TITRE II
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Le titre II du projet de loi, qui traite du commerce électronique, regroupe onze articles sous trois chapitres consacrés successivement à la définition des principes généraux régissant le commerce électronique, au régime de la publicité utilisant le support électronique et au droit applicable aux obligations souscrites sous forme électronique.

Sur ce titre, votre commission des Lois s'est saisie pour avis de l'examen du premier et du dernier de ces chapitres.

CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX

Le chapitre Ier comprend quatre articles proposant, outre une définition du commerce électronique et en particulier celle de son champ d'application, les règles de détermination de la loi applicable, les limites au principe de la liberté d'exercice et enfin les exigences formelles destinées à assurer une transparence du fonctionnement du commerce électronique en garantissant l'identification du prestataire.

Article 6
Définition du commerce électronique

Dans sa rédaction issue du projet de loi initial , l'article 6 a pour objet de donner une définition du commerce électronique et en particulier d'en définir le champ ratione materiae en excluant certaines activités désignées par la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. Il propose en outre une définition de la notion d'établissement qui permet de déterminer le cas où une activité de commerce électronique relève de la loi française.

Le premier alinéa donne une définition du commerce électronique applicable aux personnes établies en France et soumet cette activité au régime juridique résultant des dispositions du chapitre Ier du titre II du présent projet de loi. Les éléments de cette définition sont les suivants :

- la finalité de l'activité de commerce électronique est « la fourniture de biens ou la prestation de services ». L'activité considérée consiste à « proposer ou assurer » cette fourniture ou cette prestation. Sont ainsi visés aussi bien les propositions de vente de marchandises dont la livraison passe par les procédés traditionnels que les ventes de biens fournis directement par voie électronique tels que des logiciels téléchargeables ou encore l'accès à des services en ligne comme des bases de données d'informations ;

- l'exigence de l'intervention d'un professionnel : la qualification de commerce électronique nécessite que l'activité consistant à proposer ou assurer la fourniture d'un bien ou une prestation de services soit le fait d'un professionnel. Ce critère exclut du champ du commerce électronique certaines activités proposant des services délivrés gracieusement en ligne, via des forums de discussion ou des sites personnels ;

- le support technique de l'activité et son exercice « à distance » impliquent l'utilisation de l'outil électronique et des réseaux de télécommunication : outre l'Internet, il peut s'agir par exemple du réseau télématique (Minitel), de liaisons spécialisées ou encore, et ce vecteur est en plein essor, le téléphone interactif.

Comme le prévoit le d) de l'article 1 er de la directive du 8 juin 2000 précitée, les trois alinéas suivants (1° à 3°) du présent article excluent du champ du commerce électronique trois types d'activité :

- les jeux d'argent autorisés, y compris ceux prenant la forme de paris ou de loteries ;

- l'activité consistant à représenter une personne ou à l'assister devant les tribunaux ;

- les activités notariales exercées en application des dispositions de l'article 1 er de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat. La directive vise « les activités de notaire ou les professions équivalentes, dans la mesure où elles comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique ».

Selon le considérant n° 12 de la directive, l'exclusion de ces activités du champ du commerce électronique s'explique par le fait que « la libre prestation des services dans ces domaines ne peut être, à ce stade, garantie au regard du traité ou du droit communautaire dérivé existant ».

Le dernier alinéa du présent article définit la notion d'établissement qui permet de déterminer le cas où une activité de commerce électronique relève de la loi française. Est ainsi réputée établie en France la personne qui y est « installée d'une manière stable et durable pour exercer effectivement son activité » indépendamment, quand il s'agit d'une personne morale, du lieu d'implantation de son siège social. Comme l'indique le considérant n° 19 de la directive, cette définition est conforme à celle résultant de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. La directive précise que « le lieu d'établissement d'une société fournissant des services par le biais d'un site Internet n'est pas le lieu où se situe l'installation technologique servant de support au site ni le lieu où son site est accessible, mais le lieu où elle exerce son activité économique » et que, « dans les cas où il est difficile de déterminer, entre plusieurs lieux d'établissement, celui à partir duquel un service donné est fourni, le lieu d'établissement est celui dans lequel le prestataire a le centre de ses activités pour ce service spécifique ».

