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Table des matières
Hommage à des sénateurs décédés
Intégration d'une commune à un PNN et à un PNR
M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique
Discussion de l'article unique
Garantir la prééminence des lois de la République
M. Mathieu Darnaud, auteur de la proposition de loi constitutionnelle
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice
Discussion de l'article unique
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Corinne Imbert, auteure de la proposition de loi
Mme Véronique Guillotin, rapporteure de la commission des affaires sociales
M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées
M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace
Ordre du jour du mardi 21 octobre 2025
SÉANCE
du lundi 20 octobre 2025
3e séance de la session ordinaire 2025-2026
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance est ouverte à 16 heures.
Hommage à des sénateurs décédés
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre se lèvent.) Nous avons appris ce matin le décès de notre collègue Gilbert Bouchet : je tenais à partager avec vous cette triste nouvelle en ce début de séance.
Il fut, pour le Sénat tout entier, un exemple de courage.
Maire de Tain-l'Hermitage, membre du Rassemblement pour la République (RPR), conseiller général de la Drôme, il mit toute son énergie et son dévouement au service de sa commune et de son département. Son arrivée au Sénat, en septembre 2014, marqua sa vie politique : il défendit avec passion sa commune et son département au sein de notre assemblée.
Il siégea au sein du groupe UMP, puis Les Républicains. Il rejoignit la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, puis la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en 2017. Il fut aussi membre de la Délégation aux entreprises.
Il est impossible d'évoquer la mémoire de Gilbert Bouchet, ancien hôtelier-restaurateur et responsable syndical, sans parler de son soutien aux viticulteurs et de son amour culturel du vin. Il fut un membre éminent du groupe d'études Vigne et vin du Sénat. J'ai encore en mémoire ma venue au Salon des vins de Tain-l'Hermitage, en 2015, véritable institution qu'il avait créée.
En juillet dernier, je me suis rendu chez lui, dans la Drôme. Je me suis trouvé face à un combattant déterminé et nous avons échangé : chaque jour, il suivait l'activité du Sénat et m'a transmis un certain nombre de dossiers.
Gilbert Bouchet transcenda sa maladie par le combat politique, au travers de sa proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves, adoptée à l'unanimité au Sénat, le 15 octobre 2024, puis à l'Assemblée nationale, le 10 février 2025 et promulguée le 18 février 2025. Gilbert Bouchet se battait pour accélérer le traitement des demandes de prestation de compensation du handicap (PCH) et remédier aux trop longs délais d'attente. Il tenait à venir au Sénat chaque mois et à être présent dans notre hémicycle.
Je voudrais aussi dire la solidarité de ses deux collègues de la Drôme, Marie-Pierre Monier et Bernard Buis.
Nous garderons de Gilbert Bouchet, le souvenir d'un sénateur chaleureux et courageux, un élu de proximité attaché à sa commune et à son département et un humaniste doté d'une grande empathie.
Au nom du Sénat tout entier, Pierre Ouzoulias et moi exprimons notre sympathie et notre compassion à son épouse, à sa famille et à ses proches. Nous lui rendrons un hommage solennel dans quelques semaines, mais je ne pouvais débuter cette séance sans penser à lui.
Souvenez-vous : il était là-haut, dans son fauteuil roulant, avec son respirateur... Souvenez-vous aussi de son intervention sur son texte, depuis le banc des commissions.
J'ai aussi le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Daniel Hoeffel, qui fut sénateur du Bas-Rhin de 1977 à 1978, puis de 1981 à 1993 et de 1995 à 2004, et vice-président du Sénat. Je lui rendrai hommage à l'ouverture d'une prochaine séance. (Mmes et MM. les sénateurs et M. le ministre observent un instant de recueillement.)
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
Rappel au règlement
Mme Nathalie Goulet. - Mon groupe s'associe à l'hommage rendu à notre valeureux collègue Gilbert Bouchet. Nous partageons la peine de sa famille et celle du groupe Les Républicains.
Un braquage inouï a eu lieu au Louvre, le plus grand musée du monde, avec une facilité déconcertante - ce n'était ni Ocean's Eleven ni L'affaire Thomas Crown !
Ce ne sont pas les mises en garde qui ont manqué et nous voici, une fois encore, dans l'ex post, pour rechercher des responsabilités et des explications.
Le Sénat a adopté à l'unanimité un rapport sur la criminalité organisée. Je crains que ces pièces uniques de l'histoire de France ne soient dépecées...
Nous devons revoir nos logiciels et avons besoin d'un débat franc sur la sécurité de nos musées et de nos bibliothèques : c'est un enjeu de sécurité nationale.
Acte en est donné.
Délégation (Nominations)
M. le président. - Des candidatures pour siéger au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'oppositions dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Intégration d'une commune à un PNN et à un PNR
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national (PNN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR), présentée par M. Jean Bacci, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi . - Ma courte proposition de loi corrige une situation apparue en 2006, lors de l'adoption de la loi Giran, qui interdisait à une commune d'appartenir à deux parcs différents.
Depuis, la Guyane a bénéficié d'une dérogation pour qu'une commune soit membre à la fois d'un parc national et d'un PNR.
Le même problème se pose aujourd'hui dans le Var, où la région souhaite créer un nouveau PNR « Massifs des Maures, Estérel, Tanneron » qui engloberait des communes faisant déjà partie d'un parc national. En effet, le parc national de Port-Cros protège leurs parties maritimes, mais leurs parties agricoles ou forestières ne sont pas protégées.
Les ministres Béchu et Pannier-Runacher étaient d'accord, mais il nous fallait un véhicule législatif, d'où cette proposition de loi. Désormais, une commune pourra appartenir à un parc national pour une partie de son territoire et à un PNR pour une autre, sans que les territoires concernés se chevauchent.
Les services du ministère de l'environnement y étaient favorables : j'espère qu'il en est de même avec le nouveau ministre... (M. Mathieu Lefèvre sourit.)
Mme Kristina Pluchet, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je remercie Jean Bacci pour son initiative.
Mercredi dernier, la commission a adopté ce texte à l'unanimité et je ne doute pas de la position du Sénat aujourd'hui.
Cette proposition de loi supprime un obstacle juridique issu de la loi du 14 avril 2006 : une commune ne peut être doublement zonée, au sein d'un parc national et d'un PNR.
À l'époque, le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Jean-Pierre Giran, avait souhaité une cloison étanche entre zonages, afin d'éviter la superposition d'outils de gestion et de limiter les injonctions contradictoires sur un même territoire. Cette disposition a perduré sans susciter de difficulté particulière jusqu'au projet de création d'un PNR « Massifs des Maures, Estérel, Tanneron », porté par la région Sud - Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Certaines communes du littoral varois devraient donc choisir entre l'appartenance au parc national de Port-Cros ou adhérer en 2028 à ce nouveau PNR...
L'article unique de cette proposition de loi reprend une exception législative introduite pour la Guyane, où la double appartenance est possible compte tenu de la superficie des communes guyanaises - 18 300 kilomètres carrés pour Maripasoula... Le présent texte fait de cette exception la règle.
Mais quid des réserves du législateur de 2006 ? Et quels bénéfices une commune peut-elle tirer de ce double zonage ?
De mes échanges avec les représentants des parcs nationaux, ainsi qu'avec les équipes du ministère, il ressort que seules 22 communes seraient concernées par un double zonage : les effets de la proposition de loi sont donc limités. En outre, la proposition de loi est proportionnée : le double zonage ne concernera pas toute la commune. Ainsi de la commune d'Hyères : pour sa zone littorale, elle serait membre du parc national de Port-Cros et pour sa partie terrestre, du nouveau PNR ; les deux territoires ne se chevaucheront pas. Point d'enchevêtrement des compétences, donc.
Ces dispositions pourront concerner les communes situées dans l'aire d'adhésion d'un parc national, ainsi que celles incluses dans son aire optimale d'adhésion - qui peuvent adhérer à la charte du parc même après sa création. Elles pourront participer au fonctionnement du syndicat mixte du PNR en cas de recoupement des deux zonages.
Le double zonage favorisera le développement de corridors écologiques entre les forêts et les milieux aquatiques. Les communes concernées pourront revendiquer cette double appartenance.
Cette proposition de loi est équilibrée, bien construite et adaptée aux besoins de nos territoires.
Il est toutefois impératif que les établissements publics gestionnaires des parcs nationaux et les syndicats mixtes gestionnaires des PNR travaillent en bonne intelligence. Monsieur le ministre, les modalités de cette coopération devront être inscrites dans les chartes des parcs concernés.
La commission vous invite à adopter cette proposition de loi consensuelle et pragmatique.
M. Michel Masset. - Bien !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique . - Permettez-moi de m'associer à l'hommage rendu à vos collègues Gilbert Bouchet et Daniel Hoeffel.
C'est un honneur pour moi de m'exprimer pour la première fois devant vous au nom du Gouvernement.
Je salue le consensus entourant ce texte qui affirme notre ambition collective : protéger nos sites d'exception et notre biodiversité.
Je salue les travaux de M. Bacci et de Mme Pluchet.
Ce texte traduit la volonté des territoires et de l'État d'agir ensemble pour préserver les 11 parcs nationaux et les 59 PNR, dont le rôle est crucial à l'heure du dérèglement climatique. Les premiers protègent, dans 526 communes - 8,5 % du territoire - , des espaces d'exception où la nature reste souveraine ; les seconds accompagnent le développement local dans plus de 5 000 communes et sur 19 % du territoire, conciliant activités humaines et protection des ressources naturelles. Nous pouvons nous féliciter de ce maillage exceptionnel.
Mais certaines communes se trouvent à la croisée de plusieurs périmètres : ainsi du projet de création du PNR des Maures. C'est un cas précis, mais de telles situations peuvent se reproduire. Je salue donc l'initiative de M. Bacci, qui a pris ce sujet à bras-le-corps.
Sarah El Haïry et Agnès Pannier-Runacher ont soutenu la demande de Renaud Muselier et le Gouvernement s'inscrit pleinement dans la lignée de ce soutien.
Le verrou juridique de 2006, qui visait à éviter la superposition d'outils de gestion et à limiter les injonctions contradictoires sur un même territoire, n'a plus lieu d'être : la protection de la biodiversité ne se pense plus dans des espaces clos. Bien entendu, le texte empêche tout recoupement de zonage au sein d'une même commune : nul enchevêtrement de compétences, donc.
Ce nouveau cadre de gestion des espaces naturels sera plus clair, plus efficace, plus souple et mieux adapté à la diversité des communes.
Oui, les établissements gestionnaires des parcs contigus devront coopérer étroitement : le Gouvernement y veillera, madame la rapporteure.
Je salue l'unanimité dont ce texte a fait l'objet en commission et sais que nos débats s'inscriront dans ce même esprit de consensus, au service des territoires et de la protection de notre patrimoine naturel.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Voici un texte de bon sens ! Certaines communes du Var souhaitaient être intégrées au futur PNR des Maures, en sus du parc national de Port-Cros. Mais le droit en vigueur l'interdisait : en effet, le législateur de 2006 avait souhaité une cloison étanche entre parc national et PNR.
Cette règle n'avait jamais été remise en cause, à l'exception d'une dérogation pour la Guyane. Mais le problème se pose désormais dans d'autres territoires, justifiant l'adoption de cette proposition de loi. Le RDPI votera ce texte qui répond à un besoin concret de clarification.
Mais pour que cela soit une réussite, il faut que les gestionnaires des parcs naturels contigus collaborent. Le Gouvernement devra y veiller dans ses instructions aux services et aux opérateurs.
M. Michaël Weber . - Je suis satisfait de constater que ce texte intéresse la majorité sénatoriale. Alors que les politiques environnementales sont régulièrement battues en brèche par la droite, j'y vois la promesse d'un retour à un débat constructif sur l'écologie et la reconnaissance de la contribution majeure des aires protégées. En effet, les parcs nationaux et les PNR protègent l'environnement, au plus près des territoires, en s'appuyant sur une ingénierie et une gouvernance locale.
Pourtant, les parcs nationaux n'ont pas été épargnés dans le budget pour 2025 : leurs crédits fléchés ont chuté de plus de moitié et leur plafond d'emploi a encore diminué. Désormais, les parcs ne peuvent plus couvrir leurs dépenses de fonctionnement incompressibles.
Le rapport de Christine Lavarde sur les agences de l'État proposait sans aucune concertation - et probablement sans aucune connaissance du travail mené sur le terrain...
Mme Christine Lavarde. - Sympa !
M. Michaël Weber. - ... la suppression pure et simple des parcs nationaux et la recentralisation de leurs compétences. Le Sénat n'est pas à une incohérence près...
Je suis persuadé que la réussite des politiques environnementales dépend d'une gouvernance ancrée localement - voyez la composition des conseils d'administration des parcs nationaux. Cette gouvernance locale a aussi contribué à la réussite des PNR, présidés par un élu local. Ces politiques de transition écologique, qui émanent des territoires, sont concrètes et innovantes ; elles répondent aux attentes de la population. Renaud Muselier est à l'initiative de la création d'un nouveau PNR, car c'est une compétence régionale.
Un parc national est composé d'un coeur, réserve naturelle protégée réglementairement, et d'aires d'adhésion en périphérie, protégées contractuellement. Le statut d'une commune classée en aire d'adhésion d'un parc national est équivalent à celui d'une commune adhérant à un PNR : l'adhésion à un PNR n'est donc pas un moyen de contourner l'application d'une réglementation plus stricte.
Les représentants des parcs nationaux et des PNR ne voient pas d'objection à cette évolution législative : il n'y aura pas de conflits de gouvernance, car les aires ne se chevauchent pas. Il n'y a donc pas d'objection à adopter cette proposition de loi qui va dans le bon sens.
Mme Marie-Claude Varaillas . - L'histoire des parcs naturels, créés en 1967, est liée à la défunte Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (Datar). Il s'agissait de préserver les ressources naturelles et patrimoniales en s'appuyant sur les collectivités territoriales et leurs élus.
