Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai (Procédure accélérée - Suite)

Discussion de l'article unique (Suite)

Article unique (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°10 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement supprime l'alinéa 5 qui autorise l'ouverture, le 1er mai, des établissements assurant la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate - c'est-à-dire les boulangeries.

Toutes les boulangeries ferment un jour par semaine, preuve que la continuité de l'activité n'est pas un impératif. Pourquoi devraient-elles ouvrir particulièrement le 1er mai ? S'agit-il des artisans ou des grandes chaînes ? Des boulangeries rurales, ou celles des centres commerciaux périurbains ?

En réalité, on ouvre une brèche : la dérégulation finira par s'étendre à tout le champ de la consommation immédiate de produits alimentaires, fragilisant leurs salariés précaires. C'est la stratégie du pied dans la porte : demain, d'autres - les salons de coiffure, par exemple - demanderont à ouvrir au prétexte que les familles, en congé le 1er mai, ont le temps de consommer !

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Nous avons échangé nos arguments. Cet amendement dénature le texte. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis.

À la demande des groupes UC et Les Républicains, l'amendement n°10 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°339 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption   98
Contre 226

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous supprimons l'alinéa autorisant l'ouverture des établissements dont l'activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail.

Il ne s'agit pas d'une simple régularisation des boulangers qui ont été condamnés...

Mme Annick Billon.  - Puis relaxés !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Oui, après avoir prouvé qu'ils ne pouvaient pas fermer, conformément à la loi !

Ici, vous élargissez le dispositif à tous ces commerces, de l'artisan à la grande chaîne, pour qu'ils puissent ouvrir de plein droit ; pour eux, le 1er mai n'existera plus. C'est la stratégie du pied dans la porte.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis.

Mme Monique Lubin.  - Vous dites vouloir régulariser la situation des boulangers et fleuristes ; pourquoi ajouter autant d'autres secteurs ? Dites-nous combien de salariés seront concernés.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je précise que derrière les établissements visés par l'alinéa se cachent les épiceries. Or il n'y a jamais eu de tolérance pour ce secteur, que vous souhaitez mettre de plein droit à l'écart de la philosophie du 1er mai.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°11 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°340 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption   98
Contre 226

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Derrière les « établissements dont l'activité répond à un besoin du public lié à un usage traditionnel propre au 1er mai » se cachent les fleuristes. Longtemps, c'est l'aubépine que l'on arborait à la boutonnière le 1er mai ; aujourd'hui, c'est le muguet, devenu un commerce.

Les représentants des fleuristes font campagne pour obtenir une dérogation permanente. Pourtant, rien n'interdit de vendre du muguet préparé la veille avec leurs salariés. Sans compter que la dérogation vise aussi les jardineries, qui vendent tout autre chose que du muguet ! Pourquoi faudrait-il une dérogation pour acheter un bonsaï le 1er mai ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Il grandit plus vite ! (Sourires)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est la stratégie du pied dans la porte : viendront ensuite d'autres secteurs se réclamant d'un prétendu « usage traditionnel » dans les fêtes locales qui se greffent sur le 1er mai.

N'allons pas à récompenser ceux qui ont déclaré qu'ils ne respecteraient pas la loi ; le législateur n'a pas à satisfaire des intérêts économiques particuliers, mais à protéger ce temps commun issu d'une longue histoire de luttes sociales.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 de M. Henno, au nom de la commission des affaires sociales.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Cet amendement sécurise le dispositif en excluant du périmètre les grandes surfaces, dont l'activité excède largement la vente de brins de muguet ou de biens culturels.

En délimitant clairement les exceptions, nous rendons plus difficile l'ouverture des grandes surfaces.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 de Mme de Marco et alii.

Mme Ghislaine Senée.  - Cet amendement exclut du périmètre de la dérogation les établissements exerçant une activité culturelle. Vous portez une atteinte grave et manifeste au droit au repos et au droit à manifester, alors que les cortèges du 1er mai participent à la vie démocratique et sociale de la nation.

Il faut préserver les droits des salariés des établissements culturels, qui pâtissent de conditions de travail dégradées, notamment dans les musées ; leur droit au repos est d'autant plus justifié. Sur 17 000 agents de musées publics, 76 % ne sont pas titulaires ! La fermeture de ces établissements est l'occasion pour nos concitoyens de s'ouvrir à des pratiques culturelles non marchandes ou de redécouvrir la nature.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos12 et 13, qui dénaturent le texte.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Avis défavorable aux amendements nos12 et 13 ; avis favorable à l'amendement n°19 du rapporteur qui apporte d'utiles précisions.