Par un amendement présenté par sa commission des Affaires économiques, saisie au fond du projet de loi, l'Assemblée nationale a réécrit l'article 6 à l'exception de son dernier alinéa, le Gouvernement ayant donné un avis de sagesse.

Cet amendement a eu pour triple objet :

- de supprimer la mention des domaines d'activité exclus du périmètre du commerce électronique, un amendement de la commission des Lois saisie pour avis la transférant à l'article 7 du projet de loi ;

- de modifier la définition du commerce électronique ;

- de préciser le champ de la responsabilité du « cybercommerçant ».

Concernant la définition du commerce électronique , l'Assemblée nationale a préféré l'expression « s'engage à assurer ... après en avoir reçu la commande » à celle de « propose ou assure ». Si le choix de cette expression tend à souligner l'engagement juridique auquel le commerçant est assujetti dès réception de la commande, elle paraît cependant réductrice dans la mesure où ne serait comprise dans le champ de la définition que la phase « active » du commerce, à l'exclusion de la période pendant laquelle l'offre existe mais n'est pas encore acceptée. Or, il serait dommageable pour les consommateurs que l'offre elle-même, qui engage juridiquement le commerçant, ne soit pas soumise au régime juridique défini par le projet de loi.

L'Assemblée nationale a par ailleurs précisé que l'engagement du commerçant avait comme contrepartie le paiement. Si cela est exact, l'activité commerciale prise dans sa globalité étant une activité à but lucratif, l'exigence de la rémunération ne vaut pas nécessairement pour chaque prestation considérée isolément. Or, il serait préjudiciable à la sécurité du consommateur que certaines prestations, qui peuvent être par exemple des prestations « d'appel » ou tendant à fidéliser une clientèle, échappent au régime juridique applicable au commerce électronique au motif de leur caractère gratuit. Il paraît donc sur ce point plus protecteur de s'en tenir à la définition initiale du projet de loi.

Votre commission des Lois vous soumet donc, par un amendement , une nouvelle définition de l'activité de commerce électronique.

Par ce même amendement, elle vous propose de supprimer le dispositif introduit par l'Assemblée nationale tendant à expliciter que le champ de la responsabilité du cybercommerçant s'étend à toutes les « opérations intermédiaires concourant à la satisfaction finale de la commande ». Ce faisant, les députés ont entendu étendre la responsabilité du vendeur sur Internet à toute la chaîne logistique (préparation de la commande, transport et livraison) afin de « rassurer le client internaute ».

Cependant, et bien que partant d'une intention louable, la modification proposée est au minimum inutile et au surplus dangereuse. En effet, l'étendue de la responsabilité du cybercommerçant découle des liens contractuels établis entre, d'une part, son client et, d'autre part, les différents prestataires qui contribuent à la réalisation de son obligation. Le client internaute ne connaît juridiquement que le cybercommerçant ; il est le seul avec lequel il ait un lien contractuel. Il doit et d'ailleurs ne peut agir que contre lui en cas d'absence d'exécution ou de mauvaise exécution du contrat, à charge pour le cybercommerçant de se retourner contre tel ou tel intermédiaire défaillant. Cette répartition des responsabilités résulte du droit des contrats et toute disposition venant l'expliciter est inutile ; elle présente en outre le risque d'une interprétation a contrario dans d'autres domaines du droit comme la vente à distance puisque l'étendue de la responsabilité du commerçant n'est pas précisée.

L'Assemblée nationale a enfin prévu de différer d'une année l'entrée en vigueur de ce dispositif relatif à l'étendue de la responsabilité du commerçant, ce qui laisse perplexe puisqu'il s'agit seulement d'expliciter un contexte juridique correspondant à ce qui existe déjà. L'amendement de réécriture supprime donc par coordination la mention de ce délai.

Votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 6 ainsi modifié .

Article 7
Liberté d'exercice du commerce électronique -
Détermination de la loi applicable

L'article 7 comportait, dans sa rédaction initiale, deux paragraphes traitant de la liberté d'exercice du commerce électronique sur le territoire national et de ses limites d'une part, de la détermination de la loi applicable , d'autre part. Comme cela a été indiqué précédemment, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Lois, a transféré en tête de l'article, sous une nouvelle subdivision, des dispositions qui figuraient à l'article 6 du projet de loi rappelant que l'activité de commerce électronique ne pouvait s'exercer dans certains domaines (jeux d'argent, représentation en justice, notariat).