Préserver l'environnement ne devrait pas être une affaire de périmètre, mais bien une règle générale. L'an dernier, la COP sur la biodiversité a rappelé l'engagement de protéger 30 % des espaces naturels et maritimes d'ici à 2030.
Plus que celle des périmètres, la question des moyens pour veiller au respect des règles est essentielle. Je pense à la suppression de 3 000 postes de fonctionnaires de l'État dans le budget pour 2026, ainsi qu'au non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois à partir de 2027... Comment l'Office français de la biodiversité (OFB) et l'Ademe seront-ils concernés ? La proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme a aussi mis à mal le droit de l'environnement.
Mon groupe votera ce texte qui permettra à 22 communes d'être incluses à la fois dans un parc national et dans un PNR. Mais il en faudra beaucoup plus pour répondre aux enjeux environnementaux, après cet été - le troisième plus chaud de l'histoire de France.
La protection de l'environnement et la transition écologique ont un coût, mais comme le rappelait le Premier président de la Cour des comptes, « la transition est nettement moins coûteuse que l'inaction ». Alors que pour les magistrats de la rue Cambon la transition doit être menée sans délai, la préoccupation écologique semble être passée au second plan de l'actualité.
M. Ronan Dantec . - La présente proposition de loi répond à une situation concrète dans le Var. Ce texte était attendu tant le massif des Maures fait partie de l'imaginaire provençal : il suffit de « s'enfoncer dans le dédale des collines pour éprouver aussitôt sensuellement leur magie. Tout y est mystérieux, flou, presque aquatique. Les sous-bois s'enchevêtrent d'une telle diversité d'espèces végétales qu'on a l'impression d'avancer dans un désordre pensé comme une oeuvre d'art », écrivait Serge Rezvani en 1979.
Ces forêts de chêne-liège ont beaucoup souffert ces dernières années. En 1990, j'ai traversé ces massifs après l'incendie de Cogolin - le paysage était lunaire. Depuis, d'autres incendies ont dévasté le massif, notamment en 2021. D'où la proposition de Renaud Muselier d'un faire un PNR, pour plus de gardes forestiers et de pompiers, notamment.
Les moyens seront-ils maintenus, monsieur le ministre ? Et où en sont les deux programmes de remplacement des canadairs vieillissants ? C'est une urgence absolue !
Entendons les alertes du Conseil national de la protection de la nature - instance importante de notre démocratie environnementale qui ne doit pas disparaître : l'empilement des statuts et la fragmentation des aires de protection pourraient fragiliser la cohérence des politiques publiques territoriales.
Bienvenue dans le PNR des Maures ! Mais sans moyens humains et financiers pérennes, sans volonté politique, nous en resterons aux intentions. Nous voulons un engagement de long terme et espérons que le président de région y mettra les moyens.
Le GEST votera ce texte, qui nécessitera un dialogue renforcé avec les acteurs locaux et notamment les défenseurs de la biodiversité, victimes d'attaques insupportables. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. Michel Masset . - En permettant à une commune d'appartenir à deux parcs naturels, on ne la divise pas, on reconnaît sa richesse.
Pourquoi conserver un cadre rigide quand les réalités territoriales appellent à plus de souplesse ? Le législateur avait interdit l'adhésion simultanée à un PNR et à un parc national, mais la rigidité de ce cadre normatif n'est plus nécessaire.
Nous pouvons proposer une solution équilibrée, sans atteinte à l'efficacité des deux dispositifs. En l'absence de superposition des périmètres, le risque de conflit de compétences est nul. C'est donc un texte de bon sens : la rigueur administrative ne prendra plus le pas sur la protection et la valorisation de notre environnement.
Notre droit s'adapte à la diversité des réalités locales. C'est un geste de confiance envers les collectivités territoriales, qui savent ce qui fait la richesse de leur territoire. Les communes pourront ainsi agir plus efficacement pour protéger et valoriser leur patrimoine.
Cette souplesse implique une responsabilité partagée, avec une coopération étroite entre les gestionnaires des parcs. Il ne s'agit pas seulement de coexister, mais d'agir en synergie. C'est un enjeu de méthode autant que de gouvernance. Nous veillerons à ce que les acteurs locaux ne soient pas pris entre deux logiques mal articulées.
Le RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Sourires) Souhaitons que les 22 communes varoises bénéficient de ce double zonage dans les meilleurs délais.
Mme Denise Saint-Pé . - Mercredi dernier au Sénat, le Premier ministre s'est engagé à déposer un projet de loi de décentralisation avant les prochaines élections municipales. Ce sera l'occasion de repenser notre planification écologique et énergétique.
Ce texte n'est pas aussi révolutionnaire. Il résulte d'un besoin spécifique au département du Var, pour mieux protéger la riche biodiversité du massif des Maures à la suite des incendies dévastateurs de l'été 2021. Plusieurs communes dans le périmètre du futur PNR ont une partie de leur territoire déjà incluse dans le parc national de Port-Cros. Or le code de l'environnement interdit tout fractionnement du territoire d'une commune entre deux parcs.
Une dérogation avait été admise pour la Guyane. Il s'agissait déjà de répondre aux besoins de différenciation d'une collectivité, de manière pragmatique. La situation dans le Var a mis en exergue les limites de la législation actuelle.
Rappelons que les PNR couvrent plus de 17 % du territoire français et les parcs nationaux, 8 % - soit au total plus d'un quart de la surface du pays.
Ce texte transpose les dispositions applicables à la Guyane dans le droit commun.
Le Gouvernement devra cependant être attentif, tant dans ses dispositions réglementaires que dans les instructions données à ses services et à ses différents opérateurs, à ce que les zonages soient clairement délimités - pour que les droits et devoirs attachés à chacun des parcs ne s'appliquent qu'aux parties du territoire concerné - et à ce que les établissements publics et syndicats mixtes coopèrent.
Le texte ne néglige pas la protection de la biodiversité, puisque le double zonage favorisera la constitution de corridors écologiques.
Chacune de nos 35 000 communes a des atouts et des défis qui lui sont propres : nous leur donnons des outils de différenciation.
Une partie de mon département des Pyrénées-Atlantiques adhère à un parc national et une autre va adhérer à un PNR en cours de création. Ce texte nous offre la possibilité de ne pas choisir entre les deux types de structures.
Le groupe UC votera cette proposition de loi.
M. Christian Cambon. - Quel succès !
Mme Laure Darcos . - Mon groupe s'associe à l'hommage rendu à Gilbert Bouchet : son combat pour faire reconnaître la maladie de Charcot est un exemple pour nous tous.
Pourquoi limiter la capacité de territoires volontaires à mieux protéger leur patrimoine naturel ?
Parcs nationaux et PNR poursuivent des objectifs différents : les parcs nationaux préservent des écosystèmes remarquables, via des règles strictes, quand les PNR associent protection de l'environnement, aménagement du territoire et développement économique.
En l'état du droit, une commune ne peut relever, même partiellement, que d'un parc national ou d'un PNR ; le double zonage est interdit. Cette séparation est protectrice, mais elle ne tient pas compte des spécificités locales. Seule la Guyane a bénéficié d'une dérogation. Pourtant, ces dispositifs peuvent être complémentaires. La présente proposition de loi inverse donc la logique et fait de l'exception guyanaise - le double zonage - le principe.
Je remercie M. Jean Bacci pour ce texte consensuel. Il est regrettable de ne pas pouvoir protéger au sein d'une même commune des espaces côtiers, forestiers ou montagneux. Mon département, l'Essonne, compte deux PNR. Ces classements présentent des atouts tant pour la protection de la biodiversité que pour la valorisation de notre patrimoine.
Cette proposition de loi reste mesurée, car elle précise que seuls des espaces différents au sein d'une même commune pourront relever de deux parcs naturels différents, sans chevauchement possible. Il faudra aussi veiller à une bonne coordination locale entre établissements publics, élus et acteurs locaux.
Nous parlons souvent de simplification sur ces bancs. Ce texte y participe ; mon groupe le soutiendra avec conviction.
M. Jean-Marc Delia . - Cette proposition de loi rappelle une évidence : la nature n'a pas de limites administratives.
Je remercie M. Jean Bacci de son initiative qui corrige une incohérence législative. La situation actuelle est en effet étrange : alors qu'une commune peut comprendre des espaces différents, la loi interdit sa double appartenance à deux parcs naturels.
Pas moins de 8 communes varoises - Hyères, Bormes-les-Mimosas, Le Lavandou, Ramatuelle, entre autres - sont prêtes à signer une charte ambitieuse, mais elles n'ont pas le droit d'adhérer au futur PNR, parce qu'une partie de leur façade maritime relève du parc national de Port-Cros. Renaud Muselier a alerté sur cette anomalie, et appelé le législateur à lever ce verrou administratif. Nous y sommes.
Grâce à cette proposition de loi simple, une commune pourra voir différentes parties de son territoire intégrer à la fois un parc national et un PNR. Elle rétablit la cohérence écologique des territoires.
Nous ne changeons pas les statuts : le PNN reste un outil de protection fort, le PNR est un outil de concertation et de développement durable. Les deux dispositifs se complètent harmonieusement.
Ainsi, les communes pourront adhérer librement à un projet de territoire, et pourront mobiliser des moyens régionaux et européens pour assurer leur développement local, respectueux de l'environnement. C'est une avancée pragmatique, concrète et attendue depuis longtemps.
Le droit est ici au service de la nature et non un obstacle administratif de plus. Ce texte répare, clarifie, rend cohérent et fait confiance aux élus locaux. Le groupe Les Républicains soutient pleinement ce texte qui allie bon sens, liberté locale et exigence environnementale.
Discussion de l'article unique
L'article unique est adopté. En conséquence, la proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.
Garantir la prééminence des lois de la République
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, présentée par MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Hervé Marseille, Mme Muriel Jourda et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
M. Mathieu Darnaud, auteur de la proposition de loi constitutionnelle . - Cette proposition de loi constitutionnelle est une loi d'unité, de concorde et de réconciliation, qui s'inscrit dans notre tradition républicaine. Nos règles et principes doivent être respectés, quelles que soient notre origine ou nos croyances, que l'on soit Français ou étranger.
M. Guy Benarroche. - C'est ce que dit la Constitution !
M. Mathieu Darnaud. - Contre la fragmentation de notre société, revenons aux sources de notre unité. Contre les conflits de valeurs qui sapent notre cohésion et la solidarité, faisons prévaloir ce que nous, Français, avons en commun.
Nous ne voulons ni exclure ni stigmatiser (Mme Mélanie Vogel ironise), mais agir, en oeuvrant au respect de la loi commune.
École, université, usine, bureaux, services publics, transports, hôpital, tribunal... Évitons que la vie en commun ne devienne impossible.
N'atteignons jamais le point limite au-delà duquel nos libertés seraient défiées, la laïcité et le principe d'égalité bafoués et notre modèle de société déstabilisé.
La République française admet toutes les croyances, ainsi que l'incroyance, et ne choisit pas la place de l'individu dans l'exercice de sa liberté. Elle entend qu'aucun groupe n'impose son emprise sur cette liberté. Elle interdit que la règle religieuse n'impose des dispositions contraires à la loi. La liberté de croire ou de ne pas croire doit être respectée. La laïcité, invention indissociable de la République, nous a fait sortir des guerres de Religion, et nous a éloignés de la confusion millénaire entre spirituel et temporel.
En France, la charia ne saurait prévaloir sur le code civil. Notre tradition républicaine, issue des Lumières, a émergé d'une histoire tumultueuse, en affirmant, entre autres, la séparation de l'Église et de l'État. La liberté individuelle de croyance, d'expression, l'égalité entre tous, sans distinction de naissance, de race, de sexe, d'origine ou de religion : autant de principes qui fondent notre République et notre culture.
Notre unité revêt une forme unique. En France, il n'est de communauté que nationale.
Nous sommes la France républicaine autant que la République française. Préserver notre identité, notre culture, nos principes et nos valeurs est un enjeu vital dans un monde en proie à de nouveaux antagonismes. Notre société est sujette à de multiples fragmentations ; les valeurs de liberté et d'égalité sont atteintes ; nos modes de vie sont contestés de l'intérieur.
Chaque jour, il faut prendre des milliers de décisions pour répondre à des revendications communautaristes, qui se parent de l'exigence du respect de toutes les croyances pour contester notamment la place des femmes dans la société et exiger d'elles des contraintes de comportement. Les revendications communautaristes se multiplient : menus d'entreprise, horaires des piscines, organisation du travail, relations entre femmes et hommes au sein de l'administration, programmes de l'enseignement, etc.
Face à ces revendications, maires, chefs d'entreprise, directeurs et responsables d'établissement doivent apporter chaque jour des réponses, en cherchant des chemins de conciliation. Le chantage n'est jamais loin quand on oppose à la règle commune le respect des croyances. Il appartient au pouvoir constituant de ne pas abandonner les décideurs, en leur donnant des référentiels clairs. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est un acte fondateur : elle décrit des droits naturels et imprescriptibles. Nous disposons déjà du principe d'égalité devant la loi ; le Conseil constitutionnel en a déduit en 2004 que l'accès aux services publics ne saurait être modulé en fonction de l'origine et de la religion des usagers. Ce n'est pas assez.
Le combat républicain contre l'islamisme et l'obscurantisme exige plus que la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il faut un principe clair inscrit dans notre Constitution, car la règle de la jurisprudence n'existe que pour les services publics.
Les acteurs de terrain ont besoin d'aide. Il nous faut un soutien ferme et un vote de la représentation nationale. Aux termes de l'article 89 de notre Constitution, les Français devront ensuite décider par eux-mêmes de cet acte de refondation républicaine. Dès lors, nul ne pourra se prévaloir de ses origines ou de ses croyances pour demander une dérogation à la règle commune.
M. Éric Kerrouche. - C'est déjà le cas !
M. Mathieu Darnaud. - Ensuite, nous définirons dans la loi les règles d'application de ce nouveau principe. Le texte, déjà déposé, prévoit l'inscription du nouveau principe dans les règlements intérieurs des entreprises, des collectivités, des associations et des services publics.