Mme Monique Lubin.  - Pour délimiter aux mieux les dérogations et éviter d'ouvrir la boîte de Pandore, monsieur le rapporteur, il suffit de ne pas voter le texte !

Ce sont toujours les mêmes -  les salariés mal payés des petits commerces - qui travaillent les jours fériés et les dimanches, pour le confort de ceux qui chômeront le 1er mai et qui veulent pouvoir continuer à consommer. Est-ce là votre philosophie ? Je trouve cela injuste.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On ne peut se contenter de la fermeture des hypermarchés, car Auchan ou Carrefour ont déjà des supérettes partout. Rien n'empêchera le salarié d'un hypermarché de travailler dans les supérettes ; rien n'empêchera Carrefour de vendre du muguet... (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

N'allez pas invoquer la défense des commerces de proximité alors que vous avez favorisé l'implantation des hypermarchés !

Mme Annick Billon.  - Le groupe UC votera contre les amendements nos12, 13, 16 et 7, et pour l'amendement du rapporteur qui précise et sécurise le texte.

Oui, les syndicats nationaux s'opposent à ce texte, mais ce n'est pas le cas des syndicats professionnels - sauf qu'ils ne peuvent le dire, sous la menace des premiers. (Protestations à gauche ; Mme Monique Lubin se gausse.)

Nous aussi sommes légalistes : je rappelle que la vente du muguet dans l'espace public est totalement illégale. Ces vendeurs viennent concurrencer les fleuristes et ne respectent pas la loi.

Madame Lubin, nos visions du monde du travail sont irréconciliables ; j'ai été salariée, comme beaucoup d'autres ici, et je n'ai jamais vécu le monde du travail comme vous nous le décrivez.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Chers collègues, je vous trouve bien empressés de faire passer ce texte avant le 1er mai.

Mme Annick Billon.  - Le 1er mai est passé !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les salariés défileraient-ils dans les rues pour demander à travailler le 1er mai ? J'aurais aimé voir le même empressement pour la taxe Zucman - contre laquelle vous avez voté.

Vous cassez le code du travail. Déjà, quatre Carrefour Market ouvrent le 1er mai. Demain, ce seront les grandes surfaces, du moment qu'elles vendent du muguet !

Mme Annick Billon.  - Mais non !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Et puis il faudra bien ouvrir crèches et écoles pour garder les enfants des salariés qui travaillent le 1er mai.

Vous ouvrez la boîte de Pandore ; il vous est insupportable que cette journée soit payée et chômée.

Mme Annick Billon.  - C'est faux !

M. Pascal Savoldelli.  - Je réagis aux propos de Mme Billon, qui dit que les organisations syndicales locales s'opposent aux syndicats nationaux. (Mme Annick Billon le confirme.) On voit là votre belle conception des négociations collectives... Bravo !

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°12 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°341 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 105
Contre 226

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'amendement n°19 est adopté.

L'amendement n°13 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°16 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La volonté des employeurs de déroger au droit du travail n'est pas nouvelle : en 2009, la loi Maillé a assoupli la loi du 13 juillet 1906 instituant le repos dominical, puis la loi Macron de 2015 a étendu les possibilités d'y déroger.

Le lien de subordination entre salarié et employeur rend la notion de volontariat illusoire. Bonne chance à un salarié en CDD pour passer en CDI s'il refuse de travailler le dimanche ou le 1er mai !

Le texte limite l'ouverture à quatre secteurs, mais demain ? L'élargissement pourra se faire par décret. C'est pourquoi nous demandons la consultation des organisations syndicales représentatives avant la publication du décret.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Certains font pression pour élargir la dérogation aux hypermarchés, aux entreprises d'ameublement qui font de la restauration, ou encore aux salles de sport.

Cet amendement de repli prévoit la consultation des organisations syndicales représentatives préalablement à la publication du décret.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Les organisations syndicales et patronales représentatives sont toujours consultées en vue du décret. L'amendement est superfétatoire ; retrait sinon avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. L'amendement est satisfait, cette consultation est bien prévue.

L'amendement n°16 est retiré, de même que l'amendement n°7.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Tous nos amendements sont rejetés et en plus, nous retirons les autres !

Nous avions fait le pari du dialogue parlementaire.

Le rapporteur nous ayant dit vouloir exclure les supermarchés des dérogations prévues, nous demandons à sortir de cette zone d'ombre en excluant explicitement les commerces intégralement automatisés, qui emploient quand même au moins un vigile. Voyons un peu votre esprit d'ouverture !