Les deux premiers paragraphes (IA et I) traitent donc désormais de la liberté d'exercice du commerce électronique et de ses limites, et le troisième et dernier paragraphe (II) des critères de détermination de la loi applicable. S'agissant de questions dépourvues de lien direct entre elles, il semble préférable de les traiter sous deux articles distincts : votre commission vous propose donc un amendement de réécriture de l'article 7 qui serait désormais exclusivement consacré à la liberté d'exercice du commerce électronique et à ses limites, un second amendement regroupant les dispositions relatives à la détermination de la loi applicable sous un article additionnel après l'article 7.

Le principe de la liberté du commerce électronique est un des aspects du principe de la libre circulation des services de la société de l'information proclamé par la directive du 8 juin 2000, dont le considérant n° 8 affirme que son objectif est de créer un cadre juridique pour assurer cette liberté. Est ici transposé le point 2 de l'article 3 de cette directive aux termes duquel « les Etats membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre Etat membre ». Notons que son article 4 prévoit par ailleurs l'interdiction pour les Etats membres de soumettre le commerce électronique à un régime d'autorisation préalable, sauf dans les cas où un tel régime existe déjà sans concerner spécifiquement les services de la société de l'information.

En écho à la directive, le projet de loi reconnaît des limites à l'exercice de cette liberté qui sont de deux sortes : l'exclusion de certains domaines du champ du commerce électronique, d'une part, qui s'impose à tous les prestataires qu'ils soient ou non établis sur le territoire national et, pour les prestataires établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, l'obligation de respecter certaines législations françaises, d'autre part.

Comme cela a été indiqué précédemment puisque ces dispositions figuraient à l'article 6 du projet de loi initial, sont exclus du champ de la liberté d'exercice du commerce électronique les jeux d'argent, les activités de représentation et d'assistance en justice et les activités notariales. Ces exclusions s'imposent à tous les prestataires des Etats membres de la Communauté européenne, quel que soit leur lieu d'établissement dans le périmètre de la Communauté.

Par ailleurs, les prestataires établis dans un autre Etat membre que la France sont admis à exercer l'activité de commerce électronique sur notre territoire national à la condition de respecter les législations suivantes :

- les dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté européenne dans le domaine de l'assurance, prévues aux articles L. 361-1 à L. 364-1 du code des assurances. Ces articles définissent les conditions dans lesquelles les entreprises d'assurance communautaires sont admises à exercer leur activité, par transposition de plusieurs directives auxquelles l'annexe à la directive du 8 juin 2000 se réfère. Le dispositif juridique prévoit notamment un mécanisme d'agrément préalable et des contrôles mis en oeuvre par la Commission de contrôle des assurances ;

- les dispositions relatives à la publicité et au démarchage des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, prévues à l'article L. 214-12 du code monétaire et financier. La Commission des opérations de bourse, qui devrait prochainement se fondre dans une Autorité des marchés financiers en vertu du projet de loi de sécurité financière en cours d'examen, est chargée de définir les règles applicables ;

- les dispositions relatives aux pratiques anticoncurrentielles et à la concentration économique, figurant sous les titres II et III du livre IV du code de commerce. Ces dispositions prohibent en particulier les actions concertées, les ententes, les abus de position dominante, les pratiques de prix abusivement bas et fixent un cadre juridique pour la mise en oeuvre des opérations de concentration ;

- les dispositions relatives à l'interdiction ou à l'autorisation de la publicité non sollicitée envoyée par courrier électronique, qui figurent au chapitre II du présent projet de loi ;

- les dispositions du code général des impôts ;

- les droits protégés par le code de la propriété intellectuelle.

Par un nouvel amendement , votre commission des Lois vous propose de regrouper sous un article additionnel après l'article 7 les dispositions figurant au II de cet article.

Le paragraphe II transpose le point 1 de l'article 3 de la directive du 8 juin 2000 en posant le principe selon lequel s'applique au commerce électronique la loi du pays d'établissement du prestataire , sous réserve toutefois de la volonté des parties de faire prévaloir une autre loi.