Je vous invite à adopter massivement ce texte de responsabilité, comme vous l'aviez fait en 2020. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois . - « Le communautarisme, c'est la mort de la République », mettait en garde Robert Badinter.
MM. Bas, Darnaud, Marseille et Mme Jourda souhaitent par ce texte donner un coup d'arrêt au communautarisme. Une première initiative présentée en 2020 n'avait pu prospérer, en raison du rejet du texte à l'Assemblée nationale - et par le Gouvernement.
Deux constats : le communautarisme progresse, fragmentant notre République, et nos principes fondamentaux comme l'unicité et l'indivisibilité du peuple français, l'égalité devant la loi et la laïcité sont de plus en plus contestées par des groupes de pression, avec un objectif politique et subversif de « faire prévaloir la loi du groupe sur celle de la nation », comme le disait Philippe Bas. Selon le Conseil d'État, ces phénomènes qui tendent à faire primer des préceptes philosophiques ou religieux sur le droit remettent en cause la loi républicaine, et donc la souveraineté nationale.
L'islamisme en est le premier moteur. Le rapport Frères musulmans et islamisme politique en France rappelait qu'ils oeuvrent au long cours pour modifier des règles locales ou nationales, et surtout le principe de laïcité et l'égalité entre hommes et femmes. Les musulmans, dont les femmes et les enfants, en sont les premières victimes puisqu'ils se retrouvent enfermés dans une identité et un corpus de règles communautaires.
Le communautarisme progresse et défie la République partout : sur les stades comme à l'hôpital, à l'école ou à la piscine. Les exemples abondent. Dans certains territoires, de nouveaux comportements deviennent la norme, tandis que les enseignants parfois s'autocensurent. Même chose à l'hôpital : voyez le rapport Pelloux de 2022.
Dans le sport, les dérives communautaires progressent aussi, d'où la proposition de loi adoptée au Sénat en février dernier, et idem dans les entreprises. Les enquêtes révèlent une place croissante du phénomène religieux dans le monde du travail. Or le regard évolue : beaucoup de salariés jugent acceptables les manifestations du communautarisme, y compris celles constitutives d'une discrimination illégale.
Deuxième constat : les décideurs et responsables sont trop souvent démunis. La liberté de manifester ses convictions religieuses est souvent brandie au titre de l'article 10 de la Déclaration de 1789. Or c'est par la peur de l'incident ou d'être accusé de discrimination que le communautarisme progresse. Beaucoup préfèrent des accommodements, tandis que d'autres versent dans le clientélisme. Tels sont les constats dressés notamment par Jean-Éric Schoettl.
La prise de conscience tardive de l'exécutif n'arrive pas à endiguer le phénomène. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République est une occasion manquée : l'approche juridique et technocratique n'est qu'une manifestation d'impuissance. Elle ne s'est traduite que par un alourdissement de la charge administrative, comme l'ont dénoncé Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien.
Le principe est clair : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune. » Par cette nouvelle disposition, le pouvoir constituant proclamerait une impossibilité d'adapter le droit aux exigences d'un groupe ou d'un individu, et l'absence d'obligation pour l'employeur ou la collectivité publique de procéder à de telles adaptations. Chacun doit se soumettre aux règles qui régissent la vie de la nation.
Le texte étend ses principes au secteur privé. Contrairement aux « règles applicables », la notion de « règle commune » intègre aussi les règlements intérieurs des services publics, des entreprises et des associations. La règle commune est bien un principe clair. Non, l'argument n'est pas « spécieux », comme l'a dit le professeur Levade.
La commission a souhaité revenir à l'idée de règle commune, déjà employée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, qui n'exclut pas l'existence de dérogations en Alsace-Moselle ou dans certaines collectivités ultramarines. La référence aux règles applicables pouvait donner lieu à des interprétations contraires à l'intention du constituant.
La liberté de conscience n'autorise personne à exiger un traitement à part. Nous donnons à tous les acteurs de terrain les moyens de faire face à toutes les revendications communautaristes. Il faut redonner vigueur aux principes fondateurs de notre pacte social.
Alors que la société est menacée d'« archipellisation », par ce texte, nous reformulons pour notre temps les principes qui sont au fondement de la République, comme le disait Philippe Bas.
Cette proposition de loi constitutionnelle est un acte politique majeur. La commission vous propose de l'adopter, pour refuser ainsi le communautarisme, la division et l'obscurantisme, et rappeler notre attachement à la laïcité et à la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis heureux de vous retrouver.
M. Roger Karoutchi. - Nous aussi !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La petite histoire retiendra que j'aurai été nommé trois fois garde des sceaux la même année.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - L'année n'est pas finie...
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - En effet, madame la présidente !
Certains débats touchent au coeur de notre pacte national. Le Gouvernement salue l'inscription de cette proposition de loi constitutionnelle à l'ordre du jour. Vous nous posez la question essentielle de l'appartenance commune à la République, alors que notre société est minée par les replis individuels et communautaristes.
Depuis plus de deux siècles, notre histoire repose sur une idée puissante et évidente : il n'y a pas de liberté sans loi, pas de République sans règles communes, pas de nation sans unité civique. Oui, le Gouvernement soutiendra cette initiative juste et nécessaire du Sénat.
Nul ne peut se prévaloir de sa religion ou de son origine pour s'affranchir de la norme commune : ce principe est déjà au coeur de notre droit, dans le préambule de la Constitution de 1946, à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et à l'article premier de la Constitution de 1958. Mais nous le savons tous : rappeler les fondements de notre unité n'est jamais superflu. Il faut des preuves d'amour pour la République : « que Marianne était jolie », mais au bout de cinq républiques se pose encore la question de son unité.
Ministre de l'intérieur, j'avais défendu des textes dans cette veine, la loi sur le séparatisme notamment, que le Sénat a amendée et adoptée.
Votre texte s'inscrit dans cette logique, et le Gouvernement partage totalement l'affirmation de ce texte.
En commission, vous avez modifié l'expression « loi applicable » par « règle commune ».
Cette modification n'est pas neutre. S'il s'agit d'empêcher partout des dérogations, alors que ce gouvernement soutient les mesures d'adaptation locale, nous rencontrerons quelques difficultés. Cette interrogation doit non pas bloquer le débat, mais l'éclairer ; il vous appartient de préciser les choses : vous plaidez pour une République claire et forte qui ne confond pas tolérance et renoncement, respect et complaisance. Mais gare à ce que votre plume n'empêche pas l'atteinte d'objectifs que vous partagez par ailleurs, en matière de décentralisation ou de déconcentration.
Je vous apporte mon soutien : l'heure n'est ni à la complaisance ni à la résignation. Si notre Constitution doit porter plus haut les valeurs d'unité et de cohésion, alors ce débat sera digne et nécessaire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Kerrouche . - Je ne comprends pas vraiment les règles du jeu de cette séance.
Sur la forme, d'abord. Ce texte a été déposé par Philippe Bas, qui siège désormais au Conseil constitutionnel : première bizarrerie. Deuxième bizarrerie : le rapporteur est revenu à la rédaction initiale du texte de 2020. On en perd le peu de latin qu'il nous reste... (M. Guy Benarroche renchérit.)
Le premier texte aurait pu faire l'objet d'une navette, mais vous redéposez un autre texte, au motif de débats antérieurs dont on ne tient finalement pas compte. À quel jeu jouons-nous ?
Après 2020 et 2022, nous débattons des mêmes dispositions pour la troisième fois, au moyen d'un troisième texte, semblable à deux textes déposés par Marine Le Pen en 2018 et en 2024. (M. Christophe-André Frassa montre son agacement.)
Ce texte serait la réponse à la montée du communautarisme, dites-vous ? Il vise l'islam radical. Les indicateurs retenus décrivent seulement une partie de la réalité : le groupe SER réaffirme qu'il ne sera jamais le défenseur d'un quelconque séparatisme.
La présentation du rapporteur ne devrait pas être à sens unique : le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) constate en effet que les personnes les plus hostiles aux musulmans sont les plus critiques envers la laïcité, les femmes et les homosexuels.
Notre opinion n'a pas changé : ce texte est inutile, sa rédaction, incertaine et dangereuse.
Notre République repose sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et sur la Constitution de 1958. Relisez l'article 6 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Elle doit être la même pour tous. » ou l'article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » Finissons par l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Depuis 1789, la République garantit l'égalité devant la loi à chacun et à chacune, sans distinction d'origine, de religion ni de condition. Depuis 1905, la laïcité assure la liberté de conscience tout en affirmant la neutralité de la loi. En 1999 et en 2004, le Conseil constitutionnel a indiqué que la République ne reconnaissait que le peuple français.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Ce n'est plus le cas !
M. Éric Kerrouche. - Tout est donc dit ! Ce texte est dangereux. En prétendant affirmer la primauté des règles communes, on pourrait justifier des atteintes disproportionnées à la liberté de conscience. On pourrait interpréter la disposition comme autorisant à s'exonérer des lois sur le fondement d'autres motifs que l'origine ou la religion, par exemple l'idéologie...
Dès lors, quelle est la véritable intention de cette proposition de loi constitutionnelle ? Pourquoi faudrait-il réécrire la Constitution pour lutter contre le séparatisme, au risque de fragiliser son équilibre ?
Derrière cette volonté affichée se cache une autre tentation : faire croire que certains citoyens seraient, en raison de leur foi ou de leur origine, inassimilables, et donc d'en faire des sous-citoyens. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains)
Or la République, c'est l'inverse : universalité des droits, égalité des citoyens, laïcité comme principe d'émancipation et de protection de la liberté de conscience.
Ce texte ne combat pas le séparatisme, il le nourrit. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Mathieu Darnaud et Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Plus c'est gros, plus cela passe !
M. Éric Kerrouche. - Comme le disait Éliane Assassi, ce n'est pas en adoptant des textes symboliques que l'on combattra les replis identitaires. (M. Christophe-André Frassa montre son agacement.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Quel est le rapport ?
M. Éric Kerrouche. - Justice sociale, abandon de territoires, services publics qui reculent : voilà les raisons du mal.
Nul problème constitutionnel : lutter contre les haines et le repli, c'est garantir l'égalité réelle, en donnant à chacun la même chance de réussir, tout en sanctionnant les discours de haine ou de repli sur soi.
Nous devons être intraitables envers l'extrémisme religieux, l'antisémitisme ou le racisme. Mais nous avons déjà des armes pour le faire.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Elles ne suffisent plus.
M. Éric Kerrouche. - Une Déclaration des droits de l'homme qui propose la liberté et l'égalité, une Constitution faisant de la laïcité son pilier, un État de droit protégeant les citoyens de l'arbitraire, des services publics faisant vivre la promesse républicaine dans nos territoires : voilà la République que nous défendons, celle qui intègre, pas celle qui ostracise !
Cette proposition de loi constitutionnelle ne répond nullement à l'objectif affiché ; nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. Bernard Fialaire et Mme Sophie Briante Guillemont applaudissent également.)
Mme Cécile Cukierman . - Nous voyons régulièrement revenir des textes qui visent à opposer et à diviser : ce texte en est l'illustration.
Qui pourrait être contre la prééminence des lois de la République ?
M. Francis Szpiner. - C'est une vraie question !
Mme Cécile Cukierman. - Ce texte envoie en fait un message politique : la République serait menacée de l'intérieur.
M. Mathieu Darnaud. - C'est le cas ! (M. Francis Szpiner renchérit.)
Mme Cécile Cukierman. - C'est grave ! En prétendant défendre l'unité nationale, cette proposition de loi constitutionnelle alimente les fractures qu'elle prétend combattre.
Aucun chiffre, aucun élément précis : la Constitution, la loi et la jurisprudence encadrent ces situations. Pourquoi modifier notre Constitution, alors que le droit est déjà clair ?
L'objectif est non pas juridique, mais politique : cette proposition de loi remet sur la table des débats identitaires, à l'heure de crises sociales et économiques majeures. Dès la reprise des travaux parlementaires, on choisit de reparler d'identité nationale, alors que les Français subissent inflation, précarité, crise du logement ou de l'hôpital. Ni les 10 millions de pauvres, ni les 16 % de salariés précaires, ni le délitement organisé de nos services publics ne sont une priorité : ce texte est une diversion et même une faute politique.
La République n'a pas besoin de se redire pour être respectée, elle a besoin d'être vécue dans des services publics qui fonctionnent, une école laïque et des institutions garantissant justice sociale et égalité réelle. La laïcité n'est pas une arme de suspicion : elle vise l'émancipation. Elle ne pointe pas du doigt tel ou tel groupe. Elle garantit à chacun la liberté de conscience. Nous ne défendons pas une laïcité d'exclusion, mais celle de 1905, de la République devenue laïque, sociale et indivisible. Modifier la Constitution n'est jamais anodin : l'inscrire dans un climat de défiance reviendrait à l'affaiblir.
Consacrons notre énergie à réaffirmer nos principes : égalité, fraternité, solidarité, neutralité du service public, lutte contre les discriminations. Voilà les leviers de la cohésion nationale ! La prééminence républicaine s'inscrit non pas dans la défiance, mais dans la confiance. Notre groupe votera contre cette proposition de loi constitutionnelle.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Dommage !
Mme Cécile Cukierman. - Nous aimons profondément la République et refusons qu'elle soit instrumentalisée. Nous plaidons pour l'égalité réelle, la justice sociale et la fraternité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Guy Benarroche et Mme Sophie Briante Guillemont applaudissent également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Après 2020 et 2023, 2025 : troisième tentative de la majorité sénatoriale de modifier la Constitution. Quelle obstination pour modifier l'article 1er ! Quelle contradiction, alors que vous utilisez chaque censure du Conseil constitutionnel pour dénoncer un soi-disant gouvernement des juges, entrave à la liberté législative. Si la Constitution vous empêche, c'est qu'elle fonctionne !
