Avis n° 346 (2019-2020) de Mme Catherine DI FOLCO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 25 février 2020

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N° 346

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant ,

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1116 , 2611 et T.A. 393

Sénat :

288 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Réunie le 25 février 2020 sous la présidence de Philippe Bas (Les Républicains - Manche), la commission des lois a examiné le rapport pour avis de Catherine di Folco (apparentée Les Républicains - Rhône) sur la proposition de loi visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant , renvoyée au fond à la commission des affaires sociales.

Déposé par le député Guy Bricout (UDI Agir et Indépendants - Nord), ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 30 janvier dernier. Il a toutefois été amputé de sa principale mesure - l'allongement à deux semaines du congé de deuil des salariés - et ne concerne que le secteur privé.

La commission des lois a veillé, dans un souci d'équité, à accorder les mêmes garanties aux agents publics et aux salariés de droit privé . Elle a adopté deux amendements pour mieux accompagner les fonctionnaires et les agents contractuels dans cette épreuve, en leur permettant notamment de s'absenter pendant trois semaines de leur poste de travail.

I. LES AGENTS PUBLICS FACE AU DÉCÈS D'UN ENFANT

A. UNE SITUATION PARTICULIÈREMENT DOULOUREUSE

En 2017, 6 500 jeunes de moins de 25 ans ont perdu la vie, dont 3 943 mineurs 1 ( * ) . La perte d'un enfant constitue « sans doute la plus douloureuse épreuve que peut rencontrer un parent au cours d'une vie », comme l'a écrit Guy Bricout 2 ( * ) .

Il n'existe aucune donnée statistique concernant le nombre d'agents publics concernés, ce qui s'explique notamment par « le caractère exceptionnel de cet évènement, certes très douloureux et pouvant avoir des effets psychologiques graves, mais numériquement très marginal » 3 ( * ) .

B. DES RÈGLES PEU LISIBLES ET SOUVENT MOINS FAVORABLES QUE DANS LE SECTEUR PRIVÉ

• Un droit peu lisible

Lorsqu'ils perdent un membre de leur famille, les agents publics peuvent bénéficier d' autorisations spéciales d'absence (ASA) . Leur durée varie toutefois d'un versant à l'autre.

En application de l'instruction ministérielle du 23 mars 1950, les agents de l'État peuvent s'absenter pendant trois jours ouvrables en cas de décès de leur enfant . Cette ASA ne constitue pas un droit mais une « simple mesure de bienveillance de la part de l'administration », que les chefs de service peuvent accorder à titre facultatif.

Dans les versants hospitalier et territorial, la durée des ASA est laissée à la libre appréciation des employeurs . Selon Philippe Laurent, chaque collectivité territoriale « a développé sa propre doctrine », avec des « degrés de générosité aléatoires : pour le décès d'un proche, la répartition s'effectue entre trois jours (36 %) et cinq jours (55 %) et pour un autre membre de la famille 41 % des agents bénéficient d'un jour, 21 % de deux jours et 25 % de trois jours » 4 ( * ) . Cette situation reste peu lisible pour les agents et difficile à gérer pour les managers .

Pour sortir de l'ambiguïté, l a loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique habilite le Gouvernement à préciser , par décret en Conseil d'État, la liste des ASA dans les trois versants ainsi que leurs conditions d'octroi 5 ( * ) . Ce décret est en cours de préparation ; sa publication est attendue au printemps 2020.

• Des garanties souvent plus faibles que dans le secteur privé

Les autorisations spéciales d'absence sont assimilées à un temps de travail effectif : les agents publics conservent leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits, notamment pour le calcul de leur ancienneté et de leur pension de retraite. Leurs jours d'absence ne génèrent toutefois aucun congé payé et les agents peuvent perdre certaines de leurs primes.

Ces garanties restent plus faibles que dans le secteur privé : les salariés bénéficient, de droit, d'un congé de deuil 6 ( * ) , dont la durée a été portée de deux à cinq jours en 2016 . Il s'agit d'une durée minimale, qui peut être augmentée par un accord collectif au niveau de l'entreprise ou de la branche. Ce congé est pris en compte dans le calcul des congés payés.

Comparaison entre les secteurs privé et public
(droit en vigueur)

Fonction publique

Droit du travail

Dispositif

Autorisations spéciales d'absence

Congé de deuil

Durée

3 jours
(dans la fonction publique de l'État)

5 jours
( avec une possibilité d'allongement
par les partenaires sociaux)

Procédure d'octroi

Sur décision du chef de service

De droit

Prise en compte dans le calcul des congés payés

Non

Oui

Source : commission des lois du Sénat

C. DES CONGÉS INADAPTÉS AU DÉCÈS BRUTAL D'UN ENFANT

Outre les autorisations spéciales d'absence, les agents publics qui perdent un enfant peuvent prendre des congés payés ou être placés en arrêt maladie . Dans ce dernier cas, leur premier jour d'arrêt - le jour de carence - est décompté de leur traitement.

D'autres congés existent pour accompagner un enfant malade, avec une prise en charge partielle par l'assurance maladie : le congé de proche aidant , que le Sénat a étendu à la fonction publique 7 ( * ) , le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale .

Depuis la loi « Mathys » du 9 mai 2014 8 ( * ) , les collègues peuvent également faire don de leurs jours de repos aux parents d'un enfant malade et aux proches aidants . Ces dons expriment « une volonté de solidarité et d'entraide mutuelle » au sein des services 9 ( * ) .

Le don de jours : l'exemple du ministère de l'intérieur 10 ( * )

En 2017, 810 agents du ministère ont fait don d'un ou plusieurs jours de repos à leurs collègues 11 ( * ) , ce qui représente 2 174 jours donnés.