Ce principe de l'applicabilité de la loi du pays d'origine tend à éviter une dispersion des régimes juridiques applicables qui résulterait d'un principe d'applicabilité de la loi du pays du consommateur, principe qui conduirait en outre les prestataires, afin d'éviter d'avoir à gérer la complexité, à se délocaliser hors du périmètre de l'Union européenne.

Le considérant n° 22 de la directive justifie ce choix de la façon suivante : « Le contrôle des services de la société de l'information doit se faire à la source de l'activité pour assurer une protection efficace des objectifs d'intérêt général. Pour cela, il est nécessaire de garantir que l'autorité compétente assure cette protection non seulement pour les citoyens de son propre pays, mais aussi pour l'ensemble des citoyens de la Communauté. Pour améliorer la confiance mutuelle entre les Etats membres, il est indispensable de préciser clairement cette responsabilité de l'Etat membre d'origine des services. En outre, afin d'assurer efficacement la libre prestation des services et une sécurité juridique pour les prestataires et leurs destinataires, ces services de la société de l'information doivent être soumis en principe au régime juridique de l'Etat membre dans lequel le prestataire est établi ».

Le dispositif prévoit cependant trois cas de dérogation au principe de la loi du pays d'origine et à celui du choix de la loi applicable effectué par les parties :

- celui où la mise en oeuvre de l'un de ces principes conduirait à priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire national de la protection résultant des dispositions impératives de la loi française ;

- le cas où cela aurait pour effet de déroger aux règles de forme impératives prévues par la loi française pour les contrats créant ou transférant des droits sur un bien immobilier situé sur le territoire national ;

- le cas, enfin, où cela aurait pour conséquence de déroger aux règles, prévues aux articles L. 181-1 à L. 183-2 du code des assurances, déterminant la loi applicable aux contrats d'assurance pour les risques situés sur le territoire d'un ou plusieurs Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et pour les engagements qui y sont pris.

Sur ce paragraphe, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Lois, a adopté un amendement de précision tendant à éviter que les consommateurs ne soient induits en erreur par la formulation retenue pour la première dérogation susvisée qui laisse à penser qu'en tout état de cause le consommateur bénéficiera de la loi la plus protectrice. Or, ce résultat n'est pas garanti de façon systématique car, en l'absence d'application du principe de la loi du pays d'origine, il est renvoyé au droit commun, c'est-à-dire à la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelle s. Le considérant n° 23 de la directive du 8 juin 2000 précise en effet qu'elle « n'a pas [elle-même] pour objet d'établir des règles supplémentaires de droit international privé relatives aux conflits de loi ni de traiter de la compétence des tribunaux ».

En vertu de la convention de Rome, le choix de la loi régissant le contrat appartient aux parties et, à défaut de volonté commune, son article 4 prévoit que la loi « du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits » est applicable, cette expression désignant « le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale », soit le pays d'établissement du prestataire. Le point 2 de l'article 5 de cette convention énonce cependant une dérogation tendant à protéger le consommateur en rendant applicables les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel ce dernier a sa résidence habituelle . Toutefois, cette protection n'est accordée que si l'une ou l'autre des conditions suivantes est satisfaite :

- la conclusion du contrat a été précédée dans le pays du consommateur d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité et le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat ;

- le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande dans le pays de la résidence principale du consommateur.

Ces critères conduisent à restreindre le champ de la protection du consommateur résultant de l'application de la loi du pays où il a sa résidence principale. Concernant les relations contractuelles entre un prestataire et un consommateur passées à distance par voie électronique, il faudra déterminer au cas par cas quel a été l'initiateur de la relation contractuelle, si l'accessibilité au site pouvait être considérée comme constitutive d'une sollicitation préalable ou si au contraire l'accès au site révèle une démarche du consommateur.

Il apparaît donc, contrairement à ce que la rédaction initiale pouvait laisser penser, que l'exception prévue par le 1° du II de l'article 7 du présent projet de loi n'est pas absolue eu égard aux conditions posées par la convention de Rome, ce qui a conduit l'Assemblée nationale à introduire la référence aux engagements internationaux souscrits par la France pour éviter toute méprise. Bien que de portée purement pédagogique, l'ajout de l'Assemblée nationale semble justifié.

Votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 7 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 7
Détermination de la loi applicable

Votre commission des Lois vous propose, par un amendement de conséquence, d'insérer un article additionnel après l'article 7 pour regrouper les dispositions relatives à la loi applicable aux relations contractuelles en matière de commerce électronique qui figurent, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, au II de l'article 7.

Article 8
Clause de sauvegarde

L'article 8 prévoit une clause de sauvegarde permettant de déroger, dans des cas limitativement énumérés, au principe du libre exercice de l'activité de commerce électronique et procède ainsi à la transposition du point 4 de l'article 3 de la directive.

Les cas dans lesquels une telle dérogation est possible sont les suivants : le maintien de l'ordre et de la sécurité publics, la protection des mineurs, la protection de la santé publique, la préservation des intérêts de la défense nationale, la protection des consommateurs et investisseurs, personnes physiques, à l'exception, pour cette dernière catégorie, de ceux qui sont visés à l'article L. 411-2 du code monétaire et financier. Dans ce dernier cas, est donc exclue la possibilité pour l'autorité administrative de prendre une mesure de sauvegarde restreignant le libre exercice du commerce électronique, en faveur des investisseurs constituant l'entourage des proches dirigeants de l'émetteur d'instruments financiers, ceux qui sont liés à lui par des relations personnelles d'ordre professionnel ou familial. Ces proches, qui sont désignés sous l'appellation collective de « cercle restreint », sont au nombre d'une centaine aux termes de la définition résultant du décret n° 98-880 du 1 er octobre 1998.

Cette énumération fait écho à celle figurant au i) du point 4 de l'article 3 de la directive du 8 juin 2000 qui prévoit que les Etats membres peuvent prendre des mesures dérogatoires à l'encontre d'un service de la société de l'information si elles sont « nécessaires » à :

« - l'ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre les atteintes à la dignité de la personne humaine,

« - la protection de la santé publique,

« - la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,

« - la protection des consommateurs, y compris des investisseurs
».

La nécessité des mesures doit découler de l'existence d' « un risque sérieux et grave » (point ii du a du 4 de l'article 3 de la directive) d'atteinte aux objectifs susvisés. Outre ce principe de nécessité , la directive impose un principe de proportionnalité aux objectifs des mesures prises (point iii du a du 4 de l'article 3 de la directive). Le principe de proportionnalité des mesures de sauvegarde aux objectifs visés est transcrit dans le dispositif du projet de loi par l'idée selon laquelle ces mesures doivent être prises « au cas par cas » ; leur nécessité et leur portée est ainsi appréciée in concreto par l'autorité administrative.

Hormis ces conditions de fond, l'article 3 de la directive impose des conditions de procédure en distinguant deux types de situations : la procédure de droit commun applicable en temps ordinaire, et une procédure d'urgence.

En vertu de la procédure de droit commun, l'Etat membre doit, « préalablement » à l'adoption d'une mesure de sauvegarde, pourvoir à deux exigences d'information (point b du 4 de l'article 3 de la directive) :

- il doit avoir « demandé à l'Etat membre [d'établissement du prestataire] de prendre des mesures » et « ce dernier n'en a pas pris ou elles n'ont pas été suffisantes » ;

- il doit également avoir « notifié à la Commission et à l'Etat membre [concerné] son intention de prendre de telles mesures ».

En cas d'urgence, notion laissée à l'appréciation des Etats membres, une procédure spécifique permet à l'Etat membre de notifier les mesures « dans les plus brefs délais » à la Commission, c'est-à-dire concomitamment à l'adoption desdites mesures ou dès qu'il les a prises. Cette notification doit mentionner « les raisons pour lesquelles l'Etat membre estime qu'il y a urgence ». Le point 6 de l'article 3 précise que « sans préjudice de la faculté pour l'Etat membre de prendre et d'appliquer les mesures en question, la Commission doit examiner dans les plus brefs délais la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire » et que « lorsqu'elle parvient à la conclusion que la mesure est incompatible avec le droit communautaire, la Commission demande à l'Etat membre concerné de s'abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d'urgence aux mesures en question ».

Concernant la procédure à suivre et les conditions dans lesquelles l'autorité administrative prendra des mesures de sauvegarde, le dispositif de l'article 8 se contente de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat.

