel Chasseing. - Ce n'est pas moi qui demande un rapport. C'est déjà dans l'article 14.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - J'ai bien parlé d'extension du rapport.
L'amendement n°37 rectifié n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté.
Article 15
M. le président. - Amendement n°97 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Encore un amendement de suppression, concernant l'article 15 qui prévoit une participation financière de l'assurance maladie pour l'achat de matériels et de logiciels innovants, sans plus de précision. Or cette participation s'ajouterait au millefeuille de mesures incitatives visant à favoriser l'installation de jeunes médecins.
Entre 2017 et 2024, 73 millions d'euros ont été versés par les ARS pour la seule Île-de-France. Multiplié à l'échelle de la France, cela fait beaucoup ! Or ces mesures n'ont pas fait la preuve de leur efficacité pour améliorer l'accès aux soins. Mais elles coûtent cher aux finances publiques : inutile de prévoir de nouveaux dispositifs dans ces conditions.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Sans surprise, avis défavorable à cet amendement qui supprime l'article.
Les médecins font face à des difficultés pour acquérir des logiciels innovants, notamment liés à l'intelligence artificielle. Cela répond pourtant à un véritable besoin.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Mme Nadia Sollogoub. - Je me rangerai à l'avis de la commission.
Cela dit, si l'on veut favoriser le travail en équipe, pourquoi ne pas privilégier le soutien aux équipes, et non pas aux médecins isolés ? J'avais déposé un amendement en faveur des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (Sisa) qui a été rejeté au titre de l'article 40 sans que je comprenne pourquoi. Soutenons les équipes ! (Mme Émilienne Poumirol adresse un geste de félicitation à l'oratrice.)
L'amendement n°97 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°115 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cet amendement assouplit la rédaction de l'article. La convention médicale prévoit un forfait structure, refondu en 2026 en une dotation numérique.
Ces thèmes relèvent du champ conventionnel. Pour ne pas préempter les discussions, resserrons le champ de l'article 15.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. La rédaction de l'amendement va à l'encontre de la volonté de la commission.
L'amendement n°115 n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
Article 16
M. le président. - Amendement n°61 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - La loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) a remplacé le certificat d'aptitude à la pratique sportive par un questionnaire, sauf pour les compétitions et la pratique au sein d'une fédération sportive.
Lors de l'examen de la loi visant à démocratiser le sport, MM. Kern et Lozach confiaient aux commissions médicales des fédérations sportives le soin de fixer des règles. Nous soutenions cette position équilibrée. Certes, il faut dégager du temps médical, mais ne supprimons pas complètement les certificats. Dans un contexte de renoncement aux soins, cela pourrait avoir des conséquences sur le dépistage.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. Le sportif remplira un questionnaire et il faudra toujours produire un certificat, le cas échéant, en fonction des réponses aux questions - chacun est responsable de sa santé.
Le code du sport prévoit que pour certaines disciplines, la délivrance d'une licence et la pratique en compétition seront toujours soumises à la production d'un certificat. Ce sont les médecins eux-mêmes qui proposent de supprimer ces certificats : ce sont des professionnels responsables.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°62 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Cet amendement de repli prévoit de maintenir la production d'un certificat en cas d'inscription dans une fédération, le questionnaire étant réservé aux renouvellements.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable pour les raisons précédemment évoquées.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°131 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement rédactionnel n°131, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°98 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Cet amendement vise à conserver l'exigence d'un certificat pour les activités sportives extrêmes ou intensives. C'est souvent l'occasion pour le médecin de vérifier l'état général de la personne ; cet effort de prévention en santé est bienvenu dans notre système trop axé sur le curatif.
Chacun est certes responsable de sa santé, mais nous connaissons tous des personnes qui sollicitent les médecins le samedi midi pour aller courir un trail le lendemain.
La liste des disciplines fixée par arrêté - plongée, sports de combat, motorisés ou utilisant des armes - est trop restrictive. Sécurisons davantage.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Le code du sport prévoit déjà la production systématique d'un certificat pour les disciplines à risque. En outre, un certificat est nécessaire si le questionnaire en fait apparaître la nécessité. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°98 rectifié n'est pas adopté.
L'article 16, modifié, est adopté.
L'article 17 est adopté, de même que l'article 18.
Après l'article 18
M. le président. - Amendement n°41 rectifié de Mme Havet et alii.
Mme Solanges Nadille. - Défendu.
L'amendement n°41 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté.
Explications de vote
M. Daniel Chasseing . - Le département est mis en avant par l'article 1er : c'est justice, car c'est la collectivité qui connaît le mieux les difficultés d'accès aux soins ; nombre de départements ont créé des centres de santé et embauché des médecins salariés, et certains sont en passe de créer une première année d'études médicales.