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Amendement ubuesque : par définition, si c'est totalement automatisé, il n'y a pas de salarié. (On le conteste à gauche.) Nous sommes hors du champ du code du travail. Avis défavorable.

Si votre préoccupation est d'exclure les hypermarchés et les supermarchés, la proposition de loi y pourvoit. (Mme Annick Billon le confirme.) Cet amendement est inutile.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il y a forcément des salariés dans ces entreprises. Elles peuvent certes contourner l'interdiction si le vigile est autoentrepreneur, statut que vous avez encouragé... Les usines sans hommes n'existent pas. N'entretenons pas l'illusion d'un magasin tout automatisé, sans présence humaine. Dans les faits, des personnes travaillent, il faudrait donc vérifier si ce sont ou non des salariés.

M. Pascal Savoldelli.  - Je souhaiterais avoir une explication de Mme la ministre sur les entreprises automatisées. Le vigile ou la personne qui ouvre et ferme le magasin sont-ils volontaires ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Je confirme les propos du rapporteur. Il n'y a aucune crainte à avoir, vous pouvez retirer votre amendement.

M. Pascal Savoldelli.  - Vous n'apportez aucun argument ! Je maintiens mon amendement, car j'estime ne pas avoir eu de réponse.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les entreprises de plus de 50 salariés disposent d'un comité social et économique (CSE) qui doit être consulté, notamment sur la politique sociale de l'entreprise.

L'employeur présente au CSE les rapports relatifs à la santé et à la sécurité au travail. Nous souhaitons y inclure un bilan chiffré sur le recours au volontariat le 1er mai - nombre de salariés, postes occupés, répartition par genre, montants des indemnités.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Notre objectif est d'empêcher que les supermarchés et hypermarchés ouvrent le 1er mai - donc, les entreprises de plus de 50 salariés.

Avis défavorable. N'allons pas faire peser de nouvelles charges administratives sur les TPE.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Cet amendement, comme le précédent, est un peu ubuesque. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Silvana Silvani s'en défendent.) Il n'y a pas de boulangeries ou de fleuristes dotés de CSE ! Inutile d'alourdir encore les charges administratives. De même, aucun salarié ne travaillera le 1er mai dans des entreprises entièrement automatisées.

Mme Monique Lubin.  - Qui remplit les casiers ?

Mme Corinne Féret.  - Vous affirmez que beaucoup de salariés seraient volontaires pour travailler le 1er mai, car ils sont mieux rémunérés. Permettez-moi de m'interroger. Dans un rapport de subordination tel que le contrat de travail, le volontariat n'existe pas : il est contraint. Ceux qui refuseraient de travailler le dimanche ou le 1er mai s'exposent à un licenciement, ou à ne pas être recrutés.

Ne devrait-on pas aborder le problème différemment ? Si les salaires permettaient de vivre dignement, ce faux volontariat disparaîtrait.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme Corinne Féret.  - Après avoir réduit de deux ans la vie à la retraite, le Gouvernement soutient cette proposition de loi qui remet en cause la spécificité même du 1er mai. Seul jour férié obligatoirement chômé, il commémore la journée internationale de lutte pour le droit des travailleurs ; le remettre en cause, c'est renier cent ans de luttes sociales.

Nous examinons cette proposition de loi en procédure accélérée, qui plus est en session extraordinaire. Comprenez que je m'interroge...

Nous voterons évidemment contre cet article unique.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Aux collègues du centre et de la droite qui croiraient de bonne foi qu'on peut remettre en cause le 1er mai un petit peu, et même si la restriction apportée par le rapporteur est bienvenue : ce n'est pas possible !

Ceux qui travaillent le 1er mai ne sont pas volontaires ; ils y sont obligés parce qu'ils travaillent dans des industries qui ne peuvent s'arrêter, comme les raffineries, ou dans les services publics. Accoler volontariat et 1er mai est un contresens.

La majoration de salaire qu'ils reçoivent n'est pas comparable à celle des heures supplémentaires, c'est une compensation du fait qu'ils auraient dû chômer. Dès qu'on met un pied dans la porte, il y a remise en cause.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°342 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 225
Contre 107

L'article unique, modifié, est adopté.