Sur le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination . En effet, les personnes exerçant l'activité de commerce électronique sont désormais visées au seul article 7 et non aux articles 6 et 7.

Elle a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 8 ainsi modifié .

Article 9
Obligation de transparence des prestataires en ligne

Conformément à l'objectif fixé par le considérant n° 30 de la directive du 8 juin 2000 aux termes duquel « dans l'intérêt de la protection des consommateurs et de la loyauté des transactions, les communications commerciales [...] doivent respecter un certain nombre d'obligations relatives à la transparence », le présent article du projet de loi transpose le principe de transparence résultant de l'article 5 de ladite directive.

L'article 9 du projet de loi initial reprend fidèlement les six rubriques figurant à l'article 5 de la directive répertoriant les informations qui doivent être portées par le prestataire à la connaissance du client potentiel. Il est en outre plus exigeant que la directive en ce qui concerne le champ d'application de l'obligation d'information et vient préciser les modalités d'accès à cette information.

Concernant le champ d'application de l'obligation de transparence , le projet de loi faisait peser celle-ci tant sur la personne qui exerce directement l'activité de commerce électronique que sur « tout prestataire concourant directement à la transaction ». Il s'agissait, selon le rapport établi au nom de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale 34( * ) , de soumettre à la même exigence de transparence les prestataires sous-traitants chargés des commandes, des paiements ou encore des livraisons. Cette exigence élargie paraissant difficile à mettre en oeuvre en pratique dans la mesure où les prestations qu'ils assurent ne sont pas, bien souvent, exercées « en ligne » et pas nécessairement justifiée dans la mesure où le client a juridiquement pour seul interlocuteur le prestataire lui-même, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Affaires économiques, a fait disparaître du premier alinéa cette mention relative à « tout prestataire concourant directement à la transaction » à l'occasion d'une réécriture globale de l'article 9.

Reprenant les termes mêmes de la directive du 8 juin 2000, le dispositif de l'article 9 exige que l'accès aux informations soit « facile, direct et permanent » et précise que les informations dont la diffusion est requise doivent figurer non seulement « sur la page d'accueil » mais également « sur chacune des pages visionnées par le client à partir du moment où il commence la transaction ». Ces précisions concrètes semblent relever davantage du domaine réglementaire que de la loi bien que mettant l'accent sur la nécessité de porter les informations relatives au prestataire à la connaissance du client potentiel dès la page d'accueil, soit en amont de toute transaction. L'Assemblée nationale a, avec raison, fait disparaître du dispositif ces mentions qui relèvent du décret.

Les six informations qui doivent être affichées aux termes du projet de loi initial reprenant les rubriques de la directive sont :

- la dénomination du prestataire, ses nom et prénoms s'il s'agit d'une personne physique et sa raison sociale s'il s'agit d'une personne morale ;

- l'adresse géographique d'établissement du prestataire ainsi que son adresse de courrier électronique. L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Affaires économiques, a ajouté la mention du numéro de téléphone du prestataire ;

- pour les prestataires assujettis à l'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro d'immatriculation. Le projet de loi exige également la mention du montant du capital social et l'adresse du siège social, qui ne coïncide pas nécessairement avec celle de l'établissement ;

- lorsque l'activité est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que le prestataire est identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, le numéro individuel d'identification ;

- lorsqu'il s'agit d'une activité soumise à un régime d'autorisation, les coordonnées (nom et adresse) de l'autorité ayant délivré l'autorisation ;

- lorsque le prestataire exerce une profession réglementée, la référence des règles professionnelles applicables, le titre professionnel et l'Etat membre dans lequel il a été octroyé, le nom de l'ordre ou de l'organisme professionnel auprès duquel le prestataire est inscrit.

Notons que le projet de loi ne transcrit pas le point 2 de l'article 5 de la directive du 8 juin 2000 en vertu duquel les prix doivent être « indiqués de manière claire et non ambiguë » et doit être précisé « si les taxes et les frais de livraison sont inclus ». En effet, cette dernière exigence entre dans le champ de l'obligation générale de respect de la loi de l'Etat membre où le prestataire est établi résultant de l'article 7. En France, cette obligation est prévue, concernant les prix des produits offerts aux consommateurs, par un arrêté du 3 décembre 1987 et, pour les prix des produits offerts aux professionnels, par l'article L. 441-3 du code de commerce.