46 agents ont bénéficié de ce dispositif , pour un total de 1 485 jours de repos. Chaque agent peut recevoir, au maximum, 90 jours par année et par enfant malade .

Le reliquat - soit 689 jours - a été donné sans bénéficiaire attitré, le service des ressources humaines pouvant les attribuer aux agents qui remplissent les critères fixés par le droit en vigueur.

Ces dispositifs constituent des garanties essentielles pour les agents publics. S'inscrivant dans le cadre d'un parcours de soins, ils restent toutefois inadaptés en cas de décès brutal de l'enfant . À titre d'exemple, le congé de présence parentale cesse dès le décès de l'enfant et le congé de solidarité familiale prend fin dans les trois jours qui suivent.

II. UN TEXTE QUI DOIT ÊTRE ÉTENDU AUX AGENTS PUBLICS

A. UNE OCCASION MANQUÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les travaux de l'Assemblée nationale constituent une occasion manquée à un double titre .

D'une part, les députés ont supprimé l'allongement de cinq à douze jours du congé de deuil dans le secteur privé , contre l'avis de l'auteur de la proposition de loi. Ils ont privilégié des dispositifs alternatifs, notamment pour faciliter le don de jours de repos ou la prise de congés payés.

D'autre part, le texte de l'Assemblée nationale ne couvre que les salariés du secteur privé. Il omet ainsi les 5,33 millions d'agents publics
-fonctionnaires, contractuels et militaires - qui représentent pourtant 21 % de la population active . Certains députés ont regretté cette lacune en séance publique, sans y remédier.

B. LES CONDITIONS D'APPLICATION À LA FONCTION PUBLIQUE

Dans un souci d'équité, la proposition de loi doit être étendue aux trois versants de la fonction publique, tout en prenant en compte ses spécificités 12 ( * ) . Les employeurs publics semblent tout à fait favorables à cette démarche, comme l'ont démontré les auditions du rapporteur.

Ce texte invite à l'empathie mais également à la modestie : aucun congé n'effacera la douleur des parents, quelles que soient sa durée ou ses modalités d'octroi. Comme l'a souligné Guy Bricout, « faire le deuil d'un enfant prend des années, voire toute une vie » 13 ( * ) . Chaque parent réagit comme il le peut dans cette épreuve, qui laisse une trace indélébile.

Au-delà du texte, c'est un véritable parcours d'accompagnement qui doit être proposé aux parents , en simplifiant leurs démarches administratives et en leur permettant, lorsqu'ils le souhaitent, de consulter des médecins spécialisés et des psychologues.

III. LES AMENDEMENTS DE LA COMMISSION DES LOIS : DE NOUVELLES GARANTIES POUR LES AGENTS PUBLICS

A. DE NOUVELLES AUTORISATIONS SPÉCIALES D'ABSENCE

La commission des lois souhaite porter à trois semaines la durée d'absence des agents ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens de la sécurité sociale, par cohérence avec les amendements de la rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur privé.

Conformément aux règles générales de la fonction publique, l'absence des agents ne pourrait toutefois pas excéder 31 jours consécutifs (en additionnant les ASA et les congés payés) 14 ( * ) .

Inscrit dans la « loi Le Pors » de 1983 15 ( * ) , ce dispositif s'appliquerait de manière uniforme à l'ensemble des agents publics .

Les agents bénéficieraient d'une première autorisation spéciale d'absence de cinq jours (contre trois jours aujourd'hui dans la fonction publique de l'État) , quel que soit l'âge de l'enfant .

Cette première ASA devrait être prise au moment du décès. Elle permettrait de préparer les obsèques de l'enfant - qui doivent avoir lieu dans les six jours qui suivent le décès - et de procéder aux premières démarches administratives .

Lorsque l'enfant est âgé de moins de 25 ans ou à charge au sens de la sécurité sociale, les agents bénéficieraient d'une seconde autorisation spéciale d'absence de dix jours supplémentaires .

Cette seconde ASA pourrait être prise de manière fractionnée , dans un délai de six mois à compter du décès 16 ( * ) . Elle permettrait à l'agent d' achever les procédures administratives et d' entamer sa reconstruction .

Le périmètre de l'ASA complémentaire

- Les enfants de moins de 25 ans

Initialement, la proposition de loi concernait uniquement les enfants mineurs.

Cette question de l'âge soulève de nombreuses interrogations et il n'existe aucune vérité en cette matière . Il y aura toujours des effets de seuil , qu'il sera difficile de justifier auprès des familles endeuillées.

L'amendement de la commission des lois s'appuie toutefois sur un critère juridique : les étudiants peuvent rester rattachés au foyer fiscal de leurs parents jusqu'à l'âge de 25 ans. Sur le plan sociologique, les chiffres de l'INSEE démontrent une mortalité importante entre 19 et 25 ans , avec 2 102 décès en 2017 (contre 840 décès pour les mineurs âgés de 12 à 18 ans).

- Les enfants à charge au sens de la sécurité sociale

Cette notion permet d'inclure les enfants qui, sans avoir de filiation directe avec les agents publics, sont à leur charge . Elle couvre notamment les enfants de leur conjoint, partenaire de PACS ou concubin.

L'administration considère généralement qu'un enfant peut rester à charge jusqu'à l'âge de 20 ans 17 ( * ) . Il conviendrait, en l'espèce, de prendre comme référence l'âge de 25 ans, par cohérence avec les enfants ayant un lien de filiation avec les agents publics.

Les autorisations spéciales d'absence pour le deuil d'un enfant

Source : commission des lois du Sénat

Les autorisations spéciales d'absence seraient accordées de droit et assimilées à un temps de travail effectif , les agents conservant leur traitement indiciaire. Par cohérence avec le secteur privé, elles seraient prises en compte pour le calcul des congés payés .