(Mme Jocelyne Guidez applaudit.)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente.  - Amendement n°14 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous souhaitons un titre plus juste, qui ne soit pas inversé, car en réalité, il s'agit bien de permettre aux employeurs de faire travailler leurs salariés le 1er mai. Nous ne saurions cautionner l'idée que des masses de salariés demandent à travailler, alors que tout le monde chôme et que les services publics sont fermés. Pourquoi la droite ne s'inquiète-t-elle pas de l'articulation entre vie professionnelle et familiale ?

Il serait plus honnête de souligner que le demandeur, c'est le patronat ! Les représentants des salariés sont unanimement contre. Le seul objectif est d'augmenter le chiffre d'affaires pendant que les autres commerces sont fermés.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable : cela dénaturerait l'intention des auteurs. (Mme Évelyne Corbière-Naminzo ironise.)

Nous l'avons répété : l'ouverture le 1er mai est circonscrite à quatre secteurs seulement, à l'exclusion des moyennes et grandes surfaces, et repose sur le volontariat des salariés, qui n'est en rien incompatible avec le lien de subordination.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Monique Lubin .  - Tout cela est un peu triste... Sous couvert d'aider deux professions qui auraient besoin d'ouvrir leur commerce le 1er mai - droit que nous ne leur contestons pas - mais surtout de faire travailler leurs salariés, vous ouvrez la porte à des dérogations en faveur des commerces, comme si c'étaient eux qui régissaient notre vie de citoyens.

Certains salariés bénéficieront des acquis des luttes sociales parfois sanglantes du XXe siècle ; d'autres, abandonnés à leur triste sort, devront travailler pour que les autres puissent profiter de la vie. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

La France va mal, dites-vous ? Il faudrait travailler plus pour renflouer les caisses de l'État ? Mais c'est toujours aux mêmes qu'on demande de faire des efforts pour combler les déficits ! Nous voterons contre ce texte.

M. Daniel Chasseing .  - Le 1er mai marque la fête du travail et du mouvement social qui a progressivement équilibré les droits des employés et des employeurs.

Le périmètre du texte est précis ; le volontariat est garanti grâce à l'amendement de Mme Billon. Ce texte n'ouvre pas la boîte de Pandore, mais permet aux fleuristes et boulangers d'ouvrir le 1er mai. Dans ces petites entreprises, entre les employeurs et les salariés, c'est plus souvent la solidarité qui règne que le conflit perpétuel. (Mme Ghislaine Senée lève les bras au ciel.) Nous voterons ce texte.

Mme Silvana Silvani .  - Je relève quelques glissements sémantiques qui ne sont pas anodins. Vous parlez d'insécurité juridique ; mais quand on transgresse la loi, on n'est pas en insécurité juridique, on est hors la loi, c'est tout !

Vous répétez à l'envi le mot de volontariat ; mais il est inapproprié dans une relation professionnelle encadrée par un contrat de travail. Répéter ce mot ne nous y fera pas croire davantage.

Personne n'est dupe de la manoeuvre. Vous vous cachez derrière quelques artisans, qui ont par ailleurs tout notre respect (Mme Pascale Gruny proteste), mais leurs propos sont bien plus nuancés que vous ne le prétendez.

Un point positif cependant : le parfait accord entre la droite sénatoriale et le Gouvernement, qui s'expriment d'une même voix - je dirais même d'un même texte. Nous voterons contre.

M. Pascal Savoldelli .  - Franchement ! On ne peut pas acheter son pain la veille du 1er mai ? Dans mon enfance, j'avais les yeux qui s'écarquillaient quand ma grand-mère nous faisait du pain perdu ! (Sourires) Eh oui, notre patrimoine culinaire regorge de recettes utilisant du pain rassis. Ne nous vendez donc pas un besoin de pain frais tous les matins à l'aide de références patrimoniales !

Aucun amendement de la gauche n'a été adopté. (Mme Pascale Gruny se gausse.)

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous avez donc décidé vos propres exceptions. Vous vous réclamez de la liberté de travailler, mais, en ajoutant des exceptions aux exceptions, vous créez un nouveau code du travail. (Mme Monique Lubin le confirme.) Il est grand temps d'écrire un code du capital !

Mme Ghislaine Senée .  - Cela fait quarante ans que fleuristes et boulangers ouvraient le 1er mai sans leurs salariés, qui chômaient. Et en 2025, ce serait devenu impossible ? Pourquoi réclament-ils que leurs salariés viennent travailler ? Parce qu'ils ont des difficultés économiques. C'est sur ce terrain qu'il faut apporter des réponses, pas en piétinant le seul jour chômé existant en France.