Tel Ulysse, au cours de son odyssée, s'empêche de céder au chant des sirènes, la Constitution nous empêche d'y céder. Mais elle fixe aussi des droits fondamentaux. Son article 1er est un exemple de force et de simplicité. Notre République est laïque, n'est gouvernée par aucun culte. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens. Nos plus hautes juridictions à commencer par le Conseil constitutionnel, ont consolidé ces principes essentiels : les articles 1er à 3 s'opposent à que soient reconnus des droits à quelque groupe que ce soit. Le Conseil a aussi réaffirmé que le principe de laïcité empêchait ce que vous voulez interdire par votre texte.
Le Conseil d'État s'est prononcé sur les revendications religieuses : dans son arrêt Chalon-sur-Saône, il a répondu clairement.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Cela marche !
M. Guy Benarroche. - Cet arrêt est limpide : l'administration n'est pas tenue de s'adapter aux demandes des usagers.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Mais elle le fait !
M. Guy Benarroche. - Pourquoi ce texte, alors ? Nous ne pouvons faire croire à nos compatriotes que nous serions démunis. Les juridictions sont fermes sur le sujet. Modifier la Constitution représente toujours un risque : nous ne pourrions mettre en oeuvre des adaptations locales. Peut-être est-ce le but de votre démarche ? Un exemple : l'éducation nationale permet trois autorisations d'absence par an pour les grandes fêtes religieuses - musulmanes, juives, bouddhistes, orthodoxes... - ne correspondant pas à un jour de congé et dont les dates sont rappelées par instruction. Vous souhaitez mettre un terme à ces possibilités de dérogations ? Je ne suis pas juriste mais législateur, et chacun comprend la différence entre des adaptations raisonnables et une interdiction totale.
L'entrisme doit être combattu par le contrôle sur le terrain. L'égalité est déjà assurée par notre texte fondamental. Le GEST dénonce la redondance de ce texte et ses dangers, uniquement pour un affichage démagogique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Éric Kerrouche applaudit également.)
Mme Sophie Briante Guillemont . - L'article 1er de la Constitution est clair. La loi est la même pour tous, peu importent nos croyances. La rédaction est universaliste et très bien rédigée.
Est-ce le cas de la présente proposition de loi constitutionnelle ? Sa rédaction est superfétatoire par rapport au texte de la Constitution. Personne n'est opposé à son contenu dans cet hémicycle. (M. Mathieu Darnaud et Mme Jacqueline Eustache-Brinio le réfutent.)
Certes, les dérives communautaristes existent : 48 % des professeurs s'autocensurent, par exemple, et 28 % des salariés en entreprise déclarent acceptable de ne pas serrer la main d'une personne de sexe opposé. C'est très grave. Mais le communautarisme cessera-t-il en modifiant la Constitution ? Un concept aussi flou que « la règle commune » est-il pertinent ? L'introduction envisagée relève davantage de l'incantation que de la norme juridique suprême.
Le RDSE est très attaché à la laïcité, c'est pourquoi nous ne voulons pas transposer un slogan politique dans le droit positif.
Partout où l'État est souverain, les règles s'imposent à tous. Cette proposition de loi constitutionnelle est une tautologie, peut-être rassurante ou revigorante, mais nous éprouvons un sérieux doute sur sa portée.
Certes, le Conseil constitutionnel a évoqué cette même phrase dans une décision de novembre 2004, mais il ne l'a pas reprise, y compris dans une décision de 2013 lorsqu'il a défini la laïcité.
Le Conseil d'État l'a aussi reprise dans un arrêt de décembre 2020 : l'administration ne doit jamais s'adapter aux usagers, mais elle est libre de le faire ou non en fonction des circonstances.
En 2022, la Cour de cassation considérait qu'un employeur avait le droit de licencier un salarié refusant une mutation du fait de ses opinions religieuses, à partir du moment où l'aménagement de poste se justifiait par une exigence essentielle et déterminante. Nul ne peut donc se prévaloir de ses croyances pour s'exonérer des règles. La loi du 24 août 2021 a déjà raffermi cette évidence.
Notre groupe n'ignore pas la montée du communautarisme, qui fragmente notre société. Faut-il pour autant modifier la Constitution pour en faire un outil d'affirmation contre le communautarisme ?
Voilà cinq ans, les collègues du RDSE avaient répondu oui, deux semaines après l'assassinat de Samuel Paty, car légiférer sous le coup de l'émotion a des conséquences. Aujourd'hui, nous avons majoritairement changé de point de vue.
M. Mathieu Darnaud. - Cela s'appelle la constance.
Mme Sophie Briante Guillemont. - Nous plaidons pour un renforcement de nos services publics, à commencer par l'école. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du GEST ainsi que sur les travées du groupe SER)
Mme Isabelle Florennes . - Quasiment cinq ans jour pour jour après la première présentation de ce texte, nous voici de nouveau réunis.
À l'époque, les débats avaient été marqués par l'assassinat de Samuel Paty. Je m'incline devant sa mémoire.
Cinq ans plus tard, les assassinats ne se sont pas interrompus : je pense à la mort de Dominique Bernard, survenue le 13 octobre 2023 à Arras. Je rends hommage à sa mémoire.
Mais ces actes odieux ne sont que la partie visible d'un mal profond visant à fragmenter la République.
Certes, il est aisé d'affirmer que modifier la Constitution est déclamatoire. Je leur répondrais que pour défendre l'intérêt de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale, tous les actes, législatifs ou non, sont nécessaires. Ainsi en est-il de la loi du 24 août 2021.
Que dire du défi que rencontrent les maires au quotidien ? Revendications alimentaires, demandes de non-mixité, refus de se soumettre à l'autorité d'agents publics : ces comportements portent en germe une dislocation du lien républicain. La laïcité est attaquée dans tous les domaines, tant dans la sphère publique que dans l'entreprise.
Ni excès ni outrance, mais réponse à une réalité quotidienne : la précision que nous ajoutons donnera aux décideurs publics et privés un texte de référence pour s'opposer aux remises en cause de la laïcité. Il ne s'agit pas d'une stigmatisation, mais d'un moyen de défendre cette valeur essentielle.
De plus en plus souvent, des dérogations au droit commun sont réclamées au nom de particularismes. Au contraire, le pacte républicain repose sur l'égale soumission de tous à la règle commune. C'est cette prééminence de la norme républicaine que nous voulons réaffirmer. Ne pas le faire serait une faiblesse.
Il y a un an, j'ai organisé au Sénat une conférence sur le thème : « La laïcité, un enjeu de liberté pour les femmes ». Une intervenante était sous protection policière, une autre portait un nom d'emprunt. Est-ce normal ? Bien sûr que non ! L'anthropologue belge Fadila Maaroufi a décrit les progrès du communautarisme à Bruxelles et conclu : grâce à la laïcité, la France est un des seuls pays qui résistent.
J'ajoute que l'expression « règle commune » figure dans la décision du Conseil constitutionnel de 2013.
Cette proposition de loi constitutionnelle ne restreint aucune liberté fondamentale, mais rappelle que la liberté de chacun s'arrête là où commence la règle commune. Il ne s'agit pas d'imposer l'uniformité, mais de garantir une unité fondée sur des règles partagées par tous. L'Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Laure Darcos . - L'intitulé du texte a de quoi décontenancer : la prééminence des lois de la République n'est-elle pas déjà garantie ? Elle est même au coeur de notre pacte républicain, fondé sur l'universalité de la loi, qui assure la cohésion nationale et permet le vivre-ensemble.
Il s'agit en réalité d'expliciter que la règle commune s'applique à tous les citoyens. Voilà qui devrait nous rassembler tous. Hélas, ce n'est pas le cas.
Des tensions traversent notre société : des enseignants sont exposés à des contestations, des entreprises et des associations sont confrontées à des revendications communautaristes. La mixité et les règles du service public, en particulier, sont mises en cause.
L'idée qu'une appartenance particulière pourrait primer la règle commune est dangereuse pour notre République. Notre pays a toujours accueilli des femmes et des hommes d'horizons divers, mais en les rassemblant dans un cadre commun : la loi républicaine. La République est ouverte et inclusive, mais ses principes ne sont pas négociables. Céder sur ce point serait accepter la fragmentation de la société en communautés, qui risquerait de conduire à la fragmentation de la nation.
L'école est un des creusets de la cohésion nationale : nous y formons des citoyens et pas seulement des membres de telle ou telle communauté. Nous devons soutenir les enseignants dans cette mission. La République n'oublie pas Samuel Paty ni Dominique Bernard.
Les élus locaux aussi sont confrontés à des difficultés croissantes.
Ce texte ne résoudra pas à lui seul les fractures de la société, mais il contribuera à les réduire. Il constituera une référence au service de notre cohésion. Le groupe Les Indépendants le votera, convaincu qu'il rassemble autour de ce que doit être la nation française : indivisible. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Chaque jour, la République est la cible d'attaques multiples, visibles comme insidieuses, visant à remettre en cause nos principes et à faire prévaloir des règles particulières. La lutte contre le séparatisme et le communautarisme est une priorité absolue.
Qui pourrait être contre l'idée que les lois de la République s'imposent à tous ? Cette formule a la clarté de l'évidence. De fait, ce principe est déjà pleinement consacré, notamment par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er de notre Constitution.
La question n'est donc pas de savoir si nous partageons l'objectif, mais si l'outil proposé est pertinent. Or nous avons sur ce point des réserves, liées notamment à l'ambiguïté de la rédaction envisagée. Qu'est-ce que la règle commune ? Cette notion floue pourrait susciter des interprétations divergentes et entraîner indirectement des conséquences difficiles à maîtriser.
Je pense en particulier aux outre-mer. Les articles 73 et 74 de la Constitution reconnaissent la particularité de ces territoires. Or la rédaction proposée risquerait de remettre en cause cette différenciation. Je crains un amalgame et la fragilisation de ces régimes particuliers.
Le véritable défi est d'assurer au quotidien le respect intransigeant de nos principes, ce qui suppose des textes clairs appliqués avec fermeté. Ne dressons pas de fausses oppositions ! Il n'y a pas d'un côté les vigilants, de l'autre les laxistes.
Ce combat relève de la loi, qui permet des réponses précises, concrètes et adaptables. C'est pourquoi, tout en partageant sans réserve l'objectif de lutte contre le communautarisme, le RDPI ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER et du GEST ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
M. Laurent Somon . - Je remercie la commission des lois, sa présidente et notre rapporteur pour la qualité des débats sur ce sujet depuis 2020.
Depuis plus de deux siècles, la République avance sur un fil, en équilibre entre liberté et intérêt général, diversité et unité. De la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à la Constitution de la Ve République, une idée traverse notre histoire : la loi est la même pour tous.
D'où la phrase simple dont nous proposons l'introduction dans la Constitution : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer de la règle commune. »
Notre République est laïque et indivisible, des principes sur lesquels s'appuie le Conseil constitutionnel pour considérer que nul ne peut réclamer un traitement particulier en raison de ses convictions, notamment religieuses.
Notre époque exige de le réaffirmer. La République ne tolère pas que la liberté devienne prétexte à l'exception. La loi commune ne se négocie pas ; elle se partage.
La loi de 1905 était un texte d'équilibre et d'apaisement. Cet esprit reste notre boussole. Réaffirmer la laïcité n'est pas combattre les religions, mais les dérives qu'entraîne leur instrumentalisation.
Les règles communes garantissent la vie en commun. Ce n'est pas un nouveau principe que nous énonçons, mais une fidélité que nous ravivons - qui va de Condorcet à Simone Veil, en passant par Jules Ferry.
La France du XXIe siècle n'est pas celle de 1789 ni de 1905. Mais notre idéal demeure le même : faire d'une diversité d'hommes et de femmes un peuple de citoyens soumis à une loi commune.
Partout où il y a du commun, les règles communes doivent s'appliquer. Fini les ambiguïtés et les zones grises ! Ce principe n'est pas négociable. Dans une société traversée par des doutes et des replis, ce rappel sera apaisant et source de confiance. Notre devoir est de faire vivre la règle commune, qui nous rend égaux et libres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion de l'article unique
Article unique
M. le président. - Amendement n°1 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Il s'agit de supprimer, avec cet article, l'ensemble du texte. Démonstration en a été faite par nombre de collègues, y compris de groupes qui ne s'opposent pas aux textes du Gouvernement : il se borne à rappeler ce qui existe déjà. Va-t-on modifier la Constitution pour rappeler ce qu'il y a dans la Constitution ? Le texte entre aussi en contradiction avec d'autres dispositions constitutionnelles. Bref, son adoption risquerait d'affaiblir la Constitution.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Vous êtes, si je comprends bien, le porte-parole d'autres groupes... (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Votre amendement est contraire à la position de la commission. L'article 1er de la Constitution, dites-vous, fait obstacle à ce qu'une personne déroge à la règle commune. En droit, vous avez raison. (On ironise sur les travées du GEST)
Mme Mélanie Vogel. - Et nous ne faisons pas du droit, peut-être ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Est-ce vraiment le cas au quotidien dans les services publics et les entreprises ? Les maires, les enseignants, les chefs d'entreprise, pour ne citer qu'eux, disposent-ils d'une base juridique claire qui les met à l'abri ? Là est l'enjeu, pas dans un cours de première année de droit.
Or ce n'est absolument pas le cas. D'où la garantie constitutionnelle que nous proposons, qui dispensera de recourir à une jurisprudence qui n'est pas parfaite et ne fait qu'une référence vague à la règle commune.
J'ajoute que ce texte ne se limite pas à la sphère publique ; il s'applique à toutes les interactions collectives. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable.
M. Bernard Fialaire. - Si je me réjouis que nous nous remobilisions pour défendre la laïcité, qu'il ne faut pas abandonner à une extrême droite qui la pervertit, je considère qu'il ne faut pas légiférer sous le coup de l'émotion. Je fais de ce point de vue amende honorable, car, jeune sénateur, j'avais voté ce texte peu après l'assassinat de Samuel Paty. Le Gouvernement a eu raison de s'y opposer.
N'alourdissons pas inutilement la Constitution, car un texte ne résoudra pas les difficultés. Ce qu'il faut, c'est que le Gouvernement prenne les choses en main, et nous aussi. Car le combat pour la laïcité est notre combat commun.