À ce stade, cette mesure serait financée par les employeurs publics. Le Gouvernement pourrait toutefois envisager une prise en charge partielle par la sécurité sociale, qu'il est le seul à pouvoir proposer en vertu des règles de recevabilité financière de l'article 40 de la Constitution.

B. L'EXTENSION DES DONS DE JOURS

Dans une logique de solidarité, les agents pourraient faire don d'un ou plusieurs jours de repos à un collègue ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou dont il assumait la charge 18 ( * ) . Les modalités d'application de ce dispositif seraient précisées par décret en Conseil d'État.

Sur le plan pratique, la commission des lois invite le Gouvernement à simplifier les procédures pour encourager les agents publics à donner des jours de repos .

Il existe des garde-fous légitimes : pour préserver la santé des agents publics, leurs jours de récupération et leurs 20 premiers jours de congés payés ne peuvent pas être « transférés » à un collègue.

D'autres règles paraissent toutefois superfétatoires . À titre d'exemple, les agents doivent obtenir l'accord de leur chef de service pour donner des jours de repos, alors qu'une simple information pourrait suffire.

*

* *

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption
de ses amendements, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi
.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er bis (nouveau)
Autorisations spéciales d'absence pour les agents publics ayant perdu un enfant

L'amendement de la commission des lois - créant l'article 1 er bis - augmente la durée des autorisations spéciales d'absence (ASA) accordées aux agents publics qui perdent un enfant , aujourd'hui fixées à trois jours dans la fonction publique de l'État.

Les fonctionnaires et les agents contractuels bénéficieraient ainsi :

- d' une première ASA de cinq jours , à prendre au moment du décès ;

- d' une seconde ASA de dix jours lorsque l'enfant est âgé de moins de vingt-cinq ans ou est à charge au sens de la sécurité sociale, à prendre dans un délai de six mois à compter du décès.

1. Le droit en vigueur : des garanties insuffisantes pour les agents publics

1.1. Les autorisations spéciales d'absence : un dispositif qui varie d'un versant à l'autre

• Des règles peu lisibles

Conformément à l'instruction ministérielle toujours en vigueur du 23 mars 1950 19 ( * ) , les agents de l'État peuvent bénéficier de trois jours ouvrables d'autorisation spéciale d'absence (ASA) lorsqu'ils perdent leur père, leur mère ou un de leurs enfants. Cette durée d'absence peut être majorée de quarante-huit heures afin de tenir compte des délais de transport pour se rendre aux obsèques.

Le calcul des jours d'absence

Sur le plan technique, il convient de distinguer :

- les jours calendaires , qui correspondent à tous les jours de l'année ;

- les jours ouvrables , qui correspondent aux jours de la semaine hors le jour de repos hebdomadaire (le dimanche le plus souvent) et les jours fériés non travaillés ;

- les jours ouvrés , qui correspondent aux jours effectivement travaillés.

En règle générale, la semaine d'un agent à temps complet comprend sept jours calendaires, six jours ouvrables et cinq jours ouvrés.

D'après l'instruction ministérielle, ces autorisations d'absence « ne constituent aucunement un droit » pour les agents de l'État mais « de simples mesures de bienveillance de la part de l'administration » . Les chefs de service peuvent les accorder à titre facultatif, « toujours sous leur responsabilité personnelle » et en prenant en compte les nécessités du service.

Le régime juridique des autorisations spéciales d'absence

Outre les décès, les autorisations spéciales d'absence (ASA) portent essentiellement sur des événements familiaux (mariage de l'agent, garde d'un enfant, rentrée scolaire, etc .). Elles peuvent également concerner l'exercice d'un mandat électif ou des événements plus ponctuels (passage d'un concours, don du sang, etc .).

Ces autorisations d'absence nécessitent, le plus souvent, l'accord du chef de service . Certaines sont toutefois accordées de droit, notamment lorsque l'agent participe au jury d'une cour d'assises 20 ( * ) .

Elles sont assimilées à un temps de travail effectif : les agents conservent leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits à avancement, à la promotion interne et à la formation.

Les ASA ne génèrent toutefois aucun congé payé ni aucun RTT. Les agents peuvent également perdre certaines primes, dont le calcul peut dépendre de l'exercice effectif des fonctions 21 ( * ) .

Directement liées à un fait générateur, les ASA doivent être prises « lors de la survenance de l'évènement pour lequel elles sont accordées ». Elles ne peuvent « pas être reportées à une autre date ni être octroyées quand l'agent est en congé pour maladie ou absent pour tout motif régulier » 22 ( * ) .

Dans la plupart des cas, les ASA ne peuvent pas être fractionnées . À titre dérogatoire, l'agent peut toutefois s'absenter six jours par an pour soigner un enfant malade ou en assurer la garde (par exemple, en cas de fermeture de l'école). Ces jours peuvent être pris de manière discontinue, à différents moments de l'année 23 ( * ) .

Les ASA sont intégralement prises en charge par l'employeur , à la différence des congés maladie et de parentalité (qui sont financés par la sécurité sociale).

Dans les versants hospitalier et territorial, la durée des autorisations spéciales d'absence est laissée à la libre appréciation des employeurs .

Le Gouvernement n'a jamais pris le décret prévu en 1984 24 ( * ) pour préciser les règles applicables dans la fonction publique territoriale. Toute collectivité peut donc adopter des délibérations pour définir son régime d`ASA, après avis du comité technique 25 ( * ) . L'autorité hiérarchique s'assure ensuite que ces absences ne remettront pas en cause le fonctionnement normal du service 26 ( * ) .