L'article 3 permet l'installation de médecins en zones surdenses à condition qu'ils ouvrent un cabinet secondaire dans les zones sous-dotées : c'est positif, sous réserve de présence effective dans ces cabinets.
L'article 9 améliore la situation des Padhue. En particulier, tous ceux qui obtiennent plus que la moyenne aux EVC seront reçus. C'est une mesure de justice.
En ce qui concerne les pharmacies, je me félicite de l'adoption de l'amendement de Mme Berthet relatif aux ouvertures d'antennes.
L'article 14 augmentera, je l'espère, les rémunérations des IPA.
Quant à l'arrivée des docteurs juniors, elle favorisera l'accroissement de la patientèle des maîtres de stage.
Nous espérons que ce texte sera source d'améliorations dans les territoires privés de médecins.
Mme Annie Le Houerou . - Le groupe SER n'est pas unanime, mais ne votera pas ce texte.
Les inégalités d'accès aux soins induisent des pertes de chances réelles : c'est intolérable dans notre République. Ce texte ne va pas assez loin, n'apportant que des réponses timides.
La présidence de l'office départemental est confiée au président du conseil départemental : nous craignons une charge supplémentaire non compensée, alors que les finances des départements sont exsangues.
Le pilotage du système est rendu plus confus encore.
Libérer du temps médical par la délégation aux pharmaciens ou aux IPA ne résoudra pas le problème du manque de médecins.
L'article 3 prévoit un exercice à temps partiel en zone sous-dense : c'est un tout petit pas.
Nous espérons que ce texte sera complété par l'Assemblée nationale, en particulier à travers la proposition de loi Garot, plus ambitieuse. Nous nous félicitons en tout état de cause des progrès réalisés pour les Padhue. La majorité d'entre nous s'abstiendra.
M. Alain Milon . - À en croire certains, l'installation libérale serait la cause de tous les maux, les études médicales coûteraient trop cher... Même si elles coûtaient 300 000 euros sur dix ans, comme il a été affirmé, cela ne fait jamais que trois ans de vie d'un sénateur !
À ce stade, qu'attendez-vous pour nationaliser la médecine ?
Cette proposition de loi comporte à n'en pas douter des avancées : Padhue, territorialisation, partage de compétences. Mais elle est tout à fait insuffisante en ce qui concerne l'accès aux soins. À cet égard, monsieur Jomier, la suppression du numerus clausus aurait été efficace si le Pass-LAS n'avais pas été mis en place par le ministère de l'enseignement supérieur... (Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Jean Sol renchérissent.) À titre personnel, je m'abstiendrai.
M. Olivier Henno . - Notre groupe votera majoritairement ce texte.
Nous avions initialement des doutes, exprimés en commission, mais nous avons apprécié l'humilité qui a caractérisé nos débats. Nous avons évité le piège de la culpabilisation des médecins, notamment des jeunes.
Nous sommes dans une situation impossible, avec une couverture simple dans un lit double... Il est inévitable que certains aient froid !
Nous avons bien noté vos engagements pour former plus de médecins, monsieur le ministre. Le numerus apertus est un progrès, mais insuffisant. Le Conseil de l'Ordre a tort de s'inquiéter d'un trop grand nombre de médecins.
En responsabilité, nous voterons ce texte qui recherche l'équilibre dans un contexte délicat.
Mme Frédérique Puissat . - Notre groupe votera ce texte. Je remercie le président Mouiller et les rapporteurs Rojouan et Imbert pour le travail mené depuis un an.
Merci aussi au ministre pour son écoute et sa capacité à enrichir le texte sans le dénaturer. Les trois axes du texte initial sont conservés : pilotage au plus près des territoires, renforcement de l'offre de soins dans les territoires fragiles, libération du temps médical par le partage de compétences.
Nous saluons le remplacement de l'actuel observatoire par un office national décliné au niveau départemental.
La liberté d'installation des médecins est un débat ancien ; chacun a défendu sa position.
Au bout du compte, nous parvenons à un texte équilibré. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour le faire prospérer à l'Assemblée nationale.
Mme Anne Souyris . - Le GEST s'abstiendra.
Certains articles sont positifs, notamment l'article 3, qui marque un premier pas vers la solidarité. Nos inquiétudes liées à l'article 5 ont été levées.
En revanche, nous regrettons le maintien de l'article 10, même si le président Mouiller estime qu'il n'y a pas de discrimination et qu'il s'agit d'une démarche donnant-donnant. Pour nous, la différence de traitement est problématique.
Nous avons avancé sur la revalorisation financière de certaines professions : c'est un début de solution.