La proposition de loi prétend « permettre » aux salariés de travailler le 1er mai, comme s'ils étaient beaucoup à le réclamer. En réalité, c'est la pire régression sociale que le Sénat s'apprête à voter ! Je trouve cela désespérant : ce cynisme qui décrédibilise la parole politique me heurte profondément.

M. Patrick Kanner .  - Madame Billon, pour vous, j'ai vérifié dans le dictionnaire la définition du terme « réactionnaire », qui vous a émue. « Politique prônant et mettant en oeuvre un retour à une situation passée, réelle ou fantasmée, en révoquant une série de changements sociaux ou sociétaux. » Ce n'est pas une insulte ; c'est ce que fait la proposition de loi Billon-Marseille, que notre histoire sociale retiendra comme telle.

Vous parlez de volontariat - mais que vaut-il face au renard libre dans le poulailler libre ?

M. Savoldelli a évoqué le pain perdu ; on peut parler aussi des congélateurs... Certes le pain congelé est moins bon, mais cela vaut-il de sacrifier le 1er mai ?

Cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire, qui se terminera en feu d'artifice en fin de semaine prochaine avec la future loi Dati.

Vous vouliez aller vite - le Gouvernement a demandé l'urgence... Allez vite, parce qu'à ce rythme, la censure est en vue !

Mme Pascale Gruny.  - Ici, il n'y en a pas.

Mme Monique Lubin.  - Et pas que la censure !

Mme Annick Billon .  - Naturellement, nous n'allions pas voter des amendements supprimant l'article unique d'une proposition de loi que nous sommes fiers de porter et qui n'est pas réactionnaire, puisqu'elle permet à des boulangers et des fleuristes de continuer à ouvrir le 1er mai. (Mme Monique Lubin proteste.)

Je remercie le rapporteur d'avoir sécurisé le texte.

Nous sommes attachés au 1er mai, férié et chômé, mais les fleuristes et les boulangers doivent pouvoir ouvrir. Notre pays compte 35 000 artisans boulangers, qui travaillent, de même que les salariés. Jusqu'en 2022, ce statu quo n'a ému personne. Depuis les quelques verbalisations qui ont eu lieu, la profession se sent en danger. Hervé Marseille et moi voulions donc apporter des solutions. (Mme Silvana Silvani proteste.)

J'espère que ce texte sera voté. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le 1er mai n'est pas la fête du travail ; c'est la fête des travailleurs - des hommes et des femmes qui se lèvent tous les matins pour aller bosser. C'est un conquis social.

Ce débat est éclairant sur nos différences de visions : ce fut un débat idéologique entre la droite et la gauche. Vous défendez une vision libérale : après la réforme des retraites, après votre tentative de faire travailler les salariés sept heures de plus, vous continuez à casser le droit du travail. Ce jour férié chômé et payé vous est insupportable.

À vous entendre, nous serions dans un monde de Bisounours : le salarié pourrait être volontaire... (M. Laurent Burgoa s'impatiente.)

Mais ce n'est pas la réalité !

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Ce qui se passe aujourd'hui est grave. Vous abîmez un monument, un patrimoine, un héritage de l'histoire sous prétexte d'un volontariat hypocrite.

En effaçant la symbolique du 1er mai, vous servez un objectif très clair : l'intention de convaincre tous les travailleurs qu'ils n'ont pas le choix et que leurs droits sont en voie d'extinction.

Une fois que vous aurez voté ce texte, vous devrez modifier les manuels d'histoire : « en 2025, les droits des travailleurs ont posé problème au Gouvernement. » (Mme Jocelyne Guidez s'exclame.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Très bien !

Mme Pascale Gruny.  - C'est faux !

Mme Corinne Féret .  - Cette proposition de loi est effectivement la pire des régressions sociales. Après avoir tenté de faire travailler les salariés sept heures supplémentaires sans rémunération en invoquant le bénévolat, vous remettez en cause le 1er mai chômé en parlant de volontariat. Vous le réfutez, mais c'est pourtant bien ce que vous faites !

Les boulangers et les fleuristes vont enfin pouvoir ouvrir, dites-vous ? Mais ils le peuvent déjà - sans salariés. (M. Daniel Chasseing proteste.) La loi est faite pour protéger, mais vous préférez modifier une loi protectrice pour éviter des sanctions à certaines entreprises ! Ou je n'ai pas compris le rôle des parlementaires, ou on marche sur la tête ! (Mmes Annick Billon et Pascale Gruny ironisent.)

À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°343 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 228
Contre 112

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)