Dans son rapport sur le temps de travail dans la fonction publique 27 ( * ) , Philippe Laurent constate que chaque collectivité « a développé sa propre doctrine » , avec des « degrés de générosité aléatoires : pour le décès d'un proche la répartition s'effectue entre trois jours (36 %) et cinq jours (55 %) et pour un autre membre de la famille 41 % des agents bénéficient d'un jour, 21 % de deux jours et 25 % de trois jours ».

Cette situation présente un double inconvénient : elle reste peu lisible pour les agents , « qui ne connaissent pas forcément les subtilités » du droit en vigueur, et difficilement gérable pour les managers , « sur l'appréciation desquels repose une bonne partie des autorisations avec des risques d'incompréhension de part et d'autre selon la personnalité du manager et la culture du service ».

L'article 45 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 28 ( * ) doit permettre d'harmoniser le droit applicable , y compris en cas de décès d'un enfant.

Un décret en Conseil d'État doit déterminer la liste des autorisations spéciales d'absence ainsi que leurs conditions d'octroi et préciser celles qui seront accordées de droit. Ce décret est en cours de préparation et pourrait être publié au printemps 2020, après passage devant le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

• Des règles souvent moins favorables que dans le secteur privé

Dans le secteur privé, les salariés bénéficient d'un congé de deuil pour le décès d'un enfant 29 ( * ) , dont la durée a été portée de deux à cinq jours en 2016 30 ( * ) . Il s'agit d'une durée minimale, qui peut être augmentée par un accord collectif au niveau de l'entreprise ou de la branche.

Ce congé est intégralement financé par l'employeur. Contrairement à la fonction publique, il est octroyé de droit et pris en compte dans le calcul des congés payés .

1.2. Les congés : des garanties essentielles mais inadaptées au décès brutal d'un enfant

Lorsqu'ils perdent un enfant, les agents publics peuvent également prendre des congés payés (dans la limite de leurs droits acquis) ou être placés en arrêt maladie . Dans cette dernière hypothèse, leur premier jour d'arrêt - le jour de carence - est toutefois décompté de leur traitement 31 ( * ) .

Les lois statutaires prévoient d'autres congés pour accompagner un enfant gravement malade : le congé de proche aidant , que le Sénat a étendu à la fonction publique 32 ( * ) , le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale .

Ces trois congés peuvent être « fractionnés » pour mieux s'adapter aux besoins de l'enfant. Ils sont pris en charge par la sécurité sociale - qui verse une allocation journalière aux bénéficiaires -, non par l'employeur.

Ils sont toutefois inadaptés en cas de décès brutal d'un enfant , notamment parce qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'un parcours de soins et d'accompagnement. À titre d'exemple, le congé de présence parentale cesse dès le décès et le congé de solidarité familiale prend fin dans les trois jours qui suivent.

Les congés prévus par les lois statutaires

Motif

Durée

Rémunération par l'employeur

Congé de présence parentale

Soigner un enfant à charge dont la maladie, l'accident ou le handicap présente une particulière gravité rendant indispensable une présence soutenue de ses parents et des soins contraignants

310 jours ouvrés sur une période de 36 mois

NON, mais versement par la sécurité sociale de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP)

Congé de proche aidant

Accompagner un proche 33 ( * ) qui présente un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité

3 mois renouvelables, dans la limite d'un an sur l'ensemble de la carrière

NON, mais versement de l'allocation journalière du proche aidant

Congé de solidarité familiale

Accompagner un membre de sa famille 34 ( * ) qui souffre d'une pathologie mettant en jeu son pronostic vital ou qui est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable

3 mois, renouvelables une fois

NON, mais versement de l'allocation journalière d'accompagnement à domicile d'une personne en fin de vie

Source : commission des lois du Sénat

2. L'amendement de la commission des lois : de nouvelles autorisations spéciales d'absence en cas de décès de l'enfant

En cas de décès d'un enfant, la commission des lois souhaite accorder les mêmes garanties aux agents publics - fonctionnaires et contractuels - qu'aux salariés de droit privé.

Elle propose de recourir aux autorisations spéciales d'absence sans qu'il soit besoin de créer de nouveaux congés. Plus simple sur le plan juridique, ce choix permet, selon la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, « d' assurer une application à l'ensemble des catégories d'agents publics en même temps . En revanche, l'option de la création d'un congé par la loi ne concerne que les fonctionnaires. Il serait alors nécessaire, sauf indication expresse par la loi qui ne serait pas nécessaire et constituerait un précédent, de transposer ce congé pour les contractuels de droit public [...] pour lesquels les congés sont prévus par voie réglementaire » 35 ( * ) .

Par cohérence avec le secteur privé, les agents publics bénéficieraient d'une première autorisation spéciale d'absence de cinq jours ouvrables , quel que soit l'âge de l'enfant .

Cette première ASA, qui est aujourd'hui limitée à trois jours dans la fonction publique de l'État, devrait être prise au moment du décès , sans possibilité de fractionnement. Elle permettrait notamment d'organiser les obsèques de l'enfant 36 ( * ) et de procéder aux démarches administratives afférentes.

Lorsque l'enfant est âgé de moins de 25 ans ou à charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, les fonctionnaires et les agents contractuels bénéficieraient d'une seconde autorisation spéciale d'absence de dix jours ouvrables .

Cette seconde ASA pourrait être fractionnée dans un délai de six mois à compter du décès . Elle permettrait à l'agent d'achever les procédures administratives et d'entamer sa reconstruction.

Les jours non consommés ne pourraient pas être reportés ni figurer dans un compte épargne-temps.

Au total, les agents publics qui perdent un enfant de moins de 25 ans ou à charge pourraient s'absenter pendant trois semaines de leur poste de travail . Conformément aux règles générales de la fonction publique, leur absence ne pourrait toutefois pas excéder 31 jours consécutifs (en additionnant les ASA et les congés payés) 37 ( * ) .