Concernant les informations dont l'affichage est exigé, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Affaires économiques, a supprimé les trois rubriques correspondant au numéro d'immatriculation à un registre, à l'identification de l'autorité ayant délivré l'autorisation d'exercer l'activité et les références de la profession réglementée à laquelle l'activité se rattache. Un sous-amendement présenté par le Gouvernement a renvoyé à un décret la détermination des mentions obligatoires qui ne figurent pas dans la loi. Enfin, à l'initiative du groupe socialiste, l'Assemblée nationale a ajouté une rubrique nouvelle excédant les exigences de la directive : elle impose de porter à la connaissance des clients potentiels les références des logiciels utilisés pour effectuer les transactions et de garantir la confidentialité des informations personnelles circulant sur le réseau ainsi que l'indication de la disponibilité du code source.

Tout en approuvant les simplifications opérées par l'Assemblée nationale dans la rédaction du premier alinéa de l'article 9 et la précision apportée à la rubrique concernant les coordonnées du prestataire, votre commission des Lois considère qu'une exacte transposition de la directive du 8 juin 2000 nécessite de rétablir la référence aux trois rubriques supprimées par l'Assemblée nationale. Le simple fait qu'elles ne trouvent pas systématiquement à s'appliquer ne constitue pas une raison suffisante pour les faire disparaître de la loi et opérer par renvoi à un décret. Ce faisant, le législateur se situerait en effet en retrait de sa compétence et on aboutirait à la situation dans laquelle certaines obligations de transparence résulteraient de la loi et pourraient être sanctionnées tandis que d'autres obligations de transparence, dont l'importance ne paraît pas moindre, résulteraient d'un simple décret. En outre, il paraît exclu de prévoir qu'un décret puisse « adapter l'application » de la loi car cela reviendrait à une habilitation déguisée donnée au pouvoir réglementaire, ce qui n'est pas conforme à la Constitution.

Pour toutes ces raisons, votre commission des Lois vous soumet un amendement ayant pour objet de rétablir au sein de l'article 9 les trois rubriques qui ont été supprimées par l'Assemblée nationale et de supprimer en conséquence l'alinéa renvoyant à un simple décret le soin de préciser et compléter la portée de l'obligation de transparence. Cet amendement supprime également la mention introduite par l'Assemblée nationale, relative aux références des logiciels utilisés et à l'indication de la disponibilité de leur code source, qui excède les exigences de la directive et risque de surcharger l'information délivrée aux internautes.

Le dernier alinéa de l'article 9, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, se réfère à plusieurs articles du code de commerce pour déterminer les conditions dans lesquelles les « infractions aux dispositions du présent article sont recherchées et constatées ». Sont ainsi visés :

- les premier, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 450-1 qui prévoient que le pouvoir de procéder aux enquêtes nécessaires est dévolu, sur l'ensemble du territoire national, à des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie, ou par le garde des sceaux sur proposition du ministre chargé de l'économie, ces derniers ne pouvant agir que sur commission rogatoire ;

- l'article L. 450-2 qui prévoit que les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux ;

- l'article L. 450-3 qui précise que les enquêteurs peuvent accéder à tous locaux ou véhicules à usage professionnel, demander communication des livres, factures et tous documents professionnels et en prendre copie, ainsi que faire procéder à toute expertise contradictoire ;

- l'article L. 450-4 qui définit le cadre juridique des visites sur place et des saisies ;

- l'article L. 450-7 qui prévoit le libre accès aux documents et éléments d'information détenus par les services et établissements de l'Etat et des autres collectivités publiques ;

- l'article L. 450-8 qui punit de six mois d'emprisonnement et de 7.500 € d'amende le fait d'entraver les démarches des enquêteurs ;

- l'article L. 470-1 qui prévoit la possibilité de condamner solidairement les personnes morales au paiement des amendes prononcées contre leurs dirigeants ;

- l'article L. 470-5 qui offre la possibilité au ministre chargé de l'économie de déposer des conclusions devant les juridictions civiles ou pénales et de produire des procès-verbaux et rapports d'enquête.

Votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 9 ainsi modifié .

Page mise à jour le

Partager cette page