Mme Cécile Cukierman. - Monsieur le rapporteur, il n'y a pas de porte-parole. Chacun est libre de s'exprimer. Je fais observer que, pour notre part, nous n'avons pas déposé d'amendement.
Mme Mélanie Vogel. - Le rapporteur affirme que nous ne sommes pas là pour faire du droit : la remarque interroge quand il s'agit de modifier la Constitution... Dire que, lorsque nous avons bataillé pour introduire dans la Constitution le droit à l'IVG, on nous a opposé que des symboles n'y avaient pas leur place !
D'après le rapport, 72 % des Français considèrent qu'il est acceptable qu'un restaurant d'entreprise propose systématiquement un plat végétarien - comme d'ailleurs le restaurant du Sénat : on a donc un problème d'évaluation sérieuse du problème.
En réalité, la phrase que vous proposez d'ajouter répète la précédente dans une formulation inversée : c'est comme si l'on écrivait qu'aucun autre chant que La Marseillaise ne peut être considéré comme l'hymne national...
Bref, vous faites d'une question grave un sujet de propagande électoraliste minable ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - C'est vous qui le dites ?
M. Roger Karoutchi. - Il faut oser !
M. Éric Kerrouche. - La question des séparatismes est un sujet sérieux, mais le débat porte sur la façon de l'aborder. Nous continuons de penser que la notion de règle commune constitue un risque - c'était aussi l'avis de votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux. En revenant à cette notion que vous savez fragile, vous fragilisez le texte constitutionnel. N'affaiblissons pas la Constitution par des dispositions inutiles et éventuellement dangereuses !
L'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°368 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 210 |
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article unique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°369 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 210 |
Contre | 112 |
L'article unique est adopté. En conséquence, la proposition de loi constitutionnelle est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
Mise au point au sujet d'un vote
M. Laurent Somon. - Lors du scrutin public n°367, Mme Marie-Do Aeschlimann souhaitait s'abstenir.
Acte en est donné.
La séance est suspendue quelques instants.
Formations en santé
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux formations en santé, présentée par Mme Corinne Imbert et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
Mme Corinne Imbert, auteure de la proposition de loi . - Les études de santé constituent pour notre pays un enjeu sanitaire, universitaire et territorial majeur. Elles sont au coeur du pacte républicain.
Principale voie de recrutement de nos professionnels de santé, elles doivent participer à l'amélioration de l'accès aux soins dans nos territoires. Or leur organisation ne répond pas pleinement aux besoins du pays.
Les réformes successives, dont l'instauration en 2019 des dispositifs Parcours Accès spécifique santé (Pass) et Licence accès santé (LAS), visaient à améliorer la réussite des étudiants et à diversifier leurs profils. Force est de constater que le système n'a pas tenu ses promesses.
Notre collègue Sonia de La Provôté nous a alertés dans deux rapports aux titres éloquents : « Mise en oeuvre de la réforme de l'accès aux études de santé : un départ chaotique au détriment de la réussite des étudiants » et « Mise en oeuvre de la réforme de l'accès aux études de santé, bilan après deux ans : des progrès, mais peut mieux faire ».
Saisie par notre commission, la Cour des comptes a procédé l'an dernier à l'évaluation de la réforme de l'accès aux études de santé : son rapport met en lumière de sérieux défauts de conception ayant rendu sa mise en oeuvre difficile.
Certes, le calcul des effectifs à former a évolué, permettant une augmentation globale du nombre d'admis ; mais cette hausse ne répond pas aux besoins de santé de nos territoires. Le bilan de la réforme est mitigé, en particulier en raison de l'échec de la diversification des profils et des fortes disparités entre universités.
À la lumière de ces constats, notre commission a poursuivi le travail pour élaborer la présente proposition de loi, dans la continuité des efforts qu'elle mène de longue date pour améliorer l'accès aux soins - je pense notamment à la proposition de loi de notre président, Philippe Mouiller, adoptée au Sénat en juin dernier, qui pose les bases d'une nouvelle politique de l'installation des médecins et de l'évaluation des besoins au plus près des territoires.
Je salue le travail des rapporteurs Khalifé Khalifé, Véronique Guillotin et Sonia de La Provôté.
Les constats sont connus : disparités d'un territoire universitaire à l'autre ; lisibilité défaillante du système pour les étudiants et les familles ; diversification sociale et géographique insuffisante. Il est temps de simplifier et refonder l'accès aux études de santé.
Notre commission s'est également préoccupée du lien entre le lieu de formation et le lieu d'installation des futurs praticiens. En effet, en 2019, la moitié des médecins généralistes exerçaient à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance. Preuve que le territoire de formation conditionne largement le territoire d'exercice. L'organisation des études de santé a donc un impact direct sur l'accès aux soins.
Tel est l'esprit dans lequel j'ai déposé ce texte avec le soutien de la commission, pour rendre l'accès aux études de santé plus lisible et plus équitable, territorialiser la formation et améliorer les conditions de stage.
L'article 1er refond le dispositif Pass-LAS en une voie unique d'accès, plus claire et plus juste. Cette nouvelle licence sera proposée dans chaque département, afin de rapprocher la formation des territoires. Elle comprendra la masso-kinésithérapie, aujourd'hui injustement exclue.
L'article 2 prévoit, à titre expérimental, la possibilité d'une admission directe en pharmacie via Parcoursup, afin de remédier aux vacances qui affaiblissent cette filière, que la réforme Pass-LAS a rendue moins visible.
L'article 3 étend à l'ensemble du territoire l'expérimentation d'options santé dans les lycées des zones sous-denses, afin de susciter des vocations locales.
L'article 4 prévoit que les deux tiers des internes devront effectuer leur troisième cycle dans la région où ils ont fait leurs études. C'est un levier puissant pour fidéliser les futurs médecins sur leur territoire de formation.
L'article 5 instaure quatre statuts homogènes de maître de stage pour toutes les disciplines de santé, avec une formation obligatoire et une rémunération juste. C'est une reconnaissance attendue pour ces acteurs essentiels de la qualité des formations.
Enfin, l'article 6 assure la réussite de la réforme de la quatrième année de médecine générale en élargissant, à titre transitoire, les lieux de stage pour garantir un encadrement de qualité.
J'ai pris bonne note du lancement, aujourd'hui même, d'une concertation nationale en vue d'un modèle simplifié, lisible et équitable d'accès aux études de santé. Nous partageons le même objectif, madame la ministre. Il serait donc dommage de perdre du temps.
Cette proposition de loi ne prétend pas tout résoudre, mais apporter des réponses opérationnelles à des difficultés que nous constatons tous sur le terrain. Elle repose sur une conviction simple : former mieux, c'est soigner mieux ; et former partout, c'est soigner partout. Je souscris pleinement au texte issu des travaux des rapporteurs, qui conserve l'esprit et les objectifs de ma rédaction tout en renforçant sa crédibilité et en facilitant sa mise en oeuvre. Donnons aux étudiants les moyens de réussir et aux territoires les professionnels de santé dont ils ont besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Les études de santé constituent un enjeu sanitaire et universitaire de premier ordre. Nous devons construire des parcours de formation plus lisibles, plus justes et plus pertinents, pour nos étudiants comme pour répondre aux besoins de santé de nos territoires.
La commission des affaires sociales soutient ce texte, fruit d'une réflexion approfondie nourrie par l'enquête que nous avons demandée à la Cour des comptes. Il apporte des réponses concrètes à trois enjeux majeurs : réforme de la première année d'accès aux filières de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et masso-kinésithérapie ; renforcement de l'équité sociale et territoriale ; amélioration de l'accueil des étudiants en stage.
L'hétérogénéité du déploiement de la réforme Pass-LAS et la multiplicité des disciplines proposées ont été une source d'illisibilité pour les lycéens et leurs familles. Cette situation a aggravé les inégalités sociales et territoriales et fait le jeu d'organismes de préparation privés, qui vendent des formations à des prix exorbitants aux familles inquiètes.
En outre, la réforme n'a pas atteint ses objectifs d'amélioration de la réussite étudiante et de diversification des profils. En définitive, les deux tiers des étudiants échouent et, parmi ceux qui échouent, près de huit sur dix abandonnent la discipline dans laquelle ils s'étaient engagés. C'est un immense gâchis.
L'article 1er refond le dispositif Pass-LAS en une voie unique d'accès, articulée autour d'une licence universitaire qui comportera, en première année, une majorité d'enseignements relevant du domaine de la santé. La masso-kinésithérapie est intégrée dans ce dispositif. La création d'une voie unique est largement soutenue, même si les modalités suggérées par les acteurs varient.
L'article 1er prévoit aussi une première année d'accès aux études de santé dans chaque département au plus tard d'ici à la rentrée 2030. C'est un enjeu de justice sociale et territoriale : un quart des départements restent dépourvus de première année, et suivre des études hors de son département d'origine implique des coûts importants. Seuls 21 % des étudiants admis sont issus d'une commune rurale et 19 % d'un milieu défavorisé ou assez défavorisé. C'est aussi un enjeu de lutte contre les inégalités territoriales, puisque la moitié des généralistes s'installent à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance. Il faudra s'assurer de la qualité des conditions de vie et d'études au sein des formations délocalisées.
L'article 2 autorise l'expérimentation d'un accès direct à la filière pharmacie dès l'obtention du baccalauréat. Cette filière pharmacie souffre d'un déficit d'attractivité, tandis que des étudiants, effrayés par la première année commune, partent étudier à l'étranger.
Enfin, l'article 3 étend l'expérimentation des options santé dans les lycées à l'ensemble du territoire. L'objectif est de faire connaître les études de santé dans les territoires ruraux ou sous-dotés, dans l'espoir de faire naître des vocations. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La proposition de loi vise également à territorialiser ou re-régionaliser le troisième cycle d'études de médecine.
Plus de la moitié des étudiants quittent leur région à la fin du deuxième cycle, souvent faute de places disponibles. Or « loin des yeux, loin du coeur »... Quelque 70 % des médecins s'installent là où ils ont suivi leur internat : celui-ci est donc un puissant levier pour réduire les inégalités d'accès aux soins.
Les acteurs critiquent les règles actuelles : les centres hospitaliers se jugent insuffisamment consultés, et les besoins des territoires ne sont pas suffisamment pris en compte.
L'article 4 territorialise donc partiellement le troisième cycle de médecine, instaurant des objectifs nationaux : les deux tiers des étudiants devront rester dans leur région en troisième cycle.
Enfin, la proposition de loi vise à améliorer l'accueil en stage. Quatre statuts de maître de stage homogènes sont créés, et chaque maître de stage aura une formation, un agrément et une rémunération.
En attendant que les maîtres de stage soient tous formés, l'article 6 permet, à titre transitoire, l'accueil de docteurs juniors par des généralistes non agréés. De plus, les docteurs juniors pourront se former dès la quatrième année pour obtenir l'agrément de maître de stage.
Cette proposition de loi est équilibrée et largement attendue par le secteur. Elle apportera des réponses opérationnelles aux difficultés de terrain et freinera la progression des inégalités d'accès aux soins. C'est un bon véhicule pour mettre en oeuvre les engagements pris dans le pacte contre les déserts médicaux.
Le Gouvernement lance une consultation : nous espérons que ses conclusions seront utiles à ce texte, dont la commission des affaires sociales recommande l'adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - La commission de la culture s'était saisie en 2021 puis en 2022 de la réforme lancée en 2020 en produisant deux rapports pointant les dysfonctionnements du système Pass-LAS. Le premier décrivait une réforme chaotique ; le second avait noté : des efforts, mais peut mieux faire. Il fallait donc y revenir.
Alors que le double système actuel est anxiogène, la voie unique permet une clarification : la commission soutient donc l'initiative bienvenue de Corinne Imbert qui a le mérite de sortir d'un statu quo délétère. La commission est toutefois consciente du coût organisationnel de la réforme de 2020 : mettre en oeuvre une nouvelle réforme en 2026 serait déraisonnable. Notre amendement prévoyant une entrée en vigueur en 2027 a été intégré au texte par la commission saisie au fond.
Restent cinq points de vigilance. Premièrement, la faisabilité de la départementalisation. Nous partageons l'objectif d'une voie unique d'accès dans chaque département, mais en avons-nous les moyens ? Ne créons pas de cursus inéquitables, avec à certains endroits des formations entièrement organisées à distance, par exemple.
Deuxièmement, le nécessaire cadrage plus serré du ministère de l'enseignement supérieur (M. Philippe Baptiste l'approuve de la tête) : autonomie des établissements et pilotage national ne sont pas antinomiques.
Troisièmement, la refonte du Pass-LAS doit être l'occasion de refonder les passerelles entre filières paramédicales et formations de santé - même si cela relève du domaine réglementaire.
Quatrièmement, le tutorat étudiant joue un rôle central pour la diversification sociale. Cet accompagnement par les pairs étant souvent concurrencé par des formations privées, onéreuses, les universités doivent être incitées à renforcer leur politique en la matière.
Cinquièmement, il faut articuler la réforme des études de santé et la réforme du lycée : le choix d'option étant déterminant dès la seconde, il faut redoubler d'efforts en matière d'orientation.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées . - Je rends hommage à votre collègue Gilbert Bouchet, qui s'est courageusement battu contre la maladie de Charcot. Nous nous souvenons tous de son engagement pour améliorer la vie des malades, notamment par sa proposition de loi.
Améliorer l'entrée dans les études de santé : voilà un enjeu pour la réussite de milliers d'étudiants, mais aussi pour améliorer l'accès aux soins dans nos territoires.
Ce texte s'inscrit dans un certain contexte : avec le ministre de l'enseignement supérieur, nous avons entamé ce matin même une concertation sur la première année des études de santé.
Ce texte est bienvenu : la réforme introduite en 2019 dont j'étais la rapporteure a permis de tourner la page de la première année commune aux études de santé (Paces) et du numerus clausus, en créant deux voies d'accès distinctes : la Pass et la LAS. Reste toutefois beaucoup à faire pour la première année, même si la réforme a permis de diversifier le profil des étudiants et a mis fin au gâchis humain.