Ces absences seraient accordées de droit . Elles seraient assimilées à un temps de travail effectif , les agents conservant leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits à formation et à la retraite. Par cohérence avec le secteur privé 38 ( * ) , elles seraient prises en compte pour le calcul des congés payés .

À ce stade, cette mesure serait financée par les employeurs publics . Le Gouvernement pourrait toutefois envisager une prise en charge partielle par la sécurité sociale, qu'il est le seul à pouvoir proposer en vertu des règles de recevabilité financière de l'article 40 de la Constitution.

Comparaison des dispositifs

Droit en vigueur

Amendement de la commission des lois

Durée de l'absence

Perte d'un enfant de 25 ans ou plus

3 jours ouvrables (dans la fonction publique de l'État)

5 jours ouvrables

Perte d'un enfant de moins de 25 ans ou à charge

5 jours ouvrables (première ASA) puis 10 jours ouvrables (seconde ASA)

Procédure

Sur décision du chef de service

Bénéfice de droit

Fractionnement

Non

Non pour la première ASA

Oui pour la seconde ASA

Maintien du traitement indiciaire

Oui

Prise en compte dans les droits à la retraite et à la formation

Oui

Prise en compte dans le calcul des congés payés

Non

Oui

Imputation sur les congés payés

Non

Financement

Employeur

Employeur (dans l'attente d'une éventuelle compensation par la sécurité sociale)

Source : commission des lois du Sénat

En application de l'article L. 4138-5 du code de la défense, il appartiendra au Gouvernement d'étendre ce dispositif aux permissions des militaires , qui relèvent d'un décret en Conseil d'État.

La commission des lois propose d'adopter cet article 1 er bis ainsi rédigé .

Article 2
Don de jours de repos en faveur
des agents publics ayant perdu un enfant

L'amendement de la commission des lois autorise les agents civils et militaires à donner des jours de repos à leurs collègues ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens de la sécurité sociale .

Il s'inscrit dans la même logique que l'amendement déposé par la rapporteure de la commission des affaires sociales, qui couvre le secteur privé.

1. Le don de jours de repos, un acte de solidarité

1.1. Un dispositif récent, réservé à certaines hypothèses

La loi « Mathys » du 9 mai 2014 39 ( * ) permet aux actifs de donner des jours de repos à un collègue qui assume « la charge d'un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ».

Son article 2 renvoie à des décrets en Conseil d'État l'application de cette disposition aux « agents publics civils et militaires ». Ces décrets ont été pris plus d'un an plus tard, le 28 mai 2015 40 ( * ) .

Comme l'a souligné la sénatrice Catherine Deroche, le don de jours de repos permet aux actifs « d'exprimer leur volonté de solidarité et d'entraide mutuelle afin de permettre aux familles traversant des moments de grande douleur de concilier leur vie professionnelle avec l'un des événements les plus tragiques de l'existence qu'est la maladie d'un enfant » 41 ( * ) .

En 2018 42 ( * ) , ce dispositif a été étendu aux proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap . Les décrets relatifs à la fonction publique ont été adaptés en conséquence.

1.2. Un dispositif encadré

• Le donateur

Après accord de son chef de service, tout agent public peut donner un jour de repos à un collègue relevant du même employeur . Il peut même effectuer plusieurs dons sur une même année, au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires 43 ( * ) .

Ces dons sont anonymes et sans contrepartie . Ils sont strictement encadrés : les agents doivent garder au moins 20 jours de congés payés ainsi que leurs jours de repos récupérateur 44 ( * ) .

Don de jours de repos

Jours pouvant faire l'objet d'un don

Jours exclus du dispositif

Congés payés annuels, au-delà du 20 ème jour ouvré

Jours de repos récupérateur

Jours épargnés sur un compte épargne-temps (CET)

Jours de congé bonifié 45 ( * )

Jours d'aménagement et de réduction du temps de travail (RTT)

Source : commission des lois du Sénat

Les dons sont comptabilisés en jours entiers, quelle que soit la quotité de travail des agents.

• Le bénéficiaire du don

Pour recevoir des dons de jours de repos, le bénéficiaire doit :

- confirmer par écrit son accord ;

- et justifier qu'il remplit les conditions fixées par le droit en vigueur, par exemple en fournissant un certificat médical attestant de la gravité de la maladie de son enfant.

Le calendrier des congés est déterminé avec le chef de service. Ces jours peuvent être mobilisés même lorsque le bénéficiaire n'a pas épuisé ses propres droits à congé.

Le congé est assimilé à une période de service effectif . Le bénéficiaire conserve son droit à rémunération, « à l'exclusion des primes et indemnités non forfaitaires qui ont le caractère de remboursement de frais et au titre des primes non forfaitaires qui sont liées à l'organisation et au dépassement du cycle de travail » 46 ( * ) .

La durée totale du congé est limitée à 90 jours par année civile et par enfant pour les agents civils et à 30 jours renouvelables pour les militaires .

Don de jours de repos : les modalités d'utilisation des jours d'absence 47 ( * )

« En fonction des besoins de l'agent, l'absence pourra prendre la forme :

- d'un congé pris en une seule fois [...] ;

- à la demande du médecin qui suit l'enfant malade (ou la personne malade ou handicapée), d'un fractionnement sous forme d'une ou plusieurs journées d'absence par semaine , voire de demi-journées.

De manière exceptionnelle, le congé pourra revêtir la forme d'une réduction horaire de la journée de travail de l'agent , par exemple lorsque la présence de l'agent auprès de l'enfant implique une arrivée tardive ou un départ anticipé du service ».