Mme Céline Brulin . - De plus en plus d'entre nous conviennent qu'une régulation s'impose. Nous ne pouvons plus laisser l'offre de soins dans un tel état de déliquescence, qui nourrit un sentiment d'abandon et l'idée qu'il y aurait dans notre République des citoyens de seconde zone.
Je me réjouis que nous soyons parvenus collectivement à transformer les dépassements d'honoraires en zone sous-dense en un autre dispositif, certes imparfait.
Je suis beaucoup plus sceptique sur le dispositif de l'article 3, très flou et qui risque de créer beaucoup de déception, chez nos concitoyens qui attendent un médecin, chez les élus locaux ou chez les médecins. Comme on dit chez moi, ce n'est ni fait ni à faire...
Nous nous rejoignons sur la nécessité d'un grand effort de formation : nous nous retrouverons sur ce sujet dans les prochains mois.
M. Jean-Luc Fichet . - Je considère que le compte n'y est pas. Il y a une digue : la liberté d'installation des médecins. Parfois, elle se fissure, mais, dans cet hémicycle, la plupart du temps, on a le sentiment que les médecins parlent aux médecins...
Du point de vue de l'accès aux soins, rien n'est réglé. Alors que 6 millions de patients n'ont plus de médecin, on ne nous parle que de solidarité - et encore, avec des compensations. On constatera bientôt que nous n'avons pas avancé.
J'ai demandé si les collectivités territoriales seraient sollicitées pour financer l'installation des cabinets secondaires. Silence total ! Le ministre peut-il s'engager à ce que ce ne soit pas le cas ?
Pour ma part, je voterai contre cette proposition de loi.
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°277 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 219 |
Pour l'adoption | 190 |
Contre | 29 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Je remercie ceux qui sont à l'origine de cette proposition de loi, Bruno Rojouan et Corinne Imbert, qui ont coprésidé pendant un an les travaux d'un groupe de sénateurs Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Merci aussi au ministre et à nos services.
Chacun a défendu ses convictions tout en faisant preuve d'écoute, comme il convient en démocratie. Nos discussions ont été de bonne tenue, mais le débat n'est pas terminé.
Monsieur le ministre, vous avez pour mission l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous comptons sur vous.
Ce texte n'est pas une révolution, mais il apporte une pierre à l'édifice. La question essentielle de la formation est devant nous. Former plus et former mieux, là est l'enjeu fondamental. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Yannick Neuder, ministre. - Je vous remercie pour la qualité des débats. Je remercie particulièrement le président de la commission des affaires sociales et les rapporteurs.
Qu'il s'agisse des infirmiers, de la coordination entre les Sdis et le Samu ou de la lutte contre les violences faites aux soignants, nous avons beaucoup travaillé ensemble depuis cinq mois, sur des sujets de fond qui appellent non pas une seule solution, mais un ensemble de solutions.
Nous devons mieux répartir nos médecins selon un pacte collectif et solidaire. Nous sommes en train d'en bâtir les modalités, en veillant à ne pas décourager nos jeunes médecins. L'objectif est de faire reculer les déserts médicaux, insupportables pour nos concitoyens, et de soutenir les élus locaux, désespérés de la situation.
Monsieur Fichet, il y aura des moyens affectés au déploiement des locaux nécessaires. Si les élus assistent à l'arrivée de professionnels de santé, j'imagine mal qu'ils ne s'associent pas à la démarche, car c'est aussi un enjeu d'aménagement du territoire.
Nous devons faciliter l'entrée en fonction des docteurs juniors. À cet égard, je tiendrai les engagements pris devant le Congrès national des médecins généralistes.
En reconnaissant ce soir les compétences des Padhue, en supprimant bientôt le numerus apertus pour privilégier une définition des besoins en fonction du territoire et en intégrant le retour de nos étudiants partis à l'étranger, nous arriverons à 50 000 médecins supplémentaires en 2027, qui renforceront notre maillage territorial.
J'insiste : ne décourageons surtout pas nos jeunes médecins par des mesures qui amoindriraient leur engagement en faveur de la santé. (Applaudissements sur certaines travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Prochaine séance demain, mercredi 14 mai 2025, à 15 heures.
La séance est levée à 23 h 15.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 14 mai 2025
Séance publique
À 15 heures, à 16 h 30 et le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président, M. Loïc Hervé, vice-président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Guy Benarroche
Questions d'actualité
Proposition de loi organique tendant à modifier le II de l'article 43 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, présentée par Mme Lana Tetuanui et M. Teva Rohfritsch (texte de la commission, n°581, 2024-2025)
Proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France, présentée par Mme Nadia Sollogoub et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°596, 2024-2025)
Proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile, présentée par M. Grégory Blanc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°598, 2024-2025)