La loi de 2019 a également réorganisé l'accès au troisième cycle. Les modalités d'admission en spécialité ont permis de mieux articuler compétences, souhaits des étudiants et besoins des territoires.
Depuis 2019, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a créé une quatrième année d'études de médecine générale et la loi Chapelier a réformé les études de maïeutique en créant un troisième cycle.
La proposition de loi soulève trois enjeux : amélioration de l'orientation ; renforcement de la formation et de l'encadrement ; enfin, rapprochement entre formations et besoins des territoires.
L'article 4 du texte prévoit une régionalisation du troisième cycle. Le Gouvernement souscrit à cette approche, mais attention à ne pas complexifier un circuit déjà complexe. En l'état, une majorité d'étudiants choisissent déjà un troisième cycle dans le territoire duquel ils sont issus.
L'article 5 prévoit la création et l'homogénéisation du statut de maître de stage universitaire. Cette évolution souhaitée par tous les acteurs est juste, même si elle représente un coût de plusieurs millions d'euros.
L'article 6 facilite la mise en oeuvre de la réforme de quatrième année de médecine générale, avec un statut transitoire pour l'accueil des étudiants. Le Gouvernement salue les évolutions apportées par la commission.
La chambre haute a su se saisir avec pertinence de l'ensemble de ces questions : le Gouvernement poursuivra ses échanges avec le Sénat pour définir au mieux les études de santé. (Applaudissements au banc des commissions)
M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace . - Je m'associe à l'hommage rendu au sénateur Gilbert Bouchet, dont la mort nous a tous émus.
Garantir l'accès à des professionnels de santé bien formés sur l'ensemble du territoire : voilà une ambition que nous partageons tous.
Les modalités de recrutement et de formation des étudiants en santé emportent des conséquences importantes sur l'activité des professionnels de santé, tant pour leur spécialité que pour leur lieu d'exercice.
Les réformes intervenues ces dernières années étaient nécessaires, mais elles ont eu des résultats indésirables et il reste encore beaucoup à faire. Je partage le constat de la présente proposition de loi, parce qu'elle répond à un objectif d'équité territoriale pour le recrutement et la répartition des professionnels de santé.
Tous, nous voulons améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens. Stéphanie Rist et moi-même avons choisi d'être tous deux présents pour montrer que les avancées ne sont possibles dans ce domaine que si les deux ministères travaillent main dans la main.
L'organisation antérieure était critiquée et critiquable : nous ne pouvons que nous réjouir de la suppression de la Paces, extrêmement déterministe socialement et conduisant à de nombreux échecs individuels.
Les réformes récentes ont débouché sur des progrès : nous sommes passés de 8 700 places ouvertes en 2017 à 11 000 places actuellement. Les redoublements ont chuté drastiquement, de quatre étudiants sur cinq à moins de la moitié. Le nouveau système a permis une meilleure diversification des profils, notamment en LAS.
Toutefois, le système créé en 2020 ne donne pas pleinement satisfaction. Il faut simplifier les choses.
Nous préconisons un grand principe : une première année simplifiée, sur un modèle harmonisé sur tout le territoire à travers la convergence entre le Pass et la LAS.
Les disciplines utiles aux futurs professionnels de santé sont nombreuses, mais elles n'ont pas toutes la même importance. Un système trop permissif a laissé la voie à trop de créativité : il faut limiter le champ des possibles. (Sourires) Le Gouvernement soutient l'objectif de départementalisation des études : 25 départements sont dépourvus de filière d'accès aux études de médecine.
Certaines professions suscitent moins d'envie que d'autres, mais les besoins en pharmaciens sont certains. Nous souscrivons donc aux objectifs de l'article 2, même si, grâce aux actions de communication, plus de 60 % des étudiants en pharmacie ont choisi cette filière en premier voeu, contre 40 % précédemment.
Nous devons associer toutes les parties prenantes à la réforme des formations ; une concertation a été lancée ce matin pour aboutir à un modèle finalisé pour la rentrée 2027 au plus tard. Laissons-lui le temps d'agir.
L'article 3 généralise l'expérimentation des options santé dans les lycées à l'ensemble des territoires sous-denses. C'est judicieux, à condition de respecter les capacités des établissements, les choix stratégiques des acteurs territoriaux et d'accompagner ce déploiement dans le temps.
Nous partageons le même objectif d'amélioration de notre système de santé, notamment à travers la formation des futurs professionnels. Je connais votre mobilisation constante en la matière et je vous en remercie.
Je serai attentif à ce que la réflexion menée dans le cadre de la concertation soit fructueuse. (Applaudissements au banc des commissions)
Mme Céline Brulin . - Il y a un an, notre groupe insistait sur la nécessité de former davantage de soignants. J'étais intervenue pour pointer la mise en oeuvre chaotique de la réforme et l'insuffisante diversification des profils, sans oublier les difficultés de la réforme Parcoursup, notamment avec le doublement du taux d'abandon des études en soins infirmiers. J'avais aussi insisté sur la nécessité de démocratiser les études de santé : des médecins issus de milieux ruraux ou de quartiers défavorisés s'y installeront.
Le quotidien Les Échos alertait il y a quelques jours sur la baisse d'installation de généralistes précisément dans les zones où il en manque le plus.
Dès lors, des missions de solidarité organisées à la carte sont de trop modestes rustines face aux déserts médicaux. Régulation de l'installation, gardes le soir et le week-end, augmentation du nombre de professionnels formés : voilà les réponses utiles aux insupportables inégalités que nous subissons.
Nous sommes favorables à l'objectif d'affecter les deux tiers des étudiants de troisième cycle dans leur région, à condition que les universités aient les moyens nécessaires pour agir. L'intégration de la filière de masso-kinésithérapie est une revendication ancienne des étudiants qui exigent plus de financement pour garantir une qualité de formation face aux instituts privés dont les frais s'élèvent parfois à plusieurs milliers d'euros par an.
L'expérimentation de l'admission directe en première année pour les étudiants en pharmacie nous interroge : certes, des places sont restées vacantes ces dernières années, mais je suis sceptique quant à cette deuxième voie d'accès. Quelle cohérence pédagogique ?
Pour former plus d'étudiants, il faut plus de professeurs, de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et de chefs de clinique, selon le doyen de la faculté de médecine de Rouen.
Nous sommes favorables à la généralisation des options santé dans les établissements situés en zone sous-dense ; mais encore faut-il qu'un large panel de spécialités soit proposé aux villes moyennes.
Les stages effectués sans maître de stage universitaire en quatrième année nous inquiètent. C'est d'ailleurs le principal angle mort du texte, qui ne dit rien sur l'accompagnement, notamment financier, des étudiants.
Nous partageons donc les objectifs du texte, tout en étant sceptiques sur ses dispositions. Nous le voterons ou nous abstiendrons en fonction du sort des amendements.
Mme Anne Souyris . - Je félicite Stéphanie Rist pour sa nomination et je remercie Corinne Imbert pour son texte, ainsi que les rapporteurs. Le GEST considère ce texte comme une bonne nouvelle.
On ne pourra cependant traiter des difficultés des études de santé sans prévoir les dépenses nécessaires. L'égal accès aux soins est l'un des piliers de notre démocratie. Mais ce principe est malmené chaque jour un peu plus, d'abord à cause du manque de professionnels de santé.
Déficit de nos hôpitaux et réduction de l'attractivité des métiers de la santé déséquilibrent l'ensemble du système. Dès lors, la réforme des études de santé est un objectif central.
Face à l'amplification des déserts médicaux et aux deux tiers des Français qui déclarent avoir renoncé à un acte de soins, il faut être à la hauteur.
La loi réformant l'accès aux études de santé partait d'une noble ambition : démocratiser l'accès aux études de santé en supprimant la Paces.
Ce fut un véritable échec - même la Cour des comptes le dit. En LAS, 53 % des étudiants abandonnent après la première année et seuls 19 % des étudiants sont issus de milieux défavorisés.
Notre groupe soutient la fusion Pass-LAS pour en finir avec un double cursus absurde et l'intégration consensuelle de la formation de kinésithérapeute - enfin ! - à cette première année.
L'extension des options santé dans tous les territoires est opportune ; mais il faudrait évaluer l'efficacité de ce dispositif et assurer les moyens adéquats. Un rapport de l'Assemblée nationale sur la question dénonce en premier lieu le manque de moyens pour assurer les heures.
Les écologistes soutiennent la création d'écoles normales des métiers de la santé qui lutteraient efficacement contre les déserts médicaux et assureraient la diversification sociale des études médicales et paramédicales. Nous regrettons également qu'il ne soit pas fait mention de la santé environnementale dans les formations initiales.
Une proposition de loi ne peut seule assurer ces réformes nécessaires : sans financement, les difficultés persisteront. Or le Gouvernement actuel présente un Ondam à 1,6 %, évolution qui représente en fait 7 milliards d'économies, selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Le GEST votera cette proposition de loi.
M. Raphaël Daubet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Tel l'enfer, la réforme de 2019 était pavée de bonnes intentions : davantage de diversité et moins d'échecs. Mais personne ne comprend rien à cette usine à gaz, accentuant les frustrations et les départs à l'étranger. La filière odontologie bat tous les records dans ce domaine, avec 50 % des dentistes exerçant en France ayant obtenu leur diplôme à l'étranger. Or certaines de ces formations n'opèrent aucune sélection et ne forment pas à la clinique : on livre nos concitoyens à des praticiens mal préparés, et les effets se font sentir aussi sur le niveau des professeurs en faculté.
C'est un gâchis humain et une inquiétante fragilisation de notre souveraineté. La France, demain, ne pourra plus former ses soignants.
Je salue les rapporteurs, car il fallait non seulement connaître le problème, mais aussi s'en emparer. Madame la ministre, connaissant votre volonté et votre pragmatisme, je me réjouis des avancées que vous annoncez.
Organiser une première année dans chaque département est une bonne idée. Quand on a connu les amphithéâtres bondés, la guerre des places et les trajets coûteux, on sait que cela peut pacifier cette année de concours et lutter contre l'autocensure. Reste que les moyens doivent suivre. Cela relève aussi de l'aménagement du territoire.
L'article 2 qui offre un accès direct en pharmacie est bienvenu. Depuis trois ans, la filière est en souffrance. Perdre notre réseau officinal, cette épine dorsale des territoires, serait dramatique.
L'article 3 prévoit l'extension des options santé dans les lycées. C'est pour moi une grande fierté d'avoir eu l'idée, alors président de la communauté de communes, de créer une telle option au lycée Jean Lurçat de Saint-Céré pour réveiller l'ambition du monde rural et favoriser la vocation des étudiants originaires du territoire. Son extension est une satisfaction.
Je serais plus prudent sur l'article 4. Ne perdons pas de vue qu'en troisième cycle, il est parfois nécessaire d'aller loin de chez soi pour suivre des enseignements et acquérir des compétences rares.
Enfin, ce texte répare une injustice concernant les maîtres de stage. Il cherche à faire de chaque région une terre d'avenir médical, rejoignant les valeurs du RDSE de responsabilité et de confiance et notre idée d'une République du soin et de la proximité. Nous le voterons. (Applaudissement sur les travées du RDSE et au banc des commissions ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit également.) Je m'adresse aux lycées qui ne connaissent pas encore le monde de la santé, aux étudiants et aux futurs praticiens.
Actuellement, notre système de santé fait face à deux problèmes : l'accès aux études de santé et l'accès aux soins. La réforme de 2019 n'a pas atteint ses objectifs. Le constat des rapporteurs est clair : le système est trop complexe et incompris. La Cour des comptes ajoute qu'il échoue à diversifier les profils. Deux tiers des étudiants échouent à intégrer les études de santé. C'est source d'angoisse pour les familles et les étudiants.
Les difficultés d'accès aux soins affectent nos territoires. Or seul un étudiant sur cinq admis en santé vient d'une commune rurale.
La proposition de loi simplifie en remplaçant le double cursus Pass-LAS par une première année unique.
La première année de licence sera ouverte dans chaque département. De plus, puisque former localement permet de soigner localement, deux tiers des internes seront formés dans la région où ils ont fini leur deuxième cycle.
La réforme devra s'appuyer sur des licences d'adossement cohérentes : biologie, mathématiques, sciences de l'ingénieur.
Le dispositif renforcera l'orientation des jeunes grâce à l'extension des options santé. Les lycéens découvriront les métiers du médical et du paramédical.
En outre, un accès direct aux études de pharmacie sera prévu dans Parcoursup pour éviter les places vacantes.
Nous travaillons à l'avenir de nos enfants et de nos médecins. Ce texte est une réponse équilibrée à ces défis.
Le groupe UC adoptera ce texte avec la conviction que nous rapprochons ainsi les médecins de leurs territoires et nos concitoyens du soin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, au banc des commissions et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Claude Lermytte . - Je remercie Corinne Imbert et les rapporteurs.
La réforme de 2019 a remplacé la Paces en offrant deux voies d'accès distinctes. Mais nous constatons les écueils de cette réforme qui a créé une inégalité manifeste : les étudiants des Pass réussissent davantage que les étudiants des LAS.
Les parcours sont devenus incompréhensibles. La Cour des comptes souligne la complexité du dispositif et la mise en oeuvre chaotique de la réforme et recommande une voie unique sans revenir à la Paces, ses redoublements et ses difficultés de réorientation.
Ce texte revient à une voie d'accès unique tout en offrant des réorientations et en intégrant la filière masseur-kinésithérapeute.
L'origine géographique influence l'installation des professionnels de santé. Dans 25 départements, un étudiant qui rêve de devenir médecin doit encore quitter son territoire dès la première année. Comment s'étonner ensuite qu'il n'y revienne pas ?
Avec ce texte, chaque département, à l'horizon 2030, offrirait un cursus de première année. De plus, deux tiers des internes feraient leur troisième cycle là où ils ont achevé le deuxième.
Ces mesures de bon sens amélioreront la formation, le bien-être mental des étudiants et la répartition des futurs professionnels de santé sur le territoire.
L'enjeu de l'article 2 est de garantir un nombre suffisant de pharmaciens. En 2022, il y avait 1 100 places vacantes. La proposition de loi propose d'expérimenter pendant cinq ans l'accès direct aux études de pharmacie pour un tiers des places. Ayant entendu les réserves des étudiants, nous voterons l'amendement de Daniel Chasseing qui n'ouvre cette possibilité que si des places sont restées vacantes l'année précédente.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mmes Élisabeth Doineau et Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)
M. Bruno Rojouan . - Depuis plusieurs années, le Sénat alerte sur la dégradation de l'accès aux soins : près de 7 millions de Français n'ont plus de médecin traitant ; un tiers d'entre eux vivent dans des territoires sous-dotés ; nous perdons 2 500 médecins généralistes en cinq ans. C'est ce que le Sénat a qualifié de décennie noire médicale.
Cette proposition de loi apporte une réponse structurelle et lucide en s'attaquant à la racine du problème : la manière dont nous formons les soignants sur le territoire.
Je salue le travail de Corinne Imbert et sa démarche cohérente entre formation et aménagement du territoire. Son texte corrige les effets négatifs de la réforme de 2019, qui a déstabilisé le système en le rendant illisible et créé des inégalités entre universités et étudiants.
Le texte instaure une voie unique d'accès, avec une université formatrice dans chaque département et une expérimentation d'option santé dans les lycées des zones sous-denses. Les jeunes de milieux modestes des territoires ruraux pourront ainsi intégrer les études en santé. C'est un enjeu majeur : selon l'Insee, la moitié des médecins exerce à moins de 85 kilomètres de leur lieu de naissance.
Ce texte répond à deux exigences : la nécessaire égalité des chances et l'efficacité territoriale. Il permet une meilleure répartition des médecins demain. La formation n'est pas qu'une question universitaire mais un instrument d'équilibre territorial.
Ce texte marque un tournant, celui de la territorialisation des formations, en corrélant la formation avec les besoins des territoires et en rapprochant l'offre de formation des besoins réels de santé. Car là où on apprend, on s'installe.
Nous avions appelé cette logique de nos voeux dans nos rapports successifs ; elle doit rendre aux élus locaux toute leur place.
La répartition des lieux d'enseignements devra rester au coeur de nos réflexions, face à un système sans doute trop centré sur les grands CHU. À nous de mieux répartir la présence universitaire.
En améliorant les conditions d'accueil des étudiants en stage, l'accueil deviendra plus qualitatif. Cela permet aux étudiants de découvrir des modes d'exercice plus variés et plus ancrés dans la réalité quotidienne des soins.
La réforme du troisième cycle dans les zones sous-denses est soutenue par le Sénat. Un étudiant a trois fois plus de chances de s'installer dans une région s'il y a suivi sa formation. Ce levier concret est l'un des plus puissants pour répondre à la désertification médicale.
J'en viens à la planification. Entre 2020 et 2024, le nombre d'étudiants en médecine n'a progressé que de 16 % alors que les besoins augmentent.
Ce texte adaptera les besoins de formation aux réalités locales. La formation est ainsi mise au service de la santé publique, pour former davantage, autrement, et là où les besoins sont criants. Je salue ce texte qui donne la cadence pour la médecine de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Solanges Nadille . - Cette proposition de loi améliore l'organisation des études de santé en réformant ses modalités d'accès et la répartition des étudiants en troisième cycle. Elle s'appuie sur le rapport de la Cour des comptes et sur les travaux des commissions des affaires sociales et de la culture du Sénat.
La loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé du 24 janvier 2019 avait pour but de répondre aux inégalités d'accès de la Paces avec la mise en place du double cursus Pass-LAS. Le nombre de places a augmenté, tout comme le taux d'accès aux filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie (MMOP). Mais les dysfonctionnements sont nombreux et les cursus peu lisibles.
J'ai été marquée par le désarroi des étudiants, qui explique le succès des prépas santé qui se présentent comme des alternatives aux tutorats. Près d'un jeune sur deux se serait ainsi inscrit à ces formations aux tarifs pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros, ce qui porte atteinte à l'égalité des chances.
Le Conseil constitutionnel rappelle que l'inscription dans un établissement privé ne saurait devenir une condition nécessaire à l'accès aux filières MMOP. Je sais le Gouvernement sensible à ces questions.
Diversification sociale et géographique : la réforme de 2019 a échoué sur ces deux tableaux. L'ouverture d'une voie unique dans chaque département va dans le bon sens.
L'article 4 fixe un objectif d'affectation des deux tiers des étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont étudié. Car oui, le lieu d'internat est l'un des principaux déterminants du choix du lieu d'exercice. En Guadeloupe, les étudiants partent, et ne reviennent pas...
Les mesures d'amélioration des conditions de stage des étudiants nous satisfont.
Le RDPI votera bien entendu cette proposition de loi. Nous resterons attentifs aux conclusions de la concertation nationale sur l'accès aux études en santé, lancée par le Gouvernement ; nous espérons des réponses concrètes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous sommes tous d'accord : une réforme des études en santé est nécessaire. La réforme Pass-LAS est un échec, trop complexe, peu lisible, appliquée de façon hétérogène. Le mal-être des étudiants est patent : l'inscription en LAS est subie par 53 % des étudiants.
Une voie d'accès unique, avec une majorité d'enseignements en santé en première année, est donc bienvenue. Elle intégrera aussi les masseurs-kinésithérapeutes - c'est logique. Mais ceux qui ne réussiront pas cette première année resteront tentés par un départ à l'étranger.
Les universités devront mettre en place cette première année dans tous les départements, via notamment des antennes universitaires délocalisées, comme à Nevers depuis 2020. Mais il faut un tutorat efficace et des moyens supplémentaires.
L'article 2 prévoit une dérogation à cet accès unique, pour les pharmaciens. Nous comprenons pourquoi - toutes les places ne sont actuellement pas pourvues - , mais c'est contraire à l'objectif de décloisonnement du texte et cela n'est donc pas opportun.
L'article 3 élargit l'expérimentation des options santé dans les lycées des zones sous-denses : nous y sommes favorables. En Occitanie, dix-sept lycées l'expérimentent déjà. Nous aurions voulu aller plus loin, en pérennisant ce dispositif et en l'élargissant aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Mais nos amendements ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.
La territorialisation des études en troisième cycle est une mesure floue, qui laisse craindre une rupture d'égalité, car toutes les subdivisions ne pourront offrir les mêmes spécialités ni les mêmes capacités. De surcroît, les étudiants y sont opposés.
La création d'un statut de maître de stage est bienvenue. Valorisons, voire rendons obligatoire la fonction de maître de stage. Ici encore, des moyens supplémentaires seront nécessaires.
Et quid des lieux de stage ? Les étudiants devraient être confrontés à la pratique libérale, et sortir des CHU, dès le deuxième cycle.
Certaines mesures vont dans le bon sens, mais cette réforme aurait dû s'inscrire dans une loi bien plus vaste, portant sur l'ensemble des formations en santé. La concertation, qui a commencé ce matin, est essentielle pour apporter une réponse cohérente aux besoins de nos territoires.
Le rapport de l'Académie de médecine sur la formation médicale initiale, publié en février 2025, montre que les étudiants ne sont pas formés au « vrai » métier de médecin. Il préconise de les former dans une optique de santé globale, incluant notamment la prévention, et d'instaurer un système LMD (licence, master, doctorat) où la licence serait le creuset de toutes les formations en santé.
La réponse apportée par cette proposition de loi reste donc partielle. Nous comptons sur les ministres pour apporter une réponse plus globale.
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) L'accès aux soins est désormais la première angoisse de nos concitoyens. Pour y répondre, les propositions législatives se succèdent, et parfois s'entrechoquent. Une stratégie claire est nécessaire.
La réforme de 2019 a été un échec. Elle devait permettre 50 millions d'économies, elle a coûté 125 millions d'euros... Pis : le profil des étudiants est toujours le même, les disparités entre universités se sont aggravées, des places sont vacantes en pharmacie et en maïeutique, le cursus est illisible, et il y a toujours autant d'étudiants qui partent à l'étranger ! Et aucun comité de suivi pour une réforme de cette ampleur, c'est consternant !
Je salue le travail de Corinne Imbert et des rapporteurs.
Je suis favorable à l'article 1er : dans mon département de la Nièvre, le campus connecté permet à de jeunes ruraux de suivre, depuis Nevers, le cursus de Dijon, avec d'excellents résultats. Pour la première fois cette année, de jeunes externes nivernais reviennent dans notre hôpital. Ces campus connectés sont stratégiques pour nos territoires ruraux : sanctuarisons leurs budgets, avec une visibilité pluriannuelle !
Je suis également favorable à la création de postes d'internat en fonction des besoins des territoires. Sans cela, la seule suppression du numerus clausus ne sert pas à grand-chose. Une meilleure territorialisation des professionnels de santé pourrait nous faire économiser 3 milliards d'euros, selon la Cour des comptes.
La quatrième année de spécialité en médecine générale doit être une année réellement formatrice, qui suscite des vocations. Nous ne pouvons pas manquer le rendez-vous avec les docteurs juniors. Il faut en faire une priorité, pour que les maîtres de stage se mobilisent.
Nos étudiants en santé portent sur leurs jeunes épaules une très forte attente de la société. Nous devons leur offrir de la visibilité et un avenir désirable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) C'est la troisième fois cette année que le Sénat étudie un texte relatif à la santé : vieillissement, pénurie de soignants, fractures territoriales, autant de défis. Repenser l'accès, le parcours et l'ancrage territorial des formations en santé est nécessaire.
Notre assemblée a déjà mené de nombreux travaux sur le sujet. Après la proposition de loi Mouiller, ce texte est le second étage de la fusée.
Les Pass-LAS connaissent de nombreuses difficultés, pointées par Sonia de La Provôté. Bruno Rojouan avait également souligné la complexité de la réforme et ses effets pervers en matière d'accès aux soins. La Cour des comptes s'est aussi penchée sur le sujet. Chacun en convient : c'est plus Kafka qu'Hippocrate !
L'échec du Pass-LAS est bien documenté : une réforme est justifiée.
La création d'une voie unique pour les études en MMOP-kinésithérapie est salutaire.
La découverte des métiers de la santé via les options santé dans les lycées des zones sous-dotées permettra de combattre l'autocensure et d'offrir des perspectives aux jeunes des territoires les plus fragiles. Prenons ce virage dès maintenant, car nous n'en verrons les effets que dans une dizaine d'années.
Trop de départements sont encore dépourvus de première année d'études en santé. La territorialisation des formations est le pendant naturel et indispensable de la territorialisation des soins.
La territorialisation du troisième cycle des études de médecine permettra de fidéliser les futurs médecins dans les déserts médicaux, tout en préservant la liberté d'installation.
L'expérimentation d'un accès direct aux études de pharmacie est aussi une mesure pragmatique, alors que 1 800 officines ont fermé en dix ans.
Les maîtres de stage bénéficieront d'un cadre clair de formation, d'agrément et de rémunération, décisif pour mieux accompagner les étudiants.
La conjoncture politique nous oblige à une stratégie des petits pas. Mais c'est un pas important, dans la bonne direction.
Je salue la qualité du travail de mes collègues, qui ont su tracer une voie crédible pour répondre à des défis pressants. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. David Ros . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je confirme l'abstention de notre groupe. Je remercie Sonia de la Provôté pour les auditions qu'elle a organisées à la commission de la culture. Les difficultés sont patentes pour mettre en oeuvre la réforme dès 2026. Un cadrage réglementaire plus serré du ministère de l'enseignement supérieur est nécessaire - et je salue la présence du ministre.
La réforme de 2019 était nécessaire, mais elle a été mal conçue : les disparités territoriales rendent le parcours des études en santé peu lisible. Certains se passent du LAS, d'autres se lassent du Pass, et au vu du nombre de sas, hélas, il y a trop de casse... (Rires et applaudissements)
Mme Sonia de La Provôté. - Cela nous tracasse ! (Sourires)
M. David Ros. - La faisabilité de la réforme à l'échelle de chaque département interroge, dans un contexte de moyens alloués à l'université qui restent constants, voire diminuent. Les risques sont majeurs : disparitions territoriales, conditions d'études dégradées, moyens matériels insuffisants. Pour qu'une réforme soit autosuffisante et réellement efficace, il faut des moyens humains et matériels !
Ce texte est une invitation à un projet de loi plus général sur la formation, la recherche universitaire et le maillage territorial. Notre abstention sera donc bienveillante, mais exigeante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°5 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Les études de santé doivent être en adéquation avec les enjeux environnementaux. Nous proposons donc un volet consacré à la santé environnementale et à la transition écologique dans les formations du premier cycle des études en santé.
Seuls 35,1 % des étudiants en pharmacie ont eu accès à des enseignements sur des enjeux climatiques et environnementaux au cours de leur cursus, alors que 85,4 % d'entre eux les demandent. Pourquoi la santé environnementale est-elle si négligée ?
Nous devons poser les bases d'une culture commune de santé globale, reliant l'humain, l'organisation sociale et l'environnement.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Nous partageons vos préoccupations, mais ce texte n'a pas vocation à détailler les maquettes pédagogiques des universités. Au demeurant, certaines ont déjà intégré la santé environnementale dans leurs cursus. Avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Je suis très favorable sur le fond à cette idée.
Des actions de sensibilisation et de formation aux enjeux de la transition écologique et au développement durable ont déjà été mises en place dans tout l'enseignement supérieur - un cahier des charges a été publié en 2023.
S'agissant des études en santé, la Conférence des doyens de médecine a mis en place un module national avec un enseignement en santé environnementale.
Mais nous devons respecter l'autonomie des établissements et votre proposition est de niveau réglementaire. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Émilienne Poumirol. - Je voterai cet amendement. Avec Mme Vogel, nous avons travaillé sur une sécurité environnementale du XXIe siècle, favorisant la prévention. Avec des formations sur la santé globale dès la première année, nous pourrions promouvoir une autre vision de la médecine, qui ne soit plus seulement curative.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement du n°7 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Les métiers de la santé sont les plus touchés par la reproduction sociale : les jeunes dont les parents sont ouvriers ou employés ne représentent que 10 % des étudiants de deuxième année. Il est temps d'agir pour démocratiser ces études !
Nous demandons donc un rapport du Gouvernement sur l'expérimentation d'écoles normales des métiers de la santé (ENMS), notamment dans les zones sous-dotées.
Les études seraient financées en échange d'un engagement d'exercice dans le territoire pendant dix ans. Ces écoles joueraient le rôle d'ascenseur social pour les étudiants issus de milieux modestes ou ruraux.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Nous souscrivons à l'objectif, mais cette proposition de loi apporte déjà des améliorations : voie unique d'accès, départementalisation de la première année, options santé, régionalisation du troisième cycle.
Au demeurant, il s'agit d'une demande de rapport : conformément à la position constante de la commission, avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Le modèle des écoles normales ne me paraît pas adapté à des études si longues. De plus, cela éloignerait les étudiants de l'université et de la recherche. Avis défavorable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous proposons de supprimer l'accès direct à la filière pharmacie via Parcoursup. Nous sommes inquiets des 1 800 places vacantes durant les trois dernières années - même si vous nous avez dit que les choses s'amélioraient un peu, monsieur le ministre. De nombreux étudiants n'avaient pas, au lycée, une bonne connaissance de la filière pharmacie, qui comprend trois parcours différents : pharmacies d'officine, bien connues, mais aussi le milieu industriel et les pharmacies hospitalières et leur dimension de biologie médicale.
Nous traitons avec un peu de mépris la volonté des étudiants de pharmacie de suivre le tronc commun des étudiants en santé. La proposition de loi prévoit même une intégration des masseurs-kinésithérapeutes dans cette voie d'accès commune : pourquoi en exclure les étudiants en pharmacie ?
Cette expérimentation ne nous semble pas la bonne réponse à un mal réel, les déserts médicaux.
M. le président. - Amendement identique n°12 rectifié de Mme Bourcier et alii.
Mme Corinne Bourcier. - L'article 2 cible le problème des places vacantes dans la filière. Mais cette mesure, séduisante de prime abord, ne réglerait pas le problème. Selon l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), 55 % des étudiants en pharmacie indiquent qu'ils n'auraient pas choisi cette filière si la sélection avait eu lieu dès le lycée.
La première année permet un choix éclairé des étudiants ; précipiter ce choix dès le lycée serait contre-productif, alors que le taux d'abandon en première année est encore très élevé.
M. le président. - Amendement identique n°13 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Créer une dérogation nous semble inopportun. La première année offre aux étudiants l'occasion de découvrir les différents métiers de la pharmacie.
Tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), vaccinations étendues, accueil d'urgence : les pharmaciens ont vu leur rôle se renforcer ces dernières années. Alors que l'on réintègre les étudiants en masso-kinésithérapie, sortir les étudiants en pharmacie irait à l'encontre de l'objectif de décloisonnement de la proposition de loi.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Nous parlons bien d'une expérimentation sur un accès direct partiel : les étudiants qui souhaitent suivre une première année commune pourront toujours le faire.
Cette expérimentation est saluée tant par les doyens que par les pharmaciens. En outre, les maquettes ont été rassurantes : les étudiants bénéficieront du même socle d'études. Avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - En 2022, nous avons connu un trou d'air : seules 2 587 places ont été pourvues sur les 3 600 offertes. La situation s'est améliorée depuis : les places sont pourvues à plus de 95 %. Le problème est donc derrière nous, grâce notamment à la mobilisation des pharmaciens eux-mêmes.
Créer une expérimentation pour les étudiants en pharmacie ouvrira la porte à des choses similaires pour les autres professionnels de santé : cela complexifierait les choses, alors que nous recherchons de la simplicité.
Nous partageons le souci des sénateurs ; toutefois, sagesse.
Mme Corinne Imbert. - Je remercie la rapporteure de la qualité de sa réponse. Je voterai contre ces amendements, sans surprise.
Nous avons auditionné les internes en pharmacie : ceux-ci avancent qu'ils travailleront en coopération avec les autres professionnels de santé. Ils souhaitent donc faire cette première année commune.
Toutefois, l'expérimentation est intéressante. Certes, monsieur le ministre, le trou d'air est passé, mais sans la mobilisation de l'Ordre et des pharmaciens eux-mêmes, nous n'en serions pas là ! C'est le moins connu des métiers connus, comme le disait le slogan. L'étiquette d'épicier colle toujours au métier. La profession n'est pas encore sortie d'affaire.
Les amendements identiques nos2, 12 rectifié et 13 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - La filière pharmacie souffre d'un manque d'attractivité. Créer une expérimentation serait toutefois source d'inégalités : l'admission directe ne serait possible qu'en cas de vacance de places l'année précédente.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Inutile de prévoir des contraintes par rapport à l'année précédente : voyons comment les choses se passent dans les cinq ans prévus pour l'expérimentation. Avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Il n'est pas possible de faire fluctuer les postes d'enseignants-chercheurs d'une année sur l'autre. En outre, intégrer ces modifications dans les maquettes de Parcoursup prendrait deux ans. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°3 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous avons déjà présenté cet amendement lors de l'examen de la proposition de loi sur la profession d'infirmier. Nous proposons de sortir l'accès aux instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Parcoursup. En 2021, les taux d'abandon y étaient trois fois plus élevés qu'en 2011.
Yannick Neuder et Philippe Mouiller s'étaient engagés à étudier le sujet. Certes, je ne méconnais pas la situation politique actuelle et ses conséquences, mais j'aimerais avoir des précisions.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Nous partageons votre constat. Toutefois, retirer les Ifsi de Parcoursup me semble quelque peu sportif : retrait, sinon avis défavorable. J'imagine qu'il s'agissait d'un amendement d'appel...
M. Philippe Baptiste, ministre. - La hausse des abandons est antérieure à l'intégration des Ifsi sur Parcoursup : en témoigne une étude de la Drees. L'accueil des étudiants en stage, les premiers stages effectués dans des circonstances difficiles : voilà les vraies raisons des taux d'abandon élevés.
Parcoursup a élargi la visibilité des Ifsi : le taux de remplissage est désormais de 100 %, 85 % des élèves venant de l'académie d'origine.
Sortir les Ifsi de Parcoursup nuirait à la visibilité des instituts, avec en sus un risque d'inégalité sociale et territoriale.
Toutefois, nous devons travailler sur le problème des abandons. Avis défavorable.
M. le président. - Amendement n°16 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Supprimons l'obligation de convention entre les lycées et les universités pour l'organisation des options santé : inutile de complexifier le processus.
Les universités n'ont pas les moyens de faire face à de nouvelles obligations.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Au contraire, il nous semble important de créer des relations entre les lycées et les universités, non seulement pour une option, mais pour la découverte des métiers. Rassembler les acteurs autour de la table fera avancer les choses. Avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Avis favorable pour les raisons exposées précédemment.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°4 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - En dépit du réflexe pavlovien d'une partie de cet hémicycle en la matière, nous souhaitons un rapport sur les conditions de rémunération des internes et des externes. Leurs conditions d'études sont particulièrement difficiles ; le taux d'abandon est affligeant, au regard du manque de professionnels de santé dans nos territoires.
Un interne est payé 10,85 euros brut de l'heure la nuit et les jours fériés. Or ce sont eux qui tiennent les hôpitaux : c'est indécent !
La dernière étude de la Drees sur le sujet date de 2013 : il nous faut des données plus actuelles.
Il existe une corrélation directe entre la souffrance vécue par les étudiants en médecine et leur refus de toute contrainte une fois leurs études terminées. Agir sur le premier point nous donnerait plus de flexibilité sur le second.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Avis défavorable. Les données sont connues : mieux vaut effectuer un travail au niveau des professions.
Mme Stéphanie Rist, ministre. - Merci d'attirer l'attention sur la qualité de vie de nos étudiants. À la suite du covid, leurs rémunérations ont été revalorisées. En outre, les directions des établissements peuvent se voir infliger des pénalités si leur temps de travail n'est pas respecté.
En septembre dernier, nous avons lancé une grande enquête sur les conditions de travail des étudiants et notamment leur temps de travail : dès lors, retrait. Vous pouvez compter sur mon engagement en la matière.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Vous n'aimez pas les demandes de rapport, nous le savons. Mais c'est le seul moyen à ma disposition pour demander au Gouvernement de prévoir les moyens nécessaires à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Ainsi, selon une première enquête, 49 % des étudiantes en stage déclaraient avoir été victimes de remarques sexistes, tandis que selon une seconde enquête de 2024, la moitié des étudiants en médecine éprouvent des symptômes d'anxiété.
Les signalements progressent : annoncer un plan national ne suffit plus. Il faut des mesures appliquées, et financées.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Les VSS sont un sujet très grave. Près d'une femme médecin sur deux en a été victime, notamment durant ses études.
Sandrine Josso et moi-même avons formulé plusieurs recommandations en matière de lutte contre la soumission chimique, et notamment l'obligation de formations VSS pour les dirigeants d'universités, d'instituts et d'écoles. Nous ne devons rien lâcher ! Toutefois, avis défavorable à cette demande de rapport.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Ces violences sont honteuses et inadmissibles. Il existe des dispositifs transverses, d'autres sont spécifiques au secteur de la santé.
Nous n'avons pas besoin d'un nouveau rapport ; je suis à votre disposition pour présenter les outils existants. Avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°24 de M. Khalifé et Mme Guillotin, au nom de la commission des affaires sociales.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Coordination juridique.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°24 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°17 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Cet amendement prévoit des stages en médecine de ville en dehors des CHU. Il est important de diversifier les lieux de stage, afin que les étudiants connaissent les différentes réalités d'exercice.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Les étudiants de deuxième et troisième cycles peuvent déjà accomplir des stages ambulatoires en périphérie. Compte tenu de la pénurie de maîtres de stage, mieux vaut ne pas prévoir d'obligation pour le moment. Avis défavorable.
Mme Stéphanie Rist, ministre. - Nous agissons dans le sens que vous indiquez au travers du pacte de lutte contre les déserts médicaux. Mais il faut aussi assurer la qualité de l'encadrement, car les étudiants sont là pour apprendre. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Après l'article 5
M. le président. - Amendement n°11 de M. Milon.
L'amendement n°11 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°23 de Mme Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Préparé avec le Conseil national de l'Ordre des médecins et identique à celui de M. Milon, cet amendement prévoit un enseignement de déontologie médicale, pilier essentiel de la profession, au cours de l'internat, moment charnière où les jeunes médecins sont placés dans des situations de responsabilité pleine et entière. Il s'agit d'aborder notamment les droits fondamentaux des patients et les risques de manquements déontologiques.
On m'objectera sans doute que nous n'avons pas à nous occuper des maquettes pédagogiques... Mais j'ai la faiblesse de penser que vous aurez un regard différent sur ce sujet qui concerne toutes les formations.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Vous avez anticipé ma réponse : nous faisons un travail de législateur, pas de doyen de faculté ; aussi ne nous mêlons-nous pas des maquettes. Nous pensons qu'il ne faut pas légiférer, mais nous suivrons l'avis du Gouvernement.
Mme Stéphanie Rist, ministre. - Si nous ouvrons la porte à la définition des maquettes au Parlement, nous n'en sortirons pas. Là n'est pas son rôle. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°23 est retiré.
Article 6
M. le président. - Amendement n°20 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Supprimons la possibilité pour les docteurs juniors de suivre la formation de maître de stage. Cela semble prématuré, alors qu'ils n'ont pas encore le statut de médecin généraliste.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - On ne peut pas demander tout et ne rien faire pour ! Cette possibilité est intéressante pour irriguer les territoires, notamment sous-dotés. Il s'agit d'encourager les étudiants concernés, nullement de les contraindre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. - Nous avons besoin de plus de maîtres de stage. Or la quatrième année vise à former les jeunes médecins à leur exercice futur, et être maître de stage universitaire pourrait faire partie de ce travail. La commission des affaires sociales a déjà assoupli cette disposition. Je m'en remets néanmoins à la sagesse du Sénat.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Après l'article 6
M. le président. - Amendement n°18 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Cet amendement crée une passerelle entre les différentes spécialités médicales afin que les médecins titulaires d'un diplôme d'études spécialisées (DES) puissent se réorienter vers une autre spécialité. À l'heure de l'hyperspécialisation, favoriser les passerelles est utile. Je pense en particulier aux urgentistes, qui ont parfois du mal à se reconvertir comme généralistes. Une commission nationale existe, mais les inégalités territoriales sont importantes. Nous souhaitons un cadre réglementaire qui favorise l'égalité et facilite ces passerelles.
M. le président. - Amendement n°19 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Amendement de repli.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Votre proposition est intéressante, même si je redoute certaines dérives, notamment vers la chirurgie esthétique. Je crains aussi la déstabilisation de certaines spécialités.
Il existait une commission d'équivalences, suspendue en 2021. Quid de la procédure actuelle ? N'est-elle pas trop lourde ?
Je demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°18. Avis défavorable à l'amendement n°19.
Mme Stéphanie Rist, ministre. - Je partage tout à fait votre intention. La médecine scolaire, aussi, est concernée. Mais les discussions sur le sujet sont en bonne voie d'aboutir : laissons-les aller à leur terme. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°18.
Les amendements nos18 et 19 sont retirés.
Chapitre IV : Gage financier
M. le président. - Amendement n°26 de M. Khalifé et Mme Guillotin, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement rédactionnel n°26, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'intitulé du chapitre IV est ainsi modifié.
Avant l'article 7
M. le président. - Amendement n°25 de M. Khalifé et Mme Guillotin, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement de coordination légistique n°25, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
L'article 7 est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Émilienne Poumirol . - Je confirme notre abstention - très bienveillante...
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
Prochaine séance demain, mardi 21 octobre 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à 21 h 20.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 21 octobre 2025
Séance publique
Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente M. Didier Mandelli, vice-président
À 14 h 30 et le soir
. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local (texte de la commission, n°34, 2025-2026) (demande du Président du Sénat)