2. L'amendement de la commission des lois : étendre le dispositif au décès d'un enfant

En cohérence avec les amendements de la rapporteure de la commission des affaires sociales, la commission des lois souhaite autoriser les agents civils et militaires à donner des jours de repos à leurs collègues ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale .

Les modalités d'application de ce dispositif seraient précisées par un décret en Conseil d'État. Ce décret pourrait reprendre les règles d'encadrement prévues pour le don de jours de repos aux proches aidants et aux parents d'enfants malades.

Sur le plan pratique, la commission des lois invite le Gouvernement à simplifier les procédures pour encourager les agents publics à donner des jours de repos .

Certaines règles semblent, en effet, superfétatoires, comme la nécessité d'obtenir l'accord de son chef de service pour réaliser un don. Une simple obligation d'information pourrait suffire, sans remettre en cause le bon fonctionnement du service.

Sous réserve de l'adoption de son amendement,
la commission des lois a donné un avis favorable
à l'adoption de l'article 2.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MARDI 25 FÉVRIER 2019

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons maintenant, pour avis, la proposition de loi visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant, déposée par notre collègue député Guy Bricout et renvoyée au fond à la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Si la commission des lois a souhaité se saisir de ce texte, c'est pour permettre aux agents publics de bénéficier des mêmes garanties que les salariés de droit privé, face à une situation particulièrement douloureuse.

Pour information, en 2017, 6 500 jeunes de moins de 25 ans ont perdu la vie, dont 3 943 mineurs, mais il n'existe aucune donnée statistique concernant le nombre d'agents publics concernés.

Quel est le droit en vigueur pour les agents publics ? Lorsqu'ils perdent un membre de leur famille, ils peuvent bénéficier d'autorisations spéciales d'absence (ASA). Leur durée varie toutefois d'un versant à l'autre de la fonction publique.

Actuellement, les agents de l'État peuvent s'absenter pendant trois jours ouvrables en cas de décès de leur enfant, majorés de deux jours pour tenir compte des délais de transport pour se rendre aux obsèques. Ces autorisations d'absence constituent non pas un droit, mais une « simple mesure de bienveillance de la part de l'administration », comme le souligne une instruction ministérielle de 1950.

Dans les versants hospitalier et territorial, la durée des ASA est laissée à la libre appréciation des employeurs. Chaque collectivité territoriale délibère sur sa propre doctrine.

Pour sortir de l'hétérogénéité, faciliter la tâche des employeurs et prévoir une équité de traitement des agents publics, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique habilite le Gouvernement à préciser, par décret en Conseil d'État, la liste des ASA dans les trois versants ainsi que leurs conditions d'octroi. Ce décret est en cours de préparation et pourrait être publié au printemps 2020, après examen par le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

Les autorisations spéciales d'absence sont assimilées à un temps de travail effectif : les agents publics conservent leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits, notamment pour le calcul de leur ancienneté et de leur pension de retraite. Leurs jours d'absence ne génèrent toutefois aucun congé payé et les agents peuvent perdre certaines de leurs primes.

Ces garanties restent plus faibles que dans le secteur privé : les salariés bénéficient, de droit, d'un congé de deuil, dont la durée a été portée de deux à cinq jours en 2016. Il s'agit d'une durée minimale, qui peut être augmentée par un accord collectif au niveau de l'entreprise ou de la branche. Ce congé est pris en compte dans le calcul des congés payés.

Outre les autorisations spéciales d'absence, les agents publics qui perdent un enfant peuvent prendre des congés payés ou être placés en arrêt maladie. Dans ce dernier cas, leur premier jour d'arrêt - le jour de carence - est décompté de leur traitement. D'autres congés existent pour accompagner un enfant malade, avec une prise en charge partielle par l'assurance maladie : le congé de proche aidant, le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale. Les collègues peuvent également faire don d'une partie de leurs jours de repos aux parents d'un enfant malade et aux proches aidants. Ces dispositifs constituent des garanties essentielles pour les agents publics. Et s'inscrivant dans le cadre d'un parcours de soins, ils sont inadaptés en cas de décès brutal de l'enfant.

La proposition de loi déposée par notre collègue Bricout a été malmenée à l'Assemblée nationale. En accord avec le Gouvernement, les députés ont supprimé l'allongement de cinq à douze jours du congé de deuil dans le secteur privé. Ils ont privilégié des dispositifs alternatifs, notamment pour faciliter le don de jours de repos ou la prise de congés payés. De plus, ils ont négligé les 5,33 millions d'agents publics - fonctionnaires, contractuels et militaires - qui représentent pourtant 21 % de la population active.

Devant l'émoi suscité par les travaux de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a décidé de programmer rapidement l'examen de cette proposition de loi au Sénat afin de « revoir sa copie ». Aussi, je vous propose d'en profiter pour introduire des dispositions applicables aux trois versants de la fonction publique. Les employeurs publics que j'ai auditionnés semblent tout à fait favorables à cette démarche.

Je vous soumets deux amendements permettant d'offrir les mêmes garanties aux agents publics - fonctionnaires et contractuels - qu'aux salariés de droit privé. Ils s'inscrivent dans la même logique que les amendements déposés pour le secteur privé par notre collègue Élisabeth Doineau, rapporteure pour la commission des affaires sociales.

Le premier amendement introduit un article additionnel après l'article 1 er . Il prévoit de recourir aux autorisations spéciales d'absence en cas de décès d'un enfant sans qu'il soit besoin de créer de nouveaux congés. Plus simple sur le plan juridique, ce choix permet de couvrir toutes les catégories d'agents publics en même temps. À l'inverse, la création d'un congé par la loi n'aurait concerné que les fonctionnaires, pas les contractuels.

Par cohérence avec le secteur privé, les agents publics bénéficieraient d'une première autorisation spéciale d'absence de cinq jours ouvrables, quel que soit l'âge de l'enfant. Cette première ASA devrait être prise au moment du décès, sans possibilité de fractionnement.

Lorsque l'enfant est âgé de moins de 25 ans ou à charge au sens du code la sécurité sociale, les fonctionnaires et les agents contractuels bénéficieraient d'une seconde autorisation spéciale d'absence de dix jours ouvrables. Cette seconde ASA pourrait être fractionnée dans un délai de six mois à compter du décès. Les jours non consommés ne pourraient pas être reportés ni figurer dans un compte épargne-temps.

Au total, les agents publics qui perdent un enfant de moins de 25 ans ou à charge pourraient s'absenter pendant trois semaines de leur poste de travail. Cependant, conformément aux règles générales de la fonction publique, leur absence ne pourrait pas excéder 31 jours consécutifs, dans le cas de congés payés posés à la suite des ASA.

Ces autorisations spéciales d'absence seraient accordées de droit et assimilées à un temps de travail effectif, les agents conservant leur traitement indiciaire, ainsi que leurs droits à formation et à la retraite. Par cohérence avec le secteur privé, elles entreraient en compte pour le calcul des congés payés.

Cette mesure serait financée par les employeurs publics. La coordination des employeurs publics territoriaux semble d'accord. Le Gouvernement pourrait toutefois envisager une prise en charge partielle par la sécurité sociale, qu'il est le seul à pouvoir proposer en vertu des règles de recevabilité financière de l'article 40 de la Constitution.

Pourquoi fixer le seuil à 25 ans ? Initialement, la proposition de loi concernait uniquement les enfants mineurs. Faut-il fixer un autre seuil ? Comment le fixer ? Comment le justifier auprès des familles endeuillées ?

La commission des affaires sociales s'appuie sur un critère juridique : les étudiants peuvent rester rattachés au foyer fiscal de leurs parents jusqu'à l'âge de 25 ans. Et sur le plan sociologique, les chiffres de l'INSEE démontrent une mortalité importante entre 19 et 25 ans, avec 2 102 décès en 2017, contre 840 décès pour les mineurs âgés de 12 à 18 ans. Les jeunes sont les premières victimes des accidents de la route, de la drogue ou des suicides...

Pourquoi viser les enfants à charge au sens du code de la sécurité sociale ? Cette notion permet d'inclure les enfants qui, sans avoir de filiation directe avec les agents publics, sont à leur charge. Elle couvre notamment les enfants de leur conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin. C'est pourquoi, je vous propose de reprendre ces critères.

Le second amendement prévoit d'étendre le don de jours de repos au décès d'un enfant. La loi Mathys du 9 mai 2014 permet aux actifs de donner des jours de repos à un collègue qui assume « la charge d'un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ». Des décrets ont été pris en 2015 pour appliquer cette disposition aux agents publics civils et militaires.

En 2018, ce dispositif a été étendu aux proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap. Les décrets relatifs à la fonction publique ont été adaptés en conséquence.

Après accord de son chef de service, tout agent public peut donner un jour de repos à un collègue relevant du même employeur. Il peut même effectuer plusieurs dons sur une même année, au profit d'un ou de plusieurs bénéficiaires. Ces dons sont anonymes et sans contrepartie. Ils sont strictement encadrés : les agents doivent garder au moins 20 jours de congés payés ainsi que leurs jours de repos récupérateur.

Pour recevoir des dons de jours, le bénéficiaire doit confirmer par écrit son accord. Le congé est assimilé à une période de service effectif, le bénéficiaire conserve son droit à rémunération. La durée totale du congé est limitée à 90 jours par année civile et par enfant pour les agents civils et à 30 jours renouvelables pour les militaires.

Mon amendement autorise les agents civils et militaires à donner des jours de repos à leurs collègues ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens du code de la sécurité sociale. Les modalités d'application de ce dispositif seraient précisées par un décret en Conseil d'État. Ce décret pourrait reprendre les règles d'encadrement prévues pour le don de jours de repos aux proches aidants et aux parents d'enfants malades.

Cependant, il serait utile de simplifier les procédures pour encourager les agents publics à donner des jours de repos. Certaines règles semblent, en effet, superfétatoires, comme la nécessité d'obtenir l'accord de son chef de service. Une simple obligation d'information pourrait suffire, sans remettre en cause le bon fonctionnement du service. C'est ce que je me permettrai de suggérer au Gouvernement.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel après l'article 1 er

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-6 , que j'ai présenté dans mon intervention liminaire, allonge la durée des autorisations spéciales d'absence en cas de décès d'un enfant.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 2

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-7 autorise les agents civils et militaires à donner des jours de repos à leurs collègues ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens du code de la sécurité sociale.

L'amendement COM-7 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - Notre rapporteur défendra donc ces amendements lors de la réunion de la commission des affaires sociales, saisie au fond, qui aura lieu demain. Je propose de donner un avis favorable au texte, sous réserve de l'adoption de nos amendements.

Il en est ainsi décidé.

LES AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION DES LOIS

Article additionnel après l'article 1 er

Amendement COM-6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifiée :

1° L'article 21 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I.-  » ;

b) L'avant dernier alinéa est ainsi modifié :

- au début, est ajoutée la mention : « II.- » ;

- la seconde phrase est complétée par les mots : « , à l'exception de celles prévues à l'avant-dernier alinéa du présent II » ;

c) Après le même avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctionnaires bénéficient, de droit, d'une autorisation spéciale d'absence de cinq jours ouvrables pour le décès d'un enfant. Lorsque l'enfant est âgé de moins de vingt-cinq ans ou à charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, les fonctionnaires bénéficient, dans les mêmes conditions, d'une autorisation spéciale d'absence complémentaire de dix jours ouvrables, qui peut être fractionnée et prise dans un délai de six mois à compter du décès. » ;

d) Au dernier alinéa, les mots : « de ces » sont remplacés par les mots : « des » ;

2° Au II de l'article 32, les mots : « les deux derniers alinéas » sont remplacés par les mots : « le II ».

Article 2

Amendement COM-7

A.- Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

II.- Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article aux agents publics civils et militaires.

B.- En conséquence, alinéa 1

Insérer la mention :

I.-

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

M. Thierry Le Goff , directeur général

M. Julien Combot , adjoint au chef de Bureau de la protection sociale et des retraites

Direction générale des collectivités locales

M. Christophe Bernard , sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale

Madame Fanny Taillade , chargée d'études

Conseil supérieur de la fonction publique territoriale

M. Jean-Robert Massimi , directeur général


* 1 Sur un total de 606 274 décès constatés sur le territoire français en 2017.

Source : INSEE, focus n° 128 du 15 octobre 2018.

* 2 Rapport n° 2611 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, p. 5.

* 3 Contribution de Jean-Robert Massimi, directeur général du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).

* 4 Le temps de travail dans la fonction publique , rapport remis en mai 2016, p.69.

* 5 Article 45 de la loi n° 2019-828.

* 6 Article L. 3142-4 du code du travail.

* 7 Article 40 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 précitée.

* 8 Loi n° 2014-459 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade.

* 9 Rapport n° 456 (2013-2014) de Catherine Deroche fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade.

* 10 Source : direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

* 11 Le ministère de l'intérieur comptant environ 290 000 équivalents temps plein (ETP).

* 12 À titre d'exemple, la durée de l'absence ne peut pas être fixée par le dialogue social, faute d'accords de branche dans la fonction publique.

* 13 Compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, première séance du 30 janvier 2020.

* 14 Voir, par exemple, l'article 4 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux.

* 15 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

* 16 Les jours d'absence non consommés ne pourraient pas être reportés ni figurer dans le compte épargne-temps de l'agent.

* 17 Voire 21 ans pour le complément familial et les allocations logement.

* 18 Par cohérence avec l'article 2 de la proposition de loi et des amendements de la rapporteure de la commission des affaires sociales, qui procèdent à une telle extension dans le secteur privé.

* 19 Instruction de Pierre-Henri Teitgen, ministre d'État, pour l'application des dispositions du statut général des fonctionnaires relatives aux congés annuels et autorisations exceptionnelles d'absence.

* 20 Réponse ministérielle, publiée 13 novembre 1997, à la question écrite n° 01303 du sénateur Gilbert Chabroux.

* 21 Conseil d'État, 12 juillet 2006, Syndicat CGT des personnels de la préfecture de police , affaire n° 274628.

* 22 Circulaire du 31 mars 2017 relative à l'application des règles en matière de temps de travail dans les trois versants de la fonction publique.

* 23 Circulaire du 20 juillet 1982 relative aux autorisations d'absence pouvant être accordées au personnel de l'administration pour soigner un enfant malade ou pour en assurer momentanément la garde.

* 24 Article 59 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 25 Qui deviendront, d'ici 2022, des comités sociaux en application de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 26 Conseil d'État, 12 février 1997, affaire n° 125893.

* 27 Rapport remis à la ministre de la fonction publique en mai 2016, p. 69.

* 28 Loi n° 2019-828 précitée.

* 29 Article L. 3142-4 du code du travail.

* 30 Article 9 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 31 Article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 32 Article 40 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 précitée.

* 33 Définie par l'article L. 3142-16 du code du travail, cette notion inclut notamment les ascendants, les descendants et les personnes âgées ou handicapées avec lesquelles le bénéficiaire du congé « entretient des liens étroits et stables ».

* 34 Définie par le statut général de la fonction publique, cette notion inclut les ascendants, les descendants, les collatéraux et les personnes partageant le même domicile que le bénéficiaire du congé ou qu'ils ont désigné comme leur personne de confiance.

* 35 Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

* 36 Conformément à l'article R. 2213-33 du code général des collectivités territoriales, les obsèques doivent avoir lieu « vingt-quatre heures au moins et six jours au plus après le décès ».

* 37 Voir, par exemple, l'article 4 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux.

* 38 Article L. 3142-2 du code du travail.

* 39 Loi n° 2014-459 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade.

* 40 Décret n° 2015-573 permettant à un militaire le don de jours de permissions à un autre agent public parent d'un enfant gravement malade (aujourd'hui codifié aux articles R. 4138-33-1 à R. 4138-33-3 du code de la défense) et décret n° 2015-580 du 28 mai 2015 permettant à un agent public civil le don de jours de repos à un autre agent public.

* 41 Rapport n° 456 (2013-2014) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l13-456/l13-456.html .

* 42 Loi n° 2018-84 du 13 février 2018 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap.

* 43 Le donateur peut également faire un don sans bénéficiaire identifié et charger le service des ressources humaines de l'attribuer à un collègue dans le besoin.

* 44 Dans la plupart des cas, les agents disposent de 25 jours ouvrés de congés payés. Ils sont donc autorisés à transférer jusqu'à cinq jours à leurs collègues.

* 45 Ces jours de congé sont accordés aux agents dont les centres d'intérêts moraux et matériels se situent dans les territoires d'outre-mer.

* 46 Article 8 du décret n° 2015-580 du 28 mai 2015 précité.

* 47 Source : note de gestion du 21 janvier 2019 relative au don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade élargi aux bénéfices de proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